PROPOS RECUEILLIS PAR BÉRANGÈRE BARRET
Comment la philosophie traite-t-elle de l'idée du corps ?
Quand ce sont des métaphysiciens, ils se demandent quels sont les rapports entre le corps et l'esprit, en étant un peu plus sûr de ce que signifie « corps » que « esprit ». Car qu'est-ce que l'esprit ? L'âme ? la conscience ? Personne ne sait vraiment, malgré deux mille ans de philosophie. Quand ce sont des moralistes, ils se demandent plutôt : sommes-nous propriétaires de notre corps ? Pouvons-nous en faire tout ce que nous voulons, y compris le détruire si ça nous chante ? Personnellement, je me pose la question morale. Je laisse la métaphysique de côté.
Une différence de perception du corps existe-t-elle entre hommes et femmes ?
>> C'est une division en deux classes que j'ai du mal à accepter. J'ai tendance à penser qu'il existe une gamme très large de perceptions de son propre corps et du corps des autres. Toute la question est de savoir comment respecter cette diversité. Comment ne pas la réduire à une opposition binaire entre hommes et femmes ?
Quelles questions morales soulève la pratique de la prostitution ?
>> Comme le seul principe qui compte pour moi en éthique, c'est ne pas nuire aux autres, ce que je me demande à propos des travailleurs sexuels, c'est : est-ce qu'ils nuisent aux autres ?
Est-ce qu'on leur nuit ? Ma réponse, c'est que les travailleurs sexuels ne nuisent à personne. Ils ont pour objectif professionnel de donner du plaisir. De ce point de vue, la prostitution ne pose aucun problème moral. Le problème moral c'est qu'on leur nuit beaucoup, alors qu'ils ne font rien de mal. L'État et sa police, les proxénètes violents et même les citoyens qui les stigmatisent leur causent des torts injustes.
Vous-même, considérez-vous que la prostitution est un service à la personne comme un autre ?
Il y a des différences de pratique professionnelle, bien sûr, entre travailleur sexuel et masseur par exemple. Mais il y en a aussi entre kiné, masseur, nourrice ou coiffeur. Cela n'empêche pas tous ces métiers d'appartenir à la même famille : celle des services corporels.
Quid de l'esclavage ou de l'appropriation du corps d'un autre ?
>> Elle est évidemment une expression extrême des torts que des humains peuvent causer à d'autres humains. Il ne faut pas confondre la question de l'esclavage et celle de la mise à la disposition d'autrui de son corps dans le but de recevoir quelque chose en échange : de l'amour, des biens matériels...
Pourquoi la société a-t-elle posé un abîme moral entre don et vente lorsqu'il s'agit du corps ?
Cela n'a pas toujours été le cas. Sous l'ancien régime, il était interdit de se donner au premier venu que ce soit pour de l'argent ou gratuitement. Aujourd'hui, se donner gratuitement au premier venu n'est plus un crime alors que le faire pour de l'argent peut en être un. Il n'y a aucune bonne justification philosophique à cette différence de traitement. Il devrait être permis de se donner au premier venu quels que soient nos raisons et les bénéfices que nous voulons tirer de la relation !
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