17 mai 2011 - ADELE SMITH - LE FIGARO
NEW YORK - Une juge a donné raison hier aux arguments du procureur, estimant que le patron du Fonds monétaire international risquait de se soustraire à la justice américaine.
Dominique Strauss-Kahn (DSK) restera en prison. La juge Melissa Jackson, du tribunal sud de Manhattan, où a comparu pour la première fois hier le patron du Fonds monétaire international (FMI), a refusé de lui accorder la liberté sous caution que demandaient ses avocats.
La décision est tombée comme un couperet sur un DSK abattu et presque hagard. Pardessus bleu navy sur chemise blanche sans cravate, il portait la même tenue que lors de son arrestation. Il a aussitôt été remenotté et placé en détention. Il y restera au moins jusqu'à vendredi: il doit en effet comparaître à nouveau le 20 mai, cette fois devant un jury chargé d'examiner les preuves réunies contre lui par l'accusation.
Autre enquête en cours
"Ce qui compte aujourd'hui, ce n'est pas qu'il soit coupable ou non, c'est qu'il risque de fuir le pays. Ce qui s'est passé samedi à l'aéroport soulève des questions", a déclaré la juge Jackson. L'avocat de DSK, Ben Brafman, avait tenté d'obtenir la libération de son client en échange d'une caution d'un million de dollars, du retrait de son passeport et de la garantie qu'il resterait à New York, chez sa fille, durant la suite de l'instruction.
Le visage fatigué, les traits tirés, la barbe apparente, Dominique Strauss-Kahn était visiblement sous le choc lorsqu'il a appris cette décision. Le tribunal avait autorisé les photographes et les caméras de télévision dans la salle d'audience, une pratique rarissime qui semble annoncer un procès à grand spectacle. Une cinquantaine de personnes se pressaient dans la petite salle au rez-de-chaussée du 100 Center Street, non loin du World Trade Center. La moitié au moins étaient des journalistes, côtoyant les avocats, l'équipe du procureur, les greffiers et les policiers. L'atmosphère était tendue sur les bancs de la défense, face à un accusateur calme et méthodique.
Le procureur adjoint, John McConnell, qui s'opposait à la liberté sous caution, a insisté sur plusieurs facteurs. "L'enquête en étant à ses débuts, nous n'aurons plus les moyens de la poursuivre s'il quitte le territoire." Il a noté que des soupçons de viols à l'étranger pesaient sur DSK, et il a indiqué à la juge que les autorités américaines enquêtaient sur au moins un autre cas de "conduite similaire à celle présumée" au Sofitel. Selon son argumentaire, DSK a "tous les moyens nécessaires" et "toutes les relations" pour fuir à l'étranger. Il pourrait payer "des millions de dollars s'il le fallait". Le procureur a comparé le cas de DSK à l'affaire Polanski. Pour lui, le patron du FMI était bel et bien en fuite samedi à l'aéroport JFK de New York. "J'ai visionné les vidéos de l'hôtel et il paraissait très pressé", a-t-il assuré. L'avocat de la défense a catégoriquement réfuté cette interprétation, affirmant que le vol sur Air France et l'heure de son départ pour l'aéroport étaient prévus depuis longtemps. Dénonçant les accusations "fausses et légères" avancées par le procureur, il a fait valoir que son client déjeunait avec sa fille au moment des faits qui lui sont reprochés.
La juge Jackson, quinquagénaire sûre d'elle et de ses prérogatives, paraissait ravie de tant d'effervescence autour d'elle. "Vous me connaissez, je suis une juge impartiale", a-t-elle dit à Brafman. Mais elle a, sans coup férir, donné raison sur toute la ligne à l'accusation et renvoyé DSK en prison. Déçu, l'avocat a déclaré à la sortie du tribunal que "l'affaire ne fait que commencer" et que dossier de la défense "est solide".
Des tombes pour cellules
L'autre image de DSK, menotté, sortant d'un commissariat de police new-yorkais la nuit précédente, restera gravée dans les mémoires. Il est environ 23h dimanche, heure locale, lorsque le patron du FMI est emmené en voiture de police banalisée de Harlem vers un hôpital new-yorkais. DSK y subit des examens médico-légaux. Les enquêteurs sont à la recherche de "nouvelles traces d'ADN" et de "griffures", puisque la femme de chambre du Sofitel affirme s'être débattue lors de l'agression présumée de samedi. Les recherches d'ADN ont été demandées en particulier sur les vêtements. Les résultats sont attendus d'ici quelques jours.
DSK est ensuite conduit en pleine nuit au tribunal. Le pardessus commence à tomber de l'épaule, mais il ne peut pas y faire grand-chose, toujours menotté dans le dos. Il ne dira pas un mot. Il entre par une petite porte en fer dans le bâtiment vieillot du tribunal. C'est ici qu'il va passer le reste de la nuit. Les "tombes" du tribunal, comme on les appelle, ne sont pas ce qu'il y a de plus accueillant. "Ce sont des cellules en ciment avec...LIRE LA SUITE SUR LE NOUVELLISTE
