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Regard sur Haiti


L'histoire de Haïti (Hispaniola) 
depuis l'arrivée des Européens 
Haïti, République dominicaine
Longtemps appelée en Europe Saint-Domingue, Hispaniola ou Haïti ou encore Ayti (c'est-à-dire le pays montagneux en langue caraïbe) fut découverte par Christophe Colomb le 6 décembre 1492 et fut le siège du l'établissement européen en Amérique. Les Espagnols y fondèrent en 1495 Santo-Domingo, dont la prompte prospérité fit donner à toute l'île le même nom. Ils eurent bientôt soumis et exterminé les indigènes, à tel point qu'à peine il restait 150 Indiens au milieu du XVIe siècle. On pallia alors le manque de main-d'oeuvre avec des esclaves importés Afrique. La colonie n'avait encore que peu d'importance lorsque l'amiral anglais Drake la ravagea en 1586. Vers 1640, des boucaniers qui s'étaient établis dans l'île de la Tortue près de la côte septentrionale d'Haïti, dévastèrent les établissements espagnols, et après avoir été reconnus par le gouvernement français, ils finirent par s'établir dans la partie occidentale de l'île; le traité de Ryswick, en 1697, céda définitivement cette partie à la France. La colonie française s'accrut rapidement. Mais ses nombreux esclaves, traités de façon ignoble, se révoltèrent en 1722; cette première tentative fut facilement réprimée; Un nouveau soulèvement général eut lieu en 1791. En 1793, Mayaca, chef noir, s'empara du Cap-Français (Cap-Haïtien) et en massacra tous les habitants libres. L'année suivante, un autre chef, Toussaint Louverture, enleva les principales places de la colonie française, chassa une armée anglaise que les colons de la Jamaïque avaient envoyée au secours des Blancs, et s'empara de la partie espagnole d'Haïti, que l'Espagne venait de céder à la France (1795). En 1802, le général Leclerc, à la tête de 20000 Français, débarqua à St-Domingue, s'empara par surprise de la personne de Toussaint Louverture et l'envoya en France. Les hostilités, un instant suspendues, recommencèrent en 1803 sous la conduite du général noir Dessalines, l'un des lieutenants de Toussaint les Français furent refoulés ,jusqu'au Cap, et Rochambeau, qui avait succédé à Leclerc, fut obligé de se rendre à une flotte anglaise. L'indépendance fut proclamée en 1804.
Toutefois ce n'est qu'en 1805 que l'île fut complètement évacuée par les troupes françaises. Dessalines, maître de l'île, prit le titre d'empereur d'Haïti sous le nom de Jacques Ier; il fut assassiné en 1806. Christophe s'empara aussitôt du pouvoir; après une lutte acharnée contre Pétion, son rival, il resta maître de la plus grande partie de l'île, et prit en 1811 le titre de roi, sous le nom de Henri Ier. Pétion conserva néanmoins jusqu'à sa mort la partie Sud de l'île et y maintint le gouvernement républicain. Christophe périt dans une insurrection militaire en 1820. Alors Boyer, qui avait succédé en 1818 à Pétion dans le gouvernement du sud, fut proclamé président. Il soumit la partie espagnole et devint maître de toute l'île. Plusieurs présidents se succédèrent Boyer, Hérard, Guerrier, Pierrot, Riché et, enfin Soulouque, en 1847. Ce Dernier se fit proclamer empereur en 1849 sous le nom de Faustin Ier. Il fut renversé en 1859, et la république fut rétablie sous la présidence de Geffrard, que remplaça Salnave (1867). 
Au milieu de tous ces troubles, la partie orientale de l'île s'était définitivement séparée. Elle formait depuis 1843, sous le nom de République dominicaine, un État à part. Santana fut le fondateur de cette république qui eut ensuite pour président Bonaventure Baez. La République dominicaine résista aux efforts de Faustin Soulouque, empereur d'Haïiti, tendant à réunir l'île entière sous son pouvoir, et remporta sur lui une victoire en 1856. L'intervention des diplomaties européennes mit fin à une guerre civile en 1858. Baez assiégé dans Saint-Domingue par le général Santana, consentit à se démettre de la présidence et à quitter le pays, où Santana s'engagea à maintenir l'ordre. Le général Valverde fut ensuite élu président. L'Espagne renonça en 1865 à cette ancienne possession qui s'était replacée volontairement sous sa domination en 1861.
Au XXe siècle, Haïti, première république noire indépendante de l'histoire, a continué, aussi bien dans sa partie occidentale qu'orientale, d'être déchirée par les luttes internes, attisées souvent par les intérêts d'affairistes nord-américains ou européens. La République de Haïti et la République dominicaine se sont trouvées placées longuement sous la botte de dictatures sanglantes et de régimes corrompus. Mais alors que la République dominicaine semble aborder le XXIe siècle, avec des perspectives d'apaisement, la république de Haïti a célébré le bicentenaire de son indépendance, en  2004, dans un climat d'agitation et de misère persistantes.
Dates-clés  :
1492 - Arrivée des Européens (Colomb). 1697 - l'île de Saint Domingue est cédée par l'Espagne à la France.
1794 - Révolte conduite par Toussaint Louverture.
1804 - L'Indépendance est proclamée.
1844 - Sécession de la République
Haïti à l'arrivée des Européens L'histoire d'Haïti commence à être écrite avec la découverte de l'île par Christophe Colomb le 6 décembre 1492. Venant de Cuba  , il aborda au havre Saint-Nicolas, d'où il passa dans le port de Conception, puis, longeant la côte septentrionale, il visita Puerto de Valparaiso (port de la Paix), Santo Tomas. Puerto Real (baie de Caracol). Dans ce dernier lieu, il édifia un fort le 25 décembre et lui donna le nom de Nativité. Il y laissa une garnison qui fut exterminée par les indigènes après son départ. Les Cubains désignaient sous le nom de Cubao Pile ou ses districts aurifères; les indigènes l'appelaient Quisqueya (grande terre), Bohio (terre des villages) ou Haïti (terre montagneuse); Colomb la dénomma Española (= Espagnole) ou (sous la forme latinisée) Hispaniola. La population est évaluée par Christophe Colomb à près de 1 million de personnes; Las Casas dira même 3 millions, ce qui paraît exagéré. Selon les descriptions de l'époque, ces Indiens étaient de petite taille, de teint clair, la figure peinte et le corps souvent tatoué, le crâne déformé dans l'enfance; ils parlaient des dialectes voisins les uns des autres (appartenant au groupe caraïbe), bien qu'on distinguât à l'Ouest les Cebuneyes, parents des Cubains, et à l'Est les Araouaques; au Sud, les cannibales Caraïbes avaient pris pied et leurs razzias étaient très redoutées. Les moeurs des Haïtiens, racontent les premiers voyageurs européens, étaient douces, la propriété respectée, les chefs très obéis, le culte des morts  très observé. Ils se croyaient autochtones et célébraient des cérémonies  dans les cavernes. On racontait que la voûte à Minguet (au Sud de Cap-Haïtien), la plus célèbre de ces grottes sacrées, avait vu apparaître le premier humain. On y sacrifiait aux dieux du ciel  et de la terre .
