Introduction
Le début du 21ème siècle est le siège de nombreux bouleversements dans la société, de l’apparition de nouveaux paradigmes qui amènent aussi bien les citoyens que les professionnels à repenser l’espace urbain, de son mode de fonctionnement jusqu’aux questions d’esthétique et de représentations en passant par les processus contribuant à son élaboration et à sa construction (genèse). Un questionnement sur les fondements épistémologiques de la pratique urbanistique devient dès lors indispensable s’il on veut réussir à adapter la pratique au nouveau contexte. La question de la densité étant transversale à beaucoup de problématiques, elle se retrouve naturellement au cœur d’un nombre important de sujets d’actualité (politiques publiques et outils d’urbanisme règlementaire en France par exemple (loi SRU, SCOT, PLU, …), concept du New Urbanism aux États-Unis (Duany, Plater-Zyberk, 2000), …). Les visions de la densité diffèrent généralement en fonction du statut de la personne interrogée. En général, citoyens et professionnels de la ville ont des visions radicalement opposées sur ce sujet, ce qui n’est pas sans poser de problèmes pour l’élaboration de la ville de demain… Appréhender la notion de densité (« ville compacte1 » vs « ville diffuse » (Secchi)) est un exercice très complexe et souvent très simplifié, même par les professionnels de la ville (Wiel, Orfeuil).
L’objectif de cet élément de réflexion est d’expliciter la notion de densité (ou devrait-on dire des densités) en montrant la riche diversité de ses significations. L’idée très répandue dans le monde professionnel de l’urbain que la densité est la clé de la ville durable semble tellement partagée mais en même temps tellement peu étudiée en détail qu’elle mérite des précisions et une réflexion approfondie (Quincerot, Revue Urbanisme, 2005, p28). Une telle approbation sans remise en question pourrait être très préjudiciable pour l’avenir. Éclaircir le rapport parfois ambigu entre réalité mesurable et perception de la réalité est un premier exercice pour y voir plus clair dans ce débat. Le glissement progressif de la « standardisation des besoins » - donc d’une vision très élitiste de la planification – à une recherche de la « qualité de vie « (Fischler, 2000) prônée par les tenants du « projet urbain » (Mangin, Panerai, 2002) ainsi que l’avènement de la « démocratie participative » (Bacqué, 2005 et Bevort, 2002) nous indiquent qu’un regard nouveau doit être porté sur la question de la densité, un regard qui prenne en considération les perceptions des usagers de la ville.
Les nouveaux enjeux de société (crise du modèle énergétique, développement des préoccupations environnementales, avènement de la pensée de développement durable, accroissement de la mobilité, vieillissement de la population …) seront abordés pour montrer comment chacun d’entre eux peut être analysé sous l’angle de la question de la densité. De quelle manière pouvons-nous renouveler notre regard sur la densité en analysant simultanément l’objet (la ville) et le sujet (citadin), le statique et la dynamique, comment pouvons-nous nous détacher des idées préconçues et mal fondées qui sont légions sur ce thème, comment l’histoire du développement des villes peut nous amener à réfléchir autrement sur les situations actuelles et celles à projeter… Voilà un aperçu du questionnement relatif à la notion de densité qui sera présenté dans cet essai, voilà une partie des éléments de réflexion qui deviendront nécessaires à une bonne compréhension de cette nouvelle grande problématique de société qui se profile.
L’objet de cette partie est de recenser les principales questions de société qui gravitent autour de la densité pour sortir des considérations partisanes propres à l’expert et à l’usager. A chaque fois, nous donnerons une donnée qui invite un questionnement, le cadre de ce travail ne nous permettant pas de développer d’avantage. Dans un souci de clarté, nous effectuerons une distinction de tous les paramètres mais évidemment la grande difficulté de la question est leur combinaison.
