Mots-clés: Bâtisseurs du lendemain
Un roman au souffle puissant. Le pittoresque y est bien large et la vie, telle une traversée, fascinante dans ses méandres et son burlesque, surtout dans son cheminement extraordinaire vers un événement où le récit culmine.
Un roman au souffle puissant. Le pittoresque y est bien large et la vie, telle une traversée, fascinante dans ses méandres et son burlesque, surtout dans son cheminement extraordinaire vers un événement où le récit culmine.
Quelques commentaires:
Bâtisseurs du lendemain dit l'histoire fascinante d'une journée dans l'existence de trois amis inséparables, Maurice, Jean-Jacques et Henri, au seuil de l'année 2004.
Le roman s'amorce avec une ouverture pour, comme une symphonie, procéder avec vigueur par cinq mouvements. D'emblée, l'ouverture empoigne le lecteur, salve d'honneur qui ébahit. Tel un feu d'artifice aux mille couleurs qu'on tirerait par une nuit d'orage, elle éclate dans un bouquet explosif où l'effarant est dit sans retenue et le pathétique sans faux embarras. De là le récit s'engage dans le premier mouvement, soutenu par une verve impénitente, féconde. L’action culmine au cinquième mouvement quand, tambour battant, l'auteur fait Henri, Maurice et Jean-Jacques--les cavaliers polka--se rendre en après-midi à un événement officiel où domine la figure tragicomique d'un chef d'État entouré de sa cour : le Prophète. Un événement qui subjugue, un épisode à la fois hilarant et bouleversant.
La journée des trois amis défile sous nos yeux, modulée de réminiscences éloquentes, étalée dans un compte rendu habilement organisé et magnifiquement ciselé. Les bornes de la fiction et de la réalité s'entremêlent pour servir au lecteur une percutante satire politique et sociale d'une ville donnée pour inventée, un espace perdu sous une latitude imaginaire de la Caraïbe. Une nation, dite sœur d'Haïti, qu'un dictateur tient sous sa férule depuis cinquante ans par le biais de deux régimes qui se sont succédé dans le temps : la « première manière » trentenaire et la « deuxième manière » mi-trentenaire...
Le roman jette un regard romancé sur l'histoire fabuleuse de cette contrée fictive qui, à l'instar d'Haïti, se débat dans des essais de célébration, en l'an 2004, du deux centième anniversaire de la proclamation de son indépendance. Sondant cette aventure bicentenaire, ce regard s'arme d'un miroir pour s'attarder sur la seconde moitié du vingtième siècle et projeter une vive lumière sur le cours cocasse et ardu de la vie dans « la ville » sous le règne des deux « manières » du Prophète.
Au rythme de frappantes incursions dans ce passé turbulent, l'œuvre s'enrichit de dialogues animés autour de sujets vitaux pour « la ville » : les faiblesses d'un système et d'une mentalité traditionnels dangereusement désuets mais à la vie dure, l'omniprésence des préjugés sociaux et de la pratique du « deux poids, deux mesures », l'âpreté et l'obscurantisme du jeu politique, le cynisme d'un chef d'État à prétention messianique et malade de pouvoir, la hantise du lucre et du sexe, le marasme de l'économie, le rôle de la religion, certes du Vodou, la double nationalité, des perspectives d'avenir... sans oublier des cas révélateurs de la corruption et du népotisme endémiques, exposés avec une précision telle qu'on la jurerait venir d'un témoin lucide, ou encore s'inspirer d'aveux d'acteurs.
Un roman hardiment ingénieux. L'histoire est parsemée de mots et proverbes créoles qui l'étaient à souhait. Ce qui n'empêche nullement l'effusion d'un lyrisme à couper le souffle. Jamais le récit ne perd de son allant, et l'auteur, l'humour au beau fixe, le fait sans cesse rebondir à coups d'épisodes succulents, fascinants, étourdissants, qui mettent en scène des figures complexes, singulières, des archétypes. Un exemple : l'incident du kibadachi, au troisième mouvement. C'est une impasse politique où Maurice, du roman un caractère principal des plus fougueux---une graine pleine, alla se mettre après qu'il eut flanqué une belle raclée à Mètmòg, un sbire du régime prophétique. Que de péripéties y feront suite ! Et avec un rythme, une finesse de l'expression... Les coups de pinceau s'accumulent pour ne cesser qu'à la fin du livre. Les jeux de mots aussi, faisant germer le style en de belles trouvailles. Un régal pour les sens et le goût ! Des caractères se mettent à nu de mille manières sous les yeux du lecteur : la grâce et le courage de Solange Gervais-Papey, la mère de Maurice, aux prises avec les vicissitudes politiques de « la » ; l'extraordinaire visite au Palais de Pierre Lally, un personnage qui eût été chef d'État si, il y a cinquante ans, le Prophète n'avait pas détourné le vote populaire lors d'une opération dite 'chauves-souris' ; les avatars de l'audience qu'accorde le Pro- phète à Lally ; les détours qui compliquent le processus mental d'Alcofribas Petit-Couloute et d'Arnold Forge, politiciens au « vent en poupe », infatigables dépisteurs de magouilles assassines du Trésor public ; les profonds antagonismes de classe révélés dans le choc survenu au quatrième mouvement chez Maurice entre un petit frère de Jean-Jacques-- un jeune intellectuel plein de promesses issu des classes pauvres--et Thierry Tuituy et Olivier Fatuiton, deux bourgeois pleins de mé- pris pour ce jeune homme surprenant qui, pour se donner une nouvelle identité, transmua son vrai nom de Cipriis Brada Déronsa en un autre francisé...
Tous des protagonistes pris dans la tornade de l'avalanche totalitaire qui s'est abattue sur la communauté. Des protagonistes dont l'interaction s'intensifie au cinquième mouvement à l'événement officiel auquel se rendent Jean-Jacques, Henri et Maurice : l'inauguration en grande pompe dans la zone nord de « la ville » de la première annexe de la Questure d'Inspection Nationale des Banques et d'Émission de la Monnaie, la QINBÉM, la banque centrale de cette mégalopole.
Bâtisseurs du lendemain, une œuvre unique, un roman à lire absolument.
Maude Toussaint-Comeau, PhD (traduit de l'anglais)
Voici, livré en pièces détachées, le périple d’une ville bicentenaire. Malgré son passé glorieux, elle ploie sous l’action combinée de mécanismes sociaux poignants et de l’archétype du dictateur. Cette société fait eau de partout, dirait-on, enchevêtrée qu’elle est dans des crises complexes, toujours se rapportant au présent, au clan, à l’individu-—à la bulle humaine, plutôt... Bâtisseurs du lendemain n’est pas pessimiste pourtant, loin de là, heureusement ! Et le rire sur- prend de temps en temps, d’un bout à l’autre des cinq mouvements du roman... Entreprenez résolument ce voyage, et que les bulles crèvent !
Yves Romain Bastien, Ing., Expert financier, Haïti
Tour à tour fougueux et amusant. Tout est rendu avec précision dans ces annales dites fictives, pourtant plus vraies que la vie, qui prennent pour cadre une journée dans l’existence de trois amis, avec l’agrément de saisissants flashbacks... C’est un roman écrit avec un irrésistible humour et un rythme qui jamais ne s’émousse, un roman à la prose magistrale et élégante qui flirte avec le vers... C’est un joyau littéraire que tout citoyen du monde se doit de lire.
Miriam Ben-Yoseph, PhD, Professeur à l’Université
DePaul ; Professeur de l'Année 2006 pour l'Illinois,
nommé par la Fondation Carnegie.