Les crucifix italiens sont soutenus par les pays d’Europe centrale et de l’Est. La bataille de l'identité européenne change de visage. C’est ce qui ressort d’une analyse de l’ECLJ (European centre for law and justice) qui fait le point sur l’affaire Lautsi.
Alors que l’Italie a fait appel de sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) devant la Grande Chambre de la Cour de Strasbourg, appel entendu le 30 juin dernier (cf. notre analyse, Décryptage, 25 juin 2010), on attend ce nouveau jugement pour l’automne. La précédente condamnation reposait sur le motif que la présence des crucifix dans les salles de classe d’écoles publiques violerait les « droits de l’homme » et plus précisément la liberté de conviction des parents d’élèves et leur droit à ce que leurs enfants reçoivent un enseignement conforme à leurs convictions philosophiques.
Pour l’ECLJ, ce « conflit oppose les partisans de la sécularisation complète de la société et les tenants d’une Europe ouverte et fidèle à son identité profonde ». Pour son directeur, Grégor Puppinck, « la Cour affirme dans l’arrêt Lautsi qu’une société, pour être démocratique, doit renoncer à son identité religieuse : c’est du pur sécularisme ».
Mais le point de vue de la CEDH n’est pas partagé par tous. A la suite du premier jugement, l’Italie avait bénéficié du soutien de dix pays « tiers intervenants » (amicus curiae) qui avaient chacun adressé à la Cour un mémoire écrit l’invitant à revenir sur sa première décision : l’Arménie, la Bulgarie, Chypre, la Grèce, la Lituanie, Malte, Monaco, la Roumanie, la Fédération de Russie et Saint-Marin.
Ces oays ont été rejoints par les gouvernements de l’Albanie, de l’Autriche, de la Croatie, de la Hongrie, de la Moldavie, de la Pologne, de la Serbie, de la Slovaquie et de l’Ukraine pour réclamer que les identités et traditions religieuses nationales soient respectées, a fortiori quand cette identité religieuse est à la source des valeurs et de l’unité européennes.
Fait remarquable, cette coalition regroupe presque toute l’Europe centrale et orientale. Ce phénomène met en lumière une division de l’Europe sur la conception de son identité et de ses racines. Si l’Ouest a depuis longtemps pris le parti de la sécularisation, et donc de la « déchristianisation », ce n’est pas le cas de l’Est qui, passé le cap de la démocratisation, s’installe dans un mouvement de réaffirmation identitaire en s’appuyant notamment sur le catholicisme, plus largement sur le christianisme. Le poumon oriental de l'Europe s’oppose à l’Ouest dans l’affaire Lautsi, pour la défense de la culture chrétienne et d’une juste conception de la liberté religieuse.
Une dynamique d’Est en Ouest qui met en échec les théoriciens de l’unité européenne qui parlent plus souvent de « conquête de l’Est ». Un fait que ne manque pas de souligner Grégor Puppinck : « Manifestement, les défenseurs de la liberté face au matérialisme ne sont plus là où ils étaient. »
En tout, c’est donc une vingtaine de pays (moins de la moitié du Conseil de l’Europe qui regroupe 47 pays membres) qui se sont exprimés en faveur de l’Italie, et ont réaffirmé la légitimité particulière du christianisme dans la société et l’identité européenne. L’ECLJ, optimiste, n’hésite cependant pas à déclarer : « Si, juridiquement, l’Italie n’a pas encore gagné, politiquement, elle a de fait déjà remporté une victoire magistrale. »