Citation du jour:

N'oubliez pas de faire un don. Nous avons besoin de votre aide en ces temps difficiles.Faire un don.

Histoire - L’historiographie française de l’Algérie et les Algériens en système colonial

Cet article est également sur: elwatan.com

Voici le texte intégral de l'intervention de Gilbert Meynier à Alger lors des débats d'El Watan du 22 octobre 2010, aux côtés de Mohammed Harbi et de Mohammed Hachemaoui.

Rappel/introduction

Avant d’explorer un passé plus ancien, remontons d’abord à 1830 et aux quatre décennies qui suivirent. Les morts algériens de l’implacable conquête de l’Algérie peuvent être évalués entre 250 000 et 400 000 . Les victimes de la destructuration du vieux mode de production communau-taire, en particulier lors de la grande famine de 1868 suite à une récolte désastreuse, étudiée no-tamment par André Nouschi , furent bien aussi nombreuses, et peut-être plus : au total il y eut disparition peut-être bien d’un quart à un tiers de la population algérienne de 1830 à 1870.


La population se mit à remonter à partir de la fin du XIXe siècle, plus du fait de ce que les Québécois appellent la « revanche des berceaux » que de la médecine : en 1914, l’Algérie, colonisée depuis 84 ans, compte 77 médecins de colonisation, moins qu’au Maroc, dont l’occupation a commencé sept ans plus tôt.


Il y eut en Algérie aussi dépossession de 2,9 millions d’ha sur 9 millions cultivables : le tiers en quantité, mais plus en qualité car ce sont les meilleures terres qui furent prises – du fait des confiscations, des expropriations pour cause d’utilité publique, de saisies pour dettes de paysans insérés de gré ou de force dans le système monétaire et ayant dû mettre leurs terres en gage.


Quant à l’œuvre d’éducation tant vantée, d’après les chiffres officiels, 5% de la population était scolarisée dans les écoles françaises en 1914, moins de 15% en 1954 ; et elle n’augmenta qu’in fine durant la guerre de libération et du fait du plan de Constantine. La langue arabe, relé-guée au second plan, n’était enseignée dans le système français que dans les trois médersas offi-cielles (puis les lycées franco-musulmans après la 2e guerre mondiale).


Le congrès des maires d’Algérie de 1909 avait voté une motion demandant « la disparition de l’enseignement indigène », au désespoir du recteur Jeanmaire, apôtre de l’école républicaine française.


La discrimination est aussi fiscale : les « impôts arabes » spécifiques (achour, hokor, lezma, zakât) sont payés par les Algériens jusqu’en 1918, dans la continuité du beylik de l’époque otto-mane, et avec sensiblement les mêmes taux. S’y ajoutent les « centimes additionnels » et la corvée – formellement, l’assimilation fiscale fut édictée en 1918.


Ce furent ainsi largement les paysans algériens, dont entre le 1/3 et le 1/5 de leurs revenus s’envolait en impôts, qui financèrent la co-lonisation française, c’est à dire leur propre dépossession. Au politique, l’égalité dans une citoyen-neté commune fut refusée pendant longtemps ; puis, avec le statut de l’Algérie de 1947 furent institués deux collèges distincts élisant chacun le même nombre de représentants : un électeur français équivalait à huit électeurs algériens.

Comment l’historiographique coloniale a-t-elle traduit ces données historiques indubita-bles ?

-1- La tradition historiographique française coloniale

-a- Invention/création coloniale de l’Algérie par la France

A la différence du beylik de l’Algérie ottomane, des Français et des Européens s’enracinent en Algérie : c’est une colonisation de peuplement dont la population atteint fin XIXe siècle pres-que le quart de la population algérienne . Il y a, dans l’Algérie coloniale trois départements dits « français », des arrondissements, des communes : dans la logique jacobine française, il y a qua-drillage du pays par une véritable administration, mais conçue pour la domination et la discrimi-nation d’un peuple par un autre, d’une culture par une autre : discriminatoire, le code de l’indigénat existe jusqu’en 1927, et la discrimination persiste par la suite.

Existent deux sortes de communes, les communes de « plein exercice » à la française, et les « communes mixtes » régen-tées par l’administration coloniale, par l’administrateur de commune mixte. Et, depuis le Sénatus-consulte de 1865, si les Algériens sont considérés comme français, ils n’ont pas pour l’immense majorité les mêmes droits que les Français : ils sont sujets et non citoyens. Et l’on a parlé des deux collèges du statut de 1947.

Il faut revenir sur le narcissisme colonial classique de l’autocélébration : il y a l’avant 1830 désolant et l’après 1830 radieux. L’histoire coloniale exalte l’apport de la civilisation, de la méde-cine, de l’instruction, la construction de chemins de fer et de routes, l’édification de villes moder-nes qui portent une marque résolument française : à Alger la ville nouvelle ceinture la Casbah, à Oran le front de mer est une corniche à l’européenne et l’hôtel de ville d’Oran un bâtiment offi-ciel français typé.

Ces villes nouvelles sont le plus souvent édifiées au prix de la destruction de monuments ou de la fragmentation de leurs quartiers antérieurs. Si la Qasbah d’Alger fut relati-vement préservée, la mosquée Ketchaoua fut transformée en cathédrale ; à Constantine, les rues Caraman, de France, Vieux, Nationale, fractionnent la vieille ville ; à 60 km au nord-ouest, à Mila, une des plus vieilles mosquées d’Algérie, la mosquée Sidi Ghanem, fut un temps transformée en écurie pour chasseurs d’Afrique.

A Tlemcen, il y eut disparition des deux tiers de la ville intra-muros, sans compter les dommages infligés à des monuments comme la mosquée et la qubba de Sidi Ibrahim de l’époque du souverain zayânide Abû Mûsa II (XIVe siècle) ; mis à part son mina-ret, la mosquée Sidi al-Hasân fut quasiment ruinée et la mosquée Sidi al Halwi transformée en musée… La réalité, on le voit, est loin d’être uniment au diapason des célébrations officielles françaises.

On sait que la résistance du peuple algérien se traduisit par de multiples insurrections, écrasées dans le sang, jusqu’à l’éclatement de 1954 et la cruelle guerre de reconquête coloniale (manquée), la guerre d’indépendance algérienne, qui se conclut par l’indépendance de 1962 après les accords d’Évian ; cela malgré les théoriciens de la guerre révolutionnaire comme le général Lacheroy, malgré le 13 mai 1958, malgré Lagaillarde, malgré Alain de Sérigny, malgré Massu et Bigeard, malgré le putsch anti-de Gaulle des généraux du printemps 1961 conduit par Salan, mal-gré l’insurrection à contretemps de l’OAS, malgré tous les révoltés désespérés contre le « bra-dage », y compris d’authentiques intellectuels, et fins connaisseurs de l’Algérie comme Georges Marçais, dont feu le frère William avait été un arabisant renommé.

En 1947, l’historien de l’art Henri Terrasse, spécialiste de l’art musulman, écrivait, encore, que c’était un pays d’ « économie égarée » que les colons essaient de remettre dans le droit chemin – certes, il parlait du Maroc mais l’Algérie a suscité nombre de notations de même acabit.

La guerre de libération installa côté français des rancœurs durables chez nombre d’Européens d’Algérie, et de productions d’historiens et publicistes de nostalgérie coloniale, dont le dernier et médiatique représentant est, par la plume et la télévision, un compagnon du prési-dent Sarkozy, Patrick Buisson.

Cet ex-directeur de l’hebdomadaire d’extrême-droite Minute a pu-blié fin 2009 un luxueux album à la gloire de l’armée française, de ses virils guerriers et de leur œuvre de « pacification », La Guerre d’Algérie, coédité par la chaîne Histoire et des institutions de l’État : mélange de convictions, de mélancolie esthético-guerrière et de ratissage calculé sur les terres du Front National destiné à en attirer les électeurs, sans qu’il soit avéré que la manipulation réussisse, sauf à imaginer, pour 2012, un surréaliste second tour Sarkozy-Marine Le Pen…

b/ Ethnicisme colonial, racialisme et fantasmes français

A l’époque coloniale, on parle couramment de « races » en Algérie, de Français, d’Européens et d’ « indigènes » selon des catégories racialistes inspirées du scientisme européen de la deuxième moitié du XIXe siècle : la « civilisation » versus « la barbarie ». Les « Arabes » sont opposé aux « Bebères » en tant que « races » distinctes, et pas seulement de locuteurs de langues différentes ; cela alors même que l’Algérie est un pays berbère notablement arabisé, et même auto-arabisé , moins que la Tunisie mais plus que le Maroc .

Les « Berbères », bons sédentaires, qui eurent à affronter les méchants nomades arabes, sont déclarés supérieurs auxdits « Arabes », et ressembler aux Gaulois : c’est l’inversion des notations méprisantes du chroniqueur du XIIème siècle et digne sharîf Abû ‘Abdallâh Muhammad al-Idrisî: cet auteur remarque, aussi bien pour Mila que pour Marrakech, que leurs habitants sont des « ramassis de Berbères » (ahluhâ akhlât min al-Barbar)…

Mais il est des Français pour interpréter de travers les stéréotypes : le brillant diri-geant socialiste Albert Thomas, normalien issu de l’école normale supérieure de la rue d’Ulm, comme Jaurès, et disciple de Jaurès, écrit sur les Kabyles, réputés sédentaires, que « le goût du voyage inhérent à leur race fait qu’ils sont naturellement nomades ».

Ce préjugé favorable aux « Berbères » répond aux fantasmes narcissistes du nationalisme français, projetés sur des tiers – les bons « Berbères » censés ressembler aux Français et dédoua-nant inconsciemment ces derniers de la culpabilité des violences coloniales. Il s’est traduit par les quelques îlots de scolarisation française en Kabylie, mais il était aussi sous-tendu par la politique du « diviser pour régner » : s’attirer les « Berbères » contre les « Arabes » ; cela surtout pour la Kabylie : il y eut un véritable mythe kabyle, l’Aurès plus lointain, moins au cœur du territoire co-lonisé, ayant été davantage mis de côté. Heureusement il est de nos jours d’authentiques cher-cheurs pour rendre compte d’une Kabylie démythifiée .

Dans la même logique ethniciste coloniale, l’arrivée des Banû Hilâl (les « invasions hila-liennes »), ces « hordes barbares » arabes survenues au Maghreb à partir du milieu du XIe siècle, fut vue par les historiens coloniaux comme une « catastrophe », ces historiens recopiant Ibn Khaldûn, d’origine andalouse et yéménite, donc arabe et arabophone, mais grand notables cultivé citadin qui parle lui aussi de nakba.

On retrouve ce thème plus ou moins martelé chez des auteurs français de l’époque coloniale comme Augustin Bernard, Georges Hardy ou Victor Piquet, et même en mineur chez Charles-André Julien : puis, plus récemment chez Hady Roger Idris, chez Henri-Terrasse. Il faut attendre 1967 pour voir exprimée, dans la revue Annales ESC, défendue par l’historien de la Tunisie Jean Poncet , une thèse équilibrée sur le sujet ; mais Hady Roger Idris contre-attaque dans la même revue l’année suivante.

L’historien reconnaît aujourd’hui que l’immigration et l’installation des Banû Hilâl ont certes modifié les structures rurales, en favori-sant l’élevage par rapport à l’agriculture ; mais on sait que l’élevage et la pratique de la transhu-mance (‘ashâba) existaient depuis bien auparavant chez des « Berbères », comme elle existait outre Méditerranée chez les éleveurs provençaux et languedociens (l’alpage, l’estive). Certes la survenue des Hilaliens entraîna des frictions et des affrontements, mais on a la preuve que furent, aussi, conclus des pactes de coexistence entre citadins et bédouin, comme par exemple à Constantine.

De toute façon, s’impose, au-dessus de ce monde « indigène » le mythe du Français racia-lement supérieur, lequel porte la marque du nationalisme français. En Algérie, les Européens re-présentent ce que les historiens américains dénomment un Creole people, un peuple créole – l’historienne américaine Lyah Greenfeld dénomme les Américains les « Creole pioneers ».

Or, beau-coup de Français d’Algérie sont des Méridionaux d’origine : à la veille de la première mondiale, une enquête apprend que près des 4/5 des Français installés en Algérie sont proviennent de ter-ritoires situés au sud d’une ligne Genève-Bordeaux, c'est-à-dire de gens majoritairement non fran-cophones, en l’occurence occitanophones originels. Avec les immigrés espagnols et italiens, la prédominance de gens originaires du sud de l’Europe est donc flagrante parmi les immigrés euro-péens en Algérie.

Raison classique pour laquelle ils tiennent souvent de manière démonstrative à se dire et à se prouver français, en quelque sorte sur-français, ce qu’Althusser dénommait une « introjection idéologique » : le fait d’être englobés dans l’ensemble français leur garantit leurs privilèges face aux Algériens, les soulage de leur sentiment plus ou moins conscient de précarité face au ressen-timent de la masse algérienne colonisée. Bon an mal an, et malgré de vraies luttes sociales inter-nes, malgré un mouvement anarchiste notable, et malgré le Parti Communiste Algérien, objecti-vement leur sort est solidaire de celui des notables coloniaux qui forment le lobby colonial.

-c- L’Algérie et le roman national français

- Mythe fondateur national et diversité française
Le principal mythe fondateur de la nation française, imaginée comme toute nation (la « imagined community » de l’historien anglais Benedict Anderson, spécialiste des sociétés sud-asiatiques) dans l’ « invented tradition » (cf. les historiens, anglais eux aussi, Eric Obsbawm et Te-rence Ranger) est, comme commun dénominateur, la révolution de 1789, cela bien avant la lan-gue française qui ne s’enracine qu’avec l’œuvre scolaire de Jules Ferry et les brassages occasionnés par la guerre de 1914-1918 : en 1789, près de la moitié de la population de l’hexagone ne parle pas français et le comprend mal : ce sont les Alsaciens, Flamands, Bretons, les occitanophones, au sud de la ligne Genève-Bordeaux, et leurs cousins catalans.

