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Géographie générale - La Bolivie

Source: Université Laval

République de Bolivie





Capitale: La Paz
Population: 7,9 millions (2000)
Langue officielle: castillan (de jure)
Groupe majoritaire: espagnol (43 %)
Groupes minoritaires: environ 40 langues amérindiennes le quechua (36,4 %), l’aymara (22,5 %), le guarani (0,2 %) et le chiquito (0,2 %)
Système politique: république unitaire formée de neuf départements
Articles constitutionnels (langue): art. 6, 116 et 171 de la Constitution de 1994 ; art. 5, 78, 95, 107, 280 et 289 de la nouvelle Constitution de 2009
Lois linguistiques:
décret suprême 23036 du 20 janvier 1992; loi no 1565 du 7 juillet 1994 sur la réforme éducative; décret suprême 23036 du 9 septembre 1994; Code de procédure pénale (2001).
1 Situation générale

La république de Bolivie est un pays d'environ un million de kilomètres carrés (deux fois l'Espagne ou la France, mais 36 fois la Belgique) situé au centre de l'Amérique du Sud. La Bolivie est bordée au nord et à l'est par le Brésil, au sud-est par le Paraguay, au sud par l'Argentine et à l'ouest par le Chili et le Pérou (voir la carte). Avec le Paraguay, c’est le seul pays sud-américain dépourvu d'accès à la mer et c'est également le pays le plus isolé géographiquement du continent. 
La capitale constitutionnelle et le siège des activités commerciales et industrielles du pays est Sucre, tandis que la capitale administrative, culturelle et le siège du gouvernement est La Paz. Les deux constituent les villes principales de la Bolivie. Les autres villes importantes sont Santa Cruz, Cochabamba, Oruro et Potosí. 


La Bolivie est constituée de deux grands ensembles géographiques: à l’ouest, la cordillère des Andes (20 % du territoire national), à l’est les plaines de l'Oriente. La principale caractéristique physique de la Bolivie est donc la présence de la chaîne des Andes, qui s'étend du nord au sud à travers la partie occidentale du pays.
La Bolivie peut également se diviser en trois régions distinctes: l'Altiplano (zona altiplánica 1), région peuplée (70 % de la population) des hauts plateaux du Sud-Ouest se situant entre la Cordillère et le Chili; une partie centrale (2 a et b) comprenant la Cordillère occidentale et la Cordillère orientale (b), appelée zona de los valles (a) et zona de yungas (b); au nord et à l'est les plaines du Chaco (3), qui s'étendent jusqu'au Paraguay, ce qui comprend les llanos orientales (a) et les tierras bajas ou terres basses du Sud (b).
Au point de vue administratif, le pays est divisée en neuf départements administrés par des préfets (nommés par le le chef de l'État). Ces départements sont Santa Cruz, Beni, Tarija, Potosí, La Paz, Chuquisaca, Pando, Cochabamba et Oruro. De plus, chacun des départements est lui-même divisé en provinces, celles-ci étant administrées par des sous-préfets (également nommés par le président de la République). Mentionnons aussi que les les capitales des départements jouent le rôle de moteurs économiques du pays: Cochabamba (dans le Cochabamba), Tarija (dans le Tarija), Oruro (dans l'Oruro), Potosi (dans le Potosi), Cobija (dans le Pando) et Trinidad (dans le Beni).
2 Données démolinguistiques
La population bolivienne est majoritairement d’origine autochtone amérindienne (env. 55 %). On compte ensuite 30 % de Métis ou Mestizos (ou parfois Cholos) et près de 15 % de Blancs, principalement d'origine espagnole. En Bolivie, les termes «Blanc» et «Cholo» réfèrent à de nombreuses significations et toutes sortes d'implications sociales. Ainsi, «Blanc» désigne davantage un statut socio-économique que la couleur de la peau; «Cholo» n'est plus l'équivalent de «Métis», car il désigne maintenant des Métis bilingues (d'origines indigène et blanche ou «pure indienne») qui ont avancé dans l'échelle socio-économique. Parmi les autochtones, 30 % sont des Quechuas et 25 % des Aymaras. Les autres groupes autochtones sont des Guaranis, des Mojeños et des Chimanes. 

La Bolivie est un pays multilingue avec une bonne quarantaine de langues, presque toutes amérindiennes. Quelque 43 % des Boliviens parlent l’espagnol comme langue maternelle. Presque toutes les autres langues appartiennent aux langues amérindiennes, mais la plupart ne comptent que fort peu de locuteurs.
La plupart des langues amérindiennes sont parlées dans le Nord et l'Ouest, c'est-à-dire les plaines du Chaco ainsi que les llanos orientales (3a) et les tierras bajas ou terres basses du Sud (3b). L'espagnol est surtout parlé dans l'Altiplano (1).
On ne compte que quatre langues importantes, si l’on prend comme critère celles parlées par 10 000 locuteurs ou plus: le quechua (36,4 %), l’aymara (22,5 %), le guarani (0,2 %) et le chiquito (0,2 %). Le quechua appartient à la famille quechua, l’aymara à la famille aymara, le guarani à la famille tupi-guarani, le chiquito à la famille macro-ge. Il existe d,autres familles moins importantes: arahuacano (arawákan), chapakuran (chapacurana), mataco, pánoan (páno), tacana, samúkoan (zamucoana). Quelques autres langues sont parlées par quelques milliers de locuteurs, mais l’immense majorité des langues autochtones de la Bolivie est en voie d’extinction. Il n’est pas rare de dénombrer quelques dizaines de locuteurs pour plusieurs petites langues.
La nouvelle Constitution de janvier 2009 reconnaît les 36 langues suivantes en plus du castillan, sur une base régionale: l'aymara, l'araona, le baure, le bésiro, le canichana, le cavineño, le cayubaba, le chácobo, le chimán, l'ese ejja, le guaraní, le guarasúwe, le guarayu, l'itonama, le leco, le machajuyai-kallawaya, le machineri, le maropa, le mojeño-trinitario, le mojeño-ignaciano, le moré, le mosetén, le movima, le pacawara, le puquina, le quechua, le sirionó, le tacana, le tapiete, le toromona, l'uru-chipaya, le weenhayek, le yaminawa, le yuki, le yuracaré et le zamuco.
Mentionnons également le cas des 28 000 locuteurs germanophones. Ce sont des colons mennonites arrivés depuis quelques décennies dans le pays. Ils parlent une langue héritée de l'allemand bas-saxon: le Plautdietsch (Plattdeutsch en allemand) fortement teinté d'influences néerlandaises et flamandes. 
