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Dieu n’a pas créé l’univers ! a dit le prophète Hawking

Voici un livre dont les médias vont certainement parler, bien qu’il ne soit pas traduit en français, ce qui ne saurait tarder. Celui qu’on présente comme le successeur d’Einstein, Stephen Hawking, vient de publier son dernier livre au titre facétieux, the grand design, allusion à l’intelligent design, sauf que ce livre défend une thèse opposée, à savoir que l’univers n’a pas besoin d’un Dieu, ni d’une « intelligence divine », pour se créer. Il a suffit d’un billet dans le Time pour que la bonne nouvelle soit répercutée dans les médias. L’univers n’a pas besoin de Dieu ! C’est ce qu’on peut lire sur le Net ce 3 septembre (3/9 !) de Yahoo au Monde en passant par une multitude de sites d’info en ligne. Cette phrase est bien évidemment « stupide » mais elle résonne de tout son poids de buzz et d’ailleurs, le rapport entre la physique et Dieu est une vieille histoire, depuis le premier moteur d’Aristote revisité par Saint Thomas, jusqu’au jugement dernier de Hawking, en passant par Newton et son grand architecte, l’abbé Lemaître et son big bang, puis les nombreuses gnoses et autres gloses sur la mélodie secrète et le principe anthropique selon lequel l’univers a été créé pour que l’homme parvienne à la conscience et se pose la question de l’univers.

Le grand design est en fait un livre à deux voix puisqu’il est co-écrit par Leonard Mlodinov, physicien américain qui a déjà contribué à populariser les idées de Stephen Hawking dans un livre consacré à « l’histoire du temps ». Le thème central de cette nouvelle livraison, c’est l’interrogation sur les lois de l’univers physique. Et la place de Dieu dans tout ça. Ce qui fait le buzz, c’est ce qui paraît être un revirement de Hawking qui dans ses déclarations précédentes, avait toujours affirmé que l’idée d’un Dieu conçu comme créateur de l’univers n’était pas incompatible avec la science. Le livre devrait donc faire débat et il est déjà en tête des ventes sur le site français d’Amazon dans la catégorie livre en anglais, alors que sa sortie est prévue pour le 9 septembre. L’affaire est sérieuse, puisqu’elle a suscité une mise au point de Rowan Williams, l’archevêque de Canterbury. C’est carrément une affaire d’Etat ! Pardon, je voulais dire une affaire d’Eglise ! Et en effet, même si ce revirement n’a rien du cataclysme ayant suivi la parution du livre de Darwin, on peut penser que les théologiens de l’Eglise soient quelque peu déçus, se sentant floués après avoir espérer trouver une preuve, sinon une trace ou même un maigre espoir de trouver Dieu dans la théorie du cosmos. A cette condamnation du célèbre physicien se sont jointes les voix du chef de la branche anglaise de l’Eglise catholique, Lord Sack, ainsi que nombre d’imans. On ne manquera pas de voir dans cette affaire une comédie très contemporaine. Quand les scientifiques apportent des preuves de Dieu ou disons, quelque place au divin, ils sont les bienvenus parmi les religieux mais quand ils affirment que Dieu n’a plus de place, alors ils sont carrément excommuniés. Comme aurait dit Marx, après la tragédie de Giordano Bruno, la comédie de la gravitation.