Au point de vue politique, l'île était partagée en cinq royaumes principaux ayant chacun son cacique. Au Nord-Ouest, le royaume de Marien, gouverné par Guacanaric, s'étendait de l'embouchure du Yaqui Grande à celle de l'Artibonite; au Sud-Ouest, le Xaragua, gouverné par Bohechio, occupait la bande du Sud, presqu'île du cap Tiburon et alentours; au Nord, le Maragua ou royaume de la plaine, gouverné par Guavionex, occupait là plaine aujourd'hui dénommée Vega Real; la pointe orientale de l'île formait le Higuey ayant pour cacique Gayacoa; enfin, entre ces districts, était celui de Maraguana, soumis à Caonabo; il était séparé du Higuey par le cours de la Javna, du Maragua par le massif du Cibao, du Xaragua par celui de Bahuruco et touchait au Marien dans le haut bassin de l'Artibonite. Il existait encore en Haïti d'autres cantons de moindre importance, comme le Ciguay dans les montagnes centrales, le Bahuruco. Au-dessous des caciques principaux, monarques héréditaires,   chefs politiques et religieux, étaient des caciques inférieurs, sorte de gouverneurs de province, tributaires des précédents.
C'est avec Guacanaric, cacique du Marien, que Christophe Colomb fut d'abord en rapport. Il accueillit avec empressement les étrangers, et c'est chez lui que s'éleva le fort de la Nativité construit avec les débris du navire Santa Maria, jeté à la côte et où l'amiral laissa quarante Espagnols. La tyrannie de ceux-ci irrita les Indiens; le cacique du Maraguana, Caonabo, d'origine caraïbe, envahit le Marien et les massacra; le vieux Bohechio, cacique du Xaragua, s'attaqua également au Marien. A son retour, le 28 novembre 1493, Christophe Colomb bâtit une nouvelle colonie sous le nom d'Ysabela, à l'Est du cap Monte Cristi; il vengea ses soldats; il prit Caonabo qui fut noyé dans un naufrage, et infligea une sanglante défaite à son frère. Cette victoire détermina la soumission de la plupart des petits chefs. La colonie d'Ysabela fut mise sous les ordres du frère de Christophe Colomb, Bartolomé. Celui-ci la transféra en 1496 sur la côte méridionale, sous le nom de Nueva Ysabela, plus tard Santo Domingo (1496), à l'Est de l'Ozama, puis à l'Ouest de ce fleuve (1502). 
A l'intérieur de l'île, dans la région des sables aurifères du Cibao, objectif de la cupidité des envahisseurs, s'éleva le fort Saint-Thomas. Bohechio, auprès de qui s'était réfugiée sa soeur et héritière Anacoana, veuve de Caonabo, vit son pays envahi par Bartolomé Colomb et paya tribut. Le cacique du Maragua, Guavionex, se souleva; traqué dans les monts du Ciguay, il fut pris et exécuté à Santo Domingo. Bientôt la mort de Bohechio laissa le Xaragua à sa soeur. Celle-ci fut attaquée par Ovando, pour un retard dans le payement du tribut ; le Xaragua fut dévasté et la princesse Anacoana pendue (1503). Cayacoa, cacique du Higuey, se souleva en 1506, détruisit le fort espagnol bâti sur ses terres et résista vaillamment, mais inutilement; il fut pris et exécuté. En 1507, les massacres des indigènes, les morts causées par le travail des mines avaient réduit la population à 60 000 personnes; en une armée, dit-on, 300 000 avaient péri. En 1514, eut lieu une dernière révolte, menée par un cacique de Bahuruco; après une lutte de treize années, on lui laissa un vallon boisé près de Santo Domingo, au lieu où se trouve le village actuel de Boya. 
Les descendants de ces derniers Indiens libres y vivaient encore en 1750, et on les y retrouve, mais mélangés aux mulâtres du voisinage. En 1517, il ne survivait plus que 14000 des indigènes d'Española; en un quart de siècle, ils avaient diminué dans la proportion de 70 à 1; en 1533, on en comptait 4000 à peine; en 1717, on n'en retrouve qu'une centaine. Toutefois leurs métis forment encore le fond de la population du Nord de l'île. Les mines d'or de San Cristoforo découvertes par Bobadilla, exploitées ensuite par Ovando, avaient achevé d'user les Indiens et, après ceux d'Haïti, avaient en quelques années coûté la vie à 40 000 autres amenés des îles Bahamas. La destruction de l'élément indigène fut un grand malheur pour l'île. Le massacres systématiques, le travail des mines, les maladies, les famines avaient en quelques années consommé l'extermination de cette population douce et incapable de résistance. Elle a du moins légué à ses successeurs, un certain nombre de mots qui ont passé dans les langues européennes : patate, tabac, cassave, gayac, maïs, igname, cacique, canot.
