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Que deviennent les aides culturelles françaises à Haïti ? Par Thierry Leclère

LE MONDE BOUGE - Que sont devenues les promesses d’aides culturelles de la France à destination d’Haïti, le “seul peuple de peintres”, comme disait André Malraux ? Huit mois après le séisme, le bilan avancé par le ministère de la Culture est décevant, malgré les efforts de Culturesfrance. Sur le terrain, des ONG très réactives, comme Bibliothèques sans frontières, entrent heureusement dans une phase concrète de réalisation.

L'actualité est impitoyable : les inondations au Pakistan succèdent aux glissements de terrain en Chine qui eux-mêmes font passer au second plan le tremblement de terre du 12 janvier en Haïti, etc. Logique et, en même temps, effrayant. Raison de plus pour regarder un peu en arrière : les Haïtiens ont besoin de toits, d’écoles et d’équipements de santé, mais aussi de loisirs et de culture. Huit mois après le séisme, les promesses de l’Etat français ont encore bien du mal à se traduire en actes malgré l’énergie du jeune ambassadeur de France à Port-au-Prince, Didier Le Bret, qui facilite nombre d’opérations en cours, qu’elles soient publiques ou privées. Voici ce que l'on a pu recenser pour l'instant.

Ministère de la Culture
Le voyage de trois jours de Frédéric Mitterrand, en juin, a confirmé un programme d’aides, mais bien en deçà de ce qu’on pouvait attendre de la France (l’ancienne puissance coloniale chante tellemenet l’ode à la culture haïtienne et à ce vivier d’écrivains qui produisent le plus souvent dans notre langue).

A titre d’exemple, la réhabilitation du cinéma-théâtre Le Triomphe, désaffecté depuis longtemps, coûterait de 7 à 9 millions d’euros. Mais l’Etat français, qui annonce glorieusement ce projet (lire le discours du ministre, le 22 avril), n’en assurera probablement, restrictions budgétaires obligent, qu’une petite partie du financement. Le ministère préfère communiquer sur la restauration – certes symbolique, mais somme toute modeste – du tableau Le Serment des ancêtres, grande fresque abîmée lors de l’effondrement du palais présidentiel (le tableau, peint en 1922 par le Français Guillaume Guillon Lethière, représente la rencontre entre le général noir Jean-Jacques Dessalines, lieutenant de Toussaint Louverture, et le chef des mulâtres, Alexandre Pétion. Une alliance qui mènera à l’indépendance d’Haïti, en 1804).

Culturesfrance
L'association dépendant des ministères des Affaires étrangères et de la Culture, chargée de promouvoir la culture française dans le monde, avait lancé, dès 2007, le programme Caraïbes en créations et soutenait déjà un certain nombres d’artistes haïtiens. Elle a ouvert, depuis le séisme, une douzaine de résidences d’artistes pour accueillir pendant quelques mois des créateurs en France. L’association promet notamment 30 000 € pour transformer l’ancien espace abîmé de l’Institut français à Port-au-Prince en lieu de travail pour les artistes.

Culturesfrance lance aussi à partir d’octobre le programme « 100 titres pour Haïti ». Il prévoit la reconstitution de catalogues de littérature haïtienne, avec l’édition, sur 3 ans, de 100 titres de référence de la littérature haïtienne (fiction et non fiction) et leur diffusion « à prix adapté » au marché local.

BNF
La Bibliothèque nationale de France va faire un don de 5 000 ouvrages de référence d'ici la fin de l'année et de 30 000 autres livres à terme pour la Bibliothèque nationale d'Haïti et des bibliothèques universitaires.

ONG
Du côté des organisations non gouvernementales, les initiatives sont nombreuses, parfois désordonnées et manquant de relais efficaces sur place. Parfois sérieuses, comme celle de Bibliothèques sans frontières, qui travaille sur le terrain depuis 2008. L’association présidée par le chercheur au CNRS Patrick Weil a lancé cet été un ambitieux programme : des ateliers de lecture et la mise en service de bibliobus dans les camps de déplacés. A plus long terme, Bibliothèques sans frontières compte aider à la création d’une bibliothèque municipale centrale à Port-au-Prince.
A destination des étudiants, l’ONG envisage aussi d’ouvrir un campus numérique, permettant l’accès à des cours en ligne.

« Les projets qui marchent le mieux sont en général initiés par des structures qui étaient déjà présentes avant le séisme et qui ont donc – c’est le point essentiel – de bons relais sur place », remarque la réalisatrice de documentaire Anne Lescot, qui fait un gros travail de recension des initiatives au sein du Réseau culture Haïti, un outil précieux.

Enfin, dernière initiative en date, à Paris : la vente aux enchères de 700 œuvres contemporaines (Hervé Télémaque, Gérard Fromager, Hervé Di Rosa, la photographe Françoise Huguier…) au profit d’artistes haïtiens. Cette vente aura lieu le 23 septembre à l’hôtel Salomon de Rothschild (Paris 8e). Vous pouvez voir les œuvres dès ce week-end ; elles sont exposées (jusqu’au 22 septembre) au 182, rue Saint-Honoré (Paris 1er) dans des locaux du ministère de la Culture.