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Sport - Influence de la personalité sur la performance sportive

Source: Slate.fr


La personnalité au service de la performance sportive (2/2)
Federer, Ribéry, les basketteurs... L'entraîneur et Bertrand Théraulaz commente les profils physiques et mentaux de plusieurs champions.


Comment améliorer une performance sportive? Souci de tout entraîneur et particulièrement de Ralph Hippolyte, 61 ans, et Bertrand Théraulaz, 48 ans, tous les deux entraîneurs de volley-ball, chercheurs et professeurs en méthodologie du sport et de l’entraînement, à l’Insep, à Paris, pour le premier, et à Macolin, en Suisse, pour le second.

Depuis quelques années, les deux hommes ont rassemblé leur travail et fait le constat que la pédagogie sportive construite pour tous n’était pas adaptée à la motricité naturelle de chacun. Ils ont alors développé une manière d’enseigner adaptée à chaque individu en tenant compte de ses comportements, préférences et leviers spécifiques de performance et ont créé un concept et une marque baptisés ActionTypes qui s’inspire, de loin, de l’indicateur, lui-même marque déposée, MBTI pour Myers Briggs Type Indicator. Le MBTI est un test qui détermine le profil psychologique d’un sujet et est souvent utilisé dans le cadre de recrutements professionnels.

Avant de parler des travaux de Ralph Hippolyte et de Bertrand Théraulaz dans le deuxième sujet publié sur Slate.fr, il convient de mieux expliquer ce qu’est le MBTI dont l’origine est liée à la théorie des types psychologiques de Carl Jung (1921), reprise plus tard par deux Américaines, Catherine Briggs et sa fille Isabel Myers-Briggs, qui ont développé dans les années cinquante cet indicateur Myers Briggs.

Ce questionnaire, qui consiste en une centaine de questions, cherche à identifier chez chaque candidat quatre grandes préférences dans leur manière d’envisager la vie. La préférence entre l’extraversion et l’introversion. La préférence entre la sensation et l’intuition. La préférence entre la pensée et le sentiment. La préférence entre le jugement et la perception. Selon ce questionnaire, chaque personne a donc quatre préférences au total. Quelqu’un peut cumuler l’extraversion, l’intuition, la pensée et le jugement, une autre l’introversion, la sensation, le sentiment et le jugement…

Il y a ainsi 16 combinaisons possibles «labellisées» comme les 16 types psychologiques de Myers-Briggs et qui sont définis de la manière suivante par le biais de lettres en relations avec les huit mots: E pour extraversion, I pour introversion, S pour sensation, N pour intuition, T pour pensée, F pour sentiment, J pour jugement et P pour perception. Si bien que vous pouvez «être» soit ESTP, soit INTJ, ENFJ, ISFP…

D’après les recherches de Myers-Briggs, un ENTP est, par exemple, «vif, astucieux, d’une compagnie stimulante, alerte et ayant son franc-parler. Plein de ressources pour résoudre des problèmes nouveaux et difficiles. Doué pour développer des possibilités conceptuelles qu’il analysera ensuite de manière stratégique. Doué pour cerner les autres. Peu enclin aux choses routinières, fera rarement les mêmes choses de la même manière, passant rapidement d’un centre d’intérêt à un autre.»

Un ISFJ, l’opposé de l’ENTP, est, lui, «calme, amical, responsable et consciencieux. Remplit ses obligations avec dévouement et méthode. Minutieux, appliqué et précis. Fidèle, prévenant, remarque et retient les détails concernant les personnes qui lui sont importantes, attentif à ce que les autres ressentent. S’efforce de créer un environnement ordonné et un climat harmonieux à son travail et dans son foyer».

Pour tous les éclaircissements sur les 16 combinaisons possibles, vous pouvez vous référer au tableau plus loin et tenter de vous qualifier personnellement dans la mesure où, contrairement à un recruteur qui ne vous connaît pas, vous savez en principe qui vous êtes – votre entourage proche peut au moins vous y aider, mais moins qu’un professionnel de ce genre de questionnaire qui sera forcément le plus précis. Pour vous divertir et vous y retrouver, vous pouvez aussi répondre à ce questionnaire, qui ressemble à un questionnaire type Myers-Briggs (toujours variable et évolutif dans sa formule) et vous permettra de vérifier certaines «tendances» sachant que cela correspond à votre humeur du moment et pas forcément à ce que vous êtes vraiment.

