L'imagerie médicale apporte de nouvelles informations sur les pièces du Musée de l'homme.
Le laboratoire d'anthropologie du Musée de l'homme de Paris est en plein déménagement. Ses momies sont prêtes à partir, empaquetées dans de grandes boîtes à chaussures blanches. Il y en a partout : sur un brancard, sur les étagères, sur la paillasse d'une pièce annexe et dans plusieurs salles vides au sous-sol. La collection compte près de 160 pièces dont 65 momies complètes, la plupart venant d'Égypte ou du continent américain. Elles vont être entreposées au Muséum d'histoire naturelle pendant les travaux de rénovation qui devraient normalement être terminés en 2012.
«Les momies n'ont pas toujours été aussi bien traitées par le passé», reconnaît Anne Raggi, la conservatrice. On s'en est longtemps servi comme bois de chauffage, pour faire des colorants ou fabriquer du salpêtre. Au XIXe siècle, on raconte que les agronomes anglais recommandaient de les broyer et donner la poudre au bétail pour l'engraisser. Il n'y a pas si longtemps, dans l'entre-deux-guerres, les scientifiques les décapitaient ou les démembraient pour faire des mesures anthropométriques… Cette époque est révolue. Non seulement les momies font partie du patrimoine, mais elles sont désormais considérées comme des pièces archéologiques et anthropologiques à part entière. «Chaque momie est une archive», résume d'une formule Alain Froment, responsable scientifique des collections du Musée de l'homme. Les fragments de terre ou les grains de pollens encore accrochés aux bandelettes, les colorants, les baumes, les isotopes dentaires, permettent de retracer le mode de vie des personnes momifiées et le milieu dans lequel elles évoluaient. Plusieurs laboratoires dans le monde exploitent ces nouvelles pistes de recherche depuis quelques années. Le Musée de l'homme a décidé de s'y lancer à son tour.
Une technique non invasive
Le laboratoire des momies a signé un partenariat avec Useful Progress, une PME parisienne qui a mis au point de nouveaux logiciels de numérisation d'imagerie médicale. Une partie d'entre eux équipent les scanners de deux grands hôpitaux parisiens et, en retour, la PME peut les utiliser pour son propre compte aux heures où l'hôpital ne s'en sert plus. Useful Progress coopère avec le Musée de l'homme à titre gratuit. «C'est du mécénat scientifique», explique Sylvain Ordureau, son jeune directeur. Le principal intérêt de cette technique c'est d'être non invasive, de voir ce qu'il y a sous les bandelelettes sans détruire quoi que ce soit. Quatre momies ont déjà été scannées, les autres le seront progressivement. L'imagerie à très haute résolution a permis une identification précise de chaque individu. En s'appuyant sur la base de données internationale de 2 500 crânes, les chercheurs sont parvenus à lever le mystère qui entourait jusqu'alors une tête momifiée appartenant au musée de Morlaix. Son nez démesurément proéminent sous les tissus laissait en effet perplexes et dubitatifs les trois égyptologues chevronnés qui l'avaient examinée. Le scanner a montré en fait qu'il s'agissait d'un homme mort à l'âge de 40 ans et originaire du bassin méditerranéen. Autrement dit, d'un authentique Égyptien.
Une momie du Musée du Louvre dont l'origine était, elle aussi, douteuse a pu être également authentifiée. Son crâne est celui d'une jeune fille gracile décédée entre 20 et 22 ans et ne portant aucune trace de pathologie. Le scanner du squelette d'un enfant de Bolivie momifié sous d'épaisses toiles de coton a révélé des lambeaux de moelle épinière autour de ses vertèbres.
Plus surprenant, le scanner a révélé un minuscule trou à l'arrière du crâne d'une des momies. Selon les chercheurs, les embaumeurs qui vidaient le cerveau liquéfié de la future momie en fracassant l'os ethmoïde, perçaient ce trou afin de faciliter son écoulement. Une nouvelle piste de recherche pour les égyptologues. «Je suis optimiste, assure Alain Froment. La collection du Musée de l'homme va être de plus en plus exploitée.»