L'institution de l'esclavage des Noirs
Les Espagnols, maîtres d'une île dont ils avaient pratiquement exterminé la population, se trouvèrent embarrassés pour l'exploiter, car ils se souciaient peu de travailler eux-mêmes. Afin de suppléer à la main-d'oeuvre indienne, ils importèrent des esclaves d'Afrique. Commencée dès 1505, elle fut régularisée par l'édit de 1517, autorisant l'importation annuelle de 4000 Noirs africains en Haïti. Cette immigration était indispensable à la colonie. Le dur travail des mines, bien que rémunérateur puisqu'il fournit plus de 36 millions par an et un total de près de 400, fut délaissé et n'a   plus été repris; le vide se fit dans l'île quand on se jeta sur le Mexique et le Pérou, dont les trésors attirèrent tous les aventuriers en quête d'une fortune rapide. Haïti, de colonie minière, devint une colonie agricole. L'origine des plantations remonte à Pedro d'Atenza qui y apporta des Canaries   la canne à sucre; Gonzalez les développa. Les esclaves cultivèrent pour les propriétaires. L'île ne se repeuplait que lentement; les savanes du Sud-Est nourrissaient des bergers presque aussi sauvages que leurs troupeaux de boeufs; ceux-ci se multipliaient dans les plaines et les collines. Les plantations n'étaient pas très répandues et la colonie languissait. Sa splendeur éphémère fut due à de nouveaux arrivants : les flibustiers.
Ces aventuriers français, anglais, etc., à partir du premier quart du XVIIe siècle, prirent pied en Haïti, à l'île de la Tortue, sur la côte septentrionale et occidentale. Ces boucaniers vivaient de la chasse, des boeufs sauvages, et s'entendaient avec les corsaires. Les Espagnols ne réussirent pas à les éliminer. Aidés par les commerçants français de Saint-Christophe, ils créèrent des établissements sédentaires sur la côte septentrionale de l'île, restée à peu près déserte. Ils se consolidèrent au Petit-Goave vers 1654, puis au Port-de-Paix, obtinrent de Louis XIV l'envoi d'un gouverneur français, Dageron (1661) et organisèrent une véritable colonie (1665). Saccagée par les Espagnols (1676), elle n'en comptait pas moins, en 1687, 8000 habitants, dont 4411 Blancs et 3582 Noirs ou gens de couleur. Plus pratiques que les Espagnols, les colons français créaient une population servile, amenant autant de femmes que d'hommes et élevant les enfants de ces familles d'esclaves, de sorte que les Noirs se reproduisirent normalement, au lieu d'être sans cesse renouvelés par la traite. Celle-ci continua d'amener surtout des travailleurs mâles, mais le Saint-Domingue français ne connut pas une disproportion entre les deux sexes aussi grande que les autres îles. 
Saint-Domingue, colonie française
Lorsque la colonie, restaurée par Ducasse (1691), fut définitivement reconnue au traité de Ryswick, qui céda à la France le tiers occidental de l'île, elle prit un grand essor. Celui-ci date surtout de 1722, quand les règlements qui paralysaient le commerce furent modifiés. Au XVIIIe siècle, la colonie française de Saint-Domingue fut le type des colonies à plantations et de beaucoup la plus riche du Nouveau-Monde. Bien que plus petite que sa voisine, la colonie espagnole, elle était trois ou quatre fois plus peuplée et plus prospère. Au moment de la délimitation de 1776, qui a fixé les frontières conservées par la suite entre la région française et la région espagnole de l'île, la première, vaste de 28 000 km² au plus, possédait plus de 11 500 plantations, tandis que la seconde, sur 48 000 km², n'en comptait que 5528. 
Le recensement de 1788 constatait dans le Saint-Domingue français 27 717 blancs, 21808 gens de couleur  (Noirs et Métis) libres et 405 464 esclaves, soit un peu plus de 455 000 habitants. Le Saint-Domingue espagnol  (Est de l'île) n'avait que 125 000 habitants, dont seulement 15 000 esclaves. La moindre importance des plantations rend compte de cette différence et de l'écart moindre entre les éléments blanc et noir. Au XVIIIe siècle, il semblait que tout l'avantage fût pour le système des planteurs français. La culture de l'indigo et surtout celle de la canne à sucre leur procurèrent d'énormes bénéfices. Ils purent ainsi
« se procurer un personnel de Noirs vraiment exceptionnel pour sa vigueur et sa beauté. Sur les marchés des Antilles, les hommes d'élite étaient réservés noir les « habitations » de Saint-Domingue, tandis que les Nègres de rebut étaient laissés aux acheteurs moins fortunés des Petites Antilles. Par un procédé de sélection analogue à celui qu'emploient les éleveurs d'animaux, les Blancs d'Haïti obtinrent pour la culture de leurs terres et le service de leurs équipages de sucriers sur une race de nègres sans égale dans les autres îles. Mais singulier retour des choses ce fut peut-être ce choix attentif de beaux et vaillants Nègres qui fut la cause déterminante de la défaite et du massacre des propriétaires blancs. Les solides «-ateliers-» de noirs recrutés pour l'esclavage s'étaient peu à peu fondus en une race énergique, mûre pour l'indépendance. Les planteurs, enivrés par la fortune, ne songeaient qu'à augmenter l'étendue de leurs domaines et les bandes de leurs esclaves. Très puissants en cour, alliés par les mariages aux familles nobles de France, ils faisaient encourager la traite par les exemptions de taxe et les faveurs royales. Bordeaux, la cité française par laquelle se faisait le commerce de Saint-Domingue avec l'ancien monde, avait alors le premier rang parmi les ports d'Europe pour l'ensemble des échanges. » (Elisée Reclus).
Au temps de la Révolution Au moment où éclata la Révolution française (1789), il y avait dans la colonie française, en dehors des esclaves, trois classes d'habitants dont une seule accaparait tous les droits. C'était celle des Grands Blancs, propriétaires des   plantations qui formaient l'aristocratie foncière; au-dessous, les Petits Blancs, bourgeoisie et peuple des villes, commerçants, artisans, employés, gens d'affaires réclamaient, comme en France, l'égalité. Puis venaient les Mulâtres, au nombre de 25 000 environ, à peu près égaux en instruction aux Blancs et désireux d'obtenir, eux aussi, l'égalité. Enfin, au-dessous de ces trois classes d'hommes libres étaient les  esclaves, sept ou huit fois plus nombreux, et qui allaient prendre conscience de leurs droits et de leur force. Cependant, au début, les réclamations ne vinrent que des « Petits Blancs » et des Mulâtres. Mais en Europe se constituait la société des « Amis des Noirs », qui  demandait l'abolition de l'esclavage. Les aristocrates ne voulaient  faire nulle concession. Maîtres du gouvernement colonial, ils bravaient leurs adversaires. Aux constitutionnels s'opposaient les monarchistes. 
