Vatican. La question des chrétiens d'Orient au cœur du dernier synode.
Annie Laurent : “Les chrétiens pris pour cibles”
Annie Laurent était experte auprès du synode sur l’Église catholique au Moyen-Orient. Elle publie “Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ?” (éditions Salvator) et répond à nos questions.Quels ont été les thèmes les plus forts des deux semaines de synode ? Il s’agissait d’envisager comment parvenir à une meilleure unité des catholiques ressortissants de dix-sept pays (treize États arabes, Iran, Turquie, Chypre et Israël) en vue de rendre l’Évangile plus crédible et attrayant dans cet environnement troublé par le conflit israélo-palestinien, l’islamisme, le chaos en Irak et l’intolérance turque, mais aussi par des divisions entre les chrétiens, y compris entre les catholiques.
Qu’ont dit les évêques présents ? Rejetant le concept de laïcité, inapplicable dans leur région, ils préfèrent demander au gouvernement de leur pays la mise en oeuvre d’une citoyenneté égalitaire, le respect de la dignité de la personne humaine et la garantie de la liberté religieuse. Ils revendiquent le droit de participer pleinement à la vie de leur société.
Et leur identité chrétienne ? Elle a été aussi au cœur des débats, avec la nécessité d’une formation solide des baptisés. Bien entendu, les rapports avec les orthodoxes, les protestants, les juifs et les musulmans ont été examinés. Des délégués fraternels relevant de ces religions ont été invités à s’exprimer devant l’assemblée. Le dialogue avec tous est apparu comme une nécessité vitale pour les chrétiens.
Dans quel but ? Pour trouver des solutions afin d’enrayer l’exode qui risque de voir à terme le berceau du christianisme se transformer en champ de pierres mortes, faute de fidèles.
Mais que ressort-il de ces travaux ? Ces réflexions ont été reprises dans un long message adressé par les évêques à leurs fidèles, et dans 44 propositions qui permettront à Benoît XVI de rédiger une exhortation apostolique, laquelle engagera l’Église universelle. Ce document devrait paraître dans quelques mois.
Le pape a-t-il été réellement présent ? Oui, très présent, ouvrant les séances par une prière avec l’assemblée. Nous l’avons vu très attentif à lire les textes, à écouter les interventions orales. Il n’a pris la parole que dans ses homélies, lors des messes d’ouverture et de clôture. Il ne s’est prononcé personnellement sur aucun des sujets traités. Il a aussi présidé un déjeuner festif auquel le Vatican avait convié tous les participants au synode.
Y étiez-vous ? Oui, bien sûr, avec tous les experts, environ 300 personnes.
Au bilan, quels sont les pays où les chrétiens sont les plus menacés ? La situation dramatique en Irak a été à l’origine de la convocation de ce synode. Il y avait urgence. En sept ans, ce pays a perdu plus de la moitié de ses chrétiens : leur nombre est passé d’environ un million à 400 000 personnes. Les violences qu’ils subissent résultent de l’impuissance de l’État à assurer la sécurité de tous ses citoyens et de la confusion que font souvent les musulmans entre christianisme et Occident. Pour protester contre la politique des grandes puissances, ces musulmans font de leurs compatriotes chrétiens des boucs émissaires.
Et ailleurs ? Le synode a mis en évidence la situation très difficile que connaissent les centaines de milliers de chrétiens immigrés dans les pays de la péninsule arabique (Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Yémen…) où ils sont exploités, privés de nombreux droits, dont la pratique cultuelle. En Arabie Saoudite, ils ne peuvent même pas être enterrés, sous peine de souiller la terre de l’islam ! Ces traitements sont d’autant plus injustes que ces travailleurs contribuent à la prospérité des pays concernés. Au-delà des violences physiques ou morales, les chrétiens de tous ces pays vivent dans une angoisse existentielle sans précédent. L’Église veut les aider à assumer cette précarité.
Propos recueillis par Frédéric Pons