Et pourtant l’hymne national, la Mar-seillaise de Claude Rouget de l’Isle, fut chantée pour la première fois en avril 1792 dans les salons du maire Frédéric de Dietrich, grand bourgeois maire de Strasbourg, ville où le peuple ne parlait pas français, mais un dialecte alémanique ; mais où, au pont de Kehl, sur le Rhin qui sépare l’Alsace du pays de Bade allemand, Dietrich avait fait apposer en français le panneau : « Ici com-mence le pays de la liberté ».

Trois mois plus tard, elle fut reprise et popularisée par les volontai-res marseillais mobilisés pour la défense de « la patrie en danger », accueillis en triomphe à Paris – d’où le nom de Marseillaise. Cela alors que Marseille n’était pas une ville francophone, mais occi-tanophone, de dialecte provençal marseillais.

Sans remettre en cause ces emblèmes nationaux, un historien illustre comme le Parisien Jules Michelet put écrire sans sourciller que « la vraie France [était] la France du Nord », il en voyait le cœur dans l’île de France, jusqu’au val de Loire. Les humains de la moitié sud de l’hexagone étaient plus ou moins vus comme des sauvages folkloriques – de cette représentation témoigne la vogue des histoires marseillaises jusque tard dans le XXe siècle. A 22 ans, le janséniste parisien Jean Racine, en chemin pour aller rendre visite à son oncle, chanoine à Uzès (à 16 km au nord de Nîmes, 26 km à l’ouest d’Avignon), écrit dans une lettre à son ami La Fontaine que, à partir de Mâcon, il comprend mal le langage des naturels. Et à Uzès,

« Je vous assure que j’ai autant besoin d’un interprète qu’un Moscovite en aurait besoin dans Paris. Néan-moins, je commence à m’apercevoir que c’est un langage mêlé d’espagnol et d’italien, et comme j’entends assez bien ces deux langues, j’y ai quelquefois recours pour entendre les autres et pour me faire entendre ».

Il est aussi surpris par la cuisine à l’huile d’olive, mais après l’avoir éprouvée, il la trouve finale-ment plus fine que la cuisine au beurre.
Il est plausible que le racisme anti-méridional ait été projeté sur l’Algérie sous l’étendard du sens commun national français. On l’a dit, les Français d’Algérie étaient majoritairement origi-naires de l’Europe méridionale, et ils étaient portés par ce racisme instinctif qui est celui de toute communauté de type créole – mais différent par exemple du racisme de système de l’Afrique du Sud, où l’apartheid était vu dans le cadre de la cité de Dieu, non sans imbrication avec telles re-présentations racialistes originelles.

En Algérie, rien de tel : les « Pieds noirs » étaient les agents in situ de rapports de domination dont la précarité, face aux Algériens dépossédés et discriminés, renforçait un racisme anti-algérien de compensation : mépriser ces Algériens soumis, c’était se mépriser soi-même en projections sur des tiers, mais un soi-même transmué en vainqueur.

Le maréchal Bugeaud, l’adversaire de l’émir Abd el-Kader, avant d’être nommé duc d’Isly, était le marquis de la Piconnerie dont le manoir se trouvait à la Durantie, près d’Excideuil, en Périgord vert profond, au nord-est de Périgueux : il est probable que, avec ses manants, il devait mieux se faire comprendre en dialecte nord-occitan du terroir qu’en français. Et si le Front national de Le Pen obtient de beaux scores à Marseille, n’est-ce pas que, Méditerranéens, les Marseillais ressem-blent quelque peu aux Algériens : pour s’en différencier, ne doivent-ils pas recourir à ce que Freud appelle « le narcissisme de la petite différence », qu’on peut interpréter ici comme le ra-cisme de la petite différence ?

A l’inverse, en Algérie, il y eut des petits colons pour défendre les paysans algériens me-nacés de dépossession et tourmentés par leurs administrateurs de communes mixtes, voire même pour se rallier dans l’enthousiasme militant aux revendications algériennes : ainsi Victor Spiel-mann, petit colon ruiné la région de Bordj Bou Arreridj.

Ce fils d’un optant alsacien (Alsacien ayant refusé de devenir allemand en 1871 et ayant dû quitter sa patrie) fonda le Cri de l’Algérie, authentique journal de revendication anticoloniale; il fut ensuite le secrétaire en langue française de l’émir Khaled, puis le fondateur des bien nommées Éditions du Trait d’Union. A sa mort en 1938, le shaykh Ibn Bâdis publia dans son journal Al-Shihâb, un émouvant article d’hommage : « l’Algérie perd avec lui son ange gardien » (malâk hâris).

Et l’historien peut remarquer qu’il y eut d’autres Alsaciens à lui emboîter le pas, comme son ami Deybach qui s’exprimait dans L’Écho d’Aïn Tagrout. Peut-on peut risquer l’hypothèse : des exilés de leur patrie purent-ils se sentir des affinités avec des Algériens, exilés de l’intérieur ? L’histoire reste à écrire de ces Français d’Algérie à contre-courant colonial, mais elle va probablement tellement à l’encontre des taxinomies cou-rantes qu’elle n’a jusqu’à maintenant tenté aucun chercheur : ne détonnent-ils pas dans le roman national/colonial français ?

- L’Algérie, chapitre et illustration du roman national français

L’invention coloniale de l’Algérie procède de la conquête française, assumée par le natio-nalisme français. Elle fut d’une part entreprise, d’après l’historien Pierre Guiral, à l’instigation de la chambre de commerce de Marseille pour revigorer son commerce, et d’autre part décidée, quinze ans après la défaite de Waterloo : la conquête d’Alger marque une revanche du nationa-lisme français ; et elle fut bien voulue pour cette raison par le roi Charles X pour ragaillardir son pouvoir battu en brèche – trop tard en tout cas : six semaines après le débarquement français à Sidi Fredj du 14 juin 1830, et guère plus de trois semaines après la reddition d’Alger (5 juillet ), la révolution des « Trois Glorieuses » (27, 28 et 29 juillet 1830) mit à bas son régime.

Dans les ma-nuels d’histoire français de la IIIe et de la IVe République, ainsi que chez les historiens coloniaux, tels ceux qui, en 1930, célèbrent le siècle d’Algérie française dans les Cahiers du Centenaire, l’Algérie est présentée comme une création française.
Elle l’est même dans l’Histoire de France et d’Algérie, d’Aimé Bonnefin et Max Marchand , publié en 1950 : ce manuel d’école primaire est une histoire très convenue, une sorte de Lavisse dédoublé France-Algérie – France : pages paires, Algérie : pages impaires –, avec chaque fois une gravure explicative ; cf. les p. 55-56 : à gauche, Boufarik en 1836, à droite, Boufarik aujourd’hui : un beau village prospère en lieu et place d’une terre quasiment déserte, labourée par un Français coiffé d’un képi.

Cela alors même que les auteurs sont marqués à gauche et que l’un d’eux, Max Marchand, sera assassiné par l’OAS en mars 1962. Rien sur le système colonial : la conquête de l’Algérie est soft, « la piraterie » (et non « la course ») n’est pas expliquée – serait-ce un fait de na-ture ? – mais sont célébrés les « combattants musulmans de l’armée française »… Nulle part ne sont notées les continuités depuis le beylik d’avant 1830 : jusqu’en 1918, on l’a dit, le pouvoir français continua à pressurer les Algériens par la fiscalité des « impôts arabes » spécifiques.

Pour-tant, bien avant même l’apparition des nouveaux historiens engagés dans la décolonisation de l’histoire, il y eut des critiques à être émises : par exemple par le géographe de conviction anar-chiste Élisée Reclus ; et le Jean Jaurès de l’Histoire socialiste estimait que le système colonial, « as-servissement d’une nation par une autre », était « une affaire Dreyfus permanente ». Ceci dit, en Algérie même, si existèrent bien des positions coloniales intangibles reflétant la logique du sys-tème, il y eut des pratiques relativement diverses.


-2- Le système colonial entre politique et primat des armes

-a- Des pratiques politiques coloniales relativement diverses

Si la conquête fut impitoyable et sanglante, le corps militaire se distingua relativement des pratiques des colons civils, et les deux luttèrent pour s’assurer la mainmise sur l’Algérie et le contrôle de ses populations. Il y eut les « bureaux arabes » de la conquête de l’Algérie et du Se-cond Empire, caractérisés par un encadrement paternaliste à même de toucher des humains régis par la ‘açabiyya des systèmes segmentaires, mieux que par le matraquage permanent indifférencié.

Ce fut la tentative de « royaume arabe », méticuleusement analysée par Annie Rey-Goldzeiguer, royaume arabe dont le conseiller de Napoléon III Ismaël Urbain fut le plus écouté. La rupture décisive se produisit avec la répression de la révolte de Mokrani-Bel Haddad, qui se solda par le séquestre de 445 000 hectares de terres. Dès lors, fut engagée la colonisation capitaliste permise par une série de lois, dont la fameuse loi Warnier de juillet 1873.

La colonisation foncière fut à son apogée sous la IIIe République pendant les quatre dé-cennies qui suivirent. S’établirent au même moment des entreprises industrielles primaires, l’exploitation de mines notamment, mais pratiquement aucune industrie productive ne fut im-plantée selon les logiques de ce qu’on dénommé en faux sens partiel le « pacte colonial » , les banques se développèrent pendant que les compagnies maritimes françaises prospéraient sous le bouclier du monopole de pavillon. Ce fut en « politique indigène » le triomphe des « civils », à l’exception des TDS (Territoires du Sud).

Les militaires ne retrouvent quelque importance que lors de la conquête de l’Afrique subsaharienne et aux approches de la guerre de 1914-1918 – le service militaire obligatoire fut imposé par décret du 3 février 1912, cela contre l’avis du colonat : La Dépêche algérienne du 3 août 1908 écrit crûment « Au point de vue instruction et service mili-taire, laissons donc les Arabes tranquilles ».

La conscription fut intégralement appliquée en sep-tembre 1916 ; d’où l’insurrection du Belezma/Aurès de 1916-1917. Mais le recrutement de 173 000 Algériens pour la première guerre ne leur rapporta pratiquement rien hormis l’insignifiante loi Jonnart de 1919 ; et le recrutement de 120 000 autres pour la deuxième guerre mondiale se conclut par la tentative insurrectionnelle et la répression de mai 1945, puis le statut inégalitaire de 1947.

Il y eut aussi quelques différences dans les politiques suivies au Gouvernement général de l’Algérie à Alger. Charles Célestin Jonnart, dans la première décennie du XXe siècle, a des atten-tions pour les notables algériens, il se veut ouvert et libéral, il crée le prix Abd el Tif en 1907, il promeut le style mauresque dit « style Jonnart », réalisé entre autres par l’architecte Tardoire : la médersa de Constantine – jusqu’en 1972, en plein centre, elle abrita l’université, avant la mise en service des blocs bétonnés de Niemeyer –, celle de Tlemcen, celle d’Alger, la gare d’Oran, la grande poste d’Alger, l’hôtel de ville de Skikda…

Le gouvernement général est dirigé par un grand bourgeois du nord, qui a pour belle famille les banquiers et industriels lyonnais Aynard, relativement en douceur par rapport à son successeur radical et franc-maçon, le gouverneur Char-les Lutaud. A partir de 1911, ce ci-devant préfet du Rhône se révéla un colonialiste raidement intransigeant. En contraste, la figure du gouverneur Maurice Viollette (1925-1927), lui aussi franc-maçon, lui aussi vrai colonial, mais croyant au message de civilisation que la France disait incar-ner, et se mettant pour cela à dos le colonat .

Pendant la guerre de libération algérienne, les SAS furent une nouvelle version des bu-reaux arabes – même encadrement, même paternalisme pour attirer et rallier les populations, mais à contretemps de la lutte de libération engagée en 1954 – à cette différence non négligeable que les officiers français des Bureaux arabes apprenaient l’arabe ou le berbère et que les officiers des SAS ignoraient généralement les langues du pays.

Il exista même des militaires sensibles aux droits humains, voire même protestataires comme le fut le général Jacques Paris de Bollardière qui fut mis aux arrêts. Et même un vieux routier des Affaires indigènes comme le général Geor-ges Spilmann, commandant la Division territoriale de Constantine en 1954, et mort en service commandé au Maroc en 1955, cria au fou devant les offensives du général Cherrière dans les Au-rès entreprises fin 1954-début 1955 avec d’énormes moyens. Il a laissé un ouvrage décapant, non conformiste, au titre provocateur, Souvenirs d'un colonialiste (1968) et, moins connu Le cas de cons-cience d'un officier (1970) .

Quant au général de Gaulle lui-même, tout militaire dans l’âme qu’il ait été, et même s’il n’avait pas spécialement le FLN en sympathie, il dut probablement être assez tôt convaincu de la nécessité de discuter et de négocier avec la résistance algérienne. L’historien peut lire les opérations de reconquête « Jumelles » et « Pierres précieuses » du plan Challe, en 1959-1960, comme la preuve par l’absurde qu’il fallait négocier, à la politique : même une maîtrise mili-taire du terrain ne détruisit pas l’ALN et elle renforça symétriquement le rôle et l’engagement des politiques du FLN dans le monde et à l’ONU. Tout général qu’il était, de Gaulle fut un politique.

-b- Le mythe des occasions manquées

D’après l’historiographie positiviste, notamment la grande œuvre de Charles-Robert Age-ron, succédant entre autres aux livres de Marcel Émerit, il y aurait eu des « occasions manquées » entre Algériens et Français depuis 1830. Prenons par exemple le sénatusconsulte de 1865 : l’« indigène » est français, mais régi par la loi musulmane, c'est-à-dire par ce qu’on appelait le sta-tut personnel musulman, qui régissait les Algériens au privé (mariage, successions…) en lieu et place du Code civil.

Pour se faire « naturaliser » français, un Algérien devait en faire la demande, renoncer à son statut personnel, et après examen, il pouvait par décret être admis à la citoyenneté française de plein droit. Très peu d’entre eux acceptèrent cet abandon : le statut personnel mu-sulman était un symbole d’enracinement et d’opposition à la loi coloniale, il revêtait le sens d’une apostasie, de l’abandon de l’islam : il y avait la peur d’être taxé de « gawrî ».

Moins de 5 000 Algériens s’étaient fait « naturaliser » français au moment du centenaire de la conquête en 1930 : un Ferhat Abbas, pourtant de culture largement française, refusa toujours d’abandonner son statut musulman pour devenir citoyen français. Et, pourtant, dans la logique du « diviser pour régner » et pour trouver une assise à son pouvoir, Paris avait, le 24 octobre 1870, promulgué le décret Crémieux donnant la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie en leur conservant leur loi reli-gieuse, la loi mosaïque.