L'Assemblée constituante procéda timidement, hésitant à prendre parti contre les planteurs. Elle promulgua, en 1790, une loi électorale qui ne reconnaissait pas explicitement le droit de vote des hommes de couleur. Elle avait fait convoquer une assemblée coloniale; celle-ci entra bientôt en conflit avec le gouverneur. Les Mulâtres, dirigés par Ogé, revendiquèrent en déclarant qu'ils  « ne s'occupaient pas des Nègres dans l'esclavage ». Ogé fut traqué, extradé par les Espagnols chez qui il s'était enfui et périt sur la roue. L'Assemblée constituante finit pourtant par donner aux mulâtres, nés de père et de mère libres, l'éligibilité aux assemblées coloniales. Exaspérés, les planteurs se mirent en hostilité ouverte avec la  métropole. Revêtant l'uniforme anglais, leurs délégués allèrent à la Jamaïque mendier le secours des Anglais. Un soulèvement éclata inaugurant ce que l'on a appelé alors « la guerre de races ». 
Le 23 août 1791, les Mulâtres et les Noirs s'insurgèrent aux environs de Cap-Français (auj. Cap-Haïtien). La confusion était telle qu'une partie des Noirs s'armèrent au nom de Louis XVI et à l'appel des prêtres comme « gens du roi », contre les autorités constitutionnelles; mais la lutte prit vite un caractère ethnique. Dans les campagnes, les Noirs égorgeaient les Blancs, qui leur faisaient subir d'atroces représailles aux alentours des villes. De part et d'autre, on commit d'effroyables atrocités, torturant les captifs avant de les tuer. Ces carnages devaient tourner contre les Blancs, beaucoup moins nombreux, d'autant que l'émigration les affaiblissait.
« Cette révolte, écrit Onésime Reclus, fut pour nous un désastre immense, car presque toutes les familles nobles du Sud-Ouest, dans le pays de la basse Dordogne,   de la Garonne et de l'Adour, avaient des parents ou des amis à Saint-Domingue. De mois en mois, de semaine en semaine, l'île perdit tous ses Blancs  car ceux qui échappèrent aux combats ou aux surprises se dispersèrent de tous côtés; les uns passèrent le canal du Vent et s'établirent à Cuba; d'autres préférèrent les Antilles de langue française, la Dominique, Sainte-Lucie, la Guadeloupe, la Martinique; beaucoup allèrent former le fond de la population créole de la Trinité; quelques-uns partirent pour la Louisiane; d'autres enfin regagnèrent la France. » 
Nous ne pouvons retracer ici les mille épisodes de cette lutte poursuivie durant des années. La division des Blancs, l'hostilité des Espagnols et des Anglais ravitaillant d'armes les Noirs insurgés, leur assurèrent l'avantage. Les Blancs avaient d'abord concédé l'égalité aux Mulâtres; mais, le décret ayant été rapporté, les Mulâtres s'allièrent décidément aux esclaves soulevés et maîtres du haut pays. Les Blancs entrèrent en lutte avec la République établie en France, de sorte que les commissaires envoyés par la Convention pour administrer l'île, Polverel et Sonthonax prirent parti pour les Noirs. Ils leur donnèrent la liberté (1793) et, l'année suivante, la Convention ratifia cette mesure en donnant aux Noirs l'égalité politique (4 février 1794). Ils s'emparèrent alors de Cap-Français (21-23 juin 1793) dont les habitants blancs furent massacrés. Ce fut le sort de milliers de colons. En revanche, les Noirs combattirent les Anglais et les Espagnols qui, après avoir pris Port-au-Prince , assiégeaient Port-de-Paix. Grâce à leur concours, le général Lavaux chassa les envahisseurs décimés d'ailleurs par le climat. Le chef le plus influent des Noirs était Toussaint Breda qui prit le nom de Toussaint Louverture.  Le traité de Bâle (22 juillet 1795) donna à la France la partie espagnole de Saint-Domingue. Toussaint Louverture fut nommé par le Directoire général en chef des troupes de Saint-Domingue. Ce dictateur fit preuve d'un très grand savoir faire; il pacifia l'île, y fit reconnaître partout son autorisé. Les 25 000 Anglais débarqués en 1797 furent anéantis par la fièvre jaune, et la poignée de survivants durent se rembarquer. Toussaint Louverture essaya de tirer profit pour lui-même de cette situation. Il forma une assemblée centrale de sept Blancs et trois Mulâtres qui vota une constitution (9 mai 1801) et l'élut gouverneur à vie de la colonie de Saint-Domingue. Son gouvernement était modéré et il cherchait l'entente avec les Blancs. Ceux-ci la rejetèrent. Le premier consul Bonaparte, époux d'une créole, voulut reconquérir Saint-Domingue et y expédia son beau-frère, le général Leclerc, avec 25 000 hommes et une flotte; Toussaint ne pouvait résister de front, mais ses partisans et lui restaient maîtres de l'intérieur. Leclerc l'attira dans un guet-apens aux Gonaïves et l'embarqua pour Brest  (1802), d'où il fut conduit au fort de Joux , où il mourut bientôt (1803). Cette trahison eut de pitoyables conséquences. Les planteurs affichèrent l'intention de rétablir l'esclavage des Noirs, d'accord avec le premier consul. L'insurrection redevint générale, conduite par Dessalines, Christophe, Clervaux. Une épidémie de fièvre jaune fit périr l'armée française; Leclerc succomba et fut remplacé par Rochambeau dont les abominables cruautés égalèrent celles de ses adversaires. Des 35131 hommes débarqués, il en disparut 24000 en quelques semaines. La flotte anglaise, maîtresse de la mer, rendit la position intenable. Le 30 novembre 1803, les 8000 Français survivants capitulèrent et furent embarqués pour l'Europe. Sauf Saint-Domingue même, où la garnison se maintint quelques années, toute l'île était indépendante.
