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Économie - Pourquoi Japonais et Américains s'intéressent-ils au Québec?

Publié le 26 octobre 2010
Avant de les assembler dans des produits de... (Photo Reuters)
Photo Reuters
Avant de les assembler dans des produits de haute technologie, il faut d'abord 
extraire les terres rares de la manière la plus élémentaire qui soit : par le dur labeur 
des hommes.

(Montréal) En janvier dernier, la petite société junior Midland Exploration, établie à Rosemère, a reçu un appel d'Extrême-Orient. Une société d'État japonaise, chargée de dénicher des ressources pour le pays insulaire, s'intéressait au projet de terres rares de Midland, pourtant peu publicisé jusque-là.

Quelques semaines plus tard, voilà les Japonais partenaires à 50% du projet Ytterby, dans le Nord-du-Québec, le long de la frontière avec le Labrador. «Le Japon est à la merci de la Chine pour les terres rares, explique le président de Midland, Gino Roger. C'est très sensible pour eux.»


Et pour cause. Forte d'un monopole presque total sur l'exportation des terres rares, minéraux essentiels pour une foule de produits de haute technologie, la Chine fait rager les États-Unis et le Japon à coups d'embargos ou de réductions des envois. Depuis un mois, la Chine aurait cessé ses exportations au Japon. Et selon ce que le New York Times rapportait la semaine dernière, l'empire du Milieu aurait étendu son embargo aux États-Unis et à l'Europe, ce que Pékin nie officiellement (voir autre texte).


«On connaissait l'intention de la Chine de réduire les exportations, mais d'utiliser cela comme une menace contre les autres États, c'est une nouvelle approche», observe Peter Cashin, président et chef de la direction de Quest Rare Minerals (anciennement Quest Uranium). Quest développe l'important projet de Strange Lake, à 200 kilomètres, au nord-est de Schefferville.


Cette attitude commerciale de l'empire du Milieu pousse les regards des grands consommateurs de terres rares vers des projets miniers du Québec, d'autant plus que les projets de Quest, Midland ou de Matamec (au Témiscamingue) seraient particulièrement riches en terres rares dites lourdes. «Ces minéraux sont plus rares, plus chers, mais plus efficaces», soutient M. Cashin.


L'associé japonais


C'est d'ailleurs dans l'espoir de sécuriser son approvisionnement en terres rares lourdes que la Japan, Oil, Gas and Metals National Corporation (JOGMEC) a placé ses billes dans le projet de Midland. «C'est sûr que les nouvelles de Chine, c'est un plus pour nous, dit Gino Roger. Cela a un effet sur le prix des terres rares, mais aussi sur notre partenaire, qui veut accélérer les choses.»
Midland, d'abord tournée vers l'or et les métaux de base, s'est lancée dans les terres rares après les découvertes de Quest à Strange Lake. Sentant le marché favorable, Midland a jalonné quelques 1800 titres miniers («claims») à une centaine de kilomètres au nord, donnant naissance au projet Ytterby. Les forages débuteront en 2011.


JOGMEC détiendra 50% du projet après avoir effectué 2,5 millions de dépenses d'exploration sur la propriété. Non seulement JOGMEC permet-elle à Midland de développer la propriété tout en conservant son capital, elle donne surtout à la junior un accès crucial aux utilisateurs de ces minéraux, comme Toyota, Honda ou Mitsubishi. Le Japon est le premier importateur de terres rares du monde.


Objectif 2015 pour Quest


De son côté, Quest Rare Minerals n'a pas de partenaire pour l'instant. Mais Peter Cashin affirme avoir été approché par des Japonais et des Coréens.


L'engouement pour les terres rares est aussi grand aux États-Unis, où le Pentagone s'inquiète de l'approvisionnement pour ces éléments essentiels à plusieurs technologies militaires. Quest a clôturé cette semaine un financement de 52 millions qui a suscité le plus grand intérêt des investisseurs institutionnels américains, selon Peter Cashin.


Quest étudie actuellement les derniers résultats de forage de la zone B de Strange Lake afin de mesurer les ressources du projet puis lancer une étude de préfaisabilité. «Selon un plan de match conservateur», note M. Cashin, la production pourrait débuter autour de 2015 ou 2016 et générer des revenus nets de 150 à 240 millions par année.
Quest estime la production annuelle à quelque 23 000 tonnes de concentré, soit près de 20% de la production mondiale actuelle.


Les titres de Quest Rare Minerals (QRM), Midland (MD) et Matamec (MAT) se transigent à la Bourse du TSX Croissance. QRM, dont l'action s'échangeait à 0,05$ il y a 18 mois, a grimpé hier de deux cents à 5,05$, le titre de MD reculait d'un cent à 1,89$ et Matamec glissait de quatre cents à 36 cents.
Aucune mine de terres rares n'est actuellement active en Amérique du Nord. Molycorp devrait toutefois relancer une ancienne mine de terres rares légères en Californie en 2012.




Que sont les terres rares?


Les terres rares sont les éléments compris entre les numéros 57 à 71 au tableau périodique (appelés lanthanides), auxquels il faut ajouter l'yttrium (39) et le scandium (21). Elles sont utilisées dans une foule d'applications technologiques, de l'automobile aux avions de chasse en passant par les téléphones cellulaires, les piles et les éoliennes. Le lanthane, par exemple, est utilisé par Toyota pour la pile de la voiture hybride Prius. Les terres rares sont abondantes dans la nature, mais il est difficile de trouver des concentrations suffisantes pour en faire des mines rentables. L'exploitation des terres rares est coûteuse et souvent associée à des matériaux radioactifs.




Le monopole chinois


La planète a produit 124 000 tonnes de terres rares en 2008. Grâce à des coûts plus faibles et des règles environnementales moins sévères, la Chine a réussi à accaparer 97% de la production globale. Elle détient plus du tiers des 100 millions de tonnes de réserves mondiales. «Il y a du pétrole au Moyen-Orient, il y a des terres rares en Chine», avait déclaré en 1992 le dirigeant chinois Deng Xiaoping.


Selon la minière australienne Lynas Corp., la demande de terres rares devrait passer de 136 000 tonnes cette année à 190 000 tonnes en 2014, soit l'équivalent d'une croissance de 9% par année. Selon la même source, l'offre globale ne dépassera pas les 170 000 tonnes en 2014.


La Chine consomme plus de 50% des terres rares. Le Japon est deuxième avec environ 20%, tandis que les États-Unis achètent environs de 10% de la production. Ni le Japon ni les États-Unis n'exploitent des mines de terres rares.


Au Québec, les principales minéralisations de terres rares se trouvent dans le secteur de Strange Lake (à la frontière du Labrador), au Nunavik, et au Témiscamingue.
Sources: U.S. Geological Survey, Bloomberg, Arafura Resources, ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec