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"Pourquoi le christianisme fait scandale", de Jean-Pierre Denis : chrétiens, parlez haut !

Il y a de la colère, de l'érudition, de la conviction et, aussi, beaucoup de foi dans cet essai-là. Jean-Pierre Denis, le directeur de la rédaction de l'hebdomadaire La Vie (groupe Le Monde), signe un manifeste dense qui trouve une résonance particulière dans l'actualité de ces dernières semaines. Convaincu que le christianisme représente aujourd'hui une "contre-culture" agissante, il revendique pour les chrétiens le droit de parler haut.

Les critiques d'une partie de la hiérarchie catholique et d'associations chrétiennes face aux expulsions de Roms et au durcissement de la politique sécuritaire du président de la République sont donc tombées à point nommé pour conforter la thèse de Jean-Pierre Denis. "Citoyen critique" sans être "ennemi de la République", le chrétien se doit d'être un "objecteur de conscience". Loin d'une lecture "radicale" de la laïcité que dénonce l'auteur, il revient au croyant de concilier "l'esprit de religion avec l'esprit de liberté".

Tour à tour philosophe, historien, théologien, mystique, au risque d'une certaine confusion pour le lecteur, le journaliste retrace le lent affaiblissement du christianisme, l'inexorable sécularisation des sociétés occidentales et le passage dans la postmodernité. Jean-Pierre Denis puise dans cette évolution la source de son optimisme, se démarquant de ces croyants inquiets de voir "leur" monde s'évaporer et tentés par un repli sur la "tradition".

Devenue la norme des sociétés occidentales, la contre-culture des années 1960 a renvoyé aux marges la culture chrétienne, jusqu'alors dominante, défend l'auteur. Or, ajoute-t-il, "cette culture qui a rejeté le christianisme à sa périphérie semble elle-même en cours d'implosion". D'où le créneau de nouveau largement ouvert pour le message chrétien sur ces "champs de ruines". "Ce qui a atteint (le christianisme) ne l'a pas détruit, plutôt affaibli comme une maladie point mortelle, et obligé à se ressaisir, enrichi d'une expérience qui est une forme de résilience culturelle."

"Avant-postes"

Aujourd'hui, défend l'auteur non sans lyrisme, "le christianisme apparaît non seulement comme l'une des seules instances critiques (la seule ?) mais aussi comme l'une des seules forces (la seule) à porter le souci d'une réunification de notre culture". "La contre-culture chrétienne reste la seule à pouvoir formuler une critique synthétique des dérives d'une civilisation qui privilégie systématiquement les biens payants plutôt que les liens gratuits, la consommation plutôt que la contemplation, et la prédation plutôt que la préservation, et ce de la conception de l'homme aux frontières du cosmos."

Aux "vérités molles et bavardes" de notre temps, marqué par le relativisme, l'individualisme ou le matérialisme dénoncés de manière récurrente par le pape Benoît XVI, l'auteur oppose le "Verbe" du christianisme. Reprenant la dernière encyclique du pape sur la doctrine sociale, il met en avant la culture du don et de la gratuité face à la marchandisation. L'auteur assure que sur de tels sujets l'Eglise catholique, loin de son discours moralisateur et ringard, peut être aux "avant-postes".

Enthousiaste, Jean-Pierre Denis n'occulte pas pour autant les pans sombres de l'histoire du christianisme. Il pointe les écueils auxquels il est confronté, notamment le repli identitaire flirtant avec l'intégrisme. "S'il devient idéologue, le christianisme sera renvoyé aux vides de l'espace et au silence infini des civilisations disparues", prévient-il.