3 Données historiques
Dès le VIIe siècle avant notre ère, la région du lac Titicaca était peuplée d'Amérindiens, notamment les Aymaras, les Chiquitos et les Quechuas. À partir du XIIIe siècle, la région fut incorporée à l'empire des Incas. Ces premières civilisations furent le foyer d'ères culturelles prédominantes. Cependant, elles n’ont pas laissé de traces écrites racontant leurs coutumes et leur histoire.
3.1 La colonisation espagnole
Le Haut-Pérou, qui correspondait au territoire de la Bolivie actuelle, fut conquis en 1538 par le conquistador espagnol Francisco Pizarro (1475-1541). La région fut rattachée à la vice-royauté du Pérou (1543-1776), puis plus tard, en 1776, à la vice-royauté du Río de la Plata (Buenos Aires en Argentine).
Avec l'arrivée des colons espagnols, plusieurs villes furent fondées, dont Chuquisaca (aujourd'hui Sucre), Potosí, La Paz et Cochabamba. De nombreuses mines d'argent furent exploitées par les Espagnols qui firent du territoire l’un des centres les plus prospères et les plus peuplés de leurs colonies. Les populations locales furent soumises à la christianisation et à la castillanisation, sans trop de succès dans ce dernier cas.
Quoi qu’il en soit, les Espagnols ont non seulement exploité les indigènes, mais ils les ont spoliés et ont supprimé tous leurs droits humains, les réduisant à l'état d'esclaves dans les haciendas. Le département de Potosi demeure un exemple parfait du triste sort réservé aux populations autochtones colonisées. Des millions d’indigènes majoritairement issus de Bolivie et du Pérou furent déportés vers le plus grand gisement d’argent jamais découvert. Six millions d’Indios y périrent de froid et d’épuisement. Les langues indigènes furent interdites dans toutes les manifestations officielles de l'État espagnol, mais malgré tout les autochtones résistèrent à la tentative d'assimilation (castillanisation).  


Plus tôt que la plupart des autres colonies, la Bolivie se rebella contre l’Espagne. Les révoltes se multiplièrent, puis le général Antonio José de Sucre (ayant servi sous les ordres de Miranda, puis de Bolivar), qui remporta plusieurs victoires contre les Espagnols, libéra l’Équateur, le Pérou et la Bolivie. Celle-ci obtint son indépendance le 6 août 1825. 
Le 11 août suivant, le pays prit le nom de Bolivie, en l’honneur du Libertador Simón José Antonio Bolívar (1783-1830) qui avait pris à l’origine la tête de la révolte et qui rédigea lui-même la première Constitution bolivienne. Quant à Antonio José Sucre, il a donné son nom à la capitale (Sucre prononcé [soukré]).
3.2  De l'indépendance (1825) au début du XXe siècle
Antonio José de Sucre fut élu «président à vie» de la Bolivie, mais il démissionna deux ans plus tard, puis fut expulsé du pays. La Bolivie subit ensuite plusieurs décennies de luttes entre diverses factions, alors que les révolutions alternèrent avec les dictatures militaires. De plus, la Bolivie dut faire face à des conflits avec les pays frontaliers, soit le Chili, le Paraguay et le Brésil.
Ayant échoué dans sa tentative de réunir le Bolivie et le Pérou en 1839, les coups d’État se succédèrent les uns aux autres jusqu’à ce que le Chili s'empare du port bolivien d'Antofagasta: ce fut le début de la guerre du Pacifique (1879-1883). La Bolivie et son allié, le Pérou, furent vaincus par le Chili. Le territoire bolivien perdit ensuite ses possessions sur la côte du Pacifique, ce qui élimina tout accès à la mer. En 1884, la Bolivie fut privée de la province d'Atacama, qui revint au Chili; ensuite ce fut la région d'Acre qui, en 1903, fut cédée au Brésil. Mais ce n'était pas terminé: en 1935, la guerre du Chaco (1933-1935) fut conclue par la cession d'une partie du Chaco bolivien au Paraguay. Bref, un siècle après la proclamation de son indépendance, la Bolivie avait perdu la moitié de son territoire.
Au cours de cette période troublée, les gouvernements se succédèrent au rythme des coups d'État, des guerres civiles et des révolutions (1930, 1931, 1934, 1939), pendant que les régimes militaires faisaient la pluie et le beau temps.  Quant aux populations autochtones, elles furent considérées comme «inférieures» et plus ou moins dépouillées de tous leurs droits civils, politiques, sociaux et linguistiques. Les différents gouvernements boliviens ont même tout fait pour liquider les langues indigènes. Tout usage de signes identitaires indigènes fut formellement interdit, tandis que les autochtones étaient toujours privés de leurs terres. Même les penseurs les plus «libéraux» ne concevaient pas la possibilité de l'intégration par un autre moyen que par la reconnaissance d'une seule et même langue nationale officielle, l'espagnol. La Bolivie a été admise aux Nations unies le 14 novembre 1945.
3.3 De 1950 à nos jours
À partir de 1952, la Bolivie vécut l'une des révolutions sociales les plus profondes du continent lorsqu'une partie des populations autochtones se souleva contre le régime.  Un gouvernement révolutionnaire présidé par Paz Estenssoro (1952-1964) voulut instaurer d’importantes réformes économiques et sociales, dont les principales caractéristiques étaient la nationalisation des compagnies minières et la redistribution des terres. Finalement, Estenssoro fut renversé par un coup d'État en novembre 1964 à la suite d'une insurrection de mineurs. La junte militaire qui avait renversé Estenssoro fut aussi remise en cause par un autre mouvement révolutionnaire dont le chef le plus populaire, Ernesto «Che» Guevara, fut tué en 1967 lors d’un combat de guérilla. En août 1971, le colonel Hugo Banzer Suárez prit le pouvoir tout en s'appuyant sur l'armée.
Les coups d'État se succédèrent les uns aux autres, à tel point qu'il s'en produisit près de 200 en cinquante ans. Entre 1950 et 1970, plus de 2400 officiers militaires boliviens ont reçu une formation à l'école de l'armée américaine située dans la zone du Canal de Panama. Les différents régimes militaires surent mal gérer la situation financière du pays qui resta aux prises avec d'énormes dettes et une hyper-inflation.
En 1989, Jaime Paz Zamora devint président de la Bolivie. Le décret no 23036 du 20 janvier 1992 reconnut le droit de recevoir une éducation bilingue dans les régions où l'on parle le quechua, l'aymara et le guarani. L'élection présidentielle de 1993 fut remportée par un entrepreneur minier, Gonzalo Sánchez de Lozada, qui supervisa l'introduction de mesures sévères de réforme économique. Celles-ci inclurent la privatisation de nombreuses entreprises ainsi que des réformes dans le secteur de l'enseignement. La politique de libéralisation économique menée par le gouvernement permit une amélioration de la situation sociale. 