Enjeux environnementaux vs démographiques
« De 2003 à 2030, il va se créer une ville d’un million d’habitants toutes les semaines » (ONU-Habitat, 2004). « En parallèle, le taux d’urbanisation ne cesse de croître (29% en 1950, 50% en 2008 et une prévision de 60% en 2030) » (ONU-Habitat, 2004) en privilégiant généralement l’étalement urbain (Downs, 1998 et Schneider, Woodcoc, 2008). Sachant que la majeure partie des villes ont été établies sur des terres arables, il en résulte, par la combinaison de ces facteurs, une diminution significative des surfaces cultivables traditionnelles. La question est alors de savoir comment l’homme va-t-il faire pour nourrir toujours plus de bouches tout en diminuant la superficie de sa terre nourricière. Densifier les villes pour épargner les terres qui nous nourrissent est souvent un argument développé, la discussion est encore ouverte. De même pour la question de l’eau en rapport avec la densité, elle se pose surtout avec le risque inondation (l’approvisionnement étant plus un problème de positionnement géographique). La densité est souvent assimilée avec le bétonnage des terres. La question du ruissellement des eaux de pluie et la gestion du risque inondation devenant un problème majeur pour bon nombre de métropoles. Concilier densification et gestion du risque inondation n’est pas insolvable mais nécessite tout de même des réflexions importantes en amont des projets. Une réflexion est alors nécessaire sur la densité du bâti mais aussi sur la densité végétale des villes.
Enjeux économiques
Il est très difficile d’évaluer la création de valeur et de richesses directement liée à un aménagement. « Quand on parle de valeur, c’est toute la question de l’évaluation des externalités qui est posée, vaste champ de l’analyse économique. [Il faut alors prendre] en compte des externalités environnementales » (PUCA, 2008) et sociales qu’il faut évaluer. « Focalisées sur les cycles de la décision publique, les analyses articulent mal les temps courts (de la décision d’investissement et de l’annualité budgétaire) et les temps longs (de la gestion, du patrimoine, de la ville…) » (PUCA, 2008). Afin de bien estimer les avantages/inconvénients de la densification des territoires, il paraît indispensable que des études économiques de ce type soient réalisées en amont mais aussi en aval des opérations, que le coût global d’une opération soit regardé avec autant d’intérêt sinon plus que le seul coût d’investissement.
L’enjeu de la mobilité. Voir annexe 6 et 7
« Le rythme de croissance annuel [des déplacements] est de près de 4% depuis une vingtaine d’années [en France], nettement plus élevé que la croissance économique » (Orfeuil, 2004, p3). L’enjeu de la mobilité est un enjeu transversal. On est entré dans un monde de mobilité croissante et il alors important de se poser les questions de l’impact de ses déplacements sur l’environnement en général (dépenses énergétiques, impacts environnementaux, …). La ville-automobile telle qu’on la connaît est très énergivore et à des impacts importants sur l’environnement (dégagements de CO2, NOx, particules, …), connaissant le lien direct entre modes de transport et densité (annexe 4), se reposer la question de notre mobilité ne peut se faire qu’en se questionnant aussi sur la densité bâtie et la structure viaire qui lui est associée ; dans certains secteurs de ville, l’automobile y est devenue « une nécessité, et non plus un choix » (Newman & Kenworthy, 1998, p. 28). Concernant la mobilité, il convient d’analyser aussi bien les bienfaits de la densité de bâti (« accessibilité et compétitivité-temps relative des modes de transport (Pouyanne. 2004, p54) que la « congestion » induite (Fouchier, 1997a, p. 164)). L’indice de densité d’activité humaine peut donner un éclairage intéressant à ce niveau, il sera développé par la suite.
Enjeux sociaux et sociétaux (vieillissement, précarité, santé, …)
En France, « à l’horizon 2050, selon l’INSEE, le nombre de personnes de plus de 60 ans pourrait quasiment doubler par rapport à 2000, celui des personnes de 75 ans tripler (pour atteindre 11,6 millions) et enfin le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus, potentiellement concernées par une perte d’autonomie voire de dépendance, pourrait être multiplié par quatre (1,3 million en 2000 et 4,8 millions en 2050). […]L’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes à l’horizon 2040 pourrait atteindre 1,2 million, soit une hausse de 43% » (PUCA, 2006). A la lumière de ces données, on comprend aisément l’ampleur de la tâche à accomplir afin de permettre à ces « nouveaux » usagers un accès adapté à la ville. Pour que la ville ne leur soit pas interdite, il va falloir dès aujourd’hui, prendre en compte leurs spécificités à savoir le manque d’autonomie et donc le besoin d’un accès facilité à un grand nombre de services, … Densité et vieillissement, voilà encore un sujet à approfondir.