Indépendance et sécession
La proclamation officielle d'indépendance eut lieu le 1er janvier 1804, au congrès réuni aux Gonaïves. Dessalines, élu président, rendit à l'île son ancien nom d'Haïti. Il fit procéder à l'extermination méthodique des Blancs, et se comporta en tyran capricieux et violent, se fit couronner empereur sous le nom de Jacques ler (8 octobre 1804), fabriqua une nouvelle constitution (20 mai 1805), fut assassiné dans une émeute (17 octobre 1806). Les chefs du mouvement étaient le Mulâtre Alexandre Pétion et le Noir Henri Christophe. Les vainqueurs se divisèrent; la cause de cette scission fut double : d'une part, une question ethnique, l'hostilité entre Mulâtres et Noirs, les premiers se jugeant supérieurs; d'autre part, une question sociale, le régime de la grande propriété n'ayant pas été modifié, de sorte que l'immense majorité des habitants, et spécialement les Noirs, quoique affranchis, n'avaient pas de terres. Ce double antagonisme s'est perpétué depuis lors, et, plus que la différence de couleur, l'antagonisme entre propriétaires et prolétaires est au fond de la plupart des guerres civiles et des révolutions, si nombreuses en Haïti depuis cette époque. 
Les Espagnols avaient réoccupé l'Est de l'île; Christophe se fit proclamer président par une assemblée constituante qu'il réunit à Port-au-Prince  (27 décembre 1806) ; mais il fut rejeté au Nord et se déclara indépendant à Cap-Haïtien (février 1807), tandis que l'assemblée élisait président Pétion (19 mars 1807). Celui-ci resta maître du bassin de l'Artibonite et du Sud; il réorganisa l'armée, les finances, les douanes, le commerce, l'agriculture. Le dualisme entre l'État noir de Christophe au Nord et l'État mulâtre de Pétion fut aggravé par l'insurrection de Rigaud, revenu de France, qui se déclara indépendant dans la presqu'île méridionale, aux Cayes (3 novembre 1810). Dans l'ancienne colonie espagnole, les Français avaient repris pied en 1805; le général Ferrand en resta maître jusqu'en 1808, où il fut assailli par les Anglais et les Espagnols de Porto Rico, et fut tué, le 7 novembre, dans une escarmouche. Son successeur, Dubarquier, voulut s'entendre avec Pétion, sans y réussir. La prise de Samana (10 novembre 1808), puis de Santo Domingo (11 juillet 1809) par les Anglais consomma l'expulsion des Français. Les Anglais restituèrent aux Espagnols leur colonie par le traité de Paris (1814).
La moitié occidentale s'était, avons-nous dit, morcelée en trois fragments. Rigaud, délaissé par les siens, se laissa mourir de faim; son lieutenant et successeur, Borgella, se soumit à Pétion; celui-ci fut un des meilleurs souverains qu'ait eus Haïti; il s'efforçait de remédier à l'inégalité sociale, et distribuait des terres aux officiers et soldats de son armée. Mais il ne put établir solidement son pouvoir sur la presqu'île méridionale, où, après Rigaud, un Noir, le cacique Henri, se rendit indépendant. Du côté du Nord, un compromis était intervenu avec Christophe, et on sépara les deux États par une bande inculte de dix lieues de large, qui fut bientôt couverte d'inextricables fourrés constituant une barrière naturelle. Christophe se fit proclamer roi sous le nom de Henri ler (mars 1811) et calqua la constitution de l'Empire français. Il promulgua un code (code Henri), organisa une cour parallèle à celle de Napoléon, maintint l'esclavage.
Pétion donna, au contraire, sa république (2 juin 1816) une constitution modèle (abolition de l'esclavage, liberté de la presse, responsabilité des fonctionnaires, deux Chambres, président à vie). En face des prétentions de la Restauration qui rêvait de reconquérir Saint-Domingue, il s'entendit avec son rival. A sa mort (27 mars 1818), Christophe essaya d'annexer la république mulâtre. Mais celle-ci avait pour chef l'habile général Jean-Pierre Boyer. Ce furent, au contraire, les Mulâtres du Nord qui rendirent intenable la position de Christophe. En face d'une insurrection, il se suicida le 8 octobre 1820; son fils, le prince royal, fut égorgé. Le général Paul Roman fit proclamer la république, mais ne put y prévaloir; l'armée reconnut le président Boyer qui occupa le Cap et réunit ainsi en une république haïtienne toute la partie occidentale de l'île. Il réussit aisément à s'emparer de la partie orientale qu'il enleva à l'Espagne, de sorte que, le 19 février 1832, il se trouva maître de l'île entière.
Les principales nations européennes avaient reconnu le nouvel État. Les États-Unis, où prévalait la politique esclavagiste, furent les derniers à reconnaître l'indépendance d'Haïti, et seulement en 1862. La France l'avait fait en 1825, mais elle stipula une indemnité de 150 millions en faveur des anciens colons expropriés. Cette indemnité fut une charge écrasante que la jeune république ne put supporter. Elle subit de graves crises financières et finit par obtenir, par le traité du 11 février 1838, faisant à la France des concessions commerciales, que le paiement serait réduit à 60 millions; les versements furent réguliers jusqu'en 1844, puis suspendus et repris à dater de 1848. Boyer se maintint au pouvoir durant vingt-cinq années. Ses perpétuels conflits avec la Chambre des représentants finirent par amener sa chute. D'abord vainqueur de son adversaire, Hérard Rivière, il succomba en face d'une insurrection qui éclata en février 1843. Il s'enfuit à la Jamaïque, puis en France, où il mourut (1850). Après quelques mois d'anarchie, Rivière fut élu président (décembre 1813) et on vota une constitution imitée de celle des États-Unis ( La constitution de 1787). On décida que seuls les Africains et les Indiens pourraient jouir de droits politiques et posséder des propriétés foncières. Sur ces entrefaites, la région orientale, l'ancienne colonie espagnole, qui refusait de participer au paiement de l'indemnité allouée aux anciens colons français, se sépara. L'union de l'île, réalisée en 1822, fut brisée en 1844, et on revint au dualisme établi au XVIIe siècle.
Après la naissance de la République dominicaine.