Au cours de cette période, un autochtone aymara, Victor-Hugo Cardenas, fut vice-président de la République de juin 1993 à août 1997. Dès 1993, la Bolivie rédigea des lois permettant la reconnaissance des droits des autochtones. En 1994, la Constitution proclama que les peuples autochtones avaient des droits sociaux, culturels, économiques et linguistiques, et ce, même si les affaires du pays se sont toujours déroulées en espagnol. L’article premier de la nouvelle Constitution définit maintenant le pays comme «une République libre, indépendante, souveraine, multi-ethnique et multiculturelle». L’article 171 énonce que «les droits sociaux, économiques, et culturels des populations indigènes sont reconnus et protégés, spécialement ceux concernant les terres communautaires d'origine, en garantissant l'usage et l'exploitation durable de leurs ressources naturelles, leur identité, leurs valeurs, langues, coutumes et institutions». Depuis la législation sur la réforme de l'éducation en 1994, les autochtones bénéficient enfin d'écoles où ils reçoivent une instruction primaire à la fois en langue amérindienne et en espagnol.  
Les différentes ethnies sont aujourd’hui représentées sur les listes électorales des 10 partis politiques qui se partagent les sièges du Parlement. De plus, de nouvelles lois boliviennes reconnaissent les communautés autochtones et les unions paysannes comme des entités juridiques, de même que l’autorité de leurs représentants dans l’administration et l’application de leurs propres normes pour résoudre des conflits. Par ailleurs, la législation autorise les peuples autochtones à recevoir leur instruction dans leur langue maternelle et des mesures administratives ont permis aux communautés indigènes de conserver leurs modes de vie traditionnels.
Après une histoire remplie d’horreurs et une suite ininterrompue de dictatures, il semble que la Bolivie s’achemine maintenant vers la démocratie, mais au cours de cette période de transition l’infrastructure nécessaire à son application n’apparaît pas encore tout à fait au point. Les peuples amérindiens qui habitent la Bolivie ruent dans les brancards depuis 1992, notamment lors de grandes manifestations dénonçant la commémoration du 500e anniversaire de la découverte de Christophe Colomb (1492).  Les protestations ont pris de l'ampleur dans les années 2000 lors des luttes des mouvements sociaux et autochtones contre les politiques de privatisation des richesses naturelles.
Même si la Bolivie s'est dotée, depuis août 2001, d'un président «indigéniste» en la personne de Jorge Quiroga Ramírez (qui ignore le quechua et l'aymara, mais connaît l'anglais), les défenseurs des droits de l'homme se font toujours harceler et emprisonner dans ce pays. De plus, selon un rapport de l’ONU, de nombreux autochtones sont «victimes de pratiques esclavagistes, allant de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants au travail servile, voire même au servage». 
En août 2002, Gonzalo Sánchez de Lozada devenait le nouveau président... jusqu'en octobre 2003, alors que les protestations de la majorité autochtone ont littéralement explosé, mais les réformes du gouvernement parurent trop timides. Carlos Diego Mesa Gisbert devint président de la Bolivie, ce qui n'a pas empêché deux partis politiques de prendre de l'expansion: le Movimiento al Socialismo («Mouvement vers le socialisme» ou MIP) et le Movimiento Indígena Popular («Mouvement indigène populaire» ou MAS). Le MIP, fondé en 2000, prône la création d'un État pour les Aymaras.  En 2004, les principales organisations amérindiennes et paysannes du pays ont créé un «Pacte de l'unité» afin de faire front commun. Depuis, elles exigent la tenue d'une assemblée constituante afin de récrire la Constitution de 1967. Une nouvelle crise politique abouti à la démission du président Mesa. Mais le Congrès a trouvé un successeur acceptable, l'armée n'est pas intervenue et les institutions ont tenu le coup. 
En décembre 2005, Evo Morales, un Indien aymara, a été élu à la présidence de la Bolivie, une première dans un pays où près de 70 % de la population est indigène. C'est un tournant vers la gauche qui se dessine pour la Bolivie, au grand dam des 20 % de Boliviens qui se partagent la moitié du revenu national, regroupés au cœur de La Paz et dans les provinces de l’Est. Evo Morales veut mettre fin à «l’État colonial» et aux privilèges des multinationales, il s'oppose à l’impérialisme américain et se veut le porte-parole des populations défavorisées (c’est-à-dire non blanches). Il se range aux côtés du métis Hugo Chávez, président du Venezuela. Le nouveau président voulait nationaliser les hydrocarbures et renégocier tous les contrats des entreprises étrangères dans un délais de 180 jours: l'État devait être propriétaire de toutes les ressources naturelles, y compris à la bouche du puits, et en contrôler la production et la commercialisation. C'est fait depuis la fin du mois d'octobre 2006, même si de nombreux détails restent à peaufiner. De plus, le gouvernement bolivien d'Evo Morales prépare une nouvelle constitution, qui donnerait de nouveaux droits aux indigènes et ferait du quechua et de l'aymara des langues officielles au pays, à côté de l'espagnol (castillan). Jusqu'ici, l'Assemblée constituante n'a pu fonctionner, ce qui a fait chuter la popularité du président Morales. Une fois l'ébauche approuvée, la nouvelle Constitution devait être présentée aux électeurs en août 2007 à l'occasion d'un référendum. Finalement, le peuple s'est prononcé le 25 janvier 2009 et a appuyé le président Morales. Pour Washington, Evo Morales a rejoint le clan des dirigeants sud-américains hostiles à son endroit, tels le Vénézuélien Hugo Chavez et l'Équatorien Rafaël Correa. Pour beaucoup de Boliviens, Morales est un champion de la cause autochtone et sa popularité ne se dément pas.
4 La politique linguistique
La politique linguistique de la Bolivie s’apparente à celle de beaucoup de pays latino-américains: la non-intervention à l’égard de la toute-puissante langue espagnole et l’éducation bilingue (et interculturelle) pour les autochtones.
4.1  Les dispositions constitutionnelles de 1994
La Constitution de 1994 ne précise pas quelle est la langue officielle de l'État. Certains croient que la Bolivie a trois langues officielles: l'espagnol, le quechua et l'aymara. Ce n'est pas le cas, du moins juridiquement! Aucune langue n'est déclarée de jure officielle, pas même l'espagnol. Dans les faits, l'espagnol est la langue officielle de facto pour l'État bolivien. La Constitution de 1994 utilise uniquement le terme «castellano» («castillan»), mais les textes de loi ont recours également au terme «español» («espagnol») pour désigner la langue de l'État.
