Mots-clés: pudeur, jeune fille, pudeur féminine
Comment préserver les apparences sous le voile des conventions ? Jean-Claude Bologne explore la pudeur féminine.
Pudeur féminine |
La pudeur féminine remonte à la plus haute antiquité. Même si l'orgiaque Satiricon de Pétrone fouettait la libido, les Romains étaient d'une pudeur vétilleuse, et la matrone, épouse de haut rang, se devait, en place publique, d'être voilée tandis qu'à Sparte des théories de jeunes filles dansaient nues dans le stade sans la moindre lascivité.
Dans cette passionnante enquête à travers les cultures, Jean-Claude Bologne explore l'histoire du "voile immatériel", cette pudeur dont les femmes se parent. Le christianisme occulte la nudité féminine et l'on sait que la pucelle d'Orléans, avec ses habits d'homme, est accusée de se conduire "sans vergogne". Mais le meilleur voile est invisible, il ombrage de pudeur et de décence la femme honnête, et une coiffe humble atteste la "honte de méfaire". Face à Eve, la séductrice, se tient Marie, la mère de Dieu, qui jette sur le monde dégradé par le péché originel un voile invisible tissé de sainteté. Portant un manteau bleu, couleur précisément mariale, elle purge le monde de l'obscénité.
Comme le montre l'auteur, la pudeur féminine est liée au regard de l'homme. Au point que le XIXe siècle célèbre la jeune fille qui sait résister à l'insistance mâle. Plus mûre, La femme de trente ans (Balzac) ne cède pas aux avances cavalières. Ce voile de pudeur est bien dur à porter et l'on inventorie un univers de contraintes qui corsète la femme dans une posture décente. Dans un dîner, il est de bon ton de masquer une trop jolie gorge avec un petit mouchoir. Mais n'est-ce pas là désigner l'objet même du délit ? Dans ce même siècle bourgeois, c'est le droit qui dicte les conduites. Ainsi, le code Napoléon érige un "mur de la pudeur" entre moeurs privées et vie publique. Si dans la chambre des époux la liberté triomphe, l'espace public exige une conduite irréprochable. L'"outrage public à la pudeur", pudeur institutionnelle sans témoin réel, est sanctionné, au point qu'une persienne mal obturée ou un sein trop voyant au théâtre supposent toujours un homme honteusement sollicité. Aujourd'hui, après les vagues banalisées du naturisme, des seins nus à la plage et de l'exhibitionnisme normatif, la pudeur semble reprendre ses droits car Eros, enfin révélé, se cache pour mieux se dévoiler. Le désir est à ce prix, entre le string qui dépasse et la sinistre burqa.