Population: 23,9 millions (2001)
Langue officielle: castillan (ou espagnol)
Groupe majoritaire: espagnol (92,2 %)
Groupes minoritaires: près de 40 langues amérindiennes, dont plusieurs en voie d’extinction
Système politique: république fédérale présidentielle
Articles constitutionnels (langue): art. 9, 81, 101, 107 et 119 de la Constitution du 30 décembre 1999
Lois linguistiques: la Loi organique sur l'éducation (9 juillet 1980), le Règlement général portant sur la Loi organique sur l'éducation (1980), la Loi générale sur la protection et la défense du patrimoine culturel (3 septembre 1993), la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues (18 juin 2001), la Loi d'approbation de la Convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l'OIT (no 37.305 du 17 octobre 2001), la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux de l'OIT (17 octobre 2001), la Loi organique sur la culture (octobre 2001). 1 Situation générale
Le Venezuela (officiellement: République bolivarienne du Venezuela) est un pays de 912 050 km² (Espagne: 504 782 km²) d'Amérique du Sud, bordé au nord par la mer des Caraïbes, au nord-est par l'océan Atlantique, à l'est par la Guyana, au sud par le Brésil, et au sud-ouest et à l'ouest par la Colombie. Le Venezuela compte aussi quelque 70 îles situées au large dans la mer des Caraïbes; Margarita est la plus grande et la plus importante.
Le Venezuela constitue une fédération de 20 provinces (voir la carte détaillée) et d'un district fédéral (Distrito Federal): Amazonas, Anzoategui, Apure, Aragua, Barinas, Bolivar, Carabobo, Cojedes, Delta Amacuro, Dependencias Federales, Distrito Federal*, Falcon, Guarico, Lara, Merida, Miranda, Monagas, Nueva Esparta, Portuguesa, Sucre, Tachira, Trujillo, Vargas, Yaracuy et Zulia.
2 Données démolinguistiques
Le Venezuela comptait près de 24 millions d’habitants en 2001. La population est inégalement répartie et quatre provinces comptent plus d'un million d'habitants: Aragua 1,2 M), Carabobo (1,5 M), le District fédéral (3,1 M), Lara (1,2 M), Miranda (2 M), et Zulia (2,4 M). Environ 67 % des Vénézuéliens sont des Métis (Mestizos) et quelque 180 % sont d'origine européenne; le reste de la population est composée de Noirs (8 %) et d'Amérindiens (7 %).
C'est un pays très homogène sur le plan linguistique. En effet, 92 % des citoyens parlent l'espagnol comme langue maternelle. Seuls les Amérindiens parlent une langue maternelle qui n'est pas l'espagnol. On compte une trentaine de langues parlées par moins d'un demi-million de locuteurs. La plupart de ces langues sont envoie d’extinction: elles ne sont parfois parlées que par 50, 30 ou moins de 10 locuteurs. Seules quelques-unes sont parlées par plus de 1000 locuteurs (en général, entre 1000 à 3000): l'arawak, le kalihna, le motilón, le nhengatu, le panari, le pemon, le warao, le wayuu, le yanomamö, le yaruro et le yukpa. De toutes ces langues, le warao (18 000 locuteurs) et le wayuu (170 000 locuteurs) se détachent nettement des autres par le nombre plus important de leurs locuteurs.
Généralement, les langues autochtones du Venezuela appartiennent aux familles arawak, chibcha et tupi-guarani. Le nombre des locuteurs parlant une langue amérindienne ne dépasse pas officiellement (1992) les 320 000 personnes, mais plusieurs observateurs croient qu'ils atteignent les 500 000. On peut consulter une très belle carte linguistique (cliquer ICI) montrant la répartition des langues autochtones au Venezuela. Les populations autochtones sont concentrées dans les régions frontalières (d'est en ouest): provinces de Delta Amacuro, Monagas, Sucre, Anzoategui, Bolivar, Amazonas, Apure et Zulia.
Selon des statistiques officielles venant du recensement réalisé en 1992, il existe dans le pays 28 ethnies dont la population (exactement de 315 815 individus) ne représente que 1,5 % du total national. Cette population se trouve dans huit entités fédérales (provinces) et se concentre majoritairement dans les zones frontalières (au nord-ouest, nord-est et au sud); en outre, 58 % de la population indigène se trouve dans les zones rurales.
3 Données historiques
AVIS: Certaines parties historiques de cette section sont tirées presque intégralement de l'Encyclopédie Microsoft Encarta 2004, art. «Venezuela».
À l'origine, le territoire de l'actuel Venezuela était habité par plusieurs peuples indigènes, dont des Caraïbes, des Arawaks et des Cumanagatos.
Christophe Colomb fut le premier navigateur à atteindre cette région en 1498, lors de son troisième voyage. En 1520, les Espagnols commencèrent à coloniser les îles et les régions côtières. Caracas, fondée en 1567, fut la première colonie d'importance. Les habitations des autochtones construites sur pilotis inspirèrent aux premiers explorateurs européens le nom de Venezuela, c'est-à-dire «Petite Venise».
Jusqu'à l'établissement du vice-royaume de la Nouvelle-Grenade en 1717, le territoire qui correspond aujourd'hui au territoire vénézuélien fut divisé entre le vice-royaume du Pérou et l'Audience de Saint-Domingue (Audiencia de Santo Domingo). En 1777, le pays fut érigé en «capitainerie générale», tandis que l'économie de la région se développa à partir des exploitations de café, de cacao, de tabac et de coton, ainsi que sur le commerce de ces produits. Les richesses du pays restèrent aux mains d'une aristocratie créole.
3.1 L'indépendance
L'histoire de la guerre d'indépendance contre l'Espagne mit en scène deux personnages incontournables: Simón José Bolívar (1783-1830) et Francisco de Miranda (1750-1816), qui prirent la tête des mouvements insurrectionnels. La première rébellion eut lieu en 1809 et fut dirigée par le général Miranda, qui avait combattu en Amérique aux côtés de Washington et en France pendant la Révolution française.
L'indépendance fut officiellement proclamée le 5 juillet 1811, mais Miranda fut battu par les Espagnols et incarcéré jusqu'à sa mort dans une prison de Cadix. Simón Bolívar reprit alors le combat. Des années d'affrontements s'ensuivirent avant que les forces armées menées par Bolívar, avec l'aide des Britanniques, libèrent la Colombie en 1829 et que le Libertador fonde la République de Grande-Colombie (comprenant le Venezuela, l'Équateur, le Panama et la Colombie), dont Bolívar devint le premier président. La victoire décisive de Carobobo, le 24 juin 1821, assura l'indépendance du pays. Mais les partisans de l'indépendance complète, conduits par Páez, l'emportèrent à la mort de Bolívar (1830).
Depuis cette époque, les Vénézuéliens ont toujours voué un véritable culte pour Simón José Bolívar, dont la statue équestre trône à Caracas. Rappelons que Simon Bolivar (1783-1830), d'origine vénézuélienne (Caracas), fut un général qui dut son titre de Libertador au succès des guerres d’indépendance qu’il mena contre l’occupant espagnol.
Bolivar libéra successivement le Venezuela, la Colombie, l’Équateur et le Pérou, et notamment le Haut-Pérou. En 1826, il réunit à Panama le premier Congrès panaméricain, mais échoua à empêcher la guerre entre la Colombie et le Pérou, puis la sécession du Venezuela. Il abandonna le pouvoir en mai 1830 et mourut quelques mois plus tard. La monnaie du Venezuela est le bolivar.