Seuls trois articles de la Constitution portent sur la question linguistique: il s'agit des articles 6, 116 et 171, mais ils ne réfèrent à aucun statut pour quelque langue que ce soit. L'article 6 se contente de proclamer le principe de la non-discrimination, notamment en matière linguistique:
Artículo 6
1) Todo ser humano tiene personalidad y capacidad jurídica, con arreglo a las leyes. Goza de los derechos, libertades y garantías reconocidos por esta Constitución, sin distinción de raza, sexo, idioma, religión, opinión política o de otra Índole, origen , condición económica o social u otra cualquiera.
2) La dignidad y la libertad de la persona son inviolables. Respetarlas y protegerlas es deber primordial del Estado.
Article 6
1) Tout être humain a la personnalité et la capacité juridiques, conformément aux lois. Il jouit des droits, libertés et garanties reconnus par cette constitution, sans distinction de race, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique, ou d'autre caractère, origine, condition économique ou sociale, de quelque nature que ce soit.
2) La dignité et la liberté de la personne sont inviolables. L'État a pour devoir primordial de les respecter et de les protéger.
L'article 116 porte sur l'administration de la justice. C'est un article très révélateur dans la mesure où cette disposition constitutionnelle associe les «indigents» (indigentes) aux langues non castillanes:  
Artículo 116
1) La gratuidad, publicidad, celeridad y probidad en los juicios son condiciones esenciales de la administración de justicia.
2) El Poder Judicial es responsable de proveer defensa legal gratuita a los indigentes, así como servicios de traducción cuando su lengua materna no sea el castellano.
Article 116
1) La gratuité, le caractère public, la rapidité et la probité dans les jugements sont des conditions essentielles de l'administration de la justice.
2) Le pouvoir judiciaire est responsable de fournir une défense juridique gratuite aux indigents, ainsi que des services de traduction lorsque leur langue maternelle ne sera pas le castillan.
Autrement dit, cette disposition ne donne droit qu'aux services d'interprétariat lorsque aux «indigents» lorsqu'ils ne parlent pas la langue castillane. À cet égard, il faut souligner que l'article 10 du Code de procédure pénale du 31 mai 2001 est moins discriminatoire et qu'il permet le recours à un interprète lorsqu'une personne «ne comprend pas la langue espagnole» dans la procédure judiciaire: 
Artículo  10
Intérprete
1) El imputado que no comprenda el idioma español tendrá derecho a elegir un traductor o intérprete para que lo asista en todos los actos necesarios para su defensa. 
2) Cuando no haga uso de ese derecho o no cuente con los recursos suficientes, se le designará uno de oficio. 
Article 10
Interprète 
1) Le prévenu qui ne comprend pas la langue espagnole a le droit de choisir un traducteur ou un interprète pour l'aider dans tous les actes nécessaires pour sa défense. 
2) Quand il ne sera pas fait usage de ce droit ou qu'on ne dispose pas des ressources suffisantes, il en est désigné un d'office. 
Ces dispositions sur la langue de la justice suffiraient à rendre caduque toute mention relativement à trois langues co-officielles, car le castillan (espagnol) sert de référence unique. Quant à l'article 171 de la Constitution de 1994, il reconnaît les droits des communautés indigènes, notamment en matière de culture et de langue. Il s'agit d'une disposition générale qui n'implique aucune obligation concrète de la part de l'État, mais, diront certains, c'est un commencement:
Artículo 171
Se reconocen, respetan y protegen en el marco de la ley, los derechos sociales, económicos y culturales de los pueblos indígenas que habitan el territorio nacional, especialmente los relativos a sus tierras comunitarias de origen, garantizando el uso y aprovechamiento sostenible de los recursos naturales, a su identidad, valores, lenguas, costumbres e instituciones.
Article 171
Sont reconnus, respectés et protégés, dans le cadre de la loi, les droits sociaux, économiques et culturels des peuples indigènes qui habitent le territoire national, en particulier ceux relatifs à leurs terres communautaires d'origine, en garantissant l'utilisation et l'exploitation durable des ressources naturelles, leur identité, leurs valeurs, leurs langues, leurs coutumes et leurs institutions.
Il faut comprendre que la langue de l'État est l'espagnol qui demeure l'unique langue de la législature, de la justice, de l'Administration, de l'éducation, des médias, etc., mais que quelques ajustements sont possibles avec d'autres langues, notamment les langues indigènes. Il s'agit-là d'une déclaration de principe qui accorde des droits aux locuteurs des langues autochtones. D'après la législation en vigueur, ces droits ne sont accordés que dans l'éducation, et ce, dans le cadre de l'«éducation interculturelle bilingue».
4.2 Les dispositions constitutionnelles de 2009
Le texte initial de la nouvelle Constitution a fait l'objet d'âpres négociations et a donné lieu à de nombreux affrontements au point où le pays a été entraîné au bord de la guerre civile. Finalement le texte a été présenté à la population qui s'est prononcée sur le projet constitutionnel par référendum, le 25 janvier 2009. La nouvelle Constitution a été grandement approuvée dans les montagnes de l'ouest du pays, peuplées très majoritairement d'indigènes, alors que les populations métisses des plaines orientales ont plutôt vote contre. Bref, dans les régions andines, les plus pauvres du pays, le OUI a obtenu la quasi-unanimité, mais le NON a été prépondérant dans les cinq régions autonomistes de droite, comme dans la région de Santa Cruz (où l’on a fêté la victoire du non qui a réuni plus de 70 % des voix). Dans l'ensemble du pays, la loi fondamentale a été adoptée par plus de 60 % des suffrages, ce qui ne supprime pas le fait que le pays soit coupé en deux. Le président bolivien, Evo Morales, a aussitôt proclamé que la Bolivie allait subir de profonds changements : «Grâce à la volonté souveraine du peuple bolivien, grâce à la conscience du peuple bolivien, nous avons construit une nouvelle Bolivie d‘égalité et d’opportunités pour tous!» Quelques semaines auparavant, l’ancien président Jorge Quiroga avait plutôt affirmé : «C'est un morceau de papier qui vaut autant que du papier hygiénique usagé.»
La nouvelle Constitution accorde une place prépondérante aux communautés indigènes, à la justice sociale et au rôle de l’État. Ainsi, elle oblige la propriété privée à «remplir une fonction sociale» et reconnaît plusieurs types de propriété, y compris la propriété communautaire; elle reconnaît la justice communautaire indigène; elle considère comme une trahison envers la patrie «l’aliénation de ressources naturelles au profit de puissances, entreprises ou personnes étrangères»; elle sépare maintenant l’Église et l’État tout en reconnaissant toutes les religions sans accorder de statut particulier à aucune; elle garantit les autonomies régionales et indigènes; elle interdit l’installation de bases militaires étrangères. Dorénavant, le président de la Bolivie ne pourra avoir que deux mandats et n'aura plus la possibilité de conserver son poste indéfiniment.