Francis Beaucire mentionne « le prix de l'énergie [qui] est [selon lui] à la base de l'ensemble du système réseaux-mobilité-dispersion. Or, on situe autour de 2015 le pic de la consommation d'énergie fossile. C'est dire que la question de la densité va se reposer très vite sur des bases différentes » (Quincerot. 2005), l’ « accès plus équitable aux ressources urbaines » (Pouyanne, 2004, p66), le prix du sol versus les coûts de transport pour des jeunes qui subissent des situations toujours plus précaires par exemple. Des enjeux de société comme celui de la précarité de certaines couches de la population peuvent donc aussi être mise en relation avec la question de la densité.
Enjeux culturels
Certains, comme Pouyanne, pensent qu’ »il y a une impossibilité logique à conformer les densités élevées à l’idéal de la maison individuelle. La compacification reviendrait donc à imposer des choix non désirés aux consommateurs, ce qui est rejeté par certains auteurs comme étant un diktat insupportable » (Pouyanne, 2004, p72). Peut-on, en tant qu’urbaniste, proposer un modèle qui ne réponde pas aux attentes premières des habitants ? Devons-nous répondre aux attentes actuelles ou bien améliorer l’offre existante, car ce choix n’est peut-être que la conséquence d’une offre insatisfaisante d’espaces urbains adaptés ?
Après avoir esquissé l’importance de la notion de densité dans notre approche de la ville de demain, il convient d’amorcer la réflexion majeure de ce travail, à savoir comment aborder la densité pour que professionnel et citoyens puissent enfin se parler avec le même vocabulaire.
2.1. Les principaux indicateurs de densité et les outils règlementaires
Coefficient d’Occupation des Sols (COS), Coefficient d’Emprise au Sol (CES), Densité Bâtie (DB), densité de population, densité résidentielle, densité d’emploi, « densité d’activité humaine » (Fouchier, 1997), le plafond réglementaire et la densité végétale sont tous des indicateurs de densité. Il s’agit ici d’identifier les densités mesurables qui permettent la définition d’un langage commun au sein du monde des praticiens de la ville. Seul un langage commun permet la confrontation d’idées et par conséquent l’évolution des connaissances dans le domaine, c’est pourquoi bien que ces indicateurs ne retransmettent que partiellement la notion de densité, ils ont une nécessité certaine dans notre champ de pratique. Avant de décrire tous ces indicateurs, il semble nécessaire de faire un point sur la définition de la densité. En physique par exemple, la densité d’un liquide est le rapport entre la masse d'un certain volume d'un corps et celle d'un volume d'eau dans des conditions de pression et de température préalablement définies. En urbanisme, la densité se détache de la définition précédente dans la mesure où l’on ne fait pas de lien entre deux entités (on ne compare pas une densité d’une ville à une autre ville qui serait toujours la référence), la notion de densité dans notre cas est plus proche de la définition de la masse volumique. En effet, la masse volumique est le rapport entre la masse d’un élément et son volume. Si on généralise cette définition, on peut dire que c’est le rapport entre une donnée mesurable quelle qu’elle soit et une donnée.
elle aussi mesurable mais qui indique soit une distribution spatiale (dans ce cas ce sera une unité de longueur, de surface ou de volume), on parlera alors le plus souvent d’habitants/km², d’emplois/ha ou encore de logements/ha, soit une distribution temporelle (une valeur ou un intervalle de temps).
Pour compléter ces indicateurs, on peut en ajouter un qui s’appelle densité végétale. « La densité végétale est calculée par télédétection à partir d’une image satellitaire qui repère les masses végétales en volume et en qualité. Cet indicateur de l’environnement végétal ne différencie pas la végétation des espaces publics de celle des espaces privés. Il prend en compte l’ensemble des espaces verts qui participent à l’ambiance générale d’un secteur » (Moulinié C. et Naudin-Adam M, 2005, 2. Les indicateurs de densité).