3.2 Révolutions et contre-révolutions
Les débuts de l'histoire du Venezuela indépendant furent marqués par une série de dictatures, de révolutions et de contre-révolutions. De 1830 à 1848, le pouvoir fut détenu par les conservateurs, avant de devenir une dictature sous la dynastie des Monagas. Le général José Antonio Páez gouverna le pays durant dix-huit ans; puis le Venezuela fut déchiré par une guerre civile entre 1858 et 1870 avant d'être dirigé, de 1870 à 1888, par un autre despote, Antonio Guzmán Blanco. Sa politique s'orienta vers une laïcisation de l'État et une modernisation de l'économie. Entre-temps, soit depuis 1864, le pays prit comme nom officiel États-Unis du Venezuela. Se succédèrent ensuite plusieurs dictatures militaires, dont celle de Cipriano Castro. En 1902, celui-ci s'opposa à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne, qui bloquèrent les ports vénézuéliens en raison de dettes non remboursées par le gouvernement vénézuélien. Le conflit fut réglé en 1904 par le tribunal de La Haye, qui trancha en faveur des Européens, mais en juillet 1907 le Venezuela finit par s'acquitter de ses obligations. L'année suivante, Castro fut déposé par le général Juan Vicente Gómez, qui conserva le pouvoir de 1908 à 1935. C'est sous son régime que commença l'exploitation du pétrole (1922) qui transforma le pays en favorisant l'essor économique.
En 1945, après le renversement de la dictature du général Medina Angarita, Rómulo Betancourt, du parti de l'Action démocratique (AD), s'empara du pouvoir et devint président du Venezuela. En 1953, Pérez Jiménez dirigea le pays en instaurant une nouvelle dictature et changea de nom du pays qui devint la république du Venezuela. L'ancien président Betancourt fut élu en 1958 et remplaça Jiménez, puis instaura un processus démocratique en faisant adopter une nouvelle constitution (1961). Il mena une politique de réformes et de modernisation de l'agriculture et du secteur industriel.
3.3 L'époque contemporaine
En dépit des guérillas menées par des mouvements d'extrême-gauche révolutionnaire, le Venezuela connut une période de stabilité politique avec l'alternance au pouvoir des deux grands partis politiques: l'Action démocratique et le Parti démocrate-chétien. En raison de la croissance économique due aux revenus du pétrole, le pays connut une modernisation rapide. Mais le modèle économique ne permit ni la diversification ni une répartition équitable des richesses. Le malaise social devint perceptible dès la fin des années quatre-vingt. En février 1989, l'augmentation brutale des prix à la consommation dans le cadre d'un programme d'austérité et de mesures de rigueur déclencha de vives protestations et des émeutes sanglantes à Caracas et dans plusieurs villes.
Ce mécontentement populaire continu à l’égard de la politique du gouvernement s'exprima par un fort taux d'abstentions aux élections locales de 1989. En 1991, la politique extérieure du Venezuela fut dominée par la signature, entre les membres du Pacte andin, d'un traité visant à établir un Marché commun andin en 1995.
En 1992, deux tentatives de coup d'État militaire furent réprimées, mais le pouvoir resta fragilisé. Le président Pérez fut suspendu de ses fonctions en mai 1993, après que le Sénat eût décidé de le faire passer en jugement pour détournements et abus de fonds publics. En décembre 1993, Rafael Caldera fut élu à la présidence du pays (pour une seconde fois): il suspendit les garanties constitutionnelles dans l’intention d'enrayer la crise financière et économique et de mettre fin à l'agitation sociale.
En juin 1996, le Venezuela signa avec le Fonds monétaire international (FMI) un accord de réajustement économique impliquant la hausse des prix des produits de première nécessité et la privatisation de certaines entreprises comme la Corporación de Guyana, l'un des grands complexes industriels publics du pays. La croissance redémarra en 1997 grâce à la hausse des cours du pétrole et l'inflation se maintint autour de 40 %. Mais le pays traversait une crise politique majeure et la paupérisation de la population s'accentuait.
En décembre 1998, l’ex-lieutenant-colonel Hugo Chavez, auteur d'un coup d’État manqué en février 1992 (ce qui lui avait valu deux années de prison) et devenu «héros» des défavorisés, remporta largement l’élection présidentielle, alors que les deux partis qui se partageaient le pouvoir depuis plus de 40 ans furent liquidés. Sa propre coalition, le Pôle patriotique (une dizaine de partis de gauche et nationalistes), obtint 32 % des voix lors des élections législatives de novembre 1998. Investi des pouvoirs de président de la République en février 1999, il annonça le début du «processus révolutionnaire démocratique et pacifique» et affirma son intention d’en finir avec la corruption et le «néolibéralisme sauvage», de redresser l’économie du pays et de «refondre la République». Chavez promit de rendre le pouvoir au peuple en mettant fin au système corrompu accaparé par les deux grandes formations qui avaient signé un accord dans les années soixante pour se partager les responsabilités à la tête de l'État.
Lors de son serment d'investiture, le nouveau président refusa de jurer fidélité sur l'ancienne Constitution (1961) et annonça la convocation d'une assemblée constituante, qui devait donner naissance à la Ve République. Malgré l’opposition qui en dénonçait l’illégitimité, les Vénézuéliens approuvèrent massivement par référendum la convocation de l'Assemblée constituante chargée de rédiger la loi fondamentale de la Ve République.
Quelque 70 % des Vénézuéliens approuvèrent, le 15 décembre 1999, la nouvelle Constitution qui fut promulguée le 30 décembre 1999. Le Venezuela a ainsi institutionnalisé la «révolution bolivarienne» de son président, Hugo Chavez. Pour les partisans du OUI, il s'agissait de balayer un ancien régime inefficace et corrompu et d'offrir «un certificat de naissance au nouveau Venezuela» en tant que «démocratie populaire et participative» inspirée de l'exemple de Simon Bolivar, héros du pays et Libertador de l'Amérique latine. Pour les adversaires du nouveau régime, il s'agirait du «suicide d'une nation». Dans la nouvelle Constitution, la torture, la séquestration et les atteintes aux droits de l'homme sont prohibées, tandis que les droits des indigènes (autonomie territoriale, éducation appropriée, interprète dans les procès, etc.) sont enfin reconnus et institutionnalisés.
Pour marquer cet attachement aux idéaux de Simon Bolivar, le Venezuela s'appelle désormais la République bolivarienne du Venezuela (República Bolivariana de Venezuela). D'ailleurs, le nom de Bolivar est depuis constamment rappelé à la mémoire collective comme l'illustre le grand «Plan Bolivar 2000», qui a permis la scolarisation de centaines de milliers d'enfants, la construction de logements ou la réfection de routes.
L'année 2001 vit le Venezuela prendre un tournant majeur en matière des droits des peuples autochtones. Après des décennies d'indifférence, le Venezuela adopta successivement la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues (18 juin 2001) et la Loi d'approbation de la Convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l'Organisation international du travail (17 octobre 2001). Pour les uns, Hugo Chávez était «El Loco», le fou, tandis que pour les autres il demeurait leur leader. De leur côté, les médias le taxaient de «populiste» parce qu'il usait de ce qu'il appelle «la démocratie participative». C'est un style de direction qui plaisait au petit peuple, longtemps mis à l'écart par les pouvoirs précédents, mais qui continue aujourd’hui de vivre dans un pays où l’écart entre les riches et les pauvres est colossal, et où la classe moyenne s’est réduite comme peau de chagrin et où la criminalité bat les pires records.
