Burhan Ozbilici--, The Associated Press
TUZ, Turkey - Les grottes, étranges formations rocheuses et habitations troglodytes des paysages volcaniques de Cappadoce, en Turquie, attirent les touristes du monde entier. Mais au milieu de ces merveilles naturelles, la terre semble porteuse de mort à Tuzkoy, un village où près de la moitié des décès sont dus au mésothéliome, un cancer qui pourrait être causé par un minerai qu'on trouve en abondance dans la région.
Deux autres villages situés à proximité sont aussi touchés par ce phénomène et les autorités, alarmées, ont décidé d'évacuer les habitants et de les installer ailleurs. "Le projet, c'est de démolir le vieux village, de l'enterrer sous un mètre et demi de terre et de replanter par-dessus", explique le maire, Umit Balak.
Le gouvernement turc, toutefois, n'a pas pris de décision définitive: Tuzkoy pourrait être enseveli, recouvert de bitume, ou bien laissé à l'abandon après l'évacuation de tous les habitants.
Surnommé "le village du cancer" dans les médias, Tuzkoy a été déclaré zone dangereuse en 2004 et environ 250 familles ont déménagé, s'installant à 1,6 kilomètre du site. Le reste de la population, soit 2.350 habitants, devrait également partir quand de nouvelles maisons, dont la construction est financée par l'Etat, seront prêtes à les accueillir.
Le mésothéliome -un cancer qui affecte le revêtement des poumons ou de la cavité abdominale- est aussi un fléau dans les villages voisins de Sarihidir et Karain.
"Le nombre de cas de mésothéliome à Tuzkoy a été environ 600 à 800 fois supérieur à la moyenne mondiale", note Murat Tuncer, qui dirige le service de lutte contre le cancer au ministère turc de la Santé. Environ 48% des décès survenus dans les trois villages sont dus au mésothéliome. Cela représente à peu près un quart des 40 à 60 nouveaux cas de mésothéliome en Turquie chaque année, ajoute-t-il. Plusieurs centaines de personnes seraient mortes de ce cancer depuis les années 1980, quand les autorités ont commencé à prendre conscience de ce problème.
Les habitants de Tuzkoy auraient inhalé des fibres d'érionite -un minerai- dans des pierres et des peintures qu'ils utilisaient pour bâtir leurs maisons, ainsi que sur les routes et dans les champs.
L'érionite, qu'on trouve dans les pierres volcaniques, est classé dans le Groupe 1 des matériaux cancérigènes par l'Agence internationale de recherche sur le cancer (IACR), qui dépend de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cela signifie que c'est une substance qui cause le cancer, comme l'amiante, l'arsenic et le tabac.
Selon Izzettin Baris, professeur retraité ayant fait des recherches sur le mésothéliome dans la région, on trouve de l'érionite dans de nombreuses parties du monde, dont le Nevada, aux Etats-Unis.
"Dans la plupart de ces pays, les substances cancérigènes se trouvent généralement profondément sous terre. En Turquie, toutefois, elles sont très proches de la surface", souligne Izzettin Baris. "Et les gens prennent les pierres contenant de l'érionite et construisent des maisons avec."
Certains experts évoquent d'autres facteurs possibles concernant le taux élevé de cancer, notamment les prédispositions génétiques de certains villageois.
D'autres mettent également en cause les habitudes locales: "Les gens (...) passent toute la journée dans des cafés remplis de fumée", assure Muharrem Sevim, un agriculteur de 44 ans, père de trois enfants.
Il n'y a qu'un médecin, une infirmière et une sage-femme à Tuzkoy. Il y a deux cimetières dans le village, et tous les deux sont pleins. Un troisième cimetière est en cours d'ouverture.
"Nous sommes perdus avec toutes ces rumeurs", soupire Ismet Bilgen, mère de six enfants, et cinq fois grand-mère. "Je ne sais pas en quoi nous devons avoir confiance. Que Dieu nous aide!"