Nous venons de présenter les indicateurs les plus utilisés dans le milieu professionnel urbanistique (voir annexe 1). La liste n’est pas exhaustive car « il existe presque autant d’indicateurs que d’acteurs ou d’usagers de l’espace » (Moulinié C. et Naudin-Adam M, 2005, 2. Les indicateurs de densité). Ces indicateurs permettent d’avoir une certaine idée de la réalité en place mais ce ne sont pas ceux-ci qui sont utilisés par les pouvoirs publics dans ce qu’on appelle l’urbanisme règlementaire (annexe 2), c’est-à-dire la pratique des collectivités publiques qui consiste à règlementer l’usage du sol et à planifier son développement. On remarquera que ces outils balayent d’un revers de main tout ce qu’on vient de voir auparavant et se concentrent uniquement sur le cadre bâti.
L’outil règlementaire par excellence est le COS (Coefficient d’Occupation des Sols). Ce dernier renseigne juste sur la surface de plancher que l’on peut construire sur une parcelle donnée. En aucun cas, la morphologie ne rentre en jeu (voir annexe 8). Ensuite, on définit ce qu’on appelle un CES (Coefficient d’Emprise au Sol). Ici, l’idée est de contrôler la surface qu’a le droit de prendre le bâtiment vis-à-vis de la surface totale de la parcelle. C’est le rapport à la terre. Enfin, on peut parler de la Densité Bâtie qui est un indicateur plus complet parce qu’il prend en compte la distribution du bâtiment sur la surface (avec le CES) mais aussi dans l’espace volumétrique (avec la hauteur moyenne). Cet outil donne renseignement plus proche de la perception d’un quartier, contrairement au COS qui est un indicateur sur ce qui peut être fait, la densité bâtie mesure ce qui existe déjà. En passant en revue tous les outils qui servent aux collectivités locales à encadrer l’occupation du sol et donc le développement physique de la ville, on se rend compte qu’on prend toujours une photographie, qu’on travaille sur des plans, sur des objets statiques alors qu’on sait très bien que ce qui fait la force et la richesse de la ville, c’est son perpétuel mouvement. Il est donc important de prendre en compte la dynamique urbaine, c’est ce dont nous allons parler dans une deuxième partie.
2.2. De la densité statique à la densité dynamique
Dans un deuxième point, nous tenterons d’analyser le glissement d’une mesure de la densité statique à une mesure de la densité dynamique. Afin d’affiner un peu plus la notion de densité, il convient de prendre en compte l’existence d’une mobilité des acteurs du théâtre urbain. L’idée ici étant de sortir du cadre bâti et de se rapprocher de la réalité en étudiant les flux intrinsèques à la vie de la cité (migrations pendulaires, activité touristique, marchande, commerciale,…). Nous sommes entrés dans une société de mobilité et à ce titre « les liens intangibles entre les lieux de vie se sont alors progressivement disloqués au profit d’une perception temporelle des espaces. Il en résulte des fluctuations quotidiennes sensibles des fluctuations quotidiennes sensibles des densités au sein des espaces urbains.
Tout à l’heure, nous avons évoqué un indicateur d’activité humaine. Ce dernier est un premier pas dans la construction d’outils de mesure de la densité dynamique car il prend en compte le lieu de résidence et le lieu de travail, deux cadres spatiaux de la vie du citoyen qui nécessitent le plus souvent un déplacement. Cet indicateur renseigne sur la pratique de l’espace dans le temps (par exemple on sait que les quartiers d’affaire vivent mal les soirs et week-end, avec cet indicateur, on est capable de savoir combien il y a de personnes résidantes, combien il y a de travailleurs et donc on est déjà mieux renseigné sur la densité de mouvement et d’activité présente sur cet espace). Certaines agences d’architecture-urbanisme tentent de saisir cet aspect de la densité, ainsi l’atelier Combarel-Marrec tente d’évaluer l’impact de ses projets sur l’intensité urbaine et ce, à plusieurs moments de la journée (Annexe 3).
L’étude de la densité dynamique permet de mieux cerner la problématique de densité mais nous invite à continuer la réflexion en s’appuyant cette fois-ci non plus sur des données physiques (et donc facilement mesurables) mais sur des donnés beaucoup plus difficiles à récolter et à maîtriser à savoir le ressenti d’une population car il ne faut pas oublier que l’urbaniste fait la ville non pas pour lui mais pour les citadins et donc s’il parle de densité dans ses projets, il doit avoir en tête ce que veut dire ce mot dans la tête des personnes directement affectées par ses choix. Parallèlement, on sait d’après les travaux de Fischler que la prise en compte de la qualité de vie est devenue un aspect important dans l’élaboration des projets tout comme la participation citoyenne selon Bacqué. Le traitement de la question doit donc dépasser le cercle des experts et se rapprocher de l’usager pour prendre en compte après la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, ce que Jean-Marie Henin appelle la maîtrise d’usage.