En août 2004, Hugo Chavez a dû se soumettre avec réticence à une procédure constitutionnelle visant à le destituer. Sa victoire du référendum l'a placé plus solidement au pouvoir, mais elle n'efface ni les doutes ni les divisions de la société vénézuélienne. En mars 2006, Chavez a fait modifier le drapeau constitué de sept étoiles représentant les sept provinces signataires de l'acte d'indépendance en 1811: Barcelona, Barinas, Caracas, Cumaná, Margarita, Mérida et Trujillo. La huitième étoile désigne désormais celle de Bolivar qui décréta le rattachement des provinces «royalistes» (Coro, Maracaibo et Guayana). Cette modification se veut une autre adaptation des nombreux symboles de la «révolution socialiste» du président Hugo Chavez. On reproche généralement à Hugo Chavez la personnalisation et la concentration du pouvoir, le népotisme, la corruption, la manipulation des règles du jeu politique et ses provocations incessantes. La trop grande concentration du pouvoir et des ressources financières considérables dues à l'exploitation pétrolière donnent au président Chavez des moyens pour réaliser son rêve bolivarien.
C'est sans doute pourquoi l'écrivain mexicain Carlos Fuentes accuse Chavez d'être un «Mussolini tropical» incapable de soutenir ses mots avec des faits. Tous les jours, le Venezuela vend aux États-Unis des millions de barils de pétrole et, en même temps, il menace continuellement les Américains de suspendre les approvisionnements pétroliers à l'Empire (''Imperio''), mais il ne l'a pas fait. Malgré des revenus de 50 milliards de dollars annuels, le Venezuela compte une population parmi les plus pauvres de l'Amérique latine. En effet, le pays se classe au 72e rang dans l'indice de développement humain, suivi de près par le Pérou. La pauvreté touche 74 % de la population vénézuélienne, dont la moitié de celle-ci aux prises avec une pauvreté extrême. Par ailleurs, le président Chavez utilise généralement un langage qui ferait honte à certaines classes de la société. Voici à ce sujet le témoignage d'un Vénézuélien de haut rang : «Chavez ne respecte pas le protocole. Il fait exprès de mal parler. Beaucoup de Vénézuéliens ne l'aiment pas par pur snobisme. [...] Il leur fait honte, ils ont peur que le monde entier s'imagine que tous les Vénézuéliens sont comme ça.» Le recours à un langage faubourien (''lenguaje barriobajero''), plus proche de la marginalité que de celui d'un homme d'État, a permis à Hugo Chavez de nourrir l'illusion qu'il n'est pas un usurpateur du pouvoir, mais plutôt la voix des masses populaires. Le président vénézuelien semble adorer recourir à un langage scatologique (''lenguaje escatológico'') assorti de métaphores insultantes destinées à décrire ses adversaires politiques comme des «ennemis mortels dignes d'être pulvérisés» (''enemigos mortales dignos de ser pulverizados'') plutôt que des adversaires avec lesquels il est possible de dialoguer.
Cela étant dit, Hugo Chavez a tout de même mis en place des programmes sociaux qui ont contribué à sa popularité, dont plusieurs programmes en éducation tels que les «Misión Robinson» (campagne d’alphabétisation), «Misión Ribas» (pour les exclus du système scolaire) et «Misión Sucre» (pour les élèves du secondaire), destinés à l'alphabétisation, avec la participation de plusieurs milliers d'enseignants cubains. Ainsi, la Misión Robinson, pour l’alphabétisation des adultes, en fonction depuis le ois de juin 2003, est parvenue à alphabétiser près d’un million et demi de personnes, selon les chiffres du gouvernement vénézuélien. Pour le président Chavez: «La Misión Ribas es un acto de liberación.» Cependant, certains reprochent aux «missions» en éducation leur faible niveau d’enseignement, notamment en raison des qualifications peu exigeantes chez les «facilitateurs» et du peu de contrôle des apprentissages. Néanmoins, pour Chavez, ces classes créent des dynamiques communautaires susceptibles de se transformer en appuis populaires non négligeables. En témoignent les jeunes dans la rue, qui portent un T-shirt avec l’inscription «Misión Robinson», sinon des étudiants de l’Université bolivarienne du Venezuela portant des bérets bleus comme signe d’identification.
4 La politique de valorisation de l'espagnol
La politique linguistique du Venezuela à l'égard de l'espagnol est extrêmement simple et très aisée à appliquer: le tout-castillan (ou le tout-espagnol). Tout, dans ce pays, se déroule exclusivement en espagnol: la vie parlementaire, l’administration publique, la justice, l’éducation, les affaires, les médias, la religion, les loisirs, la culture, etc. C’est un pays massivement unilingue espagnol. Cet état de fait semble conforme à l'article 9 de la Constitution de 1999, qui déclare que «la langue officielle est le castillan» («El idioma oficial es el castellano»). La politique linguistique du Venezuela se limite pour l'essentiel à l'éducation et la réforme de l'enseignement.
Depuis son accession au pouvoir, en février 1999, Hugo Chavez a entrepris une réforme de l’enseignement sans précédent dans l’histoire bicentenaire du pays en dénonçant les «pratiques corrompues» et les «iniquités», et en stigmatisant le rôle d’une «oligarchie» constituée par les classes privilégiées et par l’Église accusée de priver les pauvres de l’éducation. Le président Chavez a supprimé les droits d’inscription dans les écoles publiques, envoyé l’armée réparer écoles et hôpitaux ou en construire de nouveaux dans les zones rurales, et lancé un programme-pilote destiné aux enfants défavorisés, les «laissés-pour-compte». Toutefois, l’ensemble du système éducatif du pays est traditionnellement d’«une médiocrité notoire»; c'est pourquoi l’enseignement privé est devenu la «voie de l’excellence». Lors d’une visite au Venezuela en janvier 2001, le directeur général de l’UNESCO (Koïchiro Matsuura), a salué les «sérieux efforts» du Venezuela en faveur de l’éducation. Par exemple, les dépenses en éducation atteignent aujourd’hui 6 % du PIB, contre une moyenne de 3,9 % dans les pays en développement.
La Ley Orgánica de Educación du 9 juillet 1980 (Loi organique sur l'éducation) contient une disposition sur la langue. L'article 11 mentionne qu'il est interdit de publier des imprimés incitant à la haine et à l'agressivité, et «qui déforment le langage et attentent aux valeurs saines du peuple vénézuélien, la morale et les bonnes coutumes» («deformen el lenguaje y atenten contra los sanos valores del pueblo venezolano»).
L'article 107 de la Constitution, qui porte sur l'éducation, stipule qu'«il est obligatoire d'enseigner avec respect la langue castillane dans les institutions publiques et privées, jusqu'au cycle diversifié, ainsi que l'histoire et la géographie du Venezuela, et les principes de l'idéologie bolivarienne»:
Articulo 107
1) La educación ambiental es obligatoria en los niveles y modalidades del sistema educativo, así como también en la educación ciudadana no formal.
2) Es de obligatorio cumplimiento en las instituciones públicas y privadas, hasta el ciclo diversificado, la enseñanza de la lengua castellana, la historia y la geografía de Venezuela, así como los principios del ideario bolivariano. Article 107
1) L'éducation ambiante est obligatoire à tous les niveaux et modalités du système éducatif, ainsi que dans l'éducation informelle des citoyens.
2) Il est obligatoire d'enseigner avec respect la langue castillane dans les institutions publiques et privées, jusqu'au cycle diversifié, ainsi que l'histoire et la géographie du Venezuela, et les principes de l'idéologie bolivarienne.