Au lendemain de la première guerre mondiale, en 1919, fut votée la loi Jonnart, gouver-neur général de l’Algérie, réinstallé début 1918 à la place de Lutaud par Clemenceau, président du conseil et ministre de la guerre. Alors que le service militaire obligatoire institué en 1912 en Algé-rie avait été présenté à dessein comme l’impôt du sang dû par tous les Français, cette loi ne donna le statut de citoyen dans le statut musulman qu’à une infime partie des Algériens, soigneusement triés et sous condition de connaissance du français et d’états de service.

En 1936, le projet dit « Blum-Viollette » – en fait c’était le projet Viollette, ministre d’État dans le gouvernement Blum –, reprit les logiques de la loi Jonnart, mais en augmentant le nombre des bénéficiaires de droit (dont les titulaires du certificat d’études primaires) à environ 25 000 hommes . Et, bien que les deux députés socialistes élus en Algérie en 1936, Régis et Dubois, poussent le gouvernement de Front populaire de Blum à adopter le projet Viollette, devant les rodomontades du lobby colo-nial, Blum renonce à même le présenter à la Chambre des députés .

Blum ne voulait peut-être pas se mettre le lobby colonial à dos : il put vouloir, en s’inclinant, prouver sa qualité de bon Français, lui qui était qualifié par la presse d’extrême droite de juif allemand, affublé du nom de Karfulkenstein. Mais il y eut bien sûr responsabilité collective du gouvernement de Front popu-laire. Au fond, il y avait bien connivence structurelle entre le lobby colonial et Paris – l’État fran-çais – dont la colonisation de l’Algérie, représentée comme construction nationale française, était ressentie comme partie prenante : comme l’a écrit Jean-Paul Sartre, le colonialisme était bien un « système », un système français.

Le contenu du projet Viollette fut repris, et même élargi, par l’ordonnance gaullienne du 7 mars 1944. Elle fut reconduite en loi le 7 mai 1946, avec l’institution des deux collèges : le pre-mier « français », le deuxième « indigène ». Les Algériens eurent cinq députés MTLD à Paris à la première Constituante, dont Mohammed Khider.

L’assemblée nationale française vota le 20 sep-tembre 1947 le statut de l’Algérie selon lequel, on l’a noté, chaque collège élisait le même nombre de représentants quand le premier collège ne comprenait en nombre qu’1/8 du chiffre des mem-bres du deuxième collège. Ce qui aurait été peut-être bienvenu et accepté une décennie plus tôt ne pouvait plus l’être en 1947 car le nationalisme algérien avait considérablement évolué devant les blocages français, et il y avait eu la tragédie de mai 1945.

Le 2 janvier 1956, les Français votent majoritairement pour la gauche. Le dirigeant socia-liste Guy Mollet proclame son intention de faire la paix en Algérie et dénonce cette « guerre im-bécile et sans issue ». Il est investi président du conseil, c'est-à-dire chef du gouvernement. En visite à Alger, il y est accueilli le 6 février 1956 sous les huées et des jets de tomates par une mani-festation de Français d’Algérie.

Et là aussi, Guy Mollet cède aux pressions des manifestants et du lobby colonial qu’ils signifient. Le 12 mars 1956, l’Assemblée nationale vote pour son gouverne-ment les « pouvoirs spéciaux » sur la politique à mener en Algérie, avec entre autres l’approbation des députés communistes. Le contingent français est rappelé, c’est l’engagement dans la guerre. Cependant, pour tenter désespérément de l’arrêter, durant l’été 1956, est préparée l’organisation d’une conférence nord-africaine devant se tenir à Tunis, organisée par le Maroc et la Tunisie, en concertation avec le secrétaire d’État français aux Affaires marocaines et tunisiennes Alain Sava-ry .

Il était d’accord pour qu’y participent quatre des neuf chefs historiques du FLN – Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mohammed Boudiaf, Mohammed Khider –, se trouvant alors au Ma-roc . Objectif : préparer en douceur la décolonisation de l’Algérie en lui conférant un statut d’État indépendant en association avec la France dans un cadre fédéral maghrébin, étant entendu que Savary jugeait inéluctable l’indépendance de l’Algérie.

Simplement il était un adepte de cet art du compromis que d’aucuns appellent la politique, qui aurait permis, s’il avait été tenté, à l’Algérie d’accéder par étapes à l’indépendance en faisant l’économie d’une terrible guerre. L’avion marocain emmenant du Maroc à Tunis les quatre dirigeants algériens, qui trans-portait aussi l’intellectuel algérien Mostefa Lacheraf , passa sur l’espace aérien, alors français, qu’il aurait dû éviter ; il fut arraisonné par la chasse aérienne française – ce fut l’un des premiers dé-tournements aériens de l’histoire.

D’après Ben Bella, « ils nous ont vendus » (les Marocains), de connivence avec les services secrets français et le commandement militaire français en Algérie pour que la conférence n’ait pas lieu. Les cinq Algériens sont appréhendés à leur descente d’avion – ils passeront tout le reste de la guerre en prison. La conférence de Tunis avait bien été sabotée. Malgré ses protestations au gouvernement, Alain Savary ne parvint pas à les faire libérer. Il dé-missionna donc, la mort dans l’âme.

L’appareil militaire français dirigeant exulte. De son côté, d’après un témoignage de Salah Boubnider et les mémoires inédits de Lakhdar Ben Tobbal, colo-nel de la wilâya II (Constantinois), à l’écoute de la radio ce dernier aurait fumé, dans l’attente fé-brile, sept paquets de Bastos ; et, lorsqu’il comprit que les cinq Algériens prisonniers ne seraient pas libérés, on aurait fait la fête au commandement de la wilâya II ; explication entendue dans la bouche d’Algériens : on ne pouvait pas trahir l’engagement du 1er novembre 1954 en acceptant un compromis qui ne reconnaîtrait pas d’emblée l’indépendance et la souveraineté totales de l’Algérie.

Autre lecture possible : en un temps où l’armée prétorienne des frontières de Boume-diene et son État-Major Général n’existaient pas encore, l’appareil militaire en formation dans les maquis espérait alors encore être maître du jeu dans l’Algérie indépendante à venir, ce qu’une paix négociée aurait entravé car elle aurait mis au premier plan les politiques.

Alors, occasions manquées ? Ou occasions non tentées ? Car il ne peut y avoir d’occasions manquées que s’il y a des occasions tentées : le Front populaire n’osa pas affronter le lobby colonial ; le gouvernement Paul Ramadier, le premier de la IVe République, ne prit pas la mesure de l’acuité de la question algérienne en faisant voter le statut de 1947, Guy Mollet plia sous l’hostilité de la foule européenne d’Alger, puis céda au coup des services français qui avaient (à son insu ?) mis un terme à un espoir de paix le 22 octobre 1956. Au total, rien ne fut vraiment entrepris par les gouvernants français pour empêcher le dénouement violent : comme système, le colonialisme restait prévalent dans l’imaginaire nationaliste français.

-c- Le primat des armes

La conquête de l’Algérie, commencée en 1830, dura près de deux décennies, ce fut une conquête militaire. Et la résistance algérienne s’est manifestée dans le temps moyen (à partir de 1830) par la résistance armée. Plusieurs révoltes, toutes durement réprimées, scandèrent l’histoire, depuis l’insurrection d’El Mokrani - Bel Haddad en 1871 jusqu’à la tentative du printemps 1945 du Constantinois, en passant par des révoltes en Kabylie orientale, l’insurrection des Oulad Sidi Chaykh qui embrasa l’Algérie du Sud Oranais au Titteri en 1864, la révolte de l’Aurès en 1879 , celle de Bou ‘Amama dans le Sud Oranais en 1881-1882, la révolte plus circonscrite dite de Mar-guerite, près de Miliana, en 1901, l’insurrection du Belezma/Aurès de 1916-1917 dont la répres-sion dura six mois, 38 ans avant l’infijâr du 1er novembre 1954.

L’ALN de 1954-1962 avait été esquissée par la création, au congrès du MTLD de février 1947, de l’OS (Organisation Spéciale), organisation paramilitaire, à laquelle, par esprit de consen-sus, avait finalement consenti Messali Hadj, lequel croyait de son côté davantage à une voie poli-tique. Mais au sein du parti existaient aussi des forces qui se défiaient d’une voie politique margi-nalisant la perspective d’un recours aux armes, dont le docteur Mohammed Lamine Debaghine, qui fut politiquement éliminé par Messali en 1949.

A la tête de l’OS, se succédèrent Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Ahmed. A la réunion de Zeddine, fin 1948, dans le Haut Chélif, à la ferme familiale de l’instructeur chef militaire Djilali Belhadj, dans le Haut Chélif, le rapport d’Aït Ahmed insistait sur la nécessité de mettre au premier plan la lutte armée, et des dirigeants comme Hocine Lahouel firent leur cette perspective. Sans moyens réels et sans organisation d’ampleur, l’OS ne put, au mieux, que conduire un Kriegspiel peu menaçant pour l’ordre colonial : un scoutisme d’apprentis guerriers dont Aït Ahmed décrit savoureusement les pérégrinations en montagne dans ses mémoires .

De toute façon l’OS fut démantelée en 1951 par les services français et les rescapés de la répression rongèrent leur frein dans la clandestinité ; jusqu’à ce que, notamment sous la conduite du maître organisateur Mohammed Boudiaf, soit préparée la logistique de l’allumage de la mèche du 1er novembre 1954. Le contexte mondial était celui de la toute récente guerre d’Indochine, et de la victoire de Dien Bien Phu du Viet Congh sur l’armée française où combattaient des soldats algériens.

Revenus en Algérie, ils furent les porteurs de la bonne nouvelle : une guerre de libéra-tion anticoloniale pouvait se terminer par la victoire des colonisés. Nombres d’initiateurs du mouvement de novembre 1954 provenaient de l’OS : Le FLN voulut renouer avec la logique de l’OS, en faisant cette fois de l’ALN un instrument efficace

Pendant la guerre de libération algérienne, nombre d’officiers français furent de leur côté persuadés de l’avoir emporté par les armes, et donc d’être trahis par le gouvernement du général de Gaulle. Ce fut le général Salan et le putsch des généraux d’avril 1961, ce fut aussi l’OAS, dans son combat désespéré à contretemps. Le récent album de Patrick Buisson, déjà cité, chante en-core le mythe du triomphe de l’armée française sur les « fellaghas ».

Du côté algérien, le recours à l’action armée est célébré en Algérie par les descendants des mujâhidûn, des mujâhidât et des shuha-dâ’. Cela permet aussi de magnifier un pouvoir dirigeant se légitimant par la lutte armée de libéra-tion nationale et l’invoquant en toute occasion pour consolider l’appareil militaire – appareil issu de l’armée des frontières et de l’EMG de Boumediene créé par le CNRA début 1960, appareil longtemps maître du jeu.

Cela permet d’escamoter le rayonnement du FLN de par le monde et à l’ONU que de vrais politiques s’acharnèrent à édifier ; cela pour aboutir, à partir de 1960, et sur-tout de l’été 1961, avec le GPRA de Ben Youssef Ben Khedda, aux décisives négociations d’Évian, auxquelles Mohammed Harbi fut désigné comme expert. Seule une solution politique était viable, et ce furent bien des civils qui gagnèrent la paix, même si la commotion initiale des armes avaient été le préalable obligé conduisant le pouvoir colonial à lâcher du lest, à négocier : dénouement d’une résistance à l’ordre colonial que l’historien doit étudier sous toutes ses facettes, dialectiquement.

Mais avant de tenter de l’analyser in fine, il importe, ce qui est bien peu tenté dans l’historiographie courante, de remonter à ce qui précède la colonisation de l’Algérie, de si-tuer au préalable l’histoire algérienne dans son ancrage profond à l’histoire de longue durée, et plus largement à l’histoire de la Méditerranée dont elle est partie prenante.

-3- L’évolution historique sur la longue durée

Cette question de fond renvoie en effet inévitablement à l’histoire de la Méditerranée telle que la conçut et la réalisa Fernand Braudel, historien renommé de l’École des Annales, dans la lignée de Marc Bloch et de la revue des Annales Économie, Sociétés, Civilisations, avec notamment Lucien Febvre et Ernest Labrousse, – ce dernier fut aussi le maître à penser du grand historien ottomaniste algérien Lemnouar Merouche. Braudel, Lorrain d’origine , fut nommé à 22 ans en 1923 professeur à Alger où il enseigna pendant dix ans. Il fut notamment le théoricien des diffé-rents temps de l’histoire : du temps court au temps long ou temps de longue durée.

Il faut y insister parce que l’histoire de l’entité spatialo-humaine qui deviendra l’Algérie n’a pas commencé en 1962, non plus en 1830 et pas davantage en 1518, quand Aoudj Barberousse est investi par le sultan ottoman du gouvernement d’Alger. Il faut, pour comprendre le présent et le passé proche, un bref temps d’arrêt sur la longue durée.

-a- Société segmentée et emprises étatiques

Partons des réflexions de Benjamin Stora sur les différences entre Maroc et Algérie : le Maroc, qui a connu une durée et une forme de colonisation différentes de celles de l’Algérie, cultive d’après lui un rapport à l’histoire qui « s’enracine dans la tradition et insiste sur la continui-té ». En revanche, pour les Algériens qui ont vécu la présence ottomane avant l’arrivée des Fran-çais, c’est « l’histoire (anti)coloniale [qui] invente le territoire […], ces perceptions distinctes en-traînent deux formes de légitimation de l’État-nation : elle passe, au Maroc, par l’histoire longue, tandis qu’elle transite, en Algérie, par la puissance géographique » .

Il est vrai que, sur la longue durée, perdure dans al-Maghrib al-awçat (le Maghreb médian, aujourd’hui l’Algérie) une société segmentée en qabâ’il (tribus), familles élargies et clans. L’identité de base y fut longtemps celle de communautés patriarcales, régies par une norme solidariste et unanimiste, l’identité large étant depuis douze siècles fondée sur la référence à al-umma-al-muhammadiyya (littéralement la communauté mahométane [universelle]).

