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Rencontre - Solidarité avec Haïti: rencontre avec Lilian Thuram

Solidarité avec Haïti: rencontre avec Lilian Thuram



L'ex-footballeur Lilian Thuram nommé ambassadeur de l'Unicef

Nommé ambassadeur de bonne volonté 
de l’Unicef après 
sa première mission en Haïti aux côtés de l’institution, l’ex-footballeur international relance la solidarité pour que les enfants déscolarisés reprennent le chemin de l’école.
Lilian Thuram poursuit inlassablement son action en faveur de l’éducation, « un droit fondamental » qui assure la dignité de l’être humain, affirme-t-il. C’est donc tout naturellement qu’il se place aux côtés de l’Unicef pour venir en aide aux enfants haïtiens traumatisés par le séisme qui a frappé leur terre, le 12 janvier 2010. L’homme de conviction n’a aucun état d’âme à mettre sa notoriété au service de cette cause. Il est déterminé à battre en brèche l’idée selon laquelle, Haïti, première république noire, baigne dans la malédiction et le fatalisme.

Accepter de devenir ambassadeur 
de bonne volonté de l’Unicef 
est une façon pour vous de poursuive votre combat pour l’éducation ?
Lilian Thuram. Tout à fait. L’éducation est l’un des droits fondamentaux, qui nous fait devenir homme, devenir femme. Comme le dit si bien Christine, une fillette haïtienne que j’ai rencontrée lors de mon voyage avec l’Unicef, « l’éducation est au cœur de ma vie, elle donne de la dignité à l’homme ». Les hommes et les femmes constituent la plus grande des richesses d’un pays, quel qu’il soit. Pour développer leur potentiel, il faut une très bonne éducation. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut s’élever dans la société. Or à Haïti, seulement 50 % des enfants ont accès à l’école. Si je peux utiliser ma notoriété pour faire avancer cette cause, alors oui, je le fais avec grand plaisir.

Vous avez séjourné du 11 au 14 octobre en Haïti. Neuf mois 
après, que reste-t-il des dégâts 
du séisme ?
Lilian Thuram. Un choc psychologique d’une grande violence. Le séisme marquera la population sans doute à jamais. Les enfants que j’ai rencontrés ne cessent de dire qu’ils ne veulent pas que les classes soient reconstruites en dur. Les survivants culpabilisent de s’en être sortis.

Quelle image en gardez-vous ?
Lilian Thuram. L’image du palais présidentiel qui s’est écroulé. Pour moi, elle symbolise l’absence d’État.
Un État qui a du mal à se relever. Neuf mois après, seulement 5 % des gravats ont été déblayés. Et sous ces amas, il y a encore des corps. Plus de 1 300  000 personnes vivent toujours sous des abris. Mais il y a une grande volonté de la part des Haïtiens pour aller de l’avant. Il est important de leur tendre la main pour les aider à se remettre debout et à avancer. On peut d’une manière simple faire un petit geste.
Vous avez répondu à l’initiative 
du collectif de rappeurs des Neg’Marrons pour aider le peuple haïtien. Mais il y a déjà eu une grande collecte au lendemain du séisme ?
Lilian Thuram. Beaucoup de gens commettent cette erreur de croire qu’il y a déjà eu d’énormes sommes envoyées à Haïti. On a en effet tous été marqués par l’annonce des dons de la communauté internationale, laquelle a promis neuf milliards d’euros. Or cette promesse n’a que partiellement été honorée.

C’est la raison pour laquelle vous lancez un appel pour ne pas oublier les sinistrés ?
Lilian Thuram. Je comprends qu’avec notre vie de tous les jours, nous passons vite à autre chose. C’est normal. Néanmoins, la grande majorité des gens est sensible à la solidarité. Mais elle n’est pas au courant de tout. Il faut donc l’informer, l’interpeller. Les sommes déjà parvenues aux Haïtiens proviennent essentiellement des particuliers, non des États. Voilà pourquoi il faut relancer l’appel à la solidarité, notamment pour permettre aux enfants déscolarisés de reprendre le chemin de l’école.

Comment avez-vous réagi à cette première visite dans ce pays marqué par l’esclavage, une histoire douloureuse qui vous tient particulièrement à cœur ?
Lilian Thuram. C’est avec grande émotion que j’ai foulé le sol de ce pays qui m’importe beaucoup à cause de son histoire, en effet. Haïti est la première république noire, créée en 1804. Je suis guadeloupéen, originaire de la société antillaise issue de l’esclavage, une société qui s’est créée sur la violence, qui s’est libérée par la violence. Des personnages comme Toussaint-Louverture comptent particulièrement pour moi. Ils se sont battus contre le système esclavagiste, ils se sont avant tout levés contre l’injustice. Chaque génération doit s’élever contre les injustices. Pour moi, Haïti demeure une vraie leçon, en dépit de ce que ce pays est devenu aujourd’hui. Je ne perds pas de vue qu’il a été boycotté justement par les nations qui prônaient le système esclavagiste à l’époque, car il représentait un danger pour ce système. Les esclaves d’ailleurs aspiraient aussi à leur libération. Le boycott au niveau du commerce international a donc été le prix à faire payer à Haïti.

Votre rappel historique est-il 
une façon de contredire ceux qui évoquent la malédiction pour expliquer ce qui se passe en Haïti ?
Lilian Thuram. Exactement. Chaque chose a une explication. Il n’y a pas de fatalisme. Haïti n’est pas maudit. Or il y a certaines vérités que l’on préfère parfois ne pas rappeler. Haïti a été la perle des Antilles, qui ramenait beaucoup d’argent à la France. Il a dû payer un lourd impôt pour sa liberté. Le rôle même des États-Unis est ambigu. Ce qui ne veut pas dire que les dirigeants haïtiens n’ont pas une responsabilité dans la mauvaise gouvernance. Je suis étonné que l’ambassade étasunienne ne se soit pas effondrée, de même qu’un bâtiment d’une compagnie de téléphone, que je ne nommerai pas…

Vous insinuez que ces immeubles ont, contrairement à bien d’autres, été construits selon les normes sismiques ?
Lilian Thuram. Cela veut dire que c’est également la qualité des constructions qui est en jeu. Rien n’est fatal. Le peuple haïtien vit dans une extrême pauvreté. Le dénuement fait que les maisons ne peuvent résister au tremblement de terre.

Quel message avez-vous adressé aux enfants haïtiens ?
Lilian Thuram. Je leur ai parlé en créole, en leur rappelant une devise antillaise : « Tiens bon, ne te laisse pas aller, sinon cela deviendra difficile. » C’est un message d’encouragement. On peut toujours s’en sortir. Il faut avoir de grands rêves. Et j’en ai rencontré qui en avaient de fabuleux.
Entretien réalisé par Mina Kaci

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