Sur les 20 000 écoles primaires et secondaires du Venezuela, plus de 2000 ont été déclarées «bolivariennes». Ces écoles proposent huit heures de classe par jour, des repas gratuits, des soins médicaux et du sport. Les symboles patriotiques y ont acquis «une valeur quasi religieuse», chaque classe disposant de leur «espace Bolivar» orné du drapeau, des paroles de l’hymne national et du portrait du héros de l’indépendance. Chaque matin, les élèves assistent au lever du drapeau et doivent se conformer aux «principes bolivariens» définis par la nouvelle Constitution. Afin d'améliorer la situation du pays et de «créer une armée de patriotes», les élèves des écoles secondaires doivent suivre une formation prémilitaire. Or, en janvier 2001, de nombreux parents (environ 5000) et enseignants ont défilé dans les rues de Caracas aux cris de «Chavez, touche pas à mes enfants». Les Vénézuéliens n'apprécient guère l'idéologie bolivarienne qui fait que les enfants subissent un «endoctrinement à la cubaine». De leur côté, les intellectuels tournent en dérision les tentatives de réécriture des manuels d’histoire pour promouvoir la pensée du président Chavez. Un historien et enseignant réputé, Guillermo Moron, déclarait à ce sujet: «Chavez veut effacer toute une période historique, celle qui s’est déroulée entre la fin de Bolivar et sa propre élection à la présidence.» Beaucoup de Vénézueliens croient plutôt que les enfants doivent apprendre à lire et à écrire avant tout. L'idéologie actuelle, avec son caractère anti-occidental, s’oppose en principe à l’idée d’une transmission des valeurs universelles et du respect des autres cultures.
De plus, les syndicats d'enseignants ne semblent guère avoir apprécié le décret no 1011 du 14 octobre 2000, qui créait une nouvelle catégorie d’inspecteurs pédagogiques dont les pouvoirs ont été renforcés, notamment en ayant la possibilité de congédier des enseignants. L'article 2 du décret incorpore un nouvel article 201 accordant des pouvoirs discrétionnaires au ministre de l'Éducation, de la Culture et des Sports: «Afin de garantir l'amélioration de la qualité du système d'éducation vénézuélien et l'extension de sa couverture, le ministre de l'Éducation, de la Culture et des Sports pourra édicter les mesures administratives qu'il juge nécessaires.» Pour le gouvernement, ces nouvelles dispositions sont considérées comme indispensables pour lutter contre la corruption, mais les opposants croient plutôt que le décret sert surtout à écarter ceux qui «refusent d’enseigner l’idéologie anti-corruption, anti-élitiste et anti-impérialiste de Chavez».
La Loi organique sur la culture d'octobre 2001 (Ley organica de la cultura) vient compléter les principes de l'idéologie bolivarienne. Le paragraphe 1 de l'article 15 proclame que «la défense des valeurs culturelles de la nation comporte la protection du castillan en tant que langue officielle», sans porter atteinte à la protection des langues ancestrales des peuples indigènes:
Articulo 15
1) La defensa de los valores culturales de la Nación comporta la protección del castellano como idioma oficial, sin desmedro de la protección de los idiomas ancestrales de los pueblos indígenas, y del derecho de esas comunidades a su uso oficial como patrimonio cultural de la Nación y de la humanidad. Article 15
1) La défense des valeurs culturelles de la nation comporte la protection du castillan en tant que langue officielle, sans porter atteinte à la protection des langues ancestrales des peuples indigènes et au droit de ces communautés à leur utilisation officielle comme patrimoine culturel de la nation et de l'humanité.
Néanmoins, il existe des possibilités d'ouverture aux autres langues dans l'enseignement des langues secondes. Le paragraphe 2 de l'article 15 énonce justement cet enseignement «comme lien de fraternité afin d'interagir avec les cultures des autres nations»:
Articulo 15
2) Se garantiza el derecho de las comunidades de extranjeros residentes en el país al uso de sus idiomas y dialectos nacionales. El Sistema Nacional de la Cultura fomentará el estudio de los idiomas extranjeros como vínculo de fraternidad para interactuar con las culturas de otras naciones. Article 15
2) Est garanti le droit aux communautés d'étrangers résidant dans le pays à l'utilisation leurs langues et de leurs dialectes nationaux. Le Conseil national de la culture favorisera l'étude des langues étrangères comme lien de fraternité afin d'interagir avec les cultures des autres nations.
Lorsque les élèves arrivent au secondaire, ils doivent obligatoirement apprendre une langue seconde. Ils choisissent ordinairement l’anglais (plutôt), le français ou le portugais. L’anglais apparaît parfois dans certaines raisons sociales d’entreprises étrangères (américaines). Pour le reste, ce pays est tellement hispanophone qu’un citoyen peu instruit pourrait ne jamais se rendre compte que d’autres langues existent sur la planète.
Il faudrait ajouter aussi les programmes d'alphabétisation appelés «missions», qui correspondent à des structures parallèles à l'État. Le président Chavez a créé ces programmes «sociaux» malgré l'opposition des fonctionnaires. La «mission Robinson» veille à enseigner les matières de l’école primaire aux analphabètes. Suit alors la seconde étape, c'est-à-dire la «mission Robinson» et la « mission Ribas » responsables de de l’éducation au secondaire. Le processus se termine par la «mission Sucre» en vertu de laquelle le gouvernement espère que tous les élèves du secondaire pourront poursuivre leurs études s’ils le veulent. L’aide de l'État prévoit des subventions pour les personnes sans emploi. Selon des statistiques officielles, à peine 27 % de la population démunie peut accéder à l’université.
5 La politique linguistique à l'égard des peuples autochtones
Rappelons-nous que les autochtones ne constituent qu'une faible portion de la population du Venezuela et qu'ils ne dépassent pas les 320 000 locuteurs (mais atteindrait peut-être 50 000, selon des statistiques non gouvernementales). Ces populations sont concentrées dans les régions frontalières du nord-ouest, du nord-est et du sud du pays: provinces de Delta Amacuro, Monagas, Sucre, Anzoategui, Bolivar, Amazonas, Apure et Zulia. De plus, un rapport de l'Onu (1996) pour l'élimination de la discrimination raciale révélait que les indigènes du Venezuela ont toujours jusqu'à récemment fait l'objet de pratiques discriminatoires en raison de leur condition raciale et qu'ils ont toujours été des parias dans la société vénézuélienne. La plupart des spécialistes sur la question parlent d'ailleurs de «génocide ethno-culturel».
Le Ministère public du Venezuela reconnaissait en 1990 que «jusqu'à présent, il n'a pas existé dans le pays une politique indigéniste effective». Même dans les cas où le gouvernement est intervenu activement dans quelques dossiers concernant le droit des autochtones, il ne semble pas avoir obtenu les résultats escomptés, en raison de l'ampleur et de la complexité des problèmes graves que présentaient les différentes ethnies. Ces problèmes, constatés par divers procureurs du Ministère public mandatés à cet effet, auraient exigé pour les résoudre une plus grande participation des organismes de l'État. Comme il n'existait pratiquement aucune politique officielle indigéniste dans le pays, aucune solution n'a été trouvée. Pire, les fonctionnaires de l'État ont constamment violé les droits individuels des indigènes parce qu'ils ignorent jusqu'à l'existence de tels droits. Cela se traduit par des violations des droits de l'homme telles que des rétentions arbitraires, des intimidations, des mauvais traitements ou des violations encore plus graves comme des exécutions sommaires.
