Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, coordonne la réflexion de l’Eglise catholique sur le projet de loi bioéthique. Recherche sur l’embryon, levée de l’anonymat avec accord du donneur, procréation médicalement assistée, autant de sujets sur lesquels les députés devront se prononcer. Le projet de loi sur la bioéthique, présenté en Conseil des ministres le 20 octobre dernier par Roselyne Bachelot, sera débattu début 2011 à l’Assemblée nationale. L’Eglise catholique fait entendre sa voix sur le sujet avec la publication mercredi de Bioéthique. Un enjeu d’humanité (Conférence des évêques de France) sous la plume de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail des évêques de France sur la bioéthique.
Mgr Pierre d'Ornellas, archeveque de Rennes, Dol et Saint Malo en 2009, devant les reliques de Saint-Yves. (Maxppp) |
Quelles sont selon vous les grandes avancées de ce projet de loi?
Je salue des améliorations, mais ce projet semble encore trop à la remorque d’intérêts de certains chercheurs. Le gouvernement propose de considérer le sang de cordon ombilical et le sang placentaire comme une ressource thérapeutique. Il veut en favoriser le recueil et la conservation pour servir aux soins de façon solidaire tout en gardant la possibilité de soigner l’enfant de ce cordon ou un membre de sa famille quand la nécessité est avérée. Par ailleurs, le gouvernement prend en considération l’intérêt de l’enfant en envisageant la levée de l’anonymat dans le cadre de la procréation médicalement assistée avec don de gamètes, en lui permettant l’accès à l’identité du donneur. Mais cette levée de l’anonymat engendre des questions insolubles, contraires à l’intérêt de l’enfant qui, pourtant, est primordial. Est-il juste de continuer à recourir au don de gamètes, c’est-à-dire de le faire naître en divisant sa filiation? L’enfant était le grand absent des deux précédentes lois de bioéthique. Les possibilités de la science ont primé jusqu’à présent.
«N'y-a-t-il pas un non-dit scientifique concernant les cellules-souches embryonnaires: leur potentiel cancérigène?» Je salue des améliorations, mais ce projet semble encore trop à la remorque d’intérêts de certains chercheurs. Le gouvernement propose de considérer le sang de cordon ombilical et le sang placentaire comme une ressource thérapeutique. Il veut en favoriser le recueil et la conservation pour servir aux soins de façon solidaire tout en gardant la possibilité de soigner l’enfant de ce cordon ou un membre de sa famille quand la nécessité est avérée. Par ailleurs, le gouvernement prend en considération l’intérêt de l’enfant en envisageant la levée de l’anonymat dans le cadre de la procréation médicalement assistée avec don de gamètes, en lui permettant l’accès à l’identité du donneur. Mais cette levée de l’anonymat engendre des questions insolubles, contraires à l’intérêt de l’enfant qui, pourtant, est primordial. Est-il juste de continuer à recourir au don de gamètes, c’est-à-dire de le faire naître en divisant sa filiation? L’enfant était le grand absent des deux précédentes lois de bioéthique. Les possibilités de la science ont primé jusqu’à présent.
Vous rejetez en bloc les progrès de la science?
Certainement pas! L’Eglise encourage bien évidemment la science. Il y a des guérisons de maladies génétiques grâce aux progrès de la science. Et il y en aura d’autres. La science doit guérir la stérilité.
Certainement pas! L’Eglise encourage bien évidemment la science. Il y a des guérisons de maladies génétiques grâce aux progrès de la science. Et il y en aura d’autres. La science doit guérir la stérilité.
Il y a tout de même eu de belles avancées en matière de procréation médicalement assistée?
