Le dernier numéro des « Documents Épiscopat » s’interroge sur le défi que représente pour l’Église catholique le succès des nouvelles formes de christianisme, en particulier les courants évangéliques et pentecôtistes
Les Églises évangéliques et pentecôtistes rassembleraient aujourd’hui 400 millions de personnes dans le monde. Cette montée en puissance du « christianisme de conversion » interroge les Églises traditionnelles, en perte de vitesse depuis quarante ans. « Faut-il changer de style et prendre ces nouvelles communautés pour modèle ? », s’interroge le dernier numéro des Documents Épiscopat (1), le bulletin du secrétariat de la Conférence des évêques de France.
Installé depuis quinze ans en banlieue, à Cergy (Val-d’Oise) puis maintenant à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), son auteur, le P. Étienne Grieu, a constaté le pouvoir d’attraction de ces courants. « À Cergy, j’ai connu plusieurs catholiques devenus évangéliques et pourtant je trouvais la paroisse catholique là-bas très vivante. Cela m’a posé question », raconte le jésuite, qui a également observé l’expansion évangélique au cours d’un séjour en Amérique latine en 2003-2004.
Ce succès, il l’attribue à cinq grands traits distinctifs : une prédication tranchante (avec des messages clairs comme « Le Christ te sauve », « Dieu peut transformer ta vie »), l’importance donnée à la conversion personnelle, le souci de marquer la différence chrétienne, l’accent mis sur le témoignage, et enfin des communautés à l’ambiance chaleureuse et fraternelle. Autant de caractéristiques qui honorent la subjectivité du croyant, là où nos contemporains jugent souvent les Églises traditionnelles trop « institutionnelles ».
"Réveiller les trésors enfouis"
Pour autant, « la frontière n’est pas étanche entre ces deux types de christianisme », tempère le P. Grieu, qui cite le succès des mouvements charismatiques au sein de l’Église catholique, mais aussi des courants traditionalistes sensibles à l’expérience personnelle, à des repères clairs et forts et « peu soucieux, finalement, des logiques institutionnelles ».
Dès lors, le défi majeur pour l’Église catholique est selon lui d’entendre la soif spirituelle qui s’exprime dans ces nouvelles formes du christianisme sans pour autant tomber dans leurs travers, en cédant par exemple à la tentation d’une vision simpliste du monde ou d’un repli sur soi sectaire. « Nos Églises traditionnelles ne doivent pas se satisfaire seulement de la présence des gens aux événements qu’elles organisent mais elles doivent aider chacun à vivre une relation personnelle avec le Christ », préconise Étienne Grieu.
Pour l’Église, cela implique par exemple de « réveiller les trésors enfouis » que sont ses grandes traditions spirituelles (augustinienne, bénédictine, franciscaine, carmélitaine, ignatienne…). Loin de conclure à la fin du modèle « multitudiniste » (une Église accueillant toute personne professant Jésus-Christ), le document esquisse des pistes pour sa « laborieuse et difficile réinvention ».
Céline HOYEAU