De plus, de nouvelles dispositions linguistiques, dont celles de l'article 5, les plus importantes:
Artículo 5
I. Son idiomas oficiales del Estado el castellano y todos los idiomas de las naciones y pueblos indígena originario campesinos, que son el aymara, araona, baure, bésiro, canichana, cavineño, cayubaba, chácobo, chimán, ese ejja, guaraní, guarasu’we, guarayu, itonama, leco, machajuyai-kallawaya, machineri, maropa, mojeño-trinitario, mojeño-ignaciano, moré, mosetén, movima, pacawara, puquina, quechua, sirionó, tacana, tapiete, toromona, uru-chipaya, weenhayek, yaminawa, yuki, yuracaré y zamuco.
II. El Gobierno plurinacional y los gobiernos departamentales deben utilizar al menos dos idiomas oficiales. Uno de ellos debe ser el castellano, y el otro se decidirá tomando en cuenta el uso, la conveniencia, las circunstancias, las necesidades y preferencias de la población en su totalidad o del territorio en cuestión. Los demás gobiernos autónomos deben utilizar los idiomas propios de su territorio, y uno de ellos debe ser el castellano.
Article 5
I. Sont des langues officielles de l'État le castillan et toutes les langues des nations et des peuples indigène d'origine paysanne, qui sont l'aymara, l'araona, le baure, le bésiro, le canichana, le cavineño, le cayubaba, le chácobo, le chimán, l'ese ejja, le guaraní, le guarasúwe, le guarayu, l'itonama, le leco, le machajuyai-kallawaya, le machineri, le maropa, le mojeño-trinitario, le mojeño-ignaciano, le moré, le mosetén, le movima, le pacawara, le puquina, le quechua, le sirionó, le tacana, le tapiete, le toromona, l'uru-chipaya, le weenhayek, le yaminawa, le yuki, le yuracaré et le zamuco.
II. Le gouvernement plurinational et les administrations départementales doivent utiliser au moins deux langues officielles. L'une d'elles doit être le castillan et l'autre doit être décidée en prenant en considération l'utilisation, la commodité, les circonstances, les besoins et les préférences de la population dans sa totalité ou dans le territoire en question. Les autres gouvernements autonomes doivent utiliser les langues propres de leur territoire et l'un d'elles doit être le castillan.
Autrement dit, le castillan est la langue officielle de tout l'État bolivien, mais les administrations locales doivent également utiliser les langues indigènes particulières, dont les 36 langues énumérées au premier paragraphe de l'article 5. Évidemment, il faudra quelque temps pour que ces nouvelles dispositions soient appliquées, ce qui peut prendre encore quelques années.
4.3  La législation sur l'éducation
En 1994, la Bolivie a adopté la loi no 1565 du 7 juillet sur la réforme éducative (Ley 1565 de 7 de julio de 1994 de Reforma Educativa). La loi régit l'éducation bilingue et interculturelle des peuples autochtones amazoniennes, notamment les Aymaras, les Quechuas et les Guaranis. 
- La loi sur la réforme en éducation (1994)
L'article 6 de la loi du 7 juillet 1994 décrit les mécanismes de la participation populaire en éducation, dont les «assemblées scolaires»  formées les «organisations territoriales de base» et les «Conseils éducatifs des peuples indigènes» pour les Aymaras, les Quechuas, les Guaranis et autres ethnies amazoniennes; quant au «Conseil national de l'éducation», il est formé par un représentant de chaque Conseil départemental, un représentant de chaque Conseil éducatif des peuples indigènes, un représentant de la Confédération syndicale des enseignants de Bolivie, un représentant des municipalités de tout le pays, un représentant de l'Université bolivienne, un représentant des universités privées, un représentant de la Confédération des professionnels de Bolivie, un représentant de la Centrale ouvrière bolivienne, un représentant de la Confédération des chefs d'entreprise privées, etc.
L'article 9 de la même loi précise que la structure de formation du cursus scolaire comprend deux secteurs: l'«éducation formelle», organisée pour toute la population bolivienne, et l'«éducation alternative», pour ceux qui n'ont pu accéder dans leur formation au secteur précédent. Quoi qu'il en soit, les deux secteurs sont régis par quatre modalités par quatre groupes de modalités, dont celles de la langue. L'originalité de ces directives est qu'elles portent sur l'apprentissage d'une langue seconde obligatoire, l'espagnol (castillan) pour les indigènes, une langue nationale (indigène) pour les hispanophones:
Artículo 9

La estructura de Formación Curricular comprende dos áreas: Educación Formal, organizada para toda la población; y Educación Alternativa, para atender a quienes no pueden desarrollar su educación en el Area Formal. Ambas áreas serán atendidas en cuatro grupos de modalidades:

1. Modalidades de aprendizaje:
- Regular, para los educandos sin dificultades de aprendizaje.
- Especial integrada que atiende a los educandos con dificultades especiales de aprendizaje, mediante aulas de apoyo psicopedagógico dentro de la modalidad regular.
2. Modalidades de lengua:
- Monolingüe, en lengua castellana con aprendizaje de alguna lengua nacional originaria.
- Bilingüe, en lengua nacional originaria como primera lengua, y en castellano como segunda lengua.
3. Modalidades de docencia:
- Unidocente, con un solo docente-guía para diversas actividades de aprendizaje.
- Pluridocente, con el apoyo de un equipo de docentes-guía.
4. Modalidades de atención:
- Presencial, con asistencia regular a cursos de aprendizaje.
- A distancia, con el apoyo de medios de comunicación, envío de materiales y asistencia de monitores.

El Area Formal se organiza en cuatro niveles: pre-escolar, primario, secundario y superior, cuyos objetivos alcanzan también el área alternativa de educación en sus tres componentes: de adultos, permanente y especial.
Article 9

La structure de formation des programmes comprend deux secteurs : l'éducation formelle, organisée pour toute la population ; et l'éducation alternative, pour s'occuper de ceux qui peuvent pas acquérir leur instruction dans le secteur formel. Les deux secteurs sont assurés dans quatre groupes de modalités :

1. Modalités d'apprentissage :
- Régulière, pour les élèves sans difficulté d'apprentissage.
- Spéciale intégrée destinée aux élèves ayant des difficultés spéciales d'apprentissage, au moyen de classes avec une aide psycho-pédagogique dans la modalité régulière.