Si ce n'était du courant mondial qui favorise présentement les mouvements autochtones, leur poids politique serait à peu près nul au Venezuela. Mais (nouvelle) démocratie oblige... l'État vénézuélien a fait ses devoirs. Sur le plan juridique, le changement est majeur. Les droits des peuples autochtones sont maintenant reconnus dans un véritable arsenal d'instruments juridiques. Mentionnons, outre les «vieilles lois» comme la Loi organique sur l'éducation (9 juillet 1980), le Règlement général portant sur la Loi organique sur l'éducation (1980), la Loi générale sur la protection et la défense du patrimoine culturel (3 septembre 1993), les documents suivants: la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues (18 juin 2001), la Loi d'approbation de la Convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l'Organisation internationale du travail (no 37.305 du 17 octobre 2001), la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux (octobre 2001) et la Loi organique sur la culture (octobre 2001).
5.2 Les dispositions constitutionnelles
Lors de l'élaboration de la Constitution de décembre 1999, plus de 400 délégués indigènes représentant 28 groupes ethniques différents ont été consultés et trois représentants ont fait partie de l'Assemblée constituante. Le chapitre VIII intitulé De los Derechos de los pueblos indígenas («Des droits des peuples indigènes») garantit aux autochtones «le droit d'exister comme personnes indigènes et comme communautés avec leur organisation sociale et économique propre, leur culture et leurs traditions, ainsi que leur langue et leur religion».
Auparavant, l'article 9 reconnaît aux langues indigènes, à côté de l'espagnol (castillan), le statut de langues officielles partout au pays:
Articulo 9
1) El idioma oficial es el castellano.
2) Los idiomas indígenas también son de uso oficial para los pueblos indígenas y deben ser respetados en todo el territorio de la República, por constituir patrimonio cultural de la Nación y de la humanidad. Article 9
1) La langue officielle est le castillan.
2) Les langues indigènes sont aussi d'utilisation officielle pour les peuples indigènes et doivent être respectés dans tout le territoire de la République, pour constituer le patrimoine culturel de la nation et de l'humanité.
Cette égalité juridique ne peut se transposer facilement dans la vie quotidienne, comme pour l'espagnol. N'oublions pas que 92 % des Vénézuéliens parlent l'espagnol, contre 1,5 % pour les langues amérindiennes. Ce n'est pas l'égalité juridique qui peut réduire une si grande inégalité numérique ni effacer deux siècles de répression et de déni de toutes sortes.
L'article 81 est sans intérêt pour les autochtones. Il porte sur les personnes souffrant d'incapacités; l'État leur reconnaît certains droits: «Il est reconnu aux personnes sourdes ou muettes le droit d'exprimer et de communiquer au moyen de la langue des signes.» L'article 101 est de la même eau au sujet des moyens de communication télévisuels: «Les moyens télévisuels devront incorporer des sous-titres et la traduction dans la langue des signes pour les personnes ayant des problèmes auditifs.»
Cela dit, l'article 119 de la Constitution parce qu'il énonce les grands principes concernant les droits des autochtones:
Articulo 119
El Estado reconocerá la existencia de los pueblos y comunidades indígenas, su organización social, política y económica, sus culturas, usos y costumbres, idiomas y religiones, así como su hábitat y derechos originarios sobre las tierras que ancestral y tradicionalmente ocupan y que son necesarias para desarrollar y garantizar sus formas de vida. [...] Article 119
L'État reconnaît l'existence des peuples et des communautés indigènes, leur organisation sociale, politique et économique, leurs cultures, leurs us et coutumes, leurs langues et leurs religions, ainsi que leur habitat et leurs droits d’origine sur les terres ancestrales qu'ils occupent traditionnellement et qui sont nécessaires au développement et au maintien de leur mode de vie. [...]
Il incombe à l'Exécutif national, avec la participation des peuples indigènes, de délimiter et de garantir le droit à la propriété collective de leurs terres, lesquelles seront inaliénables et non transférables. L'article 121 précise certaines modalités:
Articulo 121
1) Los pueblos indígenas tienen derecho a mantener y desarrollar su identidad étnica y cultural, cosmovisión, valores, espiritualidad y sus lugares sagrados y de culto.
2) El Estado fomentará la valoración y difusión de las manifestaciones culturales de los pueblos indígenas, los cuales tienen derecho a una educación propia y a un régimen educativo de carácter intercultural y bilingüe, atendiendo a sus particularidades socioculturales, valores y tradiciones. Article 121
1) Les peuples indigènes ont le droit de maintenir et de développer leur identité ethnique et culturelle, leur vision du monde, leurs valeurs, leur spiritualité, leurs lieux sacrés et lieux de culte.
2) L'État favorisera la valorisation et la diffusion des manifestations culturelles des peuples indigènes, lesquels ont droit à une éducation propre et à un régime éducatif à caractère interculturel et bilingue, en tenant compte à leurs particularités socioculturelles, leurs valeurs et leurs traditions.
En ce qui a trait aux dispositions à caractère non linguistique, mentionnons que la Constitution l'article 122 accorde aux peuples indigènes le droit à l'accès à la santé (art. 122), le droit de maintenir et de promouvoir leurs pratiques économiques particulières et leurs activités productives traditionnelles (art. 123), le droit à des services de formation professionnelle (art. 123) et à la législation du travail (art. 123), de même qu'à la propriété intellectuelle de leurs connaissances et de leurs technologies (art. 124), à la participation politique (125). À ce sujet, l'État garantira une représentation indigène à l'Assemblée nationale et dans les organismes fédéraux et locaux. Enfin, l'article 126 énonce que les peuples indigènes «font partie de la nation, de l'État et du peuple vénézuélien» et qu'ils ont le devoir de sauvegarder l'intégrité et la souveraineté nationale. Bref, les autochtones du Venezuela bénéficient, du moins juridiquement, d'une protection sans précédent dans l'histoire du pays.
5.3 La législation sur l'éducation
La législation sur l'éducation est définie dans plusieurs lois dont la Loi organique sur l'éducation du 9 juillet 1980 (Ley Orgánica de Educación ), le Règlement général portant sur la Loi organique sur l'éducation de 1980 (Reglamento General de la Ley Orgánica de Educación), la Loi générale sur la protection et la défense du patrimoine culturel du 3 septembre 1993 (Ley de Protección y Defensa del Patrimonio Cultural), les documents suivants: la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues (18 juin 2001), la Loi d'approbation de la Convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l'Organisation internationale du travail (no 37.305 du 17 octobre 2001), la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux (octobre 2001) et la Loi organique sur la culture (octobre 2001).
- La Loi organique sur l'éducation
Bien avant la nouvelle Constitution de 1999, la Loi organique sur l'éducation (Ley Orgánica de Educación) du 9 juillet 1980 laissait entrevoir quelques vagues et timides considérations sur les peuples autochtones. Ce sont les articles 51 et 53:
Artículo 51
1) El Estado prestar atención especial a los indígenas y preservará los valores autóctonos socioculturales de sus comunidades, con el fin de vincularlos a la vida nacional, así como habilitarlos para el cumplimiento de sus deberes y disfrute de sus derechos ciudadanos sin discriminación alguna.
2) A tal fin se crearán los servicios educativos correspondientes.
3) De igual modo, se diseñarán y ejecutarán programas destinados al logro de dichas finalidades. Article 51
1) L'État prêtera une attention spéciale aux indigènes et préservera les valeurs autochtones socio-culturelles de ces communautés, afin de les lier à la vie nationale, ainsi que les habiliter à l'accomplissement de leurs devoirs et du bénéfice de leurs droits de citoyens sans aucune discrimination.