Dans la patrie Algérie, al-watan, c’est étymologiquement le lieu natal, référé aux hommes d’un territoire, et non à un groupe humain en soi (al-qawm) : wataniyya peut être traduit en français par nationalisme alors que patrio-tisme serait stricto sensu plus exact. Mais ailleurs, en Égypte et dans le reste du monde arabe, c’est le terme de qawmiyya qui est plus souvent utilisé (qawmiyya miçriyya, qawmiyya ‘arabiyya : nation égyp-tienne, nation arabe). Pour société nationale, on dit sharika wataniyya en Algérie, mais sharika qaw-miyya en Tunisie.
Les groupes qui tentent, du XIe au XIIIe siècle, de conquérir et d’édifier un empire mag-hrébin viennent du Maghrib al-Aqçâ – le Maghreb extrême, aujourd’hui le Maroc : du XIème au XIIIème siècles, ce sont les dynasties des Almoravides (al-Murâbitûn), puis surtout des Almohades (al-Muwahhidûn), le conquérant almohade ‘Abd al-Mu’min étant, lui, originaire de la région de Ne-droma, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Tlemcen ; mais le foyer originel de leur pouvoir est Marrakech.

Puis, à partir de Fès, viennent les Marînides (Banû Marîn), originaires du Tafilalet, avant les Saadiens (al-Sa‘adiyyûn) puis les Alaouites (al-‘Alawiyyûn), porteurs de la noble marque chérifienne, eux aussi issus du Sud marocain. Tous sont originaires de groupes humains de l’intérieur. Il en est de même des Zayânides (Banû Zayân) de Tlemcen, issus également du ter-roir profond. Mais eux ne sont pas porteurs de la distinction chérifienne ; et les dynasties instal-lées à Marrakech, puis à Fès, édifient un pouvoir éminent, relativement stable, du moins sur un bilâd al-makhzan (pays de souveraineté de l’État, fiscalement contrôlé) assez bien délimité dans les plaines et ayant échappé à l’emprise ottomane, et le bilâd al-sayba (zones fiscalement incontrôlées, sises surtout en montagne) leur échappant plus ou moins selon le rapport des forces.

A l’antiquité tardive, en Numidie-Maurétanie césaréenne – al Maghrib al-awçat : la future Algérie –, le schisme donatiste contre le catholicisme romain peut être vu comme précurseur de l’Islam ; les révolte des circoncellions et de Firmus contre l’autorité romaine installée comme an-nonciatrices des dissidences à vecteur religieux, comme, au VIIIe siècle, la grande révolte du kha-rijite (khârijî) Abû Yazid (l’homme à l’âne : çahîb al-himâr) contre l’État aghlabide sunnite de Kai-rouan ; les royaumes « numides » de l’Antiquité et les principautés « maures » des Ve-VIe siècles comme avant-coureurs de la dynastie rustamide de Tihert, puis du « royaume de Tlemcen » des Banû Zayân.

Si, au VIIIe siècle, ‘Abd al-Rahmân ibn Rustam était originaire d’Orient, le pouvoir zayânide des XIIIe-XVe siècles est issu de communautés originaires du Maghreb oriental, repous-sées vers les Hautes plaines oranaises par l’avancée des Banû Hilâl. Mais ce « royaume » est mena-cé, à la fois par les voisins de l’ouest marînides dont les Zayânides ont été un temps les clients, et à l’est par les dissidences endémiques des communautés du Chélif, du Dahra et de l’Ouarsenis. Dans le même temps, les Banû Hafç (Hafçides) de Tunis, eux, édifient peut-être l’état le plus achevé du Maghreb, dont le centre est l’Ifriqiya (al-Maghrib al-adnâ), la future Tunisie. Cette dynas-tie provenant, non du terroir, mais d’une lignée de gouverneurs établis par les Almohades à Tu-nis, domina aussi le Constantinois, jusqu’à Bejâïa, dont la dynastie des Banû Hammâd avait dis-paru au milieu du XIIe siècle sous le choc des Banû Hilâl.

Le territoire du Maghrib al-awçat est endémiquement le théâtre d’affrontements entre voi-sins de l’ouest et de l’est, aussi le royaume de Tlemcen doit-il maintes fois négocier sa tranquillité en concédant des iqtâ‘(s) (concessions, fiefs fiscaux) aux communautés indociles. Durant l’Algérie ottomane, connue notamment grâce aux travaux récents des historien(ne)s algérien(ne)s Fatima Zohra Guechi, Abd El Hadi Ben Mansour et Lemnouar Merouche , se produisit une relative stabilisation. Le beylik, mieux établi, reposant notamment sur le corps des janissaires turcs, s’appuie sur les tribus makhzan qui pressurent les tribus ra‘âiya, soumises comme un troupeau à son berger.

Mais de tous temps, les ancêtres des Algériens ont vu avec méfiance tout pouvoir prétendant s’imposer à l’ordre communautaire de base : ils ne croient pas à l’État parce que, pour eux, l’État s’est continûment confondu avec un appareil d’origine extérieure (Rome, Algérie colo-niale, et même ottomane) ou un segment de la société répugnant à rendre des comptes à la socié-té, autrement que comme des sujets fiscaux à dompter ou avec qui négocier pour acheter leur innocuité.

De ce point de vue, il y a ressemblance avec le royaume de France de Louis XIV où, au XVIIème siècle, les sujets du roi ne connaissent guère de l’État que la fiscalité. Enfin, on peut dire que, sur le temps moyen récent, la démocratie a été entravée en Algérie par des pouvoirs certes autoritaires mais aussi par une idéologie se défiant de la démocratie comme risquant de contreve-nir au sacré communautaire. Il y a bien des démocrates de cœur, mais guère sur la scène politique active, et la démocratie offerte est de toutes façons clivée entre masse et élite, d’aucuns diraient « censitaire ». Et la société actuelle est encore quelque part tributaire d’ancrages socioculturels de longue durée.

b- Récurrences socioculturelles de temps long

Certes, les systèmes socio-économiques connaissent des avancées et des replis, comme tout en histoire ils évoluent mais ils restent marqués plus ou moins consciemment par un enraci-nement de longue durée. Ce que Freud appelait les « mémoires-écrans », celles du temps cons-cient, récent et construit, qui refoule l’inconscient de la longue durée dont les productions – sté-réotypes, tabous, interdits…– relèvent de l’inclusion dans l’univers de ce que Germaine Tillion a dénomme « le harem et les cousins » et dont maints paramètres socioculturels sont bien anté-rieurs à l’Islam. Cf. par exemple l’inscription latine du 1er siècle retrouvée dans les ruines romai-nes de Thuburbo Majus (en Tunisie, à 100 km à l’est de la frontière algérienne, aujourd’hui al Fahs) qui édicte les conditions d’accès au temple d’Eshmaus (Esculape), le dieu guérisseur : il ne faut pas manger de porc, pas de relations sexuelles depuis moins de trois jours, obligation de se déchausser avant d’entrer, cela six siècles avant l’Islam.

Par plusieurs traits, il y a aussi des ressemblances d’une rive à l’autre de la Méditerranée : dans la Grèce antique que l’on crédite d’avoir inventé la démocratie, une femme qui sortait de chez elle sans voile sur la tête était considérée comme une femme de mœurs légères – euphé-misme, et il y a peu encore, de l’Espagne à l’Italie via la France, on n’imaginait pas une femme entrer dans une église la tête découverte. Il y a aussi sur les deux rives le tabou du sang et la crispation sur la virginité des jeunes filles à marier, longtemps biens communs méditerranéens – le rite du drap rougi de sang à la fenêtre et, en plus répandu en France, celui plus politiquement correct de « la chichole » : une mixture de chocolat, de vin blanc ou de clairette, souvent mélangée à un jus de fruit rouge, où trempaient des mouillettes de pain, de brioche ou de biscuit, servie dans un pot de chambre portant en son fond un œil ouvert.

La chichole était naguère encore, et l’est paraît-il encore ici et là, offerte à la jeune mariée au réveil de la nuit de noces, jusque dans le Beaujolais, au nord de Lyon, et peut-être ailleurs à distance de la Méditerranée. Or cette Méditer-ranée dont, culturellement, les rives nord et sud ont d’incontestables affinités, est irrémédiable-ment clivée à partir du XIIe siècle.

-c- L’Algérie et la marginalisation en Méditerranée

En effet, la Méditerranée – la mer moyenne des Arabes : al Bahr al-Mutawasit – qui put être considérée du VIIIe au XIe siècle comme un quasi « lac musulman », primordial dans les rela-tions Orient – Occident, fut largement reconquise à partir du XIIe siècle, surtout par les capitalis-tes marchands de Gênes et de Venise dans le sillage des croisade. Avec les capitaux et les navires italiens, en moins de deux siècles, pratiquement, la Méditerranée cesse d’être un lac musulman.

Les Islamo-Arabes sont marginalisés dans le contrôle des routes maritimes, au profit surtout des Italiens, et dans une moindre mesure des Marseillais et des Catalans. En 1212, c’est la hazîma (dé-faite), parfois dénommée nakba (catastrophe) de Las Navas de Tolosa (en arabe Hiçn al-‘iqâb : le bastion du châtiment). Croisades et Reconquista restent dans l’imaginaire des non-dits douloureux : l’historien nationaliste algérien Ahmed Tawfiq al-Madanî parle, pour désigner le colonialisme fran¬çais, de « al-isti‘mâr al-çalîbî » (le colonialisme croisé), raison pour laquelle selon lui les ancêtres des Algériens furent à la fois des victimes (dahâiyâ) et des héros (abtâl).

Il a écrit un livre, paru dans les années soixante, dont le titre est en traduction française, La guerre de 300 ans entre l’Algérie et l’Espagne (1492-1792) : une guerre de 300 ans : trois fois plus que les Français qui n’ont eu, eux, à mener qu’une guerre de 100 ans. Le traumatisme du clivage resta vivace et profond : le communiqué revendiquant l’assassinat des moines de Tibehirine en 1996 parlait de l’obligation d’éliminer les chrétiens et les croisés. S’opposent en binôme tranché le dâr al-harb (demeure de la guerre - chrétienne) et le dâr al-islâm (demeure de l’Islam).

Les traductions du grec à l’arabe avaient fait la gloire de l’époque abbasside, bien avant les croisades ; le relais est pris dans l’autre sens par des traductions de l’arabe au latin, notamment dans les foyers espagnol de Tolède, et italien de Salerne : c’est par l’intermédiaire de l’arabe et du latin, que à travers deux traductions successives, les Européens connaissent notamment le philo-sophe grec Aristote. Ce mouvement se ralentit, puis s’arrête quasiment aux XIVe-XVe siècles. Mais, dès avant, aucune traduction en arabe n’est entreprise de textes européens : au Maghreb, on ne connaît ni Dante, ni Montaigne ni Shakespeare. Les Mille et une nuits ne sont traduites en fran-çais qu’au XVIIIe siècle et Ibn Khaldûn ne sera découvert et traduit qu’au XIXème siècle en France. S’installent durablement le clivage et un autisme transméditerranéen, avec tout son lot de stéréotypes et de blocages symétriques.

Au XVe siècle, les escadres portugaises vont par mer chercher l’or dans le golfe de Guinée et long-circuitent les itinéraires sahariens, appauvrissant et desséchant leurs terminus septentrio-naux: ainsi Tlemcen vé¬gète et s’appauvrit. Cette expansion est contemporaine du parachèvement de la Reconquista. Ancrée est la nostalgie d’un âge d’or perdu : une haute figure comme Larbi Ben M’hidi avait l’Andalousie au cœur de ses émotions.

Plus largement, les « grandes découvertes » européennes, une fois le cap de Bonne Espérance franchi, permettent aux Européens de s’approprier par voie maritime les échanges Asie-Europe, et bientôt de dominer les relations croissantes avec l’Amérique. D’où dessèchement et appauvrissement pour la Méditerranée et le monde islamo-arabe. Corrélativement, les grands intellectuels hardis de l’époque de l’Islam classi-que cèdent la place à des érudits qui répètent, parfois en beauté, mais qui ne créent plus. Ibn Khaldûn est la grande exception d’une période de repli, repli dont il a d’ailleurs pleinement cons-cience. Les centres de décision sont transférés vers le nord, vers l’Europe, et vers l’Ouest. A la veille de la révolution indus¬trielle de l’Europe nord-occidentale, l’Atlantique a en grande partie remplacé la Méditerranée comme lac intérieur primordial des échanges mondiaux.

Cette évolution est commune à l’Europe du sud, au Maghreb et au Proche-Orient. Mais, dans le territoire de l’actuelle Algérie, l’un des plus tournés vers son intérieur, le repli dut être ressenti comme plus accentué. Au XVIe siècle ottoman, Alger devient le centre de la course mari-time. Or la course est une réponse à une marginalisation par rapports aux circuits d’échanges majeurs : les nids de corsaires dalmates répondaient à la suprématie de la République de Venise sur la mer Adriatique.

Or, dans une Méditerranée secondarisée, la rente corsaire est amoindrie dans le courant du XVIIIe siècle, d’où le racket du beylik pour réquisitionner les blés des paysans, puis les vendre à la France ; d’où, avec les mauvaises récoltes du début du XIXe siècle, les prix délirants du blé et les famines, qui culminent avec celle de 1805 dont le beylik fait endosser la res-ponsabilité aux juifs, boucs émissaires ; d’où la sanglante émeute antijuive de juin 1805 relatée par l’historien Lemnouar Merouche, alors même que le dey Mustapha pacha II continue à vendre du blé à la France .

Pénurie et disette continuent durant les décennies suivantes pendant la conquête coloniale jusqu’au paroxysme de la grande famine de 1868 – là la paysannerie algérienne est affa-mée par une mauvaise récolte et par la déstabilisation du mode de production traditionnel sous les coups de boutoir du capitalisme colonial et les dépossessions qu’il charrie.