Il a été ainsi clairement admis par les spécialistes de Myers-Briggs ou de Kersey (un questionnaire voisin de Myers-Briggs), qui les ont observés à la loupe, que Barack Obama est un ENFP et Nicolas Sarkozy un ESTP. Lors de la campagne présidentielle américaine de 2008, nos collègues de Slate.com s’étaient d’ailleurs amusés à passer ainsi en revue tous les candidats.

Le questionnaire de Myers-Briggs et le Kersey déterminent aussi quatre types de tempéraments. Le SJ, aussi appelé «gardien des traditions», sont conscients des responsabilités, loyaux et orientés sur les faits; les SP, ou «artisans de l’instant», sont spontanés, pleins d’idées et orientés solution; les NF, ou idéalistes sont connecteurs, convaincants et orientés valeur; enfin les NT, ou «visionnaires», sont stratégiques, logiques et orientés système.

En se passionnant pour la question, Ralph Hippolyte et Bertrand Théraulaz ont fait par la suite des liens entre nos motricités (notre façon de nous déplacer et de bouger notamment sur un terrain de sport) et le MBTI alors que le MBTI (et le Kersey) n’établit aucune relation avec la motricité. Les deux chercheurs ont donc été dans une autre direction que le MBTI pour créer leur propre indicateur sous la forme de l’Approche ActionTypes (AAT) qui, elle, ne repose sur aucun questionnaire. C’est l’objet de notre deuxième article publié parallèlement.

Yannick Cochennec


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Dans notre premier article (ci-dessus), nous vous avons familiarisé avec le concept du MBTI dont se sont inspirés Ralph Hippolyte et Bertrand Théraulaz pour établir leur propre indicateur ActionTypes. Les deux chercheurs ont mis en évidence un parallèle entre les aptitudes physiques et le MBTI en révélant une corrélation surprenante entre les dimensions jungiennes et les tendances observées chez les sportifs, entre les motricités physiques et les préférences cérébrales.

En gros, vous avez des caractéristiques physiologiques qui sont différentes selon que vous êtes ST, SF, NT ou NF. Et si vous connaissez votre «catégorie», vous pourrez d’autant mieux vous appuyer sur vos points forts et gommer vos faiblesses dans votre discipline sportive. Des indications également, et évidemment, précieuses pour des entraîneurs qui, grâce à cet indicateur, savent à quel type de joueur et de personne ils ont affaire et peuvent établir ainsi la meilleure façon de travailler et de communiquer avec eux. Sans parler de l’importance de savoir quel est le profil de vos adversaires pour mieux anticiper leurs actions.

Grâce à leurs recherches, Ralph Hippolyte et Bertrand Théraulaz en sont arrivés aux conclusions suivantes:

Les SF ont besoin d’engagement corporel global (accent sur les gros muscles du tronc et des jambes): ils ont une meilleure maîtrise des actions réalisées près du corps et sans rotation. Ce sont des globaux (G), ils ont besoin d’engager leur corps.

Les ST ont besoin d’engagement corporel fin (accent sur les avant-bras, les poignets et les doigts) : ils ont une meilleure maîtrise des actions exécutées à bout de bras ou de pied, c’est-à-dire nécessitant une coordination oeil main/pied supérieure. Ce sont des distaux (D), ils ont besoin de contrôle.

Les NF sont sensibles au rythme = découpage temporel du mouvement dans l’espace. Ils mélangent très bien la motricité globale et fine et aiment effectuer des rotations. Ils engagent systématiquement leur côté gauche dans l’action (pour les droitiers et pour les gauchers). Ce sont des rythmiques (R), ils ont besoin de se relier aux autres.

Les NT ont besoin d’un concept pour guider le mouvement (accent sur la représentation mentale associée à l’activité): ils engagent systématiquement leur côté droit dans l’action (pour les droitiers et pour les gauchers). Ce sont des conceptuels (C), ils ont besoin de comprendre.

A partir de là, le tableau suivant, qui se superpose à celui du MTBI, a été constitué avec l’ajout de ces notions G, D, R et C.
Pour mieux déchiffrer le langage d’ActionTypes, nous avons interviewé Bertrand Théraulaz.

Comment avez-vous mis en évidence ce parallèle entre le MBTI, ou les autres questionnaires de ce type, et les aptitudes physiques?

Nous avons 25 ans de travail derrière nous. Ralph et moi avons toujours été des entraîneurs ouverts, c’est-à-dire que nous cultivions une forme de doute par rapport à des manières d’entraîner formatées et largement diffusées. Aux Etats-Unis, il y avait des gens qui travaillaient sur ces questions du rapport entre le profil psychologique et les préférences motrices. Nous les avons rencontrées. Raymond Sohier, un professeur belge de kinésithérapie, a écrit un livre qui nous a également beaucoup aidés, Les deux marches pour la machine humaine. En fait, nous avons fait un travail de recoupement en rencontrant la plupart des personnes susceptibles de s’intéresser à ce champ d’investigation… Et à partir du questionnaire MBTI, que nous avions découvert et étudié avec précision, nous avons constaté qu’il y avait des tendances pour chacune des 16 catégories du MBTI. Au fur et à mesure de nos recherches et de nos rencontres avec des sportifs, nous avons affiné nos observations pour bâtir le tableau publié plus haut.