Qu’a dit au juste Hawking ? Tout simplement que le fait même qu’il y ait de la gravité dans l’univers interdit de penser qu’un Dieu a créé cet univers. Voilà comment est retranscrit le propos mais cet énoncé n’a aucune valeur car il faudrait entrer dans l’argumentation et donc, lire le fameux ouvrage. Pour l’instant, on observera la controverse se développer. John Lennox est un mathématicien chrétien, acteur dans de nombreux débats sur les rapports en science et religion, notamment avec l’athée déclaré Richard Dawkins. Il ne s’est pas privé de mettre son grain de sel dans la controverse déclenchée par le grand design. C’est avec une touche d’ironie qu’il présente Hawking comme un héros de la physique, ce qui justifie que son propos a une valeur éminente, bien plus que celle d’un obscur professeur de classe terminale qui aurait pu tout aussi bien établir un verdict similaire. Grâce à Lennox, nous avons quelques précisions sur ce débat. L’univers est-il créé à partir de rien (sous-entendu par la volonté de Dieu) ou alors s’est-il créé par lui-même à partir de la gravité ? Malgré d’évidentes subtilités mathématiques, on se dirige vers une impasse, ou alors une solution de rechange preuve ontologique de Dieu, datée de saint Anselme. Sans trahir la pensée de Lennox, il semble bien que l’interrogation soit la suivante : certes, Dieu n’aurait pas créé l’univers, parce qu’il y a les lois de la gravitation, mais au fait, pourquoi il y a-t-il ces lois plutôt que rien ? Et qui aurait créé ces lois ? Pour Lennox il n’y a pas photo ; Hawking s’est fourvoyé, essentiellement en mettant en opposition Dieu et la Loi de gravitation ; de plus, concevoir l’univers sans Dieu, juste avec les lois physiques, est une chose impensable, ajoute-t-il, en précisant qu’on peut et qu’on doit, en tant que chrétien, associer Dieu et les lois de la gravitation tout en reconnaissant que la beauté des équations de l’univers conduit (sur)naturellement à imaginer un Dieu derrière toute cette mécanique divinement réglé. Bref, rien de neuf depuis l’argument de Paley qui est utilisé à nouveau avec les données de la science contemporaine et pas seulement en physique mais aussi comme argument par les partisans de l’intelligent design en biologie.

Va-t-on vers une de ces controverses déterminantes, comme l’Histoire en a connue avec la physique de Galilée puis l’évolution de Darwin ? Je n’en suis pas sûr, même si le sujet est important. La controverse autour du livre de Hawking concerne plus la théologie que la science et l’on pourrait y voir une énième discussion sur Dieu comme par le passé avec le concile de Nicée, puis la controverse sur le filioque ayant conduit au grand schisme d’Orient. De plus, pour comprendre le point de divergence, encore faut-il comprendre un minimum les équations de la cosmologie et de la mécanique quantique et de la mécanique des trous noirs. Au final, on se demande si cette croisade des théologiens sert véritablement la connaissance de la nature, de l’univers, de la foi, ou bien s’il ne s’agit pas d’une énième instrumentalisation des savoirs au service d’une Eglise plus préoccupée de ses ouailles, de son pouvoir, que de vérité théologique. On peut en dire autant des théologiens musulmans. Qui du reste ne se sont pas privés de récupérer l’intelligent design pour leur compte, notamment dans les cercles théologiques turcs.

Hawking était attendu comme un prophète depuis qu’il avait déclaré qu’en aboutissant dans la quête de l’équation universelle, on connaîtrait la pensée de Dieu. On comprend la déception de tous ces archevêques et autres imams ou cardinaux. Cela dit, la science n’a pas encore livré toutes ses surprises et pour ma part, je vois dans cette controverse et dans le livre final de Hawking l’achèvement de la physique moderne. Alors que déjà, si on scrute les spéculations d’un Eric Verlinde, un nouvel âge se prépare et cette fois, la métaphysique et la philosophie de haute voltige vont entrer dans la danse des connaissances.

Et Dieu dan tout ça ? Eh bien sur ce sujet, on aura sans doute des surprises. On s’apercevra que le Dieu des religions présente quelques traits heuristiques mais pèche par défaut ontologique ainsi que théo-logique. Bref, le grand problème de la théologie, c’est qu’elle part d’un Dieu préconçu par une théologie dépassée et cherche à tout prix à le maintenir alors que la démarche théologique devrait être une démarche gnostique, cherchant la vérité. Dieu n’a pas à être prouvé, il est au-delà de toute preuve. On peut s’amuser à le rencontrer, ou du moins à entrer en relation avec une altérité irréductible à la nature et à l’homme, une altérité qui soit une sorte de complément, non pas d’objet mais de sujet. Bref, entrons dans la danse, osons dire que l’univers est une « mécréation » que seuls les mécréants peuvent comprendre et que les bigots aillent au diable. Dieu est avant tout un grand humoriste.