2) À cet effet, des services éducatifs correspondants seront créés.
3) De façon égale, des programmes destinés à la réalisation de ces buts seront conçus et réalisés.
Artículo 53
El Ministerio de Educación establecerá los regímenes de administración educativa aplicables en el medio rural, especialmente en las regiones fronterizas y en las zonas indígenas. Article 53
Le ministère de l'Éducation établira les régimes d'administration éducative applicables dans le milieu rural, spécialement dans les régions frontalières et dans les zones indigènes.
- Le Règlement général portant sur la Loi organique sur l'éducation
Par ailleurs, le Règlement général portant sur la Loi organique sur l'éducation de 1980 (Reglamento General de la Ley Orgánica de Educación) ne faisait pas de distinction entre les autochtones et les non-autochtones. Par exemple, l'article 22 précisait que les disciplines suivantes étaient obligatoires dans tout programme d'études: le castillan et la littérature, la géographie et l'histoire du Venezuela, la géographie générale, l'histoire universelle, les mathématiques, l'éducation familiale, l'éducation esthétique, l'éducation au travail, l'éducation à la santé, l'éducation physique, les sciences de la nature, la biologie, la physique, la chimie et l'anglais. Quelques lignes précisaient cependant que le ministère de l'Éducation devait faire «des adaptations pertinentes» («adaptaciones pertinentes») dans les programmes d'études pour le milieu rural, les régions frontalières et les zones indigènes:
El Ministerio de Educación, de conformidad con lo dispuesto en el numeral 2 del artículo 8º de este Reglamento, hará las adaptaciones pertinentes de los programas de estudio, para el medio rural, regiones fronterizas y zonas indígenas. Le ministère de l'Éducation, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 8 de ce règlement, fera les adaptations pertinentes dans les programmes d'études pour le milieu rural, les régions frontalières et les zones indigènes.
- La Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues
Cela dit, la loi la plus importante demeure sans contredit la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues du 18 juin 2001 (Ley de Educación de los Pueblos indígenas y del Uso de sus Idiomas). Cette loi se révèle conforme aux dispositions constitutionnelles de 1999 et elle a une portée d'une grande envergure. Elle compte 53 articles et reste sans commune mesure avec toute autre loi du genre en Amérique latine. Il vaut la peine d'y consacrer plusieurs lignes.
La Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues reconnaît et promeut l'éducation traditionnelle des peuples indigènes, fixe les directives et les bases de l'éducation interculturelle bilingue, règle le fonctionnement des services qui entretiennent une relation avec le régime éducatif et indique les normes générales régissant l'usage institutionnel, la préservation, la défense et la promotion des langues indigènes. La loi est fondée selon les principes consacrés dans la Constitution concernant le droit des peuples indigènes à une «éducation propre», à un régime éducatif qui répond à leurs spécificités culturelles, leurs principes et leurs valeurs, et sur le droit à l'usage officiel de leurs langues, leur protection et leur diffusion comme patrimoine culturel de la nation et de l'humanité (article 1). Selon l'article 2, l'éducation traditionnelle des peuples indigènes doit être basée sur un système de formation et de socialisation particulier à chacune des communautés indigènes en tenant compte de tous les éléments constitutifs de leur culture: langue, vision du monde, valeurs, mythologie, territorialité, spiritualité, religion, organisation sociale et systèmes de production.
Évidemment, l'instruction dispensée aux indigènes doit correspondre aux principes de l'éducation interculturelle bilingue («educación intercultural bilingüe») gratuite, tels que consacrés à l'article 4 de la loi. Tous les établissements d'enseignement offerts aux indigènes sont sous la juridiction du Conseil national de l’éducation, des langues et des cultures indigènes, ainsi que du ministère de l'Éducation, de la Culture et des Sports, et ce, avec la consultation et la participation des communautés indigènes. Cette éducation interculturelle bilingue doit être est exercée par des professionnels indigènes dûment accrédités, c'est-à-dire des personnes parlant une langue autochtone et connaissant l'histoire et la culture des populations concernées (art. 8). En aucun cas, il ne pourra y avoir ingérence de la part de personnes étrangères aux communautés ou de la part d'organismes nationaux ou internationaux (art. 10).
L'article 13 de la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues précise que l'éducation préscolaire n'est pas obligatoire pour les peuples indigènes, mais si les parents envoient leurs enfants dans ces écoles, ces établissements doivent respecter la spécificité socioculturelle de chaque peuple, avec la participation active et directe des parents. Le paragraphe 2 de cet article précise dans quelle langue on devra dispenser cette instruction:
Articulo 13
En la educación preescolar sólo se utilizará el idioma propio del pueblo donde se imparta. Article 13
Dans l'éducation préscolaire, on fera usage seulement de la langue propre du peuple à qui cette instruction est dispensée.
L'article 21 décrit comment au primaire se fera la méthode d'enseignement et d'apprentissage des langues. L'enseignement ne commence qu'à la deuxième année du primaire:
Articulo 21
1) El proceso de enseñanza-aprendizaje se iniciará con el empleo del idioma originario, por razones de orden identitario, cultural , psicosocial y pedagógico.
2) El aprendizaje del castellano comenzará a partir del segundo año de la educación básica, continuará durante todo el proceso educativo y se utilizará en forma equilibrada con el idioma originario, sin provocar la subordinación y el desplazamiento de éste.
3) El idioma originario que se usará en el desarrollo y contenido de los programas educativos será el del pueblo donde se impartan. Article 21
1) La méthode d'enseignement et d'apprentissage débutera avec l'emploi de la langue d’origine pour des raisons d'ordre identitaire, culturel, psycho-social et pédagogique.
2) L'apprentissage du castillan commencera à partir de la seconde année de l'instruction primaire; il se poursuivra durant tout le cursus éducatif et sera utilisé de manière équilibrée avec la langue d’origine, sans provoquer de subordination et de déplacement de celle-ci.
3) La langue d’origine qui sera utilisée dans l'élaboration et le contenu des programmes éducatifs sera celle du peuple où elle est enseignée.
La loi a prévu des dispositions particulières pour les communautés qui auraient perdu partiellement l'usage de leur langue ou pour celles qui sont menacées de la perdre, ce qui est le cas pour un grand nombre de communautés. En fait, l'article 22 de la loi parle de «niches linguistiques« («nichos linguisticos»); il s'agit de petits centres destinés à rendre à certaines communautés l'usage de leur langue plus ou moins perdue:
Articulo 22
1) En las comunidades que hayan perdido parcialmente su idioma y cultura o se encuentren amenazados de perderlos, se instalarán nichos linguisticos a fin de restituir el uso cotidiano de la lengua y la práctica de la cultura propia.
2) Los nichos linguisticos podrán ser instalados en cualquier nivel de la educación que se impartirá a los pueblos indígenas y funcionarán con la participación decisiva de los ancianos y de otros portadores de los conocimientos tradicionales, quienes tendrán la condición de docentes y deberán ser remunerados como tales.
3) [...] Article 22
1) Dans les communautés qui ont perdu partiellement leur langue et leur culture ou qui sont menacés de les perdre, il sera prévu des niches linguistique afin de restituer l'usage quotidien de leur langue et la pratique de leur culture propre.
2) Les niches linguistique pourront être installées dans n'importe quel niveau d’instruction dispensé aux peuples indigènes et fonctionneront avec la participation décisive des personnes et d'autres porte-parole des instances traditionnelles; ceux qui auront la fonction d'enseigner devront être rémunérés comme tels.
3) [...]