Dans la mémoire longue des Algériens, le rapport avec les voisins du Nord est marqué par le contentieux et le traumatisme de l’exclusion ; ils ressentent aussi d’avoir été marginali-sés par rapport aux voisins de l’est et de l’ouest : si une évolution assez semblable marqua l’ensemble du Maghreb, les centres intellectuels et culturels les plus prestigieux restèrent en-dehors de l’Al¬gérie : Fès (mosquée-université Qarawiyîn : des Kairouanais), Tunis (mosquée-université al-Zaytûna : de l’Olivier) et plus encore Le Caire (mosquée-université al-Azhar : la lumi-neuse) n’ont jamais eu d’équivalents algériens. Cette frustration s’accrut durant la période colo-niale.

-4- Répliquer à l’ordre colonial : essai d’approche dialectique

-a- Un entrelacement traumatique

Les Algériens ont, comme l’ensemble du monde islamo-arabe méditerranéen, regardé avec défiance l’Europe et le christianisme çalîbiyy depuis la reconquête de la Méditerranée portée par les croisades aux XIIe -XIIIe siècles par les marchands italiens. Mais le poids du passé colonial est bien plus douloureux en Algérie qu’en Tunisie ou au Maroc : nulle part une colonisation ne fut aussi pesante, une lutte de libération aussi sanglante. Les traumatismes et la déstructuration sociale et mentale portés par le colonialisme y ont durablement installé une culture du malheur tenant pour acquis que les Algériens étaient irrémédiablement constitués par la souffrance.

« ﻥﻴﺼﻠﺍ ﻲﻔ ﻮﻠ ﻮ ﻡﻠﻌﻠﺍ ﺍﻮﺒﻠﻄأ » : à la différence d’autres pays, désireux de chercher en temps utile la science jusqu’en Chine, et, pour commencer, au nord de la Méditerranée, l’Algérie connut une ouverture sur l’extérieure forcée, dans un contexte d’occupation, de dépendance et de dépos-session sans équivalent : l’ouverture ne fut pas librement recherchée, comme ce fut le cas lors de la période des Tanzimât de l’empire ottoman, puis des Jeunes Turcs ; ou en Égypte avec Mo-hammed Ali : rien de comparable à la mission qu’il envoya à Paris en 1826, sous la conduite de Rif‘a al-Tahtâwî , de 44 savants égyptiens, chargés de s’initier aux sciences de infidèles pour com-prendre les raisons de leur puissance et en faire profiter l’Égypte ; et ce fut d’Égypte que partit le mouvement de la Nahda.

Rien de comparable non plus au collège Çâdiqî (المعهد الصادقي), grande école bilingue franco-arabe fondée par le pacha Kheireddine, lui aussi grand admirateur de la France, début 1875, six ans avant la conquête française de la Tunisie. Les Algériens ont eu le sen-timent d’avoir été des mal-aimés de l’histoire au regard de l’Europe, voire par rapport à leurs voi-sins maghrébins et par rapport au Machreq.

Cependant, les élites issues d’une école française chichement dispensée à la masse, mais aussi les travailleurs émigrés découvrant une société inédite et le mouvement ouvrier, purent être séduits par tels modèles français – nombre d’Algériens ont dit l’admiration qu’ils portaient à leurs professeurs français. Il y eut des séductions, qui purent tourner à la fascination chez les « Jeunes Algériens », chez Ferhat Abbas – il tenait au Caire ses conférences de presse en français, à la grande incompréhension des Égyptiens : un Arabe, ça parle arabe ! Mais si séduction il y eut, ce ne fut pas dans l’ouverture librement recherchée, ce fut, en ambivalence, dans un contexte trau-matique de soumission au système colonial.

D’un côté, face aux arrogants modèles coloniaux, il y eut fascination compensatoire pour l’Orient islamo-arabe, de l’autre il y eut bel et bien un entrela-cement, remarquable par exemple du point de vue de la langue : longtemps le français n’eut pas vraiment le même statut qu’en Tunisie et au Maroc et la dârija algérienne est davantage pénétrée de vocables français . En algérien, d’ouest en est, saiyâra se dit « karoussa », « lauto », « tonobil » ou « taxi » ; masbah se dit « piscina », la déprime du mal vivre se dit « dégoutage ».

Donnons la parole au fils d’Augustin Berque (1884-1946), lequel fut un administrateur particulièrement au fait de la société rurale algérienne, puis Directeur des Affaires indigènes : à Jacques Berque (1910-1995), né à Frenda, ayant vécu aux côtés des Algériens, grand islamologue arabisant et traducteur du Coran : « La France et l’Algérie ? On ne s'est pas entrelacé pendant 130 ans sans que cela descende profondément dans les âmes et dans les corps ». Cette formule célè-bre, souvent citée, l’est entre autres par Mohammed Harbi dans ses mémoires .

De fait, la dis-crimination coloniale put être une occasion d’ouvertures et de relations avec des Français. Le système de dépossession des terres bénéficia certes à des petits colons qui vivaient au-dessus des Algériens, mais qui malgré tout purent coexister avec eux et les connaître – on a déjà mentionné Victor Spielmann. Nombre d’entre eux, de l’Oranie au Constantinois, avaient dû apprendre l’arabe pour communiquer avec leurs ouvriers agricoles ; et en Oranie, les spécialistes de la taille de la vigne furent souvent des Kabyles. Bref, l’historien ne peut faire l’économie d’une analyse dialectique sur le temps moyen qui prenne en compte les sources de l’identité algérienne eu égard au vécu des Algériens colonisés. En histoire, toute identité est dynamique : elle est identification, et même, comme l’a bellement montré Michel Serres, souvent un patchwork, un tissu d’arlequin provenant de plusieurs sources d’identification .

-b- Une identité à source unique ?

Ce fut l’émir Abd El-Kader, étudié notamment par le regretté Bruno Étienne et par Fran-çois Pouillon , qui esquissa l’édification d’un État proprement algérien. D’une grande famille chérifienne de la région de Mascara, il était un shaykh mystique qâdirî admirateur d’Ibn ‘Arabi et un pieux hâjj, doublé d’un savant éclairé, poète et théologien. De retour de pèlerinage avec son père Mahieddine, il avait séjourné tout jeune au Caire où il avait connu le pacha d’Égypte Mohammed Ali.

Il admira son entreprise en cours de modernisation de l’Égypte, et il voulut s’en inspirer pour bâtir son armée et son État. Il tenait à jeter les bases d’une Algérie, à la fois musul-mane, éclairée comme il l’était, et moderne : on pourrait, en recourant au vocabulaire de l’Europe « des Lumières » du XVIIIème siècle, le qualifier de despote éclairé musulman. Désigné à 25 ans en 1832 sultan par une assemblée de chefs, il sut s’entourer de conseillers de diverses provenances, il se montra stratège et tacticien dans sa guerre de résistance, à la fois guerrier et homme de paix – il signa en 1837 avec son adversaire, le général Bugeaud, le traité de la Tafna.

Il fut aussi un administrateur, il jeta les bases d’une réforme de la fiscalité et d’une œuvre d’éducation. Mais, s’il parvint un temps étendre son pouvoir sur deux tiers de l’Algérie, il ne dé-passa guère Bejâïa vers l’est : le beylik de Constantine resta aux mains de Hadj Ahmed bey jusqu’à la difficile conquête de Constantine par les troupes françaises en 1837.

Le gouvernement de l’émir fut précaire, dans l’instabilité de l’état de guerre et du harcèlement par les troupes enne-mies après la rupture du traité de la Tafna par Bugeaud en 1839; mais il eut aussi à affronter la segmentation de sa société : il dut mettre le siège devant la forteresse de la confrérie rivale des Tijâni d’Aïn Mahdi, au sud du djebel Amour, avant de la prendre d’assaut, et réprimer des tribus indociles comme les Banû Zaytûn. Cela n’empêcha pas son ouverture d’esprit de lui faire connaî-tre et apprécier des Français : Monseigneur Dupuch, évêque d’Alger, avec lequel il partagea des préoccupations spirituelles, ou le général Daumas avec lesquels il entretint une correspondance assidue – ils avaient notamment en commun l’amour des chevaux . Abd El-Kader comprenait et lisait sans doute le français, mais il ne le parlait pas, ou ne voulait pas le parler.

A partir de la fin du XIXe siècle, les rares Algériens éduqués dans les écoles françaises devinrent des notables, petits ou grands, que l’on dénomma alors « Jeunes Algériens » ; parmi eux des instituteurs (dont Larbi Fekar de Tlemcen, Rabah Zenati, de Taourirt-el-Hadjadj, qui enseigna dans le Constantinois…), des avocats et nombre de médecins (le docteurs Taïeb Morsly, fonda-teur à Constantine d’une amicale des citoyens français d'origine indigène, l’ophtalmologue Belka-cem Bentami et son frère neurologue Djilali, de Mostaghanem, le docteur constantinois Mo-hammed Bendjelloul, fondateur en 1830 de la Fédérations des Élus musulmans du département de Constantine) et, né en 1899 à Taher, le pharmacien de Sétif Ferhat Abbas, le futur dirigeant de l’UDMA.

Un Mohammed al-Aziz Kessous, originaire d’une famille de commerçants de Collo, fut enseignant et journaliste. Quelques Jeunes Algériens sont de grands commerçants, comme Omar Bouderba à Alger, entrepreneurs de transport comme Larbi Bendimered de Tlemcen. Il y eut pour tous une vraie séduction pour les modèles français d’éducation et de culture. On remarque chez eux un mimétisme patent : ils sont habillés à l’européenne, avec costume, gilet et cravate, mais ils sont aussi généralement coiffés du tarbouche musulman distinctif. Dans sa thèse sur Né-droma, marquée par quelques grandes familles (Ben Rahal, Nakkache…), Gilbert Grandguil-laume considère que cette ville fut une cité à s’être quasiment auto-colonisée.

Tous les Jeunes Algériens ont la maîtrise de la langue française et la parlent mieux que beaucoup de Français ; et certains, même, sont très peu cultivés en arabe : Ferhat Abbas n’avait peut-être pas même la pleine maîtrise du dialecte de son terroir originel djidjellien. Politiquement, ils veulent l’assimilation à la France dans le statut personnel musulman, assimilation signifiant pour eux ré-alisation de l’égalité avec les Français ; mais quelques uns vont jusqu’à « se naturaliser » en l’abandonnant.

C’est aussi pour l’égalité que milite le petit-fils de l’émir Abd El-Kader, l’émir Khaled Bel Hachemi , secondé notamment par son compagnon en militance Victor Spielmann. Il est resté un emblème de la revendication anticoloniale, mais le seul mot d’ordre effectif de son journal L’Ikdam fut la revendication d’une représentation des Algériens au Parlement français. Il avait passé sa jeunesse à Damas, d’où où il était venu en 1892, âgé de 17 ans, en Algérie avec son père El Hachemi.

Il avait commencé ses études secondaires au collège catholique des Lazaristes de Bab Touma à Damas, et il les termina au lycée Louis le Grand à Paris, totalement bilingue, pou-vant sans difficulté aucune passer de l’arabe au français et vice-versa. Puis on le retrouve élève à l’école d’officiers de Saint Cyr dont il sort en 1897. Il devint « lieutenant », puis fut nommé « capi-taine indigène », cela à titre exceptionnel – normalement, les « indigènes » non « naturalisés » comme lui ne pouvaient dépasser le grade de lieutenant –, et c’est à ce titre qu’il combattit sur le front français pendant la première guerre mondiale.

Les photographies de Khaled jeune montrent un fringant Saint Cyrien en uniforme, il est à Paris un familier de Saint Germain des Prés. Mais non sans cultiver, dès avant la première guerre mondiale et surtout après, son look de sharîf, avec costume adéquat le faisant ressembler à son grand-père, qu’il a connu puisqu’il avait 8 ans à sa mort à Damas : il se mettait ainsi en scène, pour le public algérien, en authentique Algérien, à dessein dans ses représentations les plus patriciennes il est vrai.

Devant les injustices et les frustrations portées par le pouvoir colonial, les Algériens, selon la formule de Jacques Berque, se retranchèrent dans un Islam, signifiant un « bastion de repli » ; repli, voire crispation sur des schèmes identitaires revendiquant une islamo-arabité conçue comme un tout et réfutant démonstrativement toute concession avec l’héritage colonial.

L’Islam est au centre des références, il est mentionné expressément dans l’appel du 1er novembre 1954, dans l’inspiration de la célèbre trilogie de shaykh Ibn Bâdis, laquelle commence par la mention de la religion musulmane, puis de la langue arabe et se termine par celle de l’Algérie : « l’Islam est notre religion, la langue arabe est notre langue, l’Algérie est notre patrie ». C’est ce qu’assénera encore au régime déclaré socialiste de Ben Bella le shaykh Bachir al-Ibrahimi, le successeur d’Ibn Bâdis, le 15 avril 1964, lors du 24ème anniversaire de la mort du fondateur de l’Association des ‘ulamâ’ : il représenta aux gouvernants algériens d’alors que « les fondements théoriques de leur action doivent être puisés non dans des doctrines étrangères mais dans nos racines arabo-islamiques ». Pourtant, tous les dirigeants de l’Algérie indépendante, nommément socialistes ou non, ont invoqué l’Islam, de Ben Bella à Bouteflika.

La référence musulmane, toujours en osmose avec celle arabe, est de fait récurrente dans les débats algéro-algériens. Actuellement, le grand chantier à venir d’Alger est une mosquée dont, si elle est consturite, le minaret atteindra 320 mètres de hauteur, soit la même hauteur que la tour Eiffel, mais 120 mètres de plus que la mosquée Hasân II de Casablanca. Pourtant, le shaykh Ibn Bâdis, qui était d’une famille de a‘yân de Constantines, y avait, dans sa proche famille, un Mou-loud Ibn Bâdis, avocat côté, et un Mohammed Ibn Bâdis, grand notable et conseiller municipal de Constantine : il vivait près des Jeunes Algériens, il appelait de ses vœux une coexistence entre Français et Algériens et une symbiose culturelle fraternelle. N’écrivait-il pas en 1926

« Dans ce pays, il y a deux langues fraternelles, à l’image de la fraternité et de la nécessaire union de ceux qui les parlent – pour le plus grand bonheur de l’Algérie –, ce sont l’arabe et le français. Nous souhaitons que les autorités responsables et les personnalités disposant de moyens matériels et intellectuels, puissent coopé-rer, afin de mettre sur pied un enseignement double franco-arabe, dont les fruits profiteraient à tout le monde. » ?