Quelle est la différence entre le MBTI et ActionTypes?

Le MBTI repose sur un travail très intellectuel qui vous dit comment est la personne à un moment donné: celui quand est rempli le questionnaire. ActionTypes s’intéresse davantage à des éléments archaïques propres à chacun, notamment liés à la constitution physique, qui, en principe, ne sont pas modifiables.

Dans votre travail, vous n’utilisez aucun questionnaire. Comment faites-vous pour établir qui est global (G), distal (D), rythmique (R) ou conceptuel (C)?

Il y a, bien sûr, la vidéo ou l’observation directe sur le terrain. Nous regardons le sportif et sa façon de bouger naturellement. Cette observation nous amène à une conclusion que nous validons ensuite par une série de tests.

Quels genres de tests?

Il y en a une cinquantaine. Par exemple, si un individu est capable de mieux s’équilibrer lorsque son poids est réparti sur le tiers arrière des pieds, c’est qu’il marche par le bas et ne pourra donc être que G ou D. Si au contraire, cette personne s’équilibre mieux lorsque son poids est réparti sur le tiers avant des pieds, c’est qu’elle marche par le haut et ne pourra donc être que R ou C. Ce sont ces tests de plus en plus pointus qui nous permettent de déterminer, à l’arrivée, qui est G1, D2, R3, C4…

Prenons un exemple: un footballeur qui est D3. Que pouvez-vous dire sur sa manière de bouger, sur ses défauts, ses qualités…

Pour un footballeur présentant des préférences pour D3, il est important de savoir s’il frappe du pied droit ou gauche afin de connaître son organisation globale. Au contraire de ce qui est enseigné généralement dans le foot, s’il utilise la jambe droite il sera plus à l’aise sur l’aile gauche du terrain et s’il utilise la jambe gauche, c’est sur l’aile droite qu’il pourra le mieux s’exprimer. Ceci à cause de son œil moteur (le droit) qui lui permet d’anticiper lorsque les actions s’enchaînent à haute vitesse. C’est un joueur qui pourra efficacement démarrer d’une position arrêtée et qui aura tendance à aller tout droit dans ses courses. Lorsqu’il frappe, il est obligé de pencher son buste de côté pour s’équilibrer. Dans les tacles, il ira tout droit sans se tourner de côté. Les problèmes rencontrés pour un D3 sont liés au fait qu’il a de la peine à rester physiquement détendu et qu’il risque de dire tout haut ce qu’il pense tout bas.

Vous avez un exemple intéressant à évoquer: celui de Franck Ribéry que Raymond Domenech faisait jouer à droite lors de la dernière Coupe du Monde, alors que beaucoup, dont Ribéry lui-même, pensaient qu’il devait jouer à gauche. Votre concept aurait pu aider l’ancien sélectionneur à mieux situer Ribéry sur le terrain…

Encore une fois, les êtres humains s’adaptent et Ribéry peut jouer partout mais pas avec la même économie et la même efficacité! Pour Ribéry, c’était également un problème de combinaison entre son œil moteur (le gauche) et sa jambe de frappe (la droite). L’important dans un jeu collectif comme le foot est d’être à même de pouvoir suivre l’évolution du jeu grâce à la perception des mouvements sur le terrain. Si l’utilisation de votre œil moteur vous permet «d’éclairer» la surface de jeu, vous avez l’information très rapidement à disposition et vous pouvez donc vous adapter en anticipant, sinon vous êtes souvent en retard et vous devez donc vous précipiter! Le nombre d’options sera réduit et il en découlera une perte de sérénité.

Il y a des sportifs que l’on voit constamment à la télévision. En les regardant bouger, vous êtes donc en mesure de les catégoriser avec certitude sans les rencontrer. Prenons l’un des plus célèbres, Suisse comme vous, Roger Federer Que pouvez-vous en dire?