2. Modalités de langue :
- Unilingue, en castillan avec apprentissage d'une langue d'origine nationale.
- Bilingue, dans une langue d'origine nationale comme première langue, et en castillan comme langue seconde.
3. Modalités d'enseignement :
- Mono-enseignement, avec un seul guide enseignant pour diverses activités d'apprentissage.
- Pluri-enseignement, avec l'aide d'une équipe de guides enseignants.
4. Modalités d'application :
- Sur présence, avec assistance régulière à des cours d'apprentissage.
- À distance, avec l'aide de moyens de communication, d'envoi de documents et d'assistance de moniteurs.

Le secteur formel est organisé à quatre niveaux : préscolaire, primaire, secondaire et supérieur, dont les objectifs atteignent aussi le secteur alternatif en éducation dans leurs trois composantes : éducation des adultes, éducation permanente et éducation spéciale.
Le problème, c'est de concrétiser cette disposition dans les écoles. Or, les enfants indigènes fréquentant une école dans les zones urbaines n'apprennent généralement que l'espagnol, alors que les langues indigènes ne sont pas enseignées. Les avancées les plus significatives concernent les Quechuas, les Aymaras et les Guaranis.
Dans l'ensemble, les lois sur l'éducation ne se transposent pas vraiment dans la réalité: les cours, les manuels scolaires, les professeurs, même la langue utilisée dans les écoles, sont restés étrangers aux communautés autochtones et à leurs modes de vie.  Le système actuel ne répond pas aux besoins des autochtones, parce que ce sont des programmes nationaux qui n’intègrent aucun élément de la culture indigène. Les élèves autochtones sont toujours tenus d'apprendre une autre langue que leur langue maternelle, ce qui n’est pas le cas des Ladinos ou Mestizos. Autrement dit, les autochtones sont obligés de recevoir une éducation bilingue et de développer des habiletés de bilinguisme, alors que les hispanophones s’en tiennent à la seule langue espagnole. 
- Le décret sur l'institutionnalisation et la généralisation de l'éducation interculturelle bilingue
Le décret suprême 23036 du 20 janvier 1992 reconnaissait le droit de recevoir une éducation interculturelle bilingue dans les régions où l'on parle le quechua, l'aymara et le guarani. Le décret 23036 (Decreto Supremo de Septiembre 9 de 1994) institutionnalise et généralise «l'éducation interculturelle bilingue». L'article 1 définit la notion de «peuple indigène» («Pueblo Indígena») comme une «collectivité humaine» affirmée avant la conquête ou la colonisation, et se trouvant présentement à l'intérieur des frontières actuelles de l'État bolivien; ces peuples possèdent une histoire, une organisation, une langue ou un dialecte et d'autres caractéristiques culturelles par lesquelles s'identifient les membres. La législation relative à l'éducation vise à «promouvoir la pratique des valeurs humaines et des normes morales universellement reconnues» et à «renforcer l'identité nationale, exaltant les valeurs historiques et culturelles de la nation bolivienne dans sa richesse multiculturelle et multirégionale». Le Décret suprême de 1994 est complété par la Loi sur la participation populaire du 20 avril 1994 (Ley de participacion popular) et la Loi sur la décentralisation du 28 juillet 1995 (Ley de descentralizacion). 
Un autre élément à souligner est le processus de participation qui a été développé depuis les structures organiques de chaque peuple indigène, comme la Centrale indigène de la région amazonienne de Bolivie (Central Indígena de la Región Amazónica de Bolivia), la Centrale de peuples indigènes du Béni (Central de Pueblos Indígenas del Beni), la Centrale des peuples ethniques de Santa Cruz (Central de Pueblos Etnicos de Santa Cruz), l'Assemblée du peuple guaraní (Asamblea del Pueblo Guaraní), Organisation des capitaineries Weenhayek-Tapiete (Organización de Capitanías Weenhayek-Tapiete). Dans les régions de l'est du Chaco et de l'Amazonía, on a constitué les premiers conseils éducatifs, dont le Conseil éducatif du peuple guaraní (Consejo Educativo del Pueblo Guaraní) et le Conseil éducatif amazonien multiethnique (Consejo Educativo Amazónico Multiétnico) reconnus par la Loi sur la réforme éducative de 1994. La Loi sur la participation populaire visait à décentraliser l'administration du pouvoir central aux administrations municipales en établissant des «espaces territoriaux» basés les «sections municipales» («Secciones municipales») existantes, c'est-à-dire les 314 communes du pays. Le tableau qui suit indique les organisations et ethnies impliquées par la législation:
Oorganisme
Composition organique
Ethnies
APG – ASAMBLEA DEL PUEBLO GUARANI
  •  12 capitaineries
  •    7 zones
  • 257 communautés
Guaraní 
CPIB – CENTRAL DE PUEBLOS INDIGENAS DEL BENI
  •  19 sous-centrales
  • 270 communautés
Moxeño, Tsimané, Yuracaré, Movima, Cayubaba, Sirionó, Baure, Itonama, Canichana, Moré, Mosetén, Joaquiniano, Leco
CPESC – COORDINADORA DE LOS PUEBLOS ETNICOS DE SANTA CRUZ
  • 5 organisations ethniques
  • 16 organisations en 20 zones
  • 426 communautés
Chiquitano, Guarayo, Ayoreo, Guaraní Zona Cruz
CIRABO – COORDINADORA INDIGENA DE LA REGION AMAZONICA DE BOLIVIA
  •   8 sous-centrales
  • 80 communautés
Tacana, Cavineño, EsseEjja, Araona, Yaminahua, Chacobo, Pacahuara, Machineri
ORCAWETA – ORGANIZACION DE COMUNIDADES AUTOCTONAS WEENHAYEK – TAPIETE 
  •  2 sous-centrales
  • 19 communautés
Weenhayek (Mataco Noctene) et Tapiete (guaraní)
Source : Elaboración propia en base a CIDOB, Diagnóstico 1999.
Grâce à ces réformes, les communautés locales sont en grande partie responsables de la gestion des écoles, mais elles ne disposent que de peu de moyens. Cette réforme structurale entraîne ses difficultés, dont la complexité du système qui impose un seul schéma en éducation appliqué à différents peuples indigènes (environ 2000 communautés), les limites lexicales de plusieurs langues autochtones et la qualité dans la formation des enseignants. Il n'en demeure pas moins que le mouvement d'émancipation indigène a joué un rôle fondamental durant la période 1990-1994, au moment où se sont développées les réformes nationales. Maintenant, l'État reconnaît les droits des peuples indigènes à leur son identité et à leurs terres communautaires, et à conserver leurs usages, leurs règles, leurs langues, leurs coutumes et leurs personnalités juridiques.  