La procréation médicalement assistée [PMA, Ndlr] ne guérit pas la stérilité. On tente de la pallier. Il y a quelque chose de trop grand dans la procréation humaine pour la laisser à la domination de la technique. Avoir créé un être humain en dehors du corps de la femme fut un événement sismique. A-t-on suffisamment réfléchi à ce que cela signifiait, au pouvoir que l’homme se donnait en fabriquant un être humain dans une éprouvette? Aujourd’hui, ce pouvoir est un lieu de fantasmes. On va choisir les caractères génétiques de son enfant: les yeux bleus ou les cheveux bruns. Le risque de dérive eugéniste et de marchandisation est considérable. Il y a des pays où l’on vend des gamètes!
La procréation médicalement assistée [PMA, Ndlr] ne guérit pas la stérilité. On tente de la pallier. Il y a quelque chose de trop grand dans la procréation humaine pour la laisser à la domination de la technique. Avoir créé un être humain en dehors du corps de la femme fut un événement sismique. A-t-on suffisamment réfléchi à ce que cela signifiait, au pouvoir que l’homme se donnait en fabriquant un être humain dans une éprouvette? Aujourd’hui, ce pouvoir est un lieu de fantasmes. On va choisir les caractères génétiques de son enfant: les yeux bleus ou les cheveux bruns. Le risque de dérive eugéniste et de marchandisation est considérable. Il y a des pays où l’on vend des gamètes!
Mais beaucoup de couples souffrent de ne pas pouvoir avoir d’enfant…
Oui, c’est une grande souffrance. Mais la PMA engendre d’autres souffrances. Beaucoup de couples sont mal à l’aise d’avoir des embryons congelés dans l’armoire. Cette congélation est un manque de respect pour l’être humain. Il y a une contradiction fondamentale dont on ne peut se satisfaire: les PMA sont faites pour donner la vie, or elles aboutissent souvent à la destruction de la vie des embryons. L’Allemagne et l’Italie interdisent la congélation d’embryons, pourquoi pas la France?
Oui, c’est une grande souffrance. Mais la PMA engendre d’autres souffrances. Beaucoup de couples sont mal à l’aise d’avoir des embryons congelés dans l’armoire. Cette congélation est un manque de respect pour l’être humain. Il y a une contradiction fondamentale dont on ne peut se satisfaire: les PMA sont faites pour donner la vie, or elles aboutissent souvent à la destruction de la vie des embryons. L’Allemagne et l’Italie interdisent la congélation d’embryons, pourquoi pas la France?
Craignez-vous qu’une majorité de députés se prononce en faveur d’une autorisation de la recherche sur l’embryon?
Ce serait une entorse grave à notre droit. Et une erreur car d’autres voies sont prometteuses. Certains scientifiques se sont engagés dans la recherche sur les cellules souches adultes ou sur d’autres cellules. N’y a-t-il pas un non-dit scientifique concernant les cellules souches embryonnaires: leur potentiel cancérigène? La mission de la loi civile est d’organiser la protection des plus vulnérables. Qu’on le veuille ou non, l’embryon humain n’est pas une chose. Il appartient à l’ordre de la personne. Mépriser le plus petit, c’est ouvrir la porte à l’inquiétude. Les législateurs serontils conscients que se joue un enjeu d’humanité avec cette loi? S’ils cèdent sur cet aspect, la loi sera-telle capable de protéger l’humanité de la société?
«Les mères porteuses: une pratique indigne de l'enfant qui subira un abandon.» Ce serait une entorse grave à notre droit. Et une erreur car d’autres voies sont prometteuses. Certains scientifiques se sont engagés dans la recherche sur les cellules souches adultes ou sur d’autres cellules. N’y a-t-il pas un non-dit scientifique concernant les cellules souches embryonnaires: leur potentiel cancérigène? La mission de la loi civile est d’organiser la protection des plus vulnérables. Qu’on le veuille ou non, l’embryon humain n’est pas une chose. Il appartient à l’ordre de la personne. Mépriser le plus petit, c’est ouvrir la porte à l’inquiétude. Les législateurs serontils conscients que se joue un enjeu d’humanité avec cette loi? S’ils cèdent sur cet aspect, la loi sera-telle capable de protéger l’humanité de la société?