Federer présente un profil C1. Cela signifie qu’il a besoin d’être efficace grâce à une stratégie bien posée. Il possède une anticipation et une lecture du jeu qui lui donnent une capacité de relâchement hors du commun. La plupart du temps, il reste très haut sur ses jambes et c’est au dernier moment, lorsqu’il a lu la situation, qu’il s’abaisse brusquement pour mieux démarrer. Comme tous les C, il utilise beaucoup de pas chassés et frappe la balle en rotation. Comme cela a été le cas lorsqu’il a perdu la finale de l’Open d’Australie face à Nadal en 2009, Federer a sinon besoin de laisser ses émotions s’exprimer.

Avez-vous noté un «défaut» chez Federer qu’il ne connaît pas et qu’il mériterait de corriger afin d’être encore plus performant si c’est encore possible?

Si Federer en est là où il en est, c’est qu’il a su optimiser ses points forts! C’est une personnalité très indépendante. Contrairement à Pete Sampras qui est également C1, Federer a mis longtemps pour trouver un coach en qui placer sa confiance. Il valorise la compétence en premier lieu, si bien que tant qu’il n’a pas eu de preuve dans ce domaine, il a toujours préféré gérer ses compétitions comme il l’entendait.

Dans un cinq de basket, l’idéal ne serait-il pas d’avoir au moins un G, un D, un R, un C?

Non! Quels que soient les joueurs en présence, c’est d’abord le talent individuel et la capacité collective à créer le jeu qui seront déterminants. Michael Jordan, entre autres, disait également que si les individus peuvent gagner un match, ce sont les équipes qui gagnent un championnat! Il faut des rôles complémentaires.

Si l’on se réfère à la correspondance des tableaux, Nicolas Sarkozy est ESTP donc D1 et Barack Obama ENFP donc R1… Grâce à vos observations, pourriez-vous faire du président français un meilleur coureur de fond?

Si avec Ralph nous sommes d’accord pour affirmer que Nicolas Sarkozy présente un profil D1, nous sommes en revanche persuadés que Barack Obama n’est pas ENFP (R1) mais bien C1 comme Federer. Aux Etats-Unis, les personnes à dominante affective émergent très rarement au plus haut niveau des fonctions étatiques. Le seul à notre connaissance fut George Bush Senior (ENFJ-R3). Quant aux qualités de coureur de fond de Nicolas Sarkozy, il s’agirait d’abord de faire un bilan sur ses dominantes énergétiques afin de connaître laquelle il aura tendance à privilégier (ses besoins en entraînement).

Peut-on adapter votre méthode à des enfants et est-il possible, à partir de vos conclusions, de diriger un enfant vers une discipline qui lui convient le mieux, celle où il serait susceptible d’avoir les meilleurs résultats?

Bien entendu! L’approche ActionTypes peut parfaitement être utilisée avec des enfants, mais il est très difficile de poser un diagnostic fiable sur le potentiel et l’envie d’un individu. L’être humain réserve toujours des surprises. Toutefois, notre approche peut permettre de gagner du temps en évitant les écueils grâce à la mise en évidence des besoins et préférences physiques, psychiques et émotionnels d’un individu.

Votre concept se développe. Vous travaillez avec des fédérations, des clubs, des sportifs… Parmi ceux avec qui vous avez collaborés, pouvez-vous donner l’exemple d’un cas où votre concept a véritablement «tout» changé?

Notre rôle n’est pas de tout changer car ce qui est généralement fait se base sur des éléments solides. Nous cherchons davantage à optimiser ce qui existe. Nous sommes dans une posture d’apprentissage et de développement permanent car toute collaboration avec les autres nous permet de grandir tout en affinant notre approche. Nous avons eu, par exemple, des collaborations très fructueuses avec les entraîneurs et les athlètes du canoë-kayak (Tony Estanguet). Que ce soit dans la course en ligne ou les disciplines d’eau vive, les échanges ont permis à chacun de s’exprimer plus efficacement. De 1993 à 1996, alors que nous étions au tout début de notre réflexion, les conseils de Ralph Hippolyte ont contribué à l’épanouissement de l’équipe nationale masculine hollandaise de volley-ball, championne olympique.
Une collaboration de deux ans (2004-2005) avec Yves Delvingt, Laurent Calleja et l’équipe de France féminine de judo a permis de développer une génération de judokas performante. Plus récemment, nous avons contribué à la progression d’entraîneurs de plusieurs nations et la fédération anglaise de cricket nous a mandatés pour former en interne des cadres techniques à l’approche ActionTypes.
Recueilli par Yannick Cochennec
ActionTypes, qui propose bientôt un DVD sur le golf et l’approche ActionTypes, lance son site internet en janvier 2011: www.actiontypes.com. D’ici là, Bertrand Théraulaz et Ralph Hippolyte peuvent répondre à vos questions à: bertrand.theraulaz@gmail.com