La caractéristique la plus importante de cette réforme en éducation est le fait qu'elle reconnaisse l'existence de la diversité ethnique au sein du pays. Même la nouvelle Constitution de 2009 fait état de cette diversité «interculturelle» et «polyglotte»:
Artículo 78.
I. La educación es unitaria, pública, universal, democrática, participativa, comunitaria, descolonizadora y de calidad.
II. La educación es intracultural, intercultural y plurilingüe en todo el sistema educativo.
III. El sistema educativo se fundamenta en una educación abierta, humanista, científica, técnica y tecnológica, productiva, territorial, teórica y práctica, liberadora y revolucionaria, crítica y solidaria.
IV. El Estado garantiza la educación vocacional y la enseñanza técnica humanística, para hombres y mujeres, relacionada con la vida, el trabajo y el desarrollo productivo.
Article 78
I. L'éducation est unitaire, publique, universelle, démocratique, participative, communautaire, décolonisante et de qualité.
II. L'éducation est intraculturelle, interculturelle et polyglotte dans tout le système d'éducation.
III. Le système d'éducation est basée sur une éducation ouverte, humaniste, scientifique, technique et technologique, productive, territoriale, théorique et pratique, libératrice et révolutionnaire, critique et solidaire.
IV. L'État garantit la formation professionnelle et l'enseignement technique humaniste, pour les hommes et les femmes, le tout en rapport avec la vie, le travail et le développement productif.
Il est vrai que la législation bolivienne a permis la création de «programmes spéciaux» afin de former des professeurs à un enseignement dans deux langues et pour faire en sorte que les projets soient adaptés à la culture locale. Des textes scolaires et d'autres documents pédagogiques ont fait usage d'exemples et d'illustrations de la vie autochtone. Des textes ont été publiés dans des langues indigènes, avec des illustrations de scènes appartenant à la culture indigène. Toutefois, ces réalisations demeurent des exceptions et ne sont guère étendues à l'ensemble des communautés indigènes.
Le système longuement élaboré par les bureaucrates du gouvernement fonctionne relativement bien dans les zones urbaines, mais il n'apparaît pas au point dans les zones rurales. Par exemple, la forme d'élection des autorités municipales ne correspond pas aux us et coutumes des indigènes et favorise plutôt les groupes traditionnels de pouvoir local, qui s'approprient l'administration municipale en profitant de cet avantage pour leurs propres intérêts personnels. Autrement dit, comme les dirigeants politiques ont toujours fonctionné de façon autoritaire en ne tenant compte que de leurs propres intérêts, les autochtones font de même, le modèle étant incrusté depuis trop longtemps.
Cela dit, beaucoup de représentants autochtones affirment que les institutions boliviennes et la société prise dans son ensemble n’ont pas totalement accepté que les droits des peuples indigènes et la personnalité multi-ethnique de la nation fassent partie intégrante de leur vie quotidienne. Il admettent que des progrès ont été accomplis dans les sphères juridiques et législatives afin que la société bolivienne assume pratiquement la réalité de sa diversité. Malheureusement, il n’y a pas encore de généreuse ouverture envers le mouvement des autochtones. 
Malgré ces efforts, la réalité est accablante: la plupart des écoles du pays sont situées en zone urbaine, là où les enfants autochtones sont les moins nombreux. Dans les campagnes, il est encore rare que les Amérindiens reçoivent une instruction dans leur propre langue, l'espagnol étant la seule langue utilisée dans pratiquement toutes ces écoles. N'oublions pas aussi que la Bolivie est l'un des pays les plus pauvres de l'Amérique du Sud et que plus de la moitié des Boliviens sont quasiment analphabètes, alors que le niveau moyen d'instruction n'est que de quatre années. Selon l'UNESCO, le taux d'analphabétisme des adultes est de 16,3 %. La situation des enfants est elle aussi alarmante: 70 % des enfants de moins de neuf ans ne sont pas scolarisés.
Bref, sur papier, la politique interculturelle de la Bolivie est l'une des plus intéressantes de toute l'Amérique latine. En effet,  la réforme en éducation, qui consiste à introduire l'enseignement du quechua ou de l'aymara (selon la région) dans toutes les écoles, y compris les écoles métisses ou blanches, reste un projet ambitieux. Cependant, la Bolivie n'a probablement pas les moyens de sa politique.
Il risque d'en être ainsi dans les universités dans la Constitution de 2009.
Artículo 95
II. Las universidades deberán implementar programas para la recuperación, preservación, desarrollo, aprendizaje y divulgación de las diferentes lenguas de las naciones y pueblos indígena originario campesinos.
Article 95
II. Les universités doivent mettre en œuvre des programmes pour la récupération, la préservation, le développement, l'apprentissage et la diffusion des différentes langues des nations et peuples indigène d'origine paysanne.
Il reste à trouver les moyens concrets pour mettre en application cette disposition qui semble aller de soi. Dans les faits, il est rare que les établissements universitaires soient suffisamment près de la population d'origine paysanne.
4.4 La Convention relative aux peuples indigènes et tribaux
Le gouvernement du Guatemala a signé la Convention relative aux peuples indigènes (ou Convención sobre pueblos indígenas y tribales) de l’Organisation internationale du travail (OIT); le Parlement l’a ratifiée le 11 décembre 1991. Ce document d’une grande importante implique 14 États, dont en Amérique latine, outre la Bolivie, l'Argentine, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Paraguay et le Pérou.
La Convention reconnaît aux peuples indigènes le droit de jouir pleinement des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination (art. 3). Les dispositions de cette convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples. Les gouvernements des États signataires doivent mettre en place des moyens par lesquels les peuples autochtones pourront, à égalité avec le reste de citoyens de leur pays, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent (art. 6). L’article 7 reconnaît aux populations concernées le droit de contrôler leur développement économique, social et culturel propre. Les États doivent aussi tenir compte des coutumes et du droit coutumier de ces populations (art. 8). L’article 20 de la Convention oblige les gouvernements à «prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi». Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés.
La partie VI de la Convention est consacrée à l’éducation, donc indirectement à la langue. L’article 26 est très clair sur la possibilité des autochtones d’acquérir leur instruction à tous les niveaux:
Article 26
Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale.
Le paragraphe 3 de l’article 27 reconnaît «le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation» et que des ressources appropriées leur soient fournies à cette fin. C’est l’article 28 qui semble le plus important en cette matière:
Article 27
1) Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif.
2) Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays.
3) Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique.
Les États appuieront l'élaboration de programmes scolaires correspondant à la réalité des peuples autochtones et mobiliseront les ressources techniques et financières nécessaires à leur bonne application. Quant à l’article 31, il précise que «mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples». Dans ces perspectives, il est précisé que «des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés».