Par là, il entendait défendre l’arabe en le mettant à égalité avec le français ; mais, on le voit, rien de comparable avec les allégations, entendues à Alger en novembre 1986, d’un Mouloud Kacim Naïth Belkacem selon lequel, au contraire du français, l’arabe et l’allemand avaient en commun d’être des langues riches.

Si surtout l’élite des Algériens colonisés connut une évolution culturelle historiquement importante et une vraie ouverture, elle eut toujours peu ou prou à se justifier de s’être mise à l’école des Roumis, cela pour se faire accepter de la société et/ou pour soulager sa culpabilité. Il y eut propension à s’arrimer à des valeurs refuges, crispées, voire mythifiées. Comme l’a analysée Omar Carlier , la société algérienne, en même temps repliée et ouverte de force sur l’Europe, devint à la fois la plus moderne et la plus traditionnelle du monde islamo-arabe. Pour la grande majorité des Algériens, leur foi resta une foi simple et vécue simplement, comme le sont naturel-lement dans tous les peuples toutes les religions.

Mais on a pu voir dans l’Islam, autant et parfois plus que l’adhésion religieuse du croyant, une portée politique, une portée nationale. Dans les textes en arabe, tracts et autres, de l’ALN pendant la guerre de libération, la référence au mujâhid (moudjahid) supplante la référence au munâdil (militant) de l’époque de l’ÉNA et du PPA. Mais il n’y eut guère de réflexion proprement religieuse, guère de spéculation théologique dans l’appel à l’urgence du jihâd : c’est l’appartenance à la communauté universelle des croyants exprimée par la langue de la révélation qui authentifie l’algérianité.

Mubârak al-Milî, le compagnon à l’association des ‘ulamâ’ de shaykh Ibn Bâdis, dans son livre Tarîkh al-jazâ’ir fî al-qadîm wa al-hadîth (Histoire de l’Algérie des temps anciens à nos jours), paru pour la première fois en 1930 , ne dit factuellement pas des choses très différentes des li-vres des historiens français coloniaux ; même si l’on y trouve des réflexions propres à l’auteur, ce sont fréquemment les mêmes faits qui sont notés, mais avec souvent inversion des présupposés des auteurs coloniaux.

Et, en plus politique, Ahmed Tewfik al-Madanî, avec son Kitâb al-Jazâ’ir (livre de l’Algérie) de l’entre deux guerres et sa Guerre de 300 ans vers 1966/1967, est pour l’Algérie le grand fabricant d’histoire nationale algérienne, un peu ce qu’Ernest Lavisse, fabricant d’histoire nationale française, fut à la France. En plus érudit et plus détaillé, les six volumes de ‘Abd al-Rahmân al-Jilâli Tarikh al-jazâ’ir al-‘âm (histoire générale de l’Algérie) suivent des logiques sem-blables ; et Othmân Sa‘âdî estime de son côté que les Algériens sont d’origine arabe, provenant du Yémen, avant même les Phéniciens – Saint Augustin, évêque d’Hippone (Annaba) et origi-naire de Thagaste (l’actuelle Souk Ahras), écrivait 1 600 ans auparavant qu’étaient déjà répandues chez ses compatriotes des histoires racontant leur origine orientale. Abû al-Qâcim Sa‘adallâh est un auteur d’histoire factuelle d’inspiration nationaliste, mais il ne va pas jusqu’à affirmer comme Mouloud Kacem Naïth Belkacem que l’Algérie était avant 1830 une grande puissance.

On comprend donc pourquoi, faute d’avoir osé parier sur des interlocuteurs politiques comme Ferhat Abbas, et l’avoir finalement fait rejoindre le FLN car il n’y avait pas in fine d’autre solution, le pouvoir français suscita la levée de la thawra du 1er novembre 1954 : huit des neuf chefs historiques du FLN étaient enracinés dans le terroir profond de l’Algérie rurale, et encore l’Algérois Didouche provenait-il d’une famille installée depuis peu à Alger.

Deux étaient issus de grandes familles, l’un de la plus illustre noblesse chérifienne kabyle, était aussi bon arabisant (Hocine Aït Ahmed), l’autre d’une non moins prestigieuse famille de jawâd de M’sila (Mohammed Boudiaf), quand Mohammed Larbi Ben M’hidi provenait d’une famille maraboutique, certes moins réputée, mais notable d’Aïn M’lila, entre Constantine et Batna. Mostefa Ben Boulaïd, né à Arris dans l’Aurès, était un entrepreneur et bourgeois de village aisé du Sud Constantinois ; Ahmed Ben Bella, de famille moyenne, issu d’un milieu de zâwiya marocaine, fut un adjudant de l’armée française avant de devenir conseiller municipale de son bourg frontalier de Marnia.

Belkacem Krim était le fils d’un garde-champêtre kabyle. Mourad Didouche, fils de petit patron de restaurant et de hammam, était un déclassé ; le MTLD le revigora en lui donnant un statut reclas-sé de militant. D’origine également très modeste du Constantinois, un Rabah Bitat devait aussi pratiquement tout au parti. Mohammed Khider enfin était un Biskrî de famille modeste, qui fut un autodidacte, notamment en langue arabe, après son départ pour l’Égypte en 1951.

Les neuf chefs historiques étaient tous passés par l’école française, mais seuls Aït Ahmed et Boudiaf avaient fait des études secondaires, sans toutefois pousser jusqu’au baccalauréat ; Ben Bella, lui, était allé jusqu’en classe de 4ème. Un point commun : leur nationalisme était pour eux plus ou moins consciemment le vecteur d’une revanche leur permettant de supplanter le maître colonial dans son contrôle sur la société algérienne ; et ils furent représentatifs de cette société en cela que, confrontés à la domination coloniale, ils leur brûlait de faire advenir l’identité algérienne. C’est sur fond de crise et d’éclatement du MTLD entre messalistes et centralistes dans l’été 1954 que se profile la naissance du FLN et le recours aux armes du 1er novembre 1954. Volens nolens, l’identité algérienne fut forgée dans la forge coloniale française, contre elle et à ses dépens.

-c- Colonialisme français et identité algérienne

Un exemple : l’incorporation dans l’armée française de 173 000 Algériens de 1914 à 1918 leur valut d’être plongés, comme les Français et comme les Allemands, dans les boucheries de Verdun et du Chemin des Dames ; et pendant la deuxième guerre à 120 000 d’être mobilisés et de contribuer à la victoire sur l’Allemagne nazie . On sait que l’adjudant Ben Bella combattit à la bataille de Montecassino. Il y eut en 1914 deux cas d’indiscipline dans deux régiments de tirail-leurs algériens et un cas dans un régiment de zouaves (principalement Juifs d’Algérie). Épouvan-tés, ils avaient fui devant les soldats allemands, et ils furent punis par des décimations : un homme sur dix des trois compagnie où ils étaient respectivement incorporés furent fusillés .

Puis, avec la stabilisation du front et le paternalisme guerrier des officiers de tirailleurs – il y en avait encore pour parler ou apprendre l’arabe –, ce fut la soumission, et même l’entrain au com-bat, ce que les officiels militaires français ont appelé « le loyalisme » : il y eut de fait une certaine égalité devant la mort dans la boucherie qui broyait les hommes quels qu’ils fussent. C’est en tant que « capitaine indigène » de l’armée française que l’émir Khaled combat sur le front français en 1914-1918.

La paix revenue, il se lance dans la politique et il devient le premier za‘îm de la protes-tation algérienne – il demande, on l’a dit, non l’indépendance, mais des élus algériens à la Cham-bre des députés à Paris, ce qui est suffisant, vu son audience grandissante, pour embarrasser le pouvoir colonial. Gênant, il est exilé par le GG de l’Algérie à l’été 1923, en Égypte d’abord, puis en Syrie où il avait passé son enfance (1875-1892), et où il retourna finir ses jours (1925-1936).

Le premier polytechnicien algérien (1867-1937) , le colonel Chérif Cadi, originaire de Souk Ahras, à la fois se fit naturaliser français (en acceptant donc de perdre son statut juridique musulman), mais il raffermit sa foi aux lieux saints où il fut envoyé en mission, tout en suscitant toujours plus ou moins d’inquiétude chez ses supérieurs… S’il avait été un Français de l’hexagone français, il aurait sans doute fini général : même avec la naturalisation, même avec la citoyenneté française, même avec une prestigieuse formation à l’École polytechnique, la discrimination colo-niale subsistait.

Et lorsqu’une femme française épousait un Algérien, elle acquérait aussi son statut d’indigène, reléguée au 2e collège après 1947. Dans l’Algérie coloniale, longtemps durant, le terme d’Algériens avait été confisqué pour désigner les Européens d’Algérie. La Dépêche parlementaire écrivait en juin 1914 du nouveau président du conseil français, René Viviani, né à Bel Abbès en 1862 et fils d’un conseiller général d’Oran sous le Second Empire, « cet Algérien a les défauts de sa fâcheuse origine ».

Dans le même temps, l’école française qui put au départ se heurter à des résistances chez les Algériens , refusa de plus en plus des élèves dans l’entre-deux guerres : alors que la France de l’hexagone était pour eux quasiment terra incognita avant 1914, la manière de voir des Algériens fut transformée par la découverte d’un monde inconnu d’eux que la première guerre mondiale occa-sionna et qui les impressionna : 173 000 soldats et 120 000 ouvriers – près de 300 000 Algériens jeunes – connurent respectivement le monde des tranchées et celui de l’usine. Pour autant, la barrière coloniale ne fut pas levée ; elle demeura, intangible.

La logique ethniciste coloniale a enfin contribué à rendre suspecte la question de l’identité berbère en Algérie dans le nationalisme algérien : à renvoyer ceux qui voulaient la poser à une collusion avec les catégories de l’occupant français, à une trahison de l’identité algérienne, laquelle avait été définie sans retour selon la trilogie de shaykh Abdelhamid Ibn Bâdis déjà citée, et à la-quelle adhérait manifestement l’ensemble du nationalisme algérien.

Sauf qu’éclata à la direction du MTLD la crise berbériste de 1949, dont le Tlemcénien Messali Hadj profita d’ailleurs pour purger la direction en éliminant notamment l’étoile montante du parti, le docteur Mohammed Lamine-Debaghine ; comme le za‘îm, il était arabophone – originaire, lui, de Cherchell – et musulman croyant. Mais la question, latente, ne cessa pas d’être posée.

Se fit jour, devant la primauté islamo-arabe, une conscience berbère réactive. Elle débou-cha, suite à l’interdiction d’une conférence de Mouloud Mammeri, sur le « printemps berbère » d’avril 1980, et trois mois plus tard au séminaire de Yakouren qui mit en forme le programme du Mouvement culturel berbère ; il y eut d’autres mouvements, des boycotts scolaires, et, en 1994 la création, assez formelle, du Haut commissariat à l’amazighité.

D’une part la berbérité put être ressentie comme moins honorable que l’arabité, comme l’indique l’idéologie officielle inspirée de celle des ‘ulamâ’ – le shaykh Ibn Bâdis reconnaissait cependant ses origines sanhajî, donc berbè-res. Ou vue à l’inverse comme la marque d’une valeur spécifique débouchant sur le MCB.

Ainsi les Algériens oscillent entre définition, dévalorisation et survalorisation de leur moi collectif. Ils peuvent s’affronter sur ces questions d’identité, même si et parce qu’ils se ressemblent, alors que, en histoire, les identités multiples ne se comptent pas et qu’existent des processus en évolution permanente et jamais figés : on peut très bien, et on est souvent deux choses, ou plus, à la fois. Bien des berbérophones sont d’excellents arabisants qui, sans se départir de leur attachement à l’amazigh, reconnaissent sincèrement que l’arabe est une très belle langue. Il faut enfin rappeler que le foyer originel de la revendication indépendantiste se situa en dehors de l’Algérie.

-d- Le mouvement national algérien , de Paris à l’apatriement à Alger

Même si avant 1914 quelques milliers d’Algériens, Kabyles pour l’essentiel, travaillaient à Paris, dans le Nord, dans la région marseillaise et dans la région de Lyon-Saint Étienne, c’est pen-dant première guerre mondiale que fut déclenchée la première grande vague de l’émigration algé-rienne : de 1914 à 1918, furent recrutés au total, soit comme tirailleurs, soit comme ouvriers plus de la moitié de la classe d’âge des hommes de 20 à 30 ans. Elle offrit pour la première fois à ces jeunes gens la découverte d’un monde inouï et de nouveaux horizons, pour le pire et pour le meilleur. Et la France fut bien le creuset originel du mouvement national algérien militant.

En 1918, lors de son service militaire à Bordeaux, Messali, étudié notamment par Benja-min Stora , découvre la France, avant de se fixer à Paris avec sa compagne Émilie Busquant, fille d’un ouvrier militant anarcho-syndicaliste de Neuves Maisons, ville de mines de fer et de sidérur-gie, à 12 km au sud de Nancy. Sur sa tombe au cimetière de Neuves Maisons, une seule mention : « Ici repose Madame Messali ». C’est à Paris que Messali découvre le mouvement ouvrier fran-çais ; durant plusieurs années, il est adhérent du PCF à l’époque de son militantisme anticolonial, et c’est en 1926 qu’est fondée par Abdelkader Hadj Ali l’Étoile nord-africaine, à l’origine organi-sation satellite du Parti communiste français – c’était le jeune PCF qui, le premier, avait demandé, dès 1920, l’indépendance de l’Algérie. Messali participe en 1927 au congrès international anti-impérialiste de Bruxelles, dans la mouvance communiste. Mais l’année suivante, c’est la rupture avec la tutelle du PCF. Fin 1929, l’ÉNA est interdite, puis l’ÉNA est reconstituée sous le nom de Glorieuse Étoile nord-africaine (GÉNA).

La GÉNA organise des meetings en France et en Belgique. Le 5 août 1934, se tient son assemblée générale, rassemblant 800 participants à Levallois-Perret, à moins de 3 km ou nord-ouest des Champs Élysées. C’est à cette occasion que, pour la première fois, le drapeau algérien, qui aurait été cousu par sa compagne Émilie, est présenté en public. Et c’est le 2 août 1936 que Messali prit d’autorité la parole au meeting du Congrès musulman algérien au stade municipal d’Alger pour affirmer fortement la revendication de l’indépendance de l’Algérie, saluée par des acclamations. Début 1937, alors même que la GÉNA fait partie des initiateurs du Front popu-laire, vainqueur aux élections législatives du printemps 1936, elle est interdite par le gouverne-ment Blum.