3. Analyse de la densité du point de vue subjectif
3.1. Notion de densité perçue ou vécue
Pourquoi et comment prendre en considération le ressenti d’une population vis-à-vis de la densité? Il s’agit ici d’étudier le lien entre densité et citoyen et non plus entre densité et cadre physique de la ville. L’idée est de se rapprocher de l’individu pour analyser sa perception de l’espace urbain, sa perception de son cadre de vie. L’urbanisme participe à la construction du cadre de vie, il a pour mission d’améliorer les conditions de vie, le confort mais « l’appréciation subjective d’un confort […] dépend de la pratique du lieu autant que du lieu, sinon de la personne » (Wiel, 2006). Finalement, c’est autant le mode de vie que la qualité urbaine du lieu et le rapport affectif de chacun envers ce lieu qui rendra la densité en place stimulante ou bien oppressante. Les facteurs psychosociologiques ou la « densité psychosociale liée à la perception et au vécu des espaces » (Lacaze, 1995) sont à prendre en compte. En effet, chaque personne à un parcours résidentiel propre et a vécu des expériences plus ou moins heureuses dans chacun des lieux où elle est passée. La relation entre expérience vécue et sensation envers un lieu semble être un point sur lequel on peut insister. Certains se rappellent de l’endroit où ils ont donné leur premier baiser ou bien où ils ont rencontré leur partenaire, ce lieu n’est peut-être pas extraordinaire pour le commun des mortels mais pour la personne en question, il est chargé d’émotion et joui d’une perception souvent très positive. Il en va de même avec la perception de la densité. Pour ce qui est du rapport à la densité, l’expérience est importante mais la philosophie de vie et le mode de vie que l’on décide de suivre jouent un rôle aussi prépondérant. Les facteurs individuels comme l’âge, le sexe et le bagage socioculturel entrent aussi en jeu. Plus l’âge de la personne est avancé, plus ses expériences sont nombreuses et plus ses attentes sont généralement précises en terme de cadre de vie, contrairement à un enfant ou à un adolescent qui de toute manière est un peu contraint de vivre dans l’endroit où ses parents ont décidé de le faire grandir. Le sexe de l’individu est aussi un facteur déterminant dans la mesure où la pratique de l’espace est différente.
« V. Fouchier distingue la « densité perçue sociale », faisant référence à la présence d’un grand nombre de personnes dans un espace, et la « densité perçue non sociale » renvoyant à la perception du cadre de vie sans tenir compte de la présence humaine (la perception de la densité bâtie pouvant, par exemple, paraître forte si les bâtiments sont très rapprochés) » (Sangouard, 2008, p11), les deux approches semblant très étroitement liés même s’il serait intéressant d’avoir une étude plus approfondie à ce sujet. On peut par exemple se sentir agressé par des formes urbaines (bâtiments trop hauts ou rues trop étroites) mais aussi par une présence sociale (grande foule ou au contraire peu de monde, une population très marquée ethniquement peut aussi rendre mal à l’aise certaines personnes non habituées à ce type de confrontation). La sous-partie qui suit montre à travers un sondage à quel point réalité et perception peuvent être différentes. Bien que le sondage ne soit pas un instrument des plus scientifiques, en prenant toutes les précautions nécessaires, ce dernier permet de nous donner un premier éclairage sur ce décalage.