L'article 23 de la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues énonce qu'à tous les niveaux de l'éducation interculturelle bilingue il sera dispenser un enseignement de l'histoire des peuples indigènes, des caractéristiques de leur habitat, de leur vision du monde, de leur littérature orale et écrite propres, de leur «ethno-botanique» et «ethno-médecine», de leurs technologies particulières, de leurs valeurs morales et sociales, de leurs organisations sociales et politiques, de leurs langues et de leur écriture, sans oublier leurs activités économiques et activités de production. Tous les domaines propres aux indigènes «doivent préférablement être étudiés dans la langue indigène». À l'article 25, on apprend que «les études dispensées dans l'éducation bilingue seront équivalentes à ceux du régime pédagogique ordinaire».
Le chapitre V (articles 27 à 31) est consacré au personnel enseignant. En vertu de l'article 27, les enseignants assignés au régime d'éducation interculturelle bilingue doivent disposer d’une vaste compétence linguistique orale et écrite dans la langue indigène du peuple ou de la communauté où ils dispensent leurs services. Les éducateurs doivent être choisis et évalués de manière continue par le Conseil national de l'éducation, des langues et des cultures indigènes, ainsi que par le ministère de l'Éducation, de la Culture et des Sports, de concertation avec les peuples et organisations indigènes. L'article 29 stipule qu'est considérée comme nulle la nomination de tout enseignant qui ne satisfait pas aux conditions et formalités fixées par la loi; le fonctionnaire qui contreviendrait à ces principes encourrait une responsabilité personnelle. De plus, la loi a prévu à l'article 31 des incitatifs pour encourager les enseignants qui se destinent à l'éducation aux indigènes. Pour ce faire, l'État leur garantit la stabilité dans l'exercice de leurs fonctions et établira des programmes mise à jour et de spécialisation destinés à cet enseignement professionnel.
Le chapitre VI (art. 32 à 37) de la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues est intitulé «Del uso de los idiomas indigenas» («De l'usage des langues indigènes»). L'article 32 proclame le caractère officiel des langues indigènes qui bénéficient maintenant d'un statut reconnu:
Articulo 32
El idioma de cada uno de los pueblos indígenas tendrá carácter oficial en su respectivo hábitat, donde será de obligatorio uso . Article 32
La langue de chacun des peuples indigènes aura un caractère officiel dans son habitat respectif et sera d'usage obligatoire.
Pour cette raison, l'État doit maintenant favoriser et promouvoir l'usage officiel et le développement des langues indigènes comme moyens de communication, de connaissance, d'instruction et de création sociale et culturelle (art. 33). Ce caractère officiel s'applique évidemment dans le cadre éducatif, mais également dans les administrations locales, les tribunaux, la signalisation relative à la voie publique, la cartographie officielle, la publicité commerciale et les recherches scientifiques. Tout un programme en perspective! De telles dispositions à l'endroit des autochtones demeurent inédites en Amérique latine. Il reste à vérifier comment ces nouveaux droits se transposent dans la vie quotidienne.
L'article 34 de la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues est consacré à la langue des tribunaux. Conformément aux dispositions de la loi, les indigènes ont le droit d'être assistés d'interprètes lorsqu'ils comparaissent devant un juge ou dans leurs relations avec tout organisme judiciaire ou la police:
Articulo 34
Los indígenas tendrán derecho a ser asistidos de intérpretes en su propio idioma cuando comparezcan a rendir declaraciones ante el Ministerio Público y los órganos judiciales y policiales, aún en caso de conocer el castellano, y a que se le traduzcan en forma oral y escrita los documentos que cursan en los juicios civiles y penales. Article 34
Les indigènes auront le droit d'être assistés d'interprètes dans leur langue propre quand ils comparaîtront pour rapporter des déclarations devant le Ministère public et les organismes judiciaires ou de police; même en cas de connaissance du castillan, seront traduits, à l’oral et à l’écrit, les documents qui sont transmis dans les jugements civils et criminels.
Soulignons que, au Venezuela, il existe encore des installations séparées pour les autochtones dans les établissements pénitentiaires, ce qui constitue un sujet de préoccupation en matière de discrimination.
Dans le même chapitre, l'article 37 mérite qu'on s'y arrête également parce qu'il est rare qu'on trouve ce genre de dispositions dans les lois latino-américaines. Cet article porte sur les toponymes ou noms de lieu.
Articulo 37
El Estado respetará los topónimos indígenas, prohibirá sustituirlos por otros y tomará las medidas conducentes para restablecer los que han sido sustituidos por diferentes nomenclaturas, como una acción complementaria entre otras que permitirán asegurar la supervivencia y revitalización de los idiomas indígenas. Article 37
L'État respectera les toponymes indigènes, interdira de les remplacer par d'autres et prendra des mesures conduisant à reconstituer ceux qui ont été remplacés par différentes nomenclatures, et ce, comme une mesure complémentaire qui permettra, entre autres, d'assurer la survie et la revalorisation des langues indigènes.
Lorsqu'il existe plusieurs toponymes indigènes pour désigner un même emplacement, tous auront une valeur légale, même si seulement l'un d'eux figure dans la nomenclature officielle.
Terminons avec le chapitre VII (articles 38 à 45) de la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues; ce chapitre est consacré au Conseil national de l'éducation, des langues et des cultures indigènes (Del Consejo Nacional de Educacion, Idiomas y Cultura Indigenas). En vertu de la loi, le Conseil a, entre autres, pour mission de veiller à l'application de la présente loi, d'élaborer, conjointement avec les peuples et les communautés indigènes, des programmes éducatifs à tous les niveaux, de concevoir des méthodes pédagogiques adaptées aux autochtones, d'évaluer le processus éducatif interculturel bilingue, d'optimiser l'utilisation officielle et sociale des langues indigènes, effectuer des recherches grammaticales, lexicales et stylistiques, d'assigner des noms autochtones aux établissements où l'on dispense une éducation interculturelle bilingue. Enfin, de concert avec les peuples et les communautés indigènes, le Conseil national de l'éducation, des langues et des cultures indigènes devra, dans un délai de deux années à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, unifier les critères pour élaborer l'alphabet et l'écriture de chaque langue indigène.
5.4 La Convention relative aux peuples indigènes et tribaux
Le gouvernement du Guatemala a signé la Convention relative aux peuples indigènes de l’Organisation internationale du travail (OIT); le Parlement l’a ratifiée le 17 octobre 2001. Ce document d’une grande importante implique 14 États, dont en Amérique latine, outre le Venezuela, la Bolivie, l'Argentine, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Paraguay et le Pérou.
La Convention reconnaît aux peuples indigènes le droit de jouir pleinement des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination (art. 3). Les dispositions de cette convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples. Les gouvernements des États signataires doivent mettre en place des moyens par lesquels les peuples autochtones pourront, à égalité avec le reste de citoyens de leur pays, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent (art. 6). L’article 7 reconnaît aux populations concernées le droit de contrôler leur développement économique, social et culturel propre. Les États doivent aussi tenir compte des coutumes et du droit coutumier de ces populations (art. 8). L’article 20 de la Convention oblige les gouvernements à «prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi». Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés.
La partie VI de la Convention est consacrée à l’éducation, donc indirectement à la langue. L’article 26 est très clair sur la possibilité des autochtones d’acquérir leur instruction à tous les niveaux:
Article 26
Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale.
Le paragraphe 3 de l’article 27 reconnaît «le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation» et que des ressources appropriées leur soient fournies à cette fin. C’est l’article 28 qui semble le plus important en cette matière:
Article 27
1) Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif.
2) Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays.
3) Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique.
Les États appuieront l'élaboration de programmes scolaires correspondant à la réalité des peuples autochtones et mobiliseront les ressources techniques et financières nécessaires à leur bonne application. Quant à l’article 31, il précise que «mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples». Dans ces perspectives, il est précisé que «des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés».
Comme il se doit, les États signataires de la Convention reconnaîtront et établiront des mécanismes pour assurer l'exercice de tous les droits des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la langue et la culture.
5.5 Les applications de la loi
Le problème, comme toujours, est de vérifier si les lois sont appliquées. Dans le cas du Venezuela et des autochtones, on peut penser que les probabilités pour que la législation soit appliquée dans son intégralité sont minces. Comme la politique linguistique ne constitue qu'un aspect de la politique globale à l'égard des autochtones et qu'elle couvre un vaste champs d'opération, elle ne peut que nécessiter du temps dans son application.
Ce n'est pas les discours du président, émaillant ses discours de sempiternelles références à Simon Bolivar, à Che Guevara ou à Jean-Jacques Rousseau, qui amélioreront la situation des autochtones. Présentement, dans de nombreuses salles de classe, on enseigne à la fois le castillan et les langues amérindiennes. Mais les langues en présence ne sont guère de force égale. Les expériences d'éducation bilingues ont commencé en 1979 avec neuf ethnies: les Jiwi, Kariña, Pemón, Pumé, Warao, Wayúu, Yanomami, Yekuana et Yukpa; par la suite, on a incorporé les Piaroa et les Arawak. Étant donné que les langues autochtones ne font pas le poids devant le rouleau compresseur de l'espagnol, les résultats sont médiocres. L'État promeut et protège en principe les langues des communautés autochtones, mais ne les place jamais sur le même pied que l’espagnol. Même si les instruments juridiques dont s’est doté le Venezuela sont très impressionnants, il n’en demeure pas moins que la plus grande partie de cette politique reste à se concrétiser, et les embûches sont encore bien réels. Dès que les langues autochtones et espagnole entrent en contact, la culture indigène s'affaiblit et a tendance à disparaître.
Le plus grave problème provient du fait que le système actuel ne répond pas aux besoins des autochtones, parce que ce sont des programmes nationaux qui n’intègrent aucun élément de la culture indigène. Les enseignants sont régis par des programmes urbains et traditionnels élaborés à Caracas, loin des populations indigènes vivant dans l'arrière-pays. Dans toutes les écoles, toute spécificité ou toute référence à la réalité indigène reste encore totalement absente. Les professeurs n'ont jamais été formés pour apprendre aux enfants comment préserver leur culture et leur langue, mais pour apprendre une autre langue et adopter une autre culture. La fameuse éducation transculturelle n'a jamais existé, car elle est à sens unique. Les autochtones sont obligés de recevoir une éducation bilingue et de développer des habiletés de bilinguisme, alors que les Mestizos s’en tiennent à la seule langue espagnole.
La moitié seulement des enseignants est d’origine indigène, et les manuels adaptés en langue indigène font cruellement défaut. Il existerait quelques rares manuels dans une trentaine de langues, mais seulement cinq langues sont utilisées dans les écoles: le wayúu, le pemón, le pumé, le yekuana et le warao. Tous les autres enfants ne disposent que de manuels écrits en espagnol. Il n'existe pas de manuels bilingues, ni encore de programme d'études interculturel bilingue. Le régime interculturel n'a pas été implanté comme il devait l'être et comme le prévoyait la Constitution. Bref, le diagnostic est sombre. Il semblerait que les seuls établissements d'enseignement qui fonctionnent à peu près selon les dispositions constitutionnelles prévues sont ceux que dirigent les missions catholiques salésiennes dans le Haut-Orinoco (dans le Delta Amacuro: partie extrême-nord de la côte est). Autrement dit, le Venezuela n'a pas les moyens d'appliquer sa politique à l'égard des indigènes.
Les statistiques gouvernementales sont par ailleurs accablantes. Selon le recensement de 1992 (le seul disponible), quelque 40,5 % des autochtones de plus de 10 ans sont analphabètes, alors que 55,6 % des indigènes âgés de 5 et 24 ans ne fréquentent aucun établissement scolaire. Quelque 45,7 % des enfants de plus de cinq ans ont déclaré avoir suivi au moins un an d'école primaire et 40 % n'ont pas atteint le niveau d'éducation attendu. Il est aussi établi que 80 % des enfants de plus de cinq ans parlent leur langue. Dans ce pourcentage, 75 % sont bilingues et 24,1 % parlent seulement leur propre langue. Enfin, 19,9 % des plus de cinq ans parlent seulement l'espagnol. Il ne semble pas qu'une décennie plus tard ces résultats se soient améliorés, au contraire. Il faudrait certainement redoubler d'efforts pour renforcer le régime d'enseignement bilingue, de telle sorte qu'il desserve l'ensemble de la population autochtone, dont 40 % reste illettrée, et pour empêcher la destruction de ce patrimoine culturel.
En ce qui a trait à l'éducation, la santé et les communications, un rapport de l'Onu signale que 65,16 % des communautés indigènes ne possèdent pas d'école, 86,8 % ne comptent pas de dispensaire ou de soins de santé, 95,8 % n'ont pas de radio; finalement, 63,8 % des communautés ne disposent d'aucun de ces trois services de base.
La situation linguistique du Venezuela n’est pas radicalement différente des autres pays de l’Amérique du Sud. Les communautés autochtones sont généralement concentrées dans les zones rurales éloignées des grands centres et disposent de services réduits par apport au reste de la population. En ce qui a trait à la politique linguistique, rares sont les États qui se préoccupent adéquatement de leurs populations autochtones, autrement que par des textes juridiques symboliques, visant davantage à calmer l’opinion publique internationale que de favoriser les citoyens les plus pauvres de leur pays.
Le cas du Venezuela est particulier dans la mesure où l'État vient de se doter d'instruments juridiques très élaborés pour assurer le respect des droits des communautés autochtones. Contrairement à la plupart des autres pays latino-américains, les textes juridiques vénézuéliens se contentent pas d'énumérer de grands principes sur la reconnaissance des populations autochtones. Les modalités sont connues et leurs applications, réalisables avec des moyens financiers beaucoup plus considérables que ceux dont l'État a disposé jusqu'à présent.
Quant à la politique linguistique elle-même, elle n'est pas limitée à la fameuse éducation bilingue, car elle englobe des services relevant de l'Administration, de la santé, de la justice, de la culture, etc. En ce sens, elle s'oriente vers une politique globale. Il reste encore à intégrer l'éducation interculturelle qui, pour le moment, reste un vague idéal. En réalité, le Venezuela vit une période de transition. Les instruments juridiques dont sont dotées les populations autochtones n'ont certainement pas atteint leurs objectifs en si peu de temps. Par exemple, la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues est tellement récente qu'elle n'a pu être appliquée. On pourrait tout de même accorder une «chance au coureur», car le travail à accomplir est gigantesque, mais la situation actuelle est le fruit de deux siècles de «colonialisme de l'intérieur».
On ne peut affirmer, à la lumière des lois, que l'État fédéral vénézuélien ne se soucie guère de ses autochtones, même s'ils ne ne comptent que pour moins de 2 % de la population du pays. Espérons que la politique linguistique actuelle soit en devenir, car le Venezuela dispose de tous les instruments juridiques pour devenir un modèle du genre sur ce continent. Il lui reste à avoir les moyens de sa politique.
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