C’est alors que Messali (r)apatrie en Algérie le parti qu’il fonde peu après, le Parti du Peuple algérien. Au premier semestre de 1936, il avait dû se réfugier en Suisse où il se lia avec Chekib Arslan, nationaliste arabe dans la ligne de la Nahda, qui publiait le journal La Nation arabe. Donc Messali est constitué par des sources variées, et s’il apparaîtra comme un emblème, comme le za‘îm adulé par les foules, il sera aussi un politique pour qui le recours aux armes n’apparaissait pas comme une fin en soi mais comme un moyen pour peser sur une solution politique qu’il pen-sait inéluctable, et devant passer par des négociations avec les Français pour faire triompher une cause algérienne, aussi orchestrée et popularisée au niveau mondial – ce qui s’est finalement pro-duit. On sait que le PPA fut interdit en 1945 ; il prit le nom de MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés démocratiques) fin 1946. C’est sur fond d’éclatement du MTLD entre messalistes et centralistes que naquit le 23 mars 1954 le CRUA (Comité révolutionnaire d’Unité et d’Action), d’où est issu le FLN (Front de Libération nationale) le 10 octobre 1954.

Mais pour revenir à l’ÉNA des origines, est-il indifférent de se poser la question de la désignation de son président : pourquoi des militants, très majoritairement kabyles, berbéropho-nes, mirent-ils deux arabophones issus de l’Oranie à leur tête ? Successivement, et brièvement, Abdelkader Hadj Ali, de Relizane, puis, plus important, le citadin Messali, Tlemcénien : s’agit-il là d’une métaphore à peine anticipatrice de la trilogie identitaire du Constantinois Ibn Bâdis ? Constantine-Tlemcen : le territoire de la patrie algérienne, seul espace auquel peut correspondre l’invention de la nation algérienne.

Conclusion

Il y eut donc en Algérie une cruelle ambivalence de rapports avec des valeurs présentées comme universelles par le colonisateur – éducation, rationalité, démocratie –, mais bafouées par lui ou utilisées comme instruments de séduction, donc de pouvoir, et constamment truquées. D’où en Algérie la propension à s’arrimer aux valeurs refuges crispées, mythifiées, de l’islamo-arabité qui furent d’autant plus proclamées qu’elles y avaient été davantage déstabilisées.

Les Algériens ont donc regardé à la fois vers leur Est islamo-arabe et vers leur Nord français. Leur par-ticularité n’est-elle donc pas qu’ils auraient quelque part oscillé entre, été tiraillés par une double identification, par une double conscience – d’aucuns diraient une triple ou une multiple cons-cience ? Germaine Tillion n’a-t-elle pas donné pour titre lumineux à l’un de ses livres Les ennemis complémentaires ? A ce propos, les analyses célèbres d’Albert Memmi sur la distinction radicale en-tre colonisé et colonisateur ne risquent-elles pas d’être trop dichotomiques ?

Que penser des instituteurs algériens formés à Bouzarea, quels qu’aient pu être leurs sentiments ? Que penser par exemple d’un Rabah Zenati, à la fois partisan déclaré de l’assimilation à la France et se rendant compte qu’elle est illusoire ?: il fait paraître la même année (1938) aux Publications du Comité de l’Afrique française Le problème algérien vu par un indigène , préfacé par le très officiel auteur colonial Jacques Ladreit de Lacharrière, et aux éditions Attali de Constantine, sous le pseudonyme de Hassan, Comment périra l’Algérie française .

Et on a vu que, pas plus que la Fédération des Élus, le shaykh Ibn Bâdis ne revendiqua l’indépendance de l’Algérie : contrairement à ce qui put être pro-clamé, les ‘ulamâ’ ne furent pas à l’origine du 1er novembre 1954, ils rallièrent tardivement le FLN. Simplement, le nationalisme algérien avait besoin de leur caution et il fit globalement sien leur schéma identitaire dans la lutte de libération nationale, et au-delà.

Pour terminer, on rappellera que, notamment depuis la guerre de libération algérienne, les historiens français ont considérablement évolué, et il n’en reste guère plus aujourd’hui qui soient encore des thuriféraires de la colonisation (cf. quelques titres ci-dessous). Serait-ce que, comme l’a écrit Pierre Vidal-Naquet, la guerre a fait évoluer les historiens ? Ou simplement que le colonia-lisme et le nationalisme français sont maintenant beaucoup moins pesants au cœur des préoccu-pations des historiens.

En tout cas, les historiens français se sont dans l’ensemble davantage pen-chés sur l’histoire de l’Algérie que sur l’histoire des voisins, Tunisie et Maroc. Peut-on émettre le vœu que, dans la sérénité, soit méditée la possibilité d’aboutir un jour à l’équivalent franco-algérien du récent manuel d’histoire franco-allemand qui a tenté de donner une histoire à deux voix surmontant un contentieux historique plus que séculaire ?

Même si chercheurs français et chercheurs algériens ne disent pas forcément la même chose, et, même si dans leurs rangs respec-tifs, il ya divergence, mais aussi débat, l’histoire commune franco-algérienne est si dense que tou-tes les tentatives d’échanges doivent être encouragées entre historiens libres.

En épilogue, formons le vœu que cette idée puisse connaître des développements riches pour aider à traiter sereinement de l’histoire d’un contentieux historique, lui aussi plus que sécu-laire, à égalité entre Français et Algériens ; cela autrement que par la célébration des « “aspects positifs” de la présence française Outre-mer, notamment en Afrique du Nord », ou l’invitation convenue à une « repentance ». Sans compter que ni les Algériens ni les Français n’ont le mono-pole de l’histoire de l’Algérie : il existe nombre d’historiens d’autres pays.

La grande somme sur l’histoire de la guerre de 1954-1962, due à l’Allemand Hartmut Elsenhans, publiée en allemand en 1974, traduite en français et publiée en 1999 chez Publisud, reste de nos jours encore largement ignorée, tant des publics algérien que français. Cela bien que l’histoire, comme toutes les sciences humaines, et comme toutes les sciences tout court, soit un bien humain universel.

Gilbert Meynier

Ex-professeur au lycée Pasteur, Oran (1967-1968)
Ex- enseignant à l’université de Constantine (1968-1970)
Professeur émérite de l’université de Nancy II
Quelques auteurs, quelques titres

Historiens et analystes coloniaux

* Augustin Bernard ,
- L’Algérie, Paris, Félix Alcan, 1929, 522 p.
- L’Algérie (in Gabriel Hanotaux, Alfred Martineau, Histoire des colonies françaises, Paris, Plon, 5 vol., 1930-1932 : t. 2, 548 p.)

*Augustin Berque,
- L’Algérie, terre d’art et d’histoire, Alger, impr. V. Heintz, 1937, 373 p.
- Écrits sur l’Algérie (édit. par Jacques Berque, postface de Jean-Claude Vatin), Aix en Provence, Édisud, 1986, 300 p.
* J.-M. Bourget et al .
- Cahiers du Centenaire de l’Algérie (12 cahiers), Publications du comité métropolitain du Centenaire de l’Algérie, 1930, au total 998 p.

* Victor Demontès,
- Le peuple algérien : essais de démographie algérienne, Alger, Imprimerie algérienne, 1906, 619 p.
- La colonisation militaire sous Bugeaud, Alger, Imprimerie algérienne, Paris, Larose, 652-II p.
- L’Algérie économique, Alger, Imprimerie algérienne, Gouvernement général de l’Algérie, Direction de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, 6 vol., 1922-1930, 2998 p.

* Joseph Desparmet (professeur d’arabe et anthropologue) :
- Série d’articles d’un observateur (années 1920-1930) publiés dans le Bulletin de la Société de Géographie d’Alger et de l’Afrique du Nord, sur l’évolution du sentiment national algérien et le réveil de la langue arabe (« La réaction linguistique en Algérie », « Les réactions nationalitaires en Algérie »…)
- La turcophilie en Algérie, Alger, Imprimerie algérienne, 1916-1917, 110 p.
- Coutumes, institutions et croyances des indigènes d’Algérie (arabe et français), Alger, 1ère édit., Alger, Jourdan, 1913, VIII-452 p., 2ème édit., Alger, La Typo-litho Carbonel, 1948, 320 p.

* Émile-Félix Gautier,
-Le passé de l’Afrique du Nord. Les siècles obscurs du Maghreb, 1ère édit. Paris, Payot, 1927, 457 p., 2ème édit., ibid., 1964, 447 p.

* Norbert Gomar,
- L’émigration algérienne en France, Reims, Les Presses modernes, 1933, 151 p.



* Georges Hardy,
- L’enseignement aux indigènes dans les possessions françaises d’Afrique, Bruxelles, Institut colonial international, 1931, 471 p.
- Histoire sociale de la colonisation française, Paris, Larose, 1953, 269 p.

*Jules Harmand,
- Domination et colonisation, Paris, Flammarion, 370 p.1910

* Paul Leroy-Beaulieu,
- De la colonisation chez les peuples modernes, Paris, Guillaumin, 1874, VII-616 p. (plusieurs édit. success.)

* Victor Piquet,
- L’Algérie française. Un siècle de colonisation 1830-1930, Paris, Armand Colin, 1930, XIV-413 p.

* Jean-Jacques Rager,
-Les Musulmans algériens en France et dans les pays islamiques, Paris, les Belles lettres, 1950, 367 p.

* Charles Rivière,
- (co-auteur : Henri Lecq) Traité d’agriculture pour le nord de l’Afrique, Algérie-Tunisie-Maroc-Tripolitaine, Paris, A. Chal-lamel, 1914, III-1090 p. ; 2ème édit., Paris, Société d’Éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1928-1929, 2 vol., 662 et XVIII-687 p.

* Henri Tridon,
- Comment la France perdra ses colonies, Paris, Éditions et Librairie, 1913, 148 p.

*Joost Van Vollenhoven,
- Essai sur le fellah algérien, Paris, A. Rousseau, 1903, 313 p.

* Alfred Wahl,
- L’Algérie, Paris, Félix Alcan, 1889, 422 p .


Historiens positivistes et analystes du temps de la décolonisation

* Charles-Robert Ageron :
- Les Algériens musulmans et la France, 2 vol., PUF, 1968, 1298-XVIII p.
- (co-auteur de ) Histoire de la France coloniale (), A. Colin, 1991, 2 vol., 1500 p.
-L’anticolonialisme en France de 1871 à 1914, (textes choisis et présentés par C.-R. Ageron), Paris, PUF, 1973, 96 p.
- Histoire de l’Algérie contemporaine 1871-1954, 2e vol. (1er vol. : cf. Charles-André Julien), Paris, PUF, 1979, 643 p.
- (dir. de) Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, actes du colloque de l’IHTP des 4 et 5 octobre 1984, Paris, Édit. du CNRS, 1986, 564 p.
- Œuvres (Le gouvernement du général Berthezène, De l’Algérie « française » à l’Algérie algérienne, Genèse de l’Algérie algérienne, Les Algériens musulmans et la France), Paris, Bouchène, 2005, 5 vol., 2802 p.

* Henri-Georges Bousquet,
- L’Islam maghrébin. Introduction à l’étude générale de l’Islâm, Alger, Maison des Livres,1947, 207 p.

* Marcel Émerit,
- Les Saint Simoniens en Algérie, Publications de la faculté des lettres d’Alger, Paris, Société d’Édition des Belles Lettres, 1941, 349 p.
- L’Algérie à l’époque d’Abd El Kader, Paris, Larose, 1951, 302 p. ; réédit. Paris, Bouchène, 2002, 261 p.
- La politique indigène de Bugeaud, Paris, Larose, 1955, XII-383 p.

* Hildebert Isnard,
- La vigne en Algérie. Étude géographique, Gap, Ophrys,1947-1954, 2 vol., 278 et 537 p.
- « Aux origines du nationalisme algérien », in Annales Économies, Sociétés, Civilisations, 1950, p. 465-474
- L’Algérie, Paris-Grenoble, B. Arthaud (coll. Les Beaux pays), 1954, 236 p
- « L’Algérie ou la décolonisation difficile », in La Méditerranée, 1969 N° 3, p. 325-340

* Charles-André Julien,
- Histoire de l’Afrique du nord : Tunisie, Algérie, Maroc (somme factuelle alertement classique), 1ère édit. Paris, Payot1931, XVI-866 p., 2e édit., ibid., 1966, 2 vol. 333 et 367 p. 2 vol., 333 et 367 p. (t.1 : Des origines à la conquête arabe, 647 ap. J.C. ; t. 2 : De la conquête arabe à 1830), réimpr. Alger, SNED, 1980
- L’Afrique du Nord en marche. Nationalismes musulmans et souveraineté française, Paris, Julliard, 1952, 419 p.
- Histoire contemporaine de l’Algérie, 1er vol. Conquête et colonisation, 1827-1871, PUF, 1964, 632 p.
- (av. Catherine Coquery-Vidrovitch, Magali Morsy et al., dir. de) Les Africains, Paris, édit. Jeune Afrique, 1977, 12 vol., 3976 p.

* Pierre Pluchon, Denise Bouche,
- Histoire de la colonisation française, Paris, Fayard, 1991, 2 vol., 1114 et 607 p.

* Xavier Yacono,
- La colonisation des plaines du Chélif, 2 vol., Alger, impr. E. Imbert, 1955, 2 vol., 445 et 424 p.
- Histoire de la colonisation française, Paris, PUF (coll. Que sais-je ?), 1961, 128 p. (plusieurs édit. succes.)
- Les étapes de la décolonisation française, Paris, PUF (coll. Que sais-je ?), 1971, 127 p. (plusieurs édit. succes.)
- Histoire de l’Algérie : de la fin de la Régence turque à l’insurrection de 1954, Versailles, Éditions de l’Atlanthrope, 1993, 396 p.


L’histoire problèmes et diverses autres œuvres majeures

* Gabriel Ardant,
- (édit. : Jean-Paul Charnay, préf. Jacques Berque), De l’impérialisme à la décolonisation, Paris, Édit. de Minuit, 1965, 505 p.