3.2. Quelques exemples de perceptions
Cette partie a pour objectif d’élargir notre champ de vision traditionnel centré sur les données physiques pour intégrer aussi le point de vue de l’acteur principal, le citoyen. Pour affiner le jugement, nous faisons en fait ce qu’on appelle en littérature un changement de point de vue, on passerait d’un point de vue externe (où l’urbaniste fonde son action uniquement sur ce qu’il est capable de voir et d’entendre) à un point de vue interne (où on irait chercher dans une personne ou un groupe social une « expertise » citoyenne du quotidien qui nous permettrait d’appréhender d’autres éléments propres aux ressentis des populations et donc par la même occasion de remettre en question notre jugement et notre pratique). A propos du sondage, il faut savoir qu’il a été commandé par l’observatoire français de la ville au mois de janvier 2007 et réalisé par la société TNS-Sofres. Le titre de ce sondage « les français et leur habitat : perceptions de la densité et des formes d’habitat » montre qu’il rentre parfaitement dans le cadre de notre étude. La méthodologie et ses faiblesses surtout sont plus explicités en annexe 5. Dans ce sondage, on remarque que certaines données nous renseignent directement sur cette distorsion entre densité réelle et vécue. Les grands ensembles sont vus comme des espaces très denses et une densité bâtie proche de 0.75 alors que l’habitat haussmannien se situe plus vers 4,5
une densité bâtie proche de 0.75 alors que l’habitat haussmannien se situe plus une densité bâtie proche de 0.75 alors que l’habitat haussmannien se situe plus vers 4,5 (Moulinié C. et Naudin-Adam M, 2005, 1. Les repères historiques). L’habitat haussmannien est six fois plus dense en terme de bâti que le modèle « grand ensemble » alors qu’il est perçu dans l’étude comme le modèle le moins dense de l’habitat collectif. On peut aussi noter le lien entre densité perçue et insécurité, peut-être spécifique à la situation française. En effet, les grands ensembles sont historiquement habités par des personnes aux revenus relativement modestes et souvent pointés du doigt dans les médias pour des problèmes d’insécurité. L’assimilation densité-insécurité est alors vite injustement établie et la promiscuité difficile à vivre dans les esprits relève peut-être plus d’une « promiscuité sociale » (Duhayon, Pages, Prochasson, 2002) que d’une promiscuité physique.
Conclusion
A travers ce petit essai, nous avons essayé de définir précisément la densité en voyant finalement qu’on ne pouvait pas parlé d’une densité mais de plusieurs densités. Nous avons abordé ses définitions physiques, objectives mais aussi celles plus subjectives, liées à la perception des individus, au vécu des espaces. Nous avons inscrit notre analyse sur l’axe des temps et donné les principales clés de lecture pour comprendre les liens très étroits qui existent entre notre sujet d’étude - la densité en urbanisme - et les grands enjeux de société. La question de la densité, plus qu’une question de formes semble être une question de modes de vie. L’enjeu majeur pour la société d’aujourd’hui et de demain est de se prononcer sur un mode de vie souhaité, la question de la densité sera alors au cœur du débat. Les avis diffèrent, les idéologies associées aussi, la bataille promet d’être rude. La question qu’on peut se poser maintenant, c’est la question des règles qui vont encadrées ce débat. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé (discours analytique des modernistes), on a vu que de nouvelles pratiques voyaient le jour comme la maîtrise d’usage (Hennin) ou plus généralement la démocratie participative. Comment, élus, professionnels de la ville (architectes, urbanistes, …) et société civile vont-ils réussirent à dialoguer, comment vont évoluer les processus de prise de décision afin d’atteindre un niveau de satisfaction élevé pour tous les acteurs du débat ? C’est une réponse que la société devra trouver, l’acceptabilité sociale de la ville du futur est en jeu.
Bibliographie
Bacqué, M.H., Rey H. et Sintomer Y. (dir.). 2005. Gestion de proximité et démocratie participative. Une
perspective comparative. Paris : La Découverte, 314 pages.
Bevort, A. 2002. Pour une démocratie participative. Paris : Presses de Science po, Coll. La bibliothèque du
citoyen, 130 pages.
Downs A. 1998. The costs of sprawl and alternatives forms of growth, CTS Transportation Research
Conference,Mi nneapo li s .
Duany, A., Plater-Zyberk, E. et Speck, J. 2000. Suburban Nation : The Rise and Decline of the American
Dream. New York : North Point Press.
Duhayon Jean Jacques, Pages Adeline, Prochasson François. 2002. La densité : Concept, exemples et mesures.
CERTU, 88 pages.
Économie de l’aménagement. 2008. Dossier Premier Plan du journal d’information du PUCA, n°16,
janvier-juin.
