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Famille et Éthique - La loi bio-éthique refuse toute légalisation de la mère-porteuse. Par Pauline Baron - Marianne

Source: Marianne2

La révision des lois de bioéthique n’aura guère été féconde pour les partisans de la gestation pour autrui. Prochainement débattu au Parlement, ce texte de loi repousse en effet aux calendes grecques toute légalisation de cette pratique, préférant ainsi la prudence du statut quo. Une interdiction qui a pourtant déjà laissé proliférer de multiples dérives.


Pour certains, elle aura accouché d’une véritable révolution… Mais pour les défenseurs de la gestation pour autrui (GPA (1)), la révision des lois de bioéthique s’est avérée pour le moins stérile. S’il instaure la levée de l’anonymat pour les dons de gamètes, le texte de loi, adopté en conseil des ministres, n’aborde même pas la question pourtant passionnelle des mères-porteuses. Pas vraiment « une surprise » pour Laure Camborieux, présidente de l’association Maïa favorable à une légalisation de cette pratique. Et pourtant aujourd’hui, de nombreux couples infertiles sont prêts à tout n’hésitant plus à contourner la loi pour voir leur désir d’enfant se réaliser grâce à cette méthode de procréation médicalement assistée (PMA). Rien de plus simple en effet de dénicher une gestatrice via Internet, que ce soit à l’étranger mais « également en France » indique cette dernière. Des alternatives qui ont hélas favorisé l’émergence d’un  « trafic d’utérus » très lucratif : en Ukraine, les mères-porteuses louent ainsi leur utérus entre 15 000 et 30 000 euros.

Mais alors qu’un véritable « tourisme procréatif » se développe à travers le monde, une légalisation très encadrée de la GPA ne pourrait-elle pas mettre fin à des dérives souvent très dangereuses ? Si Laure Camborieux estime que cette option pourrait venir en aide à certaines femmes stériles, elle concède également qu’elle est loin de constituer le remède miracle. « Il ne  s’agit pas simplement d’autoriser cette PMA mais de réfléchir à une forme d’organisation. Maïa est favorable au projet porté par un groupe de sénateurs en 2008 (2), un système qui éviterait la prolifération du tourisme procréatif ainsi que d’autres dérives », plaide la présidente de l’association. « Une législation très réglementée ne pourrait concerner qu’un nombre limité de cas, rétorque Claire Legras, certains couples exclus de cette procédure continueront eux de se rendre dans les pays où un marché du corps est organisé ». Une solution qui s’avérerait donc pire que le mal, selon elle, certaines personnes ne comprenant pas en effet leur éviction du système.

Et pourtant, une légalisation de la GPA pourrait sonner la fin de diverses difficultés engendrées par ce « marché des bébés ». Ne constituerait-elle pas en effet un moyen pour les enfants nés d’une mère-porteuse de trouver leur place dans la société ? « Lorsque les parents d’intention ont recours illégalement à la GPA, comment par la suite établir l’état civil du nourrisson ? Certes certains fonctionnaires, surtout basés à l’étranger, ferment les yeux. Mais dans la majeure partie des cas, on ne peut pas établir de filiation notamment avec la mère d’intention », explique la membre du CCNE.  Un point positif qui s’accompagnerait pourtant d’un revers de médaille selon Claire Legras : « lorsque nous avons commencé notre étude, nous avons soulevé toute une série d’objections éthiques notamment concernant le bébé. En optant pour cette forme d’aide médicale à la procréation, on prend le risque de lui infliger une souffrance liée à l’abandon », prévient la médecin.

Reste cependant une personne essentielle, dont les débats n’ont souvent que faire : la mère-porteuse qui serait réduite à n’être qu’un « four que l’on loue le temps d’une grossesse », selon les détracteurs de la GPA. « La gestatrice peut être confrontée à des risques physiques liés à toute grossesse, mais également psychiques puisqu’elle doit apprendre à ne pas s’attacher au bébé qu’elle porte, condamne Claire Legras. Avec cette pratique, la gestation s’apparente à un système d’échange marchand qui porte atteint à la dignité, à l’image de la femme ». « Les gens qui disent cela n’ont jamais parlé avec une mère porteuse », rétorque Laure Camborieux qui revendique l’instauration de « liens humains, d’une histoire entre l’enfant, les parents d’intention et la gestatrice ». Une relation que la membre du CCNE place elle avant tout sous l’aspect purement financier : « dans les exemples que l’on a pu relever, les couples ne souhaitent garder aucun rapport avec cette femme. Une femme qui reste généralement subordonnée à ses commanditaires, soumise à leur pression », relève Claire Legras.


Et c’est ainsi qu’une législation de la GPA ouvrirait la voie à l’une des pires atteintes portées à l’être humain, celle de la marchandisation de son corps. « Par essence, la loi française interdit toute forme de commercialisation du corps humain, notamment en matière médicamenteuse », rappelle Claire Legras. Des considérations qui ne correspondent en rien à l’acte de « pure générosité » qui guide la mère-porteuse, pour Laure Camborieux. « La France dispose d’une tradition de gratuité. Les femmes qui veulent être gestatrice, et avec qui nous sommes en contact, ne veulent pas être payées. En outre dans certains États les dons d’organes sont payants, ce qui n’est pas le cas dans notre pays », poursuit la responsable de Maïa. La preuve, dans une époque en proie à l’individualisme, que le don de soi peut encore être le signe d’une vraie générosité.

(1) Pratique qui consiste pour une femme stérile – dite mère d’intention- à cause d’une malformation ou d’une maladie de l’utérus, à recourir à une autre femme, pour porter le fœtus. Aucun don de gamète n’a lieu entre les deux femmes, puisque la mère d’intention apporte son ovule et demeure donc la mère biologique de l’enfant.

(2) En 2008, quelques sénateurs avaient publié un rapport favorable à une légalisation de la GPA très encadrée : les parents d’intention devant être de sexe différent, mariés ou ensemble depuis au moins deux ans ; l’un des parents d’intention devant aussi être un parent génétique ; la mère-porteuse ne pouvant être la mère biologique, avoir déjà un enfant et ne pouvant mener plus de deux GPA.