Article original
Le laboratoire d'anthropologie du Musée de l'homme de Paris est en plein déménagement. Ses momies sont prêtes à partir, empaquetées dans de grandes boîtes à chaussures blanches. Il y en a partout : sur un brancard, sur les étagères, sur la paillasse d'une pièce annexe et dans plusieurs salles vides au sous-sol. La collection compte près de 160 pièces dont 65 momies complètes, la plupart venant d'Égypte ou du continent américain. Elles vont être entreposées au Muséum d'histoire naturelle pendant les travaux de rénovation qui devraient normalement être terminés en 2012.
«Les momies n'ont pas toujours été aussi bien traitées par le passé», reconnaît Anne Raggi, la conservatrice. On s'en est longtemps servi comme bois de chauffage, pour faire des colorants ou fabriquer du salpêtre. Au XIXe siècle, on raconte que les agronomes anglais recommandaient de les broyer et donner la poudre au bétail pour l'engraisser. Il n'y a pas si longtemps, dans l'entre-deux-guerres, les scientifiques les décapitaient ou les démembraient pour faire des mesures anthropométriques… Cette époque est révolue. Non seulement les momies font partie du patrimoine, mais elles sont désormais considérées comme des pièces archéologiques et anthropologiques à part entière. «Chaque momie est une archive», résume d'une formule Alain Froment, responsable scientifique des collections du Musée de l'homme. Les fragments de terre ou les grains de pollens encore accrochés aux bandelettes, les colorants, les baumes, les isotopes dentaires, permettent de retracer le mode de vie des personnes momifiées et le milieu dans lequel elles évoluaient. Plusieurs laboratoires dans le monde exploitent ces nouvelles pistes de recherche depuis quelques années. Le Musée de l'homme a décidé de s'y lancer à son tour.
Une technique non invasive
Le laboratoire des momies a signé un partenariat avec Useful Progress, une PME parisienne qui a mis au point de nouveaux logiciels de numérisation d'imagerie médicale. Une partie d'entre eux équipent les scanners de deux grands hôpitaux parisiens et, en retour, la PME peut les utiliser pour son propre compte aux heures où l'hôpital ne s'en sert plus. Useful Progress coopère avec le Musée de l'homme à titre gratuit. «C'est du mécénat scientifique», explique Sylvain Ordureau, son jeune directeur. Le principal intérêt de cette technique c'est d'être non invasive, de voir ce qu'il y a sous les bandelelettes sans détruire quoi que ce soit. Quatre momies ont déjà été scannées, les autres le seront progressivement. L'imagerie à très haute résolution a permis une identification précise de chaque individu. En s'appuyant sur la base de données internationale de 2 500 crânes, les chercheurs sont parvenus à lever le mystère qui entourait jusqu'alors une tête momifiée appartenant au musée de Morlaix. Son nez démesurément proéminent sous les tissus laissait en effet perplexes et dubitatifs les trois égyptologues chevronnés qui l'avaient examinée. Le scanner a montré en fait qu'il s'agissait d'un homme mort à l'âge de 40 ans et originaire du bassin méditerranéen. Autrement dit, d'un authentique Égyptien.
Une momie du Musée du Louvre dont l'origine était, elle aussi, douteuse a pu être également authentifiée. Son crâne est celui d'une jeune fille gracile décédée entre 20 et 22 ans et ne portant aucune trace de pathologie. Le scanner du squelette d'un enfant de Bolivie momifié sous d'épaisses toiles de coton a révélé des lambeaux de moelle épinière autour de ses vertèbres.
Plus surprenant, le scanner a révélé un minuscule trou à l'arrière du crâne d'une des momies. Selon les chercheurs, les embaumeurs qui vidaient le cerveau liquéfié de la future momie en fracassant l'os ethmoïde, perçaient ce trou afin de faciliter son écoulement. Une nouvelle piste de recherche pour les égyptologues. «Je suis optimiste, assure Alain Froment. La collection du Musée de l'homme va être de plus en plus exploitée.»
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