* Jacques Berque,
- Études d’histoire rurale maghrébine, Tanger, Fès, Les Éditions internationales, 1938, 212 p.
- Les Arabes d’hier à demain, Paris, Seuil, 1960, 248 p.
- Le Maghreb entre deux guerres, Paris, Seuil, 1962, 446 p.
- Les Arabes, Paris, Sindbad, 1973, 149 p.
- Maghreb, histoire et société, Gembloux, Duculot, Alger, SNED, Paris, DIFFEDIT, 1974, 227 p.
- L’intérieur du Maghreb : XVe-XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1978, 547 p.
- Dépossession du monde, Paris, Seuil, 1987, 214 p.

* Pierre Bourdieu,
- Sociologie de l’Algérie, PUF, coll. Que sais-je ?, 1958, 128 p. (plusieurs édit. success.)
- (co-auteur : Abd El Malek Sayad), Le déracinement : la crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie, Paris, Édit. de Minuit, 1964, 227 p.
-Le sens pratique, Paris, Édit. de Minuit, 1989, 475 p. (sur la Kabylie)
- Esquisses algériennes (textes édités et présentés par Tassadit Yacine), Paris, Seuil, 2008, 414 p.

* Fernaud Braudel,
- La Méditerranée à l’époque de Philippe II, A. Colin, 1949, 1160 p. (plusieurs édit. success.)

* Henri Brunschwig,
- Histoire de la colonisation européenne, Paris, Les Cours de droit, 1949, 3 vol.
- Mythes et réalités de l’Empire colonial français 1871-1914, Paris, Armand Colin, 1960, IV-206 p.

* Jean-Paul Charnay,
- La vie musulmane en Algérie d’après la jurisprudence de la première moitié du XXème siècle, Paris, 1965, PUF, XVI-393 p. - (dir.) Normes et valeurs dans l’Islam contemporain, Paris, Payot, 1966, 367 p.

* Gilbert Grandguillaume,
- Nédroma : l’évolution d’une médina, Leiden, E. J. Brill, 1976, XV-195 p.
- Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, 1983, 214 p.
- (av. Jocelyne Cesari, Franck Frégosi et al.), L’Islam d’Europe : la religion musulmane entre foi individuelle et repli ethni-que, Paris, Seuil, 1997, 233 p. (revue Esprit N° 1, 1998)

* Jean-Marie Guillon,
- (édit. de) Paul-Albert Février, un historien dans l’Algérie en guerre : un engagement chrétien, 1959-1962, (lettres de Paul-Albert Février), préface : Pierre Vidal-Naquet ; postface : André Mandouze, Paris, Édit. du Cerf (coll. Intimité du christia-nisme), 2006, 525 p.

* Pierre Guiral,
- Marseille et l’Algérie, 1830-1841, publication des Annales de la Faculté des Lettres d’Aix en Provence, Gap, Ophrys, 1957, 257 p.
- (co-auteurs : Raoul Brunon, Jean-Louis Jourdan), Les militaires français à la conquête de l’Algérie, 1830-1857, Paris, Critérion, 1992, 318 p.

* Hady Roger Idris,
- La Berbérie orientale sous les Zirides, Xème-XIIème siècle, Publications de l’Institut d’Études orientales de l’Université d’Alger, Paris, 1962, LII-896 p.

* André Mandouze
- (présentation de) La Révolution algérienne par les textes, documents du FLN, Paris, Maspero, 1961, 179 p.
- Un chrétien dans son siècle. De Résistance en résistances, textes choisis et présentés par Olivier Aurenche et Martine Seve-grand, préface de Stéphane Hessel, Paris, Karthala, 2007, 376 p.

* André Nouschi,
- (co-auteurs : Yves Lacoste, Marcel Prenant), L’Algérie passé et présent, le cadre et les étapes de la constitution de l’Algérie actuelle, Paris, Éditions sociales, 1960, 453 p.
- Enquête sur le niveau des populations rurales constantinoises, PUF, 1961, 767 p.
- La naissance du nationalisme algérien 1914-1954, Paris, Édit. de Minuit, 1962, 163 p.
- La France et le monde arabe depuis 1962, histoire d’une ambition, Paris, Vuibert, 1984, 224 p.
- Les armes retournées, colonisation et décolonisation française, Paris, Belin, 2005, 447 p.

* Annie Rey-Goldzeiguer,
- Le royaume arabe, la politique algérienne de Napoléon III, 1861-1870, Alger, SNED, 1977, 814 p.
- Aux origines de la guerre d’Algérie, 1940-1945 : de Mers el Kebir aux massacres du Nord Constantinois, Paris, 2002, La Découverte, 402 p.

* Germaine Tillion,
- L’Afrique bascule vers l’avenir : l’Algérie en 1957 et autres textes, Édit. de Minuit, 1960, 179 p.
- Les ennemis complémentaires, Édit. de Minuit, 1960, 219 p.
- Le Harem et les cousins, Paris, Seuil, 1966, 219 p.
- L’Algérie aurésienne, Paris, La Martinière/Perrin, 2001,
- Combats de guerre et de paix, Paris, Seuil, 2007, 822 p. (textes réunis et préfacés par Tzvetan Todorov)

* Pierre Vidal-Naquet,
- L’Affaire Audin, Paris, Édit. de Minuit, 1958, 103 p.
- La raison d’État (textes publiés par le Comité Maurice Audin), Édit. de Minuit, 1962, 331 p.
- La torture dans la République : essai d’histoire et de politique contemporaine, 1954-1962, Paris, Édit. de Minuit, 1972, 204 p.
- Les crimes de l’armée française, Paris, Maspero, 1975, 172 p.
- Face à la raison d’État : un historien dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 1989, 259 p.



Parmi les historiens et chercheurs, algériens et français, plus récents

Lahouari Addi, Dalila Aït el Djoudi, Lydia Aït Saadi, Linda Amiri, Djemila Amrane Minne, Richard Ayoun, Jamel Eddine Bencheikh, Abd El-Hadi Ben Mansour, Fatima Besnaci Lancou, Omar Bessaoud, Emmanuel Blanchard, Hubert Bonin, Charles Bonn, Nassima Bougherara, Djamel Boulebier, Raphaëlle Branche, Omar Carlier, El-Hedi Chalabi, Saïd Chikhi, Claude Collot, Fanny Colonna, Michel Cornaton, Alain Dewerpe, Abdelkader Djeghloul, Daho Djerbal, Jean-Luc Einaudi, Ali El Kenz, Valérie Esclangon-Morin, Bruno Étienne, Maurice Faivre, Benoît Falaize, Kamel Filali, Jacques Frémeaux, René Gallissot, Alain Gillette, Fatima Zohra Guechi, Didier Guignard, Mohammed Hachemaoui, Abdelhamid Hadjiat, Ab-delhafid Hammouche, Mohammed Harbi, François-Xavier Hautreux, Ahmed Henni, Jean-Robert Henry, Jean-Charles Jauf-fret, Jean-Jacques Jordi, Mahfoud Kaddache, Aïssa Kadri, Yvette Katan, Kamel Kateb, Tahar Khalfoune, Abderrahmane Khelifa, Ahmed Koulakssis, Mostefa Lacheraf, Françoise Lantheaume, Jean Leca, Michel Levallois, Daniel Lefeuvre, Loïc Le Pape, Christine Lévisse-Touzé, Claude Liauzu, Seloua Luste Boulbina, Claire Mauss-Copeaux, Benamar Mediene, Boucif Mekhaled, Ali Merad, Gilbert Meynier, Lemnouar Merouche, Amar Mohand-Amer, Abderrahmane Moussaoui, Rachid Ouaïssa, Guy Pervillé, Jean-Pierre Peyroulou, Laure Pitti, Jean-Louis Planche, Fernand Pouillon, Hassan Remaoun, Daniel Rivet, Tramor Quemeneur, Belkacem Recham, Hassan Remaoun, Michel Renard, Annie Rey-Goldzeiguer, Karim Rouina, Alain Ruscio, Abû al-Qâcim Sa‘adallâh, Abdelmalek Sayad, Diane Sambron, Abdelmalek Sayad, Yann Scioldo-Zurcher, Ryme Seferdjeli, Abderrahmane Sekfali, Sadek Sellam, Ouanassa Siari-Tengour, Karima Slimani Direche, Fouad Soufi, Benjamin Stora, Khaoula Taleb-Ibrahimi, Wassyla Tamzali, Christelle Taraud, Sylvie Thénault, Lucette Valensi, Jean-Claude Vatin, Roger Vétillard, Tassadit Yassine… (liste non limitative).




Quelques titres d’historiens et chercheurs non algériens et non français


* Raed Bader (palestinien),
- Une Algérie noire : traite et esclaves noirs en Algérie coloniale, thèse, Université de Provence, 2005, 2 vol., 365 p.

* Anna Bozzo (italien),
- Rapporti tra religione islamica e naziolanismo in Algeria di fronte alla colonizzazione francese, 1903-1938, thèse, Università degli Studi, Gênes, 1970, 288 p.
- L’Algeria nei documenti dell’archivio di stato di Napoli : fondo affari esteri, 1782-1862, Rome, Istituto per l’Oriente C. A. Nallino, 1992, 416 p.
- (co-auteurs: Alessandro Triulzi, Guido Valabrega), Storia dell’Africa e del Vicino Oriente, Florence, La Nuova Italia, 1979, XVIII-521 p.

* Michele Brondino (italien),
- Le Grand Maghreb, mythes et réalités, Tunis, Alif, 1990 (traduction de Il grande Maghreb, mito e realtà, Milan, Franco Angeli, 1988)
- (dir., co-dir. Yvonne Fracassetti), La Méditerranée, figures et rencontres. Identité et dialogue interculturel, Paris, Publisud, Encyclopédie de la Méditerranée, 2008, 278 p.

* Enrico de Leone (italien),
- La colonizzazione dell’Africa del Nord (Algeria, Tunisia, Marocco, Libia), Padoue, CEDAM, 1957-1960, 2 vol., 1024 p.

* Hartmut Elsenhans (allemand),
- La guerre d’Algérie, 1954-1962. La transition d’une France à une autre. Le passage de la IVe la Vème République Paris, Publisud, 1999, 1072 p. (traduction de Frankreichs Algerienkrieg, Entkolonisierungsversuch einer kapitalistischen Metropole. Zum Zusammenbruch der Kolonialreiche, Munich, Carl Hanser Verlag, 1974, 908 p.),

* Martin Evans (britannique),
- Mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, L’Harmattan, 2007 (traduction de The memory of French resistance to the Algerien war 1954-1962, Londes-New York, Berg, 1997)
- (co-auteur : John Philips) Algeria, anger of the disposseded, New Haven-Londres, Yale University Press, 2007, 352 p.

* Jim House (britannique),
- (co-auteur : Neil Mc Master) Les Algériens, la terreur d’État et la mémoire, Paris, Tallandier, 2008, 538 p. (traduction de Paris 1961, Algerians, state terror and memory, Oxford, Oxford University Press, 2006)

* Christiane Kohser-Spohn (allemand)
- (dir., co-dir. : Frank Renken) Trauma Algerienkrieg. Zur Geschichte und Aufarbeitung eines tabuisierten Konflikts (acte du colloque organisé par le Georg Eckert Institut, Braunschweig), Francfort/Main-New York, Campus Verlag, 2006, 350 p.

* Margaret A. Majumdar (britannique),
- (co-auteur : Mohammad Saad), Transition and development in Algeria: economic, social and cultural challenges, Bristol, Intellect, 2005, IX-193 p.
- Postcoloniality: the French dimension, New York-Oxford, Berghahn Books, 2007, XXVI-310 p.

* Giovanni Mari (italien),
- I vocabolari di Braudel: lo spazio come verità della storia, Naples, Luciano, 2001, 184 p.

* James Mc Dougall (britannique),
- (édit. de) Nation, Society and Culture in North Africa, Londres, Frank Cass, 2003, 186 p.
- History and the Culture of nationalism in Algeria, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, 266 p.

* Neil Mc Master (britannique),
- Burning the veil. The Algerian war and the ‘emancipation’ of Muslim women, 1954-1962, Manchester, Manchester University Press, 2009, 416 p.

* Clement Henry Moore (américain),
- Politics in North Africa: Algeria, Morocco and Tunisia: a country study, Boston, Little/Brown, 1970, XIX-360 p.
- UGEMA, Union Générale des Étudiants musulmans algériens (1955-1962). Témoignages, Alger, Casbah Éditions, 2010, 642 p.

* László Nagy (hongrois)
- La naissance et le développement du mouvement de libération nationale en Algérie, 1919-1947, Budapest, Akadémiai, 1989, 171 p.

* Romain Rainero (italien),
- (dir. de) Italia e Algeria: aspetti storici di un’amicizia mediterranea, Milan, Marzorati, 1982, 598 p.
- Storia dell’Africa dall’epoca coloniale ad oggi, Turin, ERI, 1966, 423 p.

* Frank Renken (allemand),
- Frankreich im Schatten des Algerienkrieges. Die fünfte Republik und die Erinnerung an den letzten großen Kolonialkonflikt, Göttingen, V& R Unipress, 2006, 569 p.

* Werner Ruf (allemand),

-Introduction à l’Afrique du Nord contemporaine, Aix en Provence, CRESM, Paris, CNRS, 1975, 449 p.
-Die Algerische Tragödie. Vom Zerbrechen des Staates einer zerrissenen Gesellschaft, Münster, Agenda Verlag, 1997, 171 p.

* Todd Shepard (américain),
- Comment l’indépendance algérienne a transformé la France, Paris, Payot, 2008, 415 p. (traduct. de The Invention of Deco-lonization, New York, Cornell University, 2006)

* Natalya Vince (britannique),
- To be a Moudjahida in Independent Algeria: Itineraries and Memories of Women Veterans of the Algerian War, thèse Ph.D, University of London, Queen Mary College, 18 juillet 2008, 279 p.

* Gustav Von Grunenbaum (allemland),
- L’identité culturelle de l’Islam, Paris, Gallimard, 1973, XV-294 p.

* Philipp Zessin (allemand),
- Antstehung, Soziologie und Semantik des indigenen Journalismus in Algerien in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts, thèse, European University Institute, Department of History and Civilization, Florence, 22 octobre 2010, 305 p.