Comme il se doit, les États signataires de la Convention reconnaîtront et établiront des mécanismes pour assurer l'exercice de tous les droits des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la langue et la culture.
Ajoutons aussi l'article 289 de la Constitution de 2009, portant sur l'autonomie indigène («autogobierno»):
Artículo 289
La autonomía indígena originaria campesina consiste en el  autogobierno como ejercicio de la libre determinación de las naciones y los pueblos indígena originario campesinos, cuya población comparte territorio, cultura, historia, lenguas, y organización o instituciones jurídicas, políticas, sociales y económicas propias.
Article 289
L'autonomie indigène d'origine paysanne consiste en l'autogouvernance comme exercice de la libre détermination des nations et peuples indigène d'origine paysanne, dont la population partage un territoire, une culture, une histoire, des langues et une organisation ou des institutions juridiques, politiques, sociales et économiques particulières.
En ce qui a trait à la Bolivie, il y a encore loin de la coupe aux lèvres, car les efforts n'ont certes pas donné les résultats escomptés. C'est pourquoi tous les représentants des associations et organismes autochtones demeurent sceptiques sur la progression de leurs membres vers l'égalité, car les progrès jusqu'ici ne se sont réalisés que sur le plan juridique et administratif. De façon générale, tous estiment  que, malgré la reconnaissance des droits à l'endroit des populations indigènes, les effets sur la politique quotidienne et la réalité sociale demeurent encore très faibles. De plus, ces progrès ne sont pas le simple produit des généreuses concessions de l’État, mais le fruit d’un long et rude combat dans la défense des droits des peuples indigènes.
5  Les médias
Tous les médias, qu'ils soient écrits ou électroniques, sont en langue espagnole. Pourtant, les langues autochtones ne sont pas interdites. L'État, pour sa part, développe plusieurs initiatives comme le PASE ou Programa de Apoyo Solidario a las Escuelas (Programme d'appui solidaire aux écoles), le PIME ou Programa de Iniciativas de Maestros y Escuelas (Programme d'initiatives aux enseignants et aux écoles), le PEN ou Proyectos Educativos de Núcleo (Projet éducatif du centre), le PDEM ou Plan de Desarrollo Educativo Municipal (Plan d'élaboration éducative municipale et de nombreux autres. La radio est utilisé pour des communiqués et des convocations des peuples guarayo, ayoreo et chiquitano dans l'est du pays ou pour de grandes réunions comme c'est le cas pour celles convoquées par l'Assemblée du peuple guaraní (APG) dans le Chaco au moyen de la station émettrice Parapetí. 
Bien que les peuples indigènes Weenhayek, Tapiete, Pauserna et Guarasug'we aient de plus grandes difficultés d'accès à des moyens massifs, de communication (par comparaison avec les Guarayos et les Guaranis), il est important de souligner que la majorité des peuples indigènes de l'est du Chaco ont des demandes insatisfaites en matière de communication. Les organisatioins non gouvernementales et de nombreuses stations émettrices catholiques ont jusqu'à un certain point couvert une demande quotidienne et urgente, avec ses nombreuses limitations, dans le cadre d'une absence totale de politiques spécifiques de communication pour indigènes.
Dans la zone est du Chaco, il existe une certaine offre de la part de stations émettrices. On peut souligner la couverture de radios comme «María Auxiladora» à Montero, «Juan XIII» à San Ignacio de Velasco, «Ichilo» au Yapacaní. Des chaînes de stations émettrices autour de la Radio Santa Cruz, de l'Institut radiophonique «Fe y Alegría» (Foi et Joie) accomplissent une fonction primordiale de diffusion, de sensibilisation et d'intégration sociale, notamment avec la radio «Parapetí» dans la région du Chaco, ainsi que «Tarija» et «Bermejo». La télévision des chaînes commerciales n'a que fort peu d'incidences en Bolivie. Cependant, dans les centres urbains peuplés, il semble exister une présence de cultures étrangères présentées en anglais ou en portugais. 
Par ailleurs, l'article 107 de la Constitution de 2009 prescrit la diffusion de programmes éducatifs multilingues:
Artículo 107
I. Los medios de comunicación social deberán contribuir a la promoción de los valores éticos, morales y cívicos de las diferentes culturas del país, con la producción y difusión de programas educativos plurilingües y en lenguaje alternativo para discapacitados.
Article 107
I. Les médias de communication doivent contribuer à la promotion des valeurs éthiques, morales et civiques des différentes cultures du pays, avec la production et la diffusion de programmes éducatifs multilingues et en langage alternatif pour les handicapés.
Malheureusement, il apparaît plus aisé de proclamer des principes généreux que des les appliquer. Ce sera plus facile de diffuser des émissions en portugais et en anglais qu'en aymara ou en quechua.
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La politique linguistique de la Bolivie s'articule autour d'un seul domaine: l'éducation. Il s'agit bel et bien d'une politique sectorielle centrée sur l'éducation bilingue et interculturelle pour les seuls autochtones, du moins dans les faits. La notion d'«interculturalité» ou d'interculturalisme est encore mal définie, mais il s'agirait de l'intégration des autochtones dans un environnement où l'espagnol est la langue commune de la vie publique.  De façon générale, toute cette politique reste encore à faire, car elle se semble pas avoir dépassé le stade des projets et des échecs. Il faut dire que la politique linguistique du pays fait partie d'un système complexe qui est celui de l'éducation. Or, la piètre qualité de l'enseignement est notoire en Bolivie, comme il l'est dans l'ensemble de  l'Amérique latine. En plus, la Bolivie est un pays très pauvre sur ce continent. Il en résulte que plus de la moitié des Boliviens sont quasiment analphabètes et le niveau moyen d'instruction ne dépasse généralement pas la quatrième année du primaire. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que la politique linguistique en souffre, elle qui ne constitue qu'une partie d'un ensemble plus vaste.  
Il y a aussi le contexte politique bolivien. Depuis deux siècles, les autorités de ce pays ont toujours utilisé la force pour maintenir leur pouvoir. De façon générale, elles ont l'habitude d'utiliser la police et l'armée lorsque des groupes de citoyens s'opposent à leurs décisions ou à... leur inaction. Après la casse inévitable, les dirigeants boliviens négocient et font des concessions qui... restent lettre morte. C'est exactement le cas de la politique linguistique actuelle. C'est pourquoi on peut penser que les nouvelles dispositions linguistiques de 2009 à l'égard des «indigènes» puissent demeurer grandement symboliques.
 Dernière mise à jour: 04 déc. 2009
 
 
Bibliographie
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