Les autorités sanitaires sont conscientes du problème depuis au moins deux décennies, et le gouvernement envisage de démolir le village depuis 1999. Mais des contraintes financières, des obstacles bureaucratiques et une série de gouvernements instables ont ralenti les efforts visant à répondre à ce problème depuis onze ans. Les autorités espèrent quand même que le "nouveau Tuzkoy" sera terminé d'ici fin 2011. AP
TUZ, Turkey - Les grottes, étranges formations rocheuses et habitations troglodytes des paysages volcaniques de Cappadoce, en Turquie, attirent les touristes du monde entier. Mais au milieu de ces merveilles naturelles, la terre semble porteuse de mort à Tuzkoy, un village où près de la moitié des décès sont dus au mésothéliome, un cancer qui pourrait être causé par un minerai qu'on trouve en abondance dans la région.
Deux autres villages situés à proximité sont aussi touchés par ce phénomène et les autorités, alarmées, ont décidé d'évacuer les habitants et de les installer ailleurs. "Le projet, c'est de démolir le vieux village, de l'enterrer sous un mètre et demi de terre et de replanter par-dessus", explique le maire, Umit Balak.
Le gouvernement turc, toutefois, n'a pas pris de décision définitive: Tuzkoy pourrait être enseveli, recouvert de bitume, ou bien laissé à l'abandon après l'évacuation de tous les habitants.
Surnommé "le village du cancer" dans les médias, Tuzkoy a été déclaré zone dangereuse en 2004 et environ 250 familles ont déménagé, s'installant à 1,6 kilomètre du site. Le reste de la population, soit 2.350 habitants, devrait également partir quand de nouvelles maisons, dont la construction est financée par l'Etat, seront prêtes à les accueillir.
Le mésothéliome -un cancer qui affecte le revêtement des poumons ou de la cavité abdominale- est aussi un fléau dans les villages voisins de Sarihidir et Karain.
"Le nombre de cas de mésothéliome à Tuzkoy a été environ 600 à 800 fois supérieur à la moyenne mondiale", note Murat Tuncer, qui dirige le service de lutte contre le cancer au ministère turc de la Santé. Environ 48% des décès survenus dans les trois villages sont dus au mésothéliome. Cela représente à peu près un quart des 40 à 60 nouveaux cas de mésothéliome en Turquie chaque année, ajoute-t-il. Plusieurs centaines de personnes seraient mortes de ce cancer depuis les années 1980, quand les autorités ont commencé à prendre conscience de ce problème.
Les habitants de Tuzkoy auraient inhalé des fibres d'érionite -un minerai- dans des pierres et des peintures qu'ils utilisaient pour bâtir leurs maisons, ainsi que sur les routes et dans les champs.
L'érionite, qu'on trouve dans les pierres volcaniques, est classé dans le Groupe 1 des matériaux cancérigènes par l'Agence internationale de recherche sur le cancer (IACR), qui dépend de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cela signifie que c'est une substance qui cause le cancer, comme l'amiante, l'arsenic et le tabac.
Selon Izzettin Baris, professeur retraité ayant fait des recherches sur le mésothéliome dans la région, on trouve de l'érionite dans de nombreuses parties du monde, dont le Nevada, aux Etats-Unis.
"Dans la plupart de ces pays, les substances cancérigènes se trouvent généralement profondément sous terre. En Turquie, toutefois, elles sont très proches de la surface", souligne Izzettin Baris. "Et les gens prennent les pierres contenant de l'érionite et construisent des maisons avec."
Certains experts évoquent d'autres facteurs possibles concernant le taux élevé de cancer, notamment les prédispositions génétiques de certains villageois.
D'autres mettent également en cause les habitudes locales: "Les gens (...) passent toute la journée dans des cafés remplis de fumée", assure Muharrem Sevim, un agriculteur de 44 ans, père de trois enfants.
Il n'y a qu'un médecin, une infirmière et une sage-femme à Tuzkoy. Il y a deux cimetières dans le village, et tous les deux sont pleins. Un troisième cimetière est en cours d'ouverture.
"Nous sommes perdus avec toutes ces rumeurs", soupire Ismet Bilgen, mère de six enfants, et cinq fois grand-mère. "Je ne sais pas en quoi nous devons avoir confiance. Que Dieu nous aide!"
Les autorités sanitaires sont conscientes du problème depuis au moins deux décennies, et le gouvernement envisage de démolir le village depuis 1999. Mais des contraintes financières, des obstacles bureaucratiques et une série de gouvernements instables ont ralenti les efforts visant à répondre à ce problème depuis onze ans. Les autorités espèrent quand même que le "nouveau Tuzkoy" sera terminé d'ici fin 2011. AP