C'est le 27 février 1844 qu'éclata l'insurrection des districts de l'Est qui formèrent un nouvel État sous le nom de république Dominicaine. Le chef du mouvement fut un riche éleveur, du nom de Pedro Santana. Il vainquit, près de Santiago, Rivière qui marchait contre lui, tandis qu'une autre armée conduite par Pierrot était mise en déroute au marais de Pimentel, près de Seybo. Rivière fut attaqué de toutes parts, les Noirs secouant le joug des Mulâtres, et se réfugia à la Jamaïque. Le général Salomon s'insurgea dans le Sud; Dalzon à Port-au-Prince ; Pierrot (parent de Christophe) au Nord de Cap-Haïtien; les partisans de Rivière élurent président un vieil ivrogne noir, le général Guerrier. A sa mort, qui survint rapidement (1845), on lui donna pour successeur Pierrot, qui conspira un soulèvement des Mulâtres en faveur de Rivière (Léogane, 25 septembre 1845). Un conflit avec la France fit tomber Pierrot. L'énergique vieillard J.-B. Riché le remplaça (février 1846) et pacifia les esprits; il signa une bonne constitution ramenant les principales clauses de celle de 1816, autorisa l'établissement des Blancs dans la république, amnistia les crimes politiques, épura l'armée, restaura les finances, etc.; mais il mourut dès le 27 février 1847. 
Le Sénat lui donna pour successeur le Noir Faustin Soulouque (1er mars 1847). Il débuta par le massacre des principaux bourgeois de Port-au-Prince , refusa de payer l'indemnité à la France et tenta de reconquérir la moitié espagnole de l'île. Ce tyran, Faustin Soulouque Napoléon Robespierre, est demeuré célèbre par sa vanité ridicule. Sa grande affaire fut la lutte contre la république Dominicaine. Il l'attaqua en mars 1849, à la tête de 20 000 hommes. Après quelques succès à Las Matas et Azua, il fut complètement défait à Savanna Numero par Santana (22 avril 1849) et n'échappa à une ruine totale que grâce à la diversion provoquée par Jimenes ( ci-après). II se consola en se faisant proclamer empereur, sous le nom de Faustin Ier (26 août 1849), couronné pompeusement dans la cathédrale de Port-au-Prince et sacré par un vicaire apostolique le 27 avril 1852. Il obtint ce sacre en échange d'un concordat signé avec le pape. Il se modelait sur Napoléon, s'entourant d'une cour, d'une noblesse, d'une garde impériale. Il dissipa les revenus publics, prit le monopole du sucre et du café, des denrées d'exportation, entra en lutte avec les consuls étrangers parce qu'il voulut fermer les ports. Il multiplia à l'intérieur les exactions et les cruautés. En septembre 1850, il fit une nouvelle tentative contre la république Dominicaine; mais, dès le 8 octobre, son armée fut battue à Banica; la médiation de la France, de l'Angleterre et des États-Unis suspendit les hostilités. Soulouque les rouvrit   en 1855, sans plus de succès que les premières fois; son armée fut vaincue dans la savane de San Tomé (22 décembre 1855). Il avait fui honteusement abandonnant les bagages et la caisse. Il fit fusiller, sous prétexte de trahison, trois de ses généraux et plusieurs officiers, mais essuya une nouvelle défaite dans la Sabana Larga le 24 janvier 1856 et, malgré ses fanfaronnades, conclut une trêve de trois ans. Il voulut se débarrasser de son principal lieutenant, le général Geffrard, un Griffe (c'est-à-dire le fils d'un Mulâtre et d'une Noire). Celui-ci le devança, se jeta dans Gonaïves où les troupes du département de l'Artibonite l'acclamèrent président de la république d'Haïti (21 décembre 1858). Trois semaines après, Geffrard entrait sans coup férir à Port-au-Prince (15 janvier 1859) et rétablissait la constitution de 1846. Soulouque fut embarqué pour la Jamaïque.
Geffrard se comporta avec une grande modération, fit une large part aux Noirs dans son administration. Il eut bientôt les complots du général Salomon, ministre de Soulouque. Sa clémence envers les premiers conspirateurs (général Lespérance, général Prophète) ne réussit pas. Il réprima sévèrement les suivants après le meurtre de sa fille; les tentatives faites à Gonaïves (septembre 1861), aux Cayes (mai 1862), à Dessalines (mai 1863), à Port-au-Prince  (avril 1864), au Cap-Haïtien (juin 1864), coûtèrent la vie à leurs auteurs. Celle du mulâtre Salnave au Cap en mai 1865, dirigeant le parti dit des Lézards et appuyé par l'Angleterre, échoua de même; mais la popularité de Geffrard s'usait; les incendies de Gonaïves (1864), de Port-au-Prince (février 1865 et mars 1866) causaient de grandes souffrances qu'accrut l'explosion de l'arsenal de la capitale (septembre 1866). Vainement le président offrit de limiter à cinq   années la durée des pouvoirs qu'on lui avait donnés pour la vie. Le 8 mars 1867, les partisans de Salnave s'emparèrent de Saint-Marc; l'armée fit défection et Geffrard s'embarqua pour la France. Durant sa présidence, il avait consacré ses efforts au développement de l'instruction publique, créé des Lycées, une série d'instituts de haut enseignement, augmenté la flotte et réduit l'armée portée par Soulouque au chiffre excessif de 30 000 hommes; enfin il avait conclu un concordat avec le pape afin d'améliorer le clergé haïtien. 
Salnave, qui avait renversé Geffrard, lui succéda.  Mais il eut à lutter contre deux rivaux ; le général Domingue dans le département du Sud et le général Nissage-Saget, maître du Nord, s'intitulaient l'un président de l'État méridional, l'autre président d'Haïti; Salnave n'était reconnu que dans les villes principales. Ses adversaires s'intitulaient parti des Cacos (perroquets  qui mangent les lézards...). Ils justifièrent ce sobriquet. En effet, Salnave échoua au siège des Cayes et ses adversaires vinrent l'assiéger dans Port-au-Prince . Il dut fuir (décembre 1869), mais fut extradé par les Dominicains et fusillé. Le gouvernement provisoire formé eut pour président Nissage-Saget, pour vice-président Domingue; il avait pris pour devise : « Liberté, égalité, civilisation ou la mort-». Nissage-Saget fut choisi comme président définitif en mars 1870, pour une période de quatre années. Il eut pour successeur Domingue (mai 1874) ; celui-ci émit en mars et juin 1875 un double emprunt; le premier de 41 650 obligations de 500 F émis par la Société générale de crédit industriel, à Paris  et à Londres , réussit; il en fut de même du second de 166906 obligations de 500 F à 8%, qui était destiné à solder la dette d'Haïti envers la France; à convertir l'emprunt précédent plus onéreux; à liquider la dette flottante, enfin à exécuter des chemins de fer et autres travaux publics. Malheureusement le général Domingue s'était fait détester; son neveu Rameau commit de tels abus et exactions qu'une insurrection éclata en janvier 1876 ; les gouvernants essayèrent d'emporter la caisse; Rameau et le ministre Loriquet furent tués; le président s'enfuit (avril 1876).
