Pendant près de cinquante jours, du 5 novembre au 22 décembre 2009, l'Arabie saoudite est engagée dans une courte guerre avec la rébellion yéménite houthiste (du nom de son initiateur Abdel Malek Al-Houthi) retranchée dans le nord du pays et qui s'était déployée au-delà de la frontière entre les deux pays.
Pour un royaume habitué au "soft power" et qui a longtemps sous-traité sa sécurité aux Etats-Unis, ce qui ressemble au départ à une escarmouche se transforme très vite en épreuve. Elle est suivie de très près par les Américains, appelés à la rescousse pour ravitailler l'armée saoudienne.
"Il s'agit de l'engagement le plus significatif depuis qu'Abdel Aziz a combattu pour établir le royaume saoudien", il y a plus d'un siècle, écrit en décembre l'ambassade américaine à Riyad, selon un télégramme obtenu par WikiLeaks et révélé par Le Monde.
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Mais le bilan dressé par les Américains des bombardements saoudiens jugés "disproportionnés", aussi massifs qu'imprécis dans un théâtre d'opération montagneux, est particulièrement sévère, même si au final les Saoudiens assurent avoir repoussé les rebelles.Au point que lors d'une rencontre avec le vice-ministre saoudien de la défense qui a dirigé les opérations, le prince Khaled Bin Sultan, quelques semaines plus tard, l'ambassadeur américain s'inquiète du bon usage fait par l'aviation saoudienne des images prises par satellite transmises par les Etats-Unis.
CINQ VÉHICULES ET HUIT PNEUS
L'ambassadeur présente au prince la photo d'un bâtiment bombardé qui, selon les Etats-Unis, est un hôpital. "Cela me dit quelque chose", remarque le prince, avant d'ajouter: "Si nous avions eu des Predator, peut-être que nous n'aurions pas eu ce genre de problème." Et le prince de mettre en cause la qualité des informations données par les Yéménites.
Selon cette note, datée du 7 février, les Saoudiens auraient ainsi reçu les coordonnés d'un site correspondant au quartier général du commandant de la région nord du Yémen, le général Ali Mohsen Al-Ahmar, "qui est considéré comme un opposant politique au président [Ali Abdallah] Saleh", précise la note.
Des critiques, les Saoudiens en ont également à faire valoir aux Etats-Unis. Sur la qualité des armes fournies tout d'abord notamment les bombes GBU-10 à guidage laser, dont des dizaines n'auraient pas explosé.
Les Saoudiens reprochent également les procédures américaines qui ont, selon eux, freiné le ravitaillement en munitions aux moments les plus critiques. C'est "comme lorsqu'une maison brûle et que les voisins disent qu'ils vont intervenir mais qu'ils ne le font pas", se plaint un général saoudien.
Le même responsable compare alors les Etats-Unis à un vendeur de voiture qui cèderait "cinq véhicules mais avec seulement huit pneus". Une guerre brève, donc, mais avec quelques dégâts collatéraux.
Gilles Paris