Faut-il étendre les indications du diagnostic préimplantatoire à la sélection de la trisomie 21?
Certainement non. En tout cas, le projet de loi ne l’a pas intégré. Cette sélection était pourtant proposée par la mission parlementaire. Le gouvernement a plutôt suivi les états généraux de la bioéthique qui disent que la lutte contre le handicap passe par la recherche et non par l’élimination. C’est bon signe.
Certainement non. En tout cas, le projet de loi ne l’a pas intégré. Cette sélection était pourtant proposée par la mission parlementaire. Le gouvernement a plutôt suivi les états généraux de la bioéthique qui disent que la lutte contre le handicap passe par la recherche et non par l’élimination. C’est bon signe.
Mais il est nécessaire de la diagnostiquer…
Les diagnostics chez une femme enceinte engendrent de l’anxiété. Pourquoi faut-il qu’il soit obligatoire de tous les proposer? Attendre un enfant, c’est une bonne nouvelle pour la société et non une source de problèmes potentiels. La manière dont les tests sont proposés doit être réfléchie pour être au service de cette bonne nouvelle. Ils ne disent qu’un risque éventuel, jamais du cent pour cent. Je connais des enfants en parfaite santé chez qui on avait diagnostiqué une anomalie. Il y a des angoisses dont on aurait pu se passer.
Les diagnostics chez une femme enceinte engendrent de l’anxiété. Pourquoi faut-il qu’il soit obligatoire de tous les proposer? Attendre un enfant, c’est une bonne nouvelle pour la société et non une source de problèmes potentiels. La manière dont les tests sont proposés doit être réfléchie pour être au service de cette bonne nouvelle. Ils ne disent qu’un risque éventuel, jamais du cent pour cent. Je connais des enfants en parfaite santé chez qui on avait diagnostiqué une anomalie. Il y a des angoisses dont on aurait pu se passer.
Interrompre une grossesse en cas d’éventuelle détection de trisomie 21, vous ne pouvez pas le concevoir…
Bien sûr que je peux entendre le désarroi d’une femme et sa souffrance. Mais si elle fait le choix de l’avortement, je me dirai que je n’ai peut-être pas fait tout ce qu’il fallait pour qu’elle soit accompagnée.
Bien sûr que je peux entendre le désarroi d’une femme et sa souffrance. Mais si elle fait le choix de l’avortement, je me dirai que je n’ai peut-être pas fait tout ce qu’il fallait pour qu’elle soit accompagnée.
Le projet de loi maintient l’interdiction de la gestation pour le compte d’autrui, cela doit vous satisfaire?
Par cette interdiction, la France est en avance dans le respect de la dignité. Cette pratique est indigne de l’enfant qui subira un abandon car, une fois né, il est arraché à celle avec laquelle il a tissé des liens. Elle n’est pas de l’altruisme mais l’utilisation d’une femme pendant neuf mois. Séparer une femme de l’enfant qu’elle porte, même si elle sait que c’est pour une autre, quelle violence! Là où cette pratique existe, c’est la voie vers l’utilisation de femmes pauvres par les riches. Et l’enfant pauvre sans parents? L’adoption lui donne une famille. C’est remarquable! Je connais le bonheur de parents qui ont un enfant en ayant adopté.
Par cette interdiction, la France est en avance dans le respect de la dignité. Cette pratique est indigne de l’enfant qui subira un abandon car, une fois né, il est arraché à celle avec laquelle il a tissé des liens. Elle n’est pas de l’altruisme mais l’utilisation d’une femme pendant neuf mois. Séparer une femme de l’enfant qu’elle porte, même si elle sait que c’est pour une autre, quelle violence! Là où cette pratique existe, c’est la voie vers l’utilisation de femmes pauvres par les riches. Et l’enfant pauvre sans parents? L’adoption lui donne une famille. C’est remarquable! Je connais le bonheur de parents qui ont un enfant en ayant adopté.