Le parti des nationaux, qui l'avait culbuté, porta à la présidence le général Boisrond-Canal. Celui-ci s'empressa de faire banqueroute, déclarant illégaux les emprunts contractés par son prédécesseur. Il fut incapable de maintenir l'ordre et vit s'insurger contre lui le parti libéral ayant pour chef Boyer-Bazelais (1879). On se battit à la Chambre où quarante députés furent tués ou blessés, puis dans les rues de la capitale qui fut incendiée. Boisrond-Canal abdiqua. Alors le général Salomon renversa le gouvernement provisoire installé au Cap-Haïtien et en organisa un autre qui le fit élire président (8 octobre 1879). C'était un homme instruit et énergique qui se maintint près de dix ans, non sans lutte, car en mai 1882 on se soulevait sans succès au Cap-Haïtien, puis Boyer-Bazelais débarqua à Miragoane et s'y fortifia (mars 1883). L'insurrection gagna le Sud et la capitale qui fut saccagée par les émeutiers. Le président rétablit l'ordre et réprima la révolte avec une extrême cruauté, exterminant ses ennemis. Il fut réélu président pour sept ans (juin 1886). Il s'engagea ensuite dans un conflit avec l'Angleterre qui appuyait les prétentions d'ailleurs fantaisistes d'une Haïtienne, qui se disait Anglaise, sur l'île de la Tortue, et cherchait à se saisir de cette île. 
Les Haïtiens, grâce à l'intercession de la France, s'en tirèrent moyennant une rançon de 800 000 F (avril 1887). Le général Salomon avait essayé de faire supprimer la clause de la constitution de 1879 interdisant aux étrangers les acquisitions de biens-fonds, espérant vivifier l'agriculture; mais le mécontentement déchaîné par cette proposition fut une des causes de l'insurrection de 1883. La chute du général Salomon fut le signal d'une nouvelle période d'anarchie. Cette chute eut lieu en juillet 1888, à la suite d'une insurrection où Port-au-Prince  fut brûlé. Le chef du pronunciamento, le général Télémaque, qui l'avait fait au nom de Boisrond-Canal, voulut prendre le pouvoir pour lui-même. Il fut battu et tué par l'armée de son rival. Mais les gens du Nord restèrent hostiles à ce dernier et marchèrent sur la capitale; on y proclama président provisoire le général Légitime. Les gens du Nord proclamèrent au Cap-Haïtien le général Hippolyte (mai 1889) lequel finit par l'emporter et fut élu régulièrement le 15 mai 1890 pour une période de sept années.
Et pendant ce temps, en république Dominicaine...
L'histoire de la république orientale n'a été guère moins troublée que celle de sa voisine depuis leur scission. Celle-ci était presque inévitable dans des pays aussi fréquemment livrés à la guerre civile, attendu qu'il existe entre les deux moitiés de l'île un contraste qui est la conséquence de leur histoire antérieure. Depuis le milieu du XVIIe siècle, une partie est espagnole, l'autre française. Nous avons vu que la colonie espagnole, plus pauvre et moins peuplée, renferme une population de Mulâtres, alors que dans l'ancienne colonie française les Noirs sont en écrasante majorité : différence de langue, de moeurs, tout concourt à les séparer. Momentanément réunies, de 1822à 1844, elles se sont ensuite détachées complètement. 
Les gens de Saint-Domingue refusaient de participer au paiement de l'indemnité payée à la France pour dédommager les anciens colons de la moitié occidentale, alléguant que c'était une question qui ne les regardait pas. Le 27 février 1844, une insurrection éclata, dirigée par don Pablo Dunte. Elle réclamait l'autonomie sous le protectorat français et était le résultat de manoeuvres concertées avec le consul général de France et l'amiral de Moges, commandant la station française des Antilles. Ceux-ci furent désavoués par Louis-Philippe, et les Dominicains constituèrent un État indépendant. Ils se donnèrent une constitution, imitée de celle du Venezuela, et élurent président un éleveur, Pedro Santana, homme énergique et capable, qui battit Soulouque ( ci-dessus). En 1848, il se démit et fut remplacé par Jimenes; celui-ci tenta une réaction et provoqua par ses intrigues une nouvelle invasion de Soulouque. Santana défit les envahisseurs, bloqua Jimenes dans Santo Domingo et l'obligea à capituler. Après quelques mois de dictature, Santana transmit la présidence à Buenaventura Baez (1849). Celui-ci fut le champion du parti clérical. En 1853, Santana reprit la présidence et s'efforça de refréner les ambitions de l'archevêque. Celui-ci exigeait une juridiction ecclésiastique indépendante et refusait le serment à la constitution. Il cherchait à s'appuyer sur la France où la réaction avait prévalu. Santana le mit en demeure de jurer la constitution ou de quitter l'île. L'archevêque partit. Baez, accusé de trahison pour ses négociations avec l'étranger, fut exilé par son ancien ami Santana. Il se relira à Saint-Thomas, refuge de la moitié des anciens présidents de l'île. 
La république Dominicaine, qui avait été reconnue en 1848 par la France, en 1850 par   l'Angleterre, conclut le 2 octobre 1854 un traité d'amitié, de commerce avec les États-Unis; mais la France et l'Angleterre, désirant sauvegarder l'indépendance de la jeune république, protestèrent et firent rejeter le traité par le congrès dominicain. Santana repoussa de nouvelles agressions de Soulouque, mais il sentait diminuer sa popularité et abdiqua (juin 1857). Le vice-président Manoel de Reglamotte, qui lui succéda, le réconcilia avec Baez, et ce dernier revint prendre la présidence; son retour fut salué par une insurrection dirigée par Balverde, qui rappela Santana. Baez fut battu, enfermé dans la capitale et capitula (juin 1858). Santana reprit le pouvoir. On désirait se débarrasser de l'hostilité des Haïtiens, avec lesquels on n'avait que des trêves. Lassé des dissensions intestines et soucieux de trouver une protection efficace, Santana se prêta à un retour sous la domination espagnole. 
La situation était très délicate. Pour obtenir de l'Espagne la reconnaissance de l'indépendance de son ancienne colonie, on avait inséré dans le traité du 16 février 1856 une clause dite d'immatriculation, aux termes de laquelle les sujets nés espagnols et leurs enfants pouvaient reprendre la nationalité espagnole en se faisant inscrire sur un registre spécial. Comme, d'autre part, on exemptait des impôts publics et du service militaire les Espagnols habitant l'île, il s'ensuivit que tous les gens riches se firent immatriculer comme Espagnols. Le gouvernement devenait impossible; Santana n'ayant pu empêcher cette manoeuvre à cause de l'attitude de l'Espagne, se retira et céda la place à Baez. Le mal gagnant sans cesse, tout ce qui avait quelque ressource devenait espagnol. Santana jugea que le seul remède était de procéder à l'annexion complète, de manière à rétablir les charges sur la généralité des habitants. Il s'entendit avec le gouvernement de Madrid  et, le 18 mars 1861, proclama la réunion du territoire dominicain aux possessions espagnoles. 
Baez et Cabrai protestèrent, armèrent, mais ne purent tenir. La reine d'Espagne accepta et nomma capitaine général Santana, qui le resta peu de temps. Haïti et le Pérou protestèrent; la France appuya l'annexion; l'Angleterre fut mécontente ; les États-Unis, paralysés par la guerre de Sécession, n'intervinrent pas. Mais le 16 août 1863 éclata un soulèvement; un gouvernement provisoire présidé par Salcedo fut établi à Santo Domingo. Une guerre de partisans épuisa les forces des Espagnols, contre lesquels un nouveau président, Polanco, dirigea la lutte avec énergie. Cabral les vainquit à La Canela, près de Neyba (4 décembre 1864), et l'insurrection devint générale. Les Cortès espagnoles votèrent l'évacuation de l'île, et le décret d'incorporation fut rapporté (5 mai 1865). On élut président Baez (novembre 1863), bientôt renversé par Pimentel (juin 1866) et remplace par Cabral. Celui-ci déclara la guerre à la république d'Haïti parce qu'elle avait appuyé Baez; mais ce dernier souleva le Nord de la république Dominicaine et chassa son rival (janvier 1868). 
Baez s'engagea alors dans une longue négociation avec les États-Unis. Ceux-ci avaient offert à Cabral d'acheter pour deux millions de dollars la baie de Samana (1868). Baez, qui avait voulu en faire un port libre, la loua à des capitalistes de New York . Le congrès américain rejeta le projet d'acquisition qui avait soulevé en Europe une grande émotion, et, après de longs pourparlers, le contrat de location fut annulé et le projet de créer une station navale américaine abandonné. Une insurrection fit passer la présidence de Baez à Ignacio Gonzales (1873) qui la conserva cinq ans, malgré les menées des amis de Cabral et de Baez. Il fut renversé par le général Guillerme en 1878 et celui-ci par don Fernando-Arturo Merino en 1879. Le général Ulysse Heuraux prit ensuite le pouvoir en 1881, puis Francisco Bellini (1885) et de nouveau Heuraux (1886), qui vainquit un soulèvement fomenté par Moya, gouverneur de Monte-Cristi. Il s'est maintenu ensuite au pouvoir et a été réélu, puis a été assassiné en 1899. 
Le XXe siècle
La violence qui n'a cessé de se déchaîner dans l'île depuis l'arrivée des Européens s'est poursuivie au XXe siècle. Le début du siècle s'est signalé par l'intervention des États-Unis, soucieux des menaces que l'agitation intérieure et les convoitises européennes font peser sur leurs investissements, et qui envoient les marinesoccuper  la République de Haïti de 1915 à 1934, et la République dominicaine de 1916 à 1924. 
En 1946, Dumarsais Estimé est élu à la présidence. En 1957, François Duvallier, surnommé  «-Papa Doc-», s'empare du pouvoir et instaure une dictature, appuyée par de sinistres escadrons de la mort, les « Tontons macoutes-», responsables de milliers d'assassinats d'opposants ou de rivaux. En 1971, son fils, Jean-Claude Duvallier («-Bébé Doc-») lui succède, et poursuit une politique répressive. En 1986, il est chassé du pouvoir par les militaires, qui tentent dans un climat de chaos d'organiser des élections. ils n'y parviennent qu'en 1990. Le suffrage porte à la présidence de Jean-Bertrand Aristide, qui a laissé croire à une démocratisation du pays. Mais il est rapidement renversé par l'armée, qui de 1991 à 1994, recourt de nouveau à une répression meurtrière. Les États-Unis interviennent alors pour rétablir Aristide à la présidence. Son impopularité croissante, la fraude électorale, la corruption du régime qu'il incarne, le retour même des vieilles pratiques des escadrons de la mort feront vite replonger le pays dans le chaos. Aristide sera déposé le 29 février 2004 et expulsé du pays par l'intervention d'une internationale (États-Unis, France, Brésil, etc.) demandée par l'ONU.
De son côté, la République dominicaine, débarrassée de l'occupation américaine en 1924, n'a pas tardé à connaître de nouveaux déboires. En 1930, Rafael Trujillo s'empare du pouvoir, pour le conserver (ouvertement ou dans l'ombre d'hommes de paille) pendant plus de trois décennies. Sa dictature, aussi sanglante que celle des Duvallier, se termine, grâce au soutien de la CIA, par son assassinat, en 1961. Suivant de peu la révolution cubaine  , la montée en puissance des partis de gauche que révèle le début de démocratisation du pays, incite les États-Unis, à intervenir militairement en 1964. L'occupation du pays dure un an et laisse le pouvoir à Joaquin Balaguer, un ancien sbire de Trujillo. Son règne, ponctué par une série d'élections truquées, est marqué par le retour des escadrons de la morts, et des assassinats politiques par milliers. Forcé de quitter le pouvoir en 1978, sous la pression du président des États-Unis, Jimmy Carter, Balaguer se retrouvera élu de nouveau en 1986. Son échec aux élections de 1994, consacre le début d'une alternance politique à caractère démocratique dans le pays. (A.-M. Berthelot).