Pour expliquer ce qu’est le transhumanisme, le spécialiste Kyle Munkittrick prend pour modèles quatre célèbres super-héros.
le transhumanisme, c’est quoi ? L’une de mes meilleures réponses consiste à expliquer les trois catégories d’“homme” : les posthumains critiques, les posthumains transcendants, et les transhumains.
Les posthumains critiques. C’est ce que nous sommes tous. Selon ce courant intellectuel (le posthumanisme), l’idée que l’être humain est un être naturel et dénué de toute technologie est fausse. Nous sommes surtout humains lorsque nous utilisons la technologie, en nous modifiant nous-mêmes et notre environnement.
Les posthumains transcendants, ce que la plupart d’entre nous souhaiteraient être : impeccables, immortels avec une part de divinité en nous et des capacités si grandes qu’elles en sont inimaginables.
Les transhumains. C’est ce que nous sommes en train de devenir, et ce que j’étudie. La nanotechnologie, la transplantation d’organes, l’ingénierie génétique, les médicaments d’amélioration cognitive, le clonage et les médicaments anti-âge sont un échantillon des technologies nous permettant de dépasser nos limites biologiques.
Des super-héros en exemple
Bien qu’elle soit techniquement correcte et qu’elle donne une bonne idée du problème en question, cette réponse entraîne des perceptions erronées et déclenche des réactions comme : « Oh non, le clonage ! C’est terrible ! » J’ai donc cherché des exemples artéfacts culturels que les gens apprécient et qui illustrent le transhumanisme. Dorénavant j’utilise la culture pop lorsque quelqu’un m’en demande une définition. Je m’appuie sur des super-héros tels que Batman, Iron Man, Spider-Man et Superman.
Il ne s’agit pas de trouver l’exemple parfait, mais d’ancrer cette idée nouvelle dans l’esprit des gens. Commençons avec Bruce Wayne et son alter ego, Batman. Bruce Wayne est celui qui se rapproche le plus de l’idée que l’on se fait d’un homme parfait. Il est naturellement brillant, athlétique et talentueux. Grâce à une excellente éducation et aux meilleurs entraînements possibles, il a pu développer ses capacités naturelles. Puis il enfile son masque et son costume. Il a alors à sa disposition une technologie plus développée que n’importe quelle armée, un arsenal de gadgets faits sur mesure, un important réseau de surveillance. Batman est fort, intelligent, rapide et agile… mais dans les limites de son statut d’homme. Il demeure plus lent qu’un cheval, plus faible qu’un gorille : il peut tomber malade ou souffrir d’une indigestion, il guérit lentement, il vieillit et finira par mourir. Bruce Wayne en tant que Batman représente la condition humaine sous son meilleur jour. C’est un super-héros, incapable de devenir transhumain. Par conséquent, Batman représente la phase actuelle de l’humanité.
Iron Man et Spider-Man représentent les deux facettes de la transhumanité. L’ADN de Peter Parker (Spider-Man) est modifié par l’ADN d’une araignée. Lui donnant une force et une agilité surhumaines, des capacités spéciales ( projeter des toiles et grimper aux murs) et même un sixième sens. Malgré l’entraînement intensif de Batman et ses prouesses physiques, Spider-Man est plus fort, meilleur et plus rapide grâce aux transformations biologiques qu’il a subies.
Si Spider-Man est le représentant de la transhumanité biologique, Iron Man est incontestablement le représentant de la transhumanité technologique. Tony Stark est un cyborg à part entière : sans son cœur artificiel, il mourrait. Lorsqu’il enfile son costume d’Iron Man, Stark constitue une armée à lui seul. Il s’unit avec la technologie, ce qui illustre comment celle-ci peut fonctionner en harmonie avec la biologie pour améliorer et protéger un corps vulnérable.
Tous ces hommes restent foncièrement humains. Peter Parker est ringard. Il est pauvre, éperdument amoureux de sa voisine Mary Jane, et a du mal à faire les bons choix. Tony Stark est alcoolique, homme à femmes et ne prend pas toujours les meilleures décisions. Bien qu’étant plus “évolués” que Batman, Stark et Parker demeurent confrontés à des problèmes bien humains. Leur mémoire n’est pas parfaite, ils sont émotifs et sujets aux éclats de colère ou à la tristesse. Tous les trois sont des super-héros, mais aucun d’entre eux n’est posthumain.
Au-delà de l’humanité
Superman, en revanche, l’est. Il mûrit à la même vitesse que les êtres humains mais vieillit moins vite. Il ne tombe pas malade et ne souffre jamais (hormis en présence de kryptonite). Il peut survivre dans l’espace, lancer des rayons laser avec ses yeux, voler, voir à travers les murs, arrêter les balles, geler les rivières et soulever des montagnes. Superman n’est pas transhumain, il a dépassé ce niveau.
Le grand enjeu émotionnel pour Superman, c’est de prétendre être humain. Il doit se montrer vulnérable, faire semblant d’être lent et maladroit. Il est le parfait scout du monde des comics américains, toujours capable de faire les bons choix et d’agir comme il faut. Il est tellement puissant et sa vie tellement facile qu’il n’est pas distrait par les petits problèmes humains que peuvent connaître d’autres super-héros. Tout cela place Superman bien au-delà de l’humanité. Il est l’exemple même de la posthumanité.
Kyle Munkittrick
Extrait du journal h + Magazine, Santa Monica (États-Unis)
Publié le 08/08/2010