Fischler, Raphael. 2000. Planning for social betterment : from standard of living to quality of life», tiré de R. Freestone, Urban planning in a changing world : the twenthieth century experience, E&FN Spon, pp 139- 157.
Fouchier, Vincent. 1997a. Des fortes densités urbaines. Les villes nouvelles dans l’espace métropolitain. Thèse
d’État en urbanisme réalisée sous la direction du Pr. Pierre Merlin, Université de Paris VIII.
Fouchier, Vincent. 1997b. Les densités urbaines et le développement durable. Le cas de l’Ile-de- France et des
villes nouvelles. Paris : Éditions du SGVN.
Quincerot, Richard. 2005. Densifier la ville : incantation, volontarisme ou tendance lourde ?Revue
Urbanisme / hors série n° 24 - mars-avril.
Hennin, Jean Marie.http://ww w.mai tri s edus age.eu
Lacaze J.P. 1995. Introduction à la planification urbaine. Paris : Presses de l'ENPC
Mangin, David et Panerai, Philippe. 2002. Projet Urbain. Marseille : Éditions Parenthèses, 186 pages.
Mille, Matthieu. 2000. Des densités habitantes aux densités mouvantes : l’exemple de la métropole lilloise.
Cybergeo, Espace, Société, Territoire [en ligne]., article 121. [Consulté le 13/10/08.....Lire la suite sur scribd.com »»»
Le début du 21ème siècle est le siège de nombreux bouleversements dans la société, de l’apparition de nouveaux paradigmes qui amènent aussi bien les citoyens que les professionnels à repenser l’espace urbain, de son mode de fonctionnement jusqu’aux questions d’esthétique et de représentations en passant par les processus contribuant à son élaboration et à sa construction (genèse). Un questionnement sur les fondements épistémologiques de la pratique urbanistique devient dès lors indispensable s’il on veut réussir à adapter la pratique au nouveau contexte. La question de la densité étant transversale à beaucoup de problématiques, elle se retrouve naturellement au cœur d’un nombre important de sujets d’actualité (politiques publiques et outils d’urbanisme règlementaire en France par exemple (loi SRU, SCOT, PLU, …), concept du New Urbanism aux États-Unis (Duany, Plater-Zyberk, 2000), …). Les visions de la densité diffèrent généralement en fonction du statut de la personne interrogée. En général, citoyens et professionnels de la ville ont des visions radicalement opposées sur ce sujet, ce qui n’est pas sans poser de problèmes pour l’élaboration de la ville de demain… Appréhender la notion de densité (« ville compacte1 » vs « ville diffuse » (Secchi)) est un exercice très complexe et souvent très simplifié, même par les professionnels de la ville (Wiel, Orfeuil).
L’objectif de cet élément de réflexion est d’expliciter la notion de densité (ou devrait-on dire des densités) en montrant la riche diversité de ses significations. L’idée très répandue dans le monde professionnel de l’urbain que la densité est la clé de la ville durable semble tellement partagée mais en même temps tellement peu étudiée en détail qu’elle mérite des précisions et une réflexion approfondie (Quincerot, Revue Urbanisme, 2005, p28). Une telle approbation sans remise en question pourrait être très préjudiciable pour l’avenir. Éclaircir le rapport parfois ambigu entre réalité mesurable et perception de la réalité est un premier exercice pour y voir plus clair dans ce débat. Le glissement progressif de la « standardisation des besoins » - donc d’une vision très élitiste de la planification – à une recherche de la « qualité de vie « (Fischler, 2000) prônée par les tenants du « projet urbain » (Mangin, Panerai, 2002) ainsi que l’avènement de la « démocratie participative » (Bacqué, 2005 et Bevort, 2002) nous indiquent qu’un regard nouveau doit être porté sur la question de la densité, un regard qui prenne en considération les perceptions des usagers de la ville.
Les nouveaux enjeux de société (crise du modèle énergétique, développement des préoccupations environnementales, avènement de la pensée de développement durable, accroissement de la mobilité, vieillissement de la population …) seront abordés pour montrer comment chacun d’entre eux peut être analysé sous l’angle de la question de la densité. De quelle manière pouvons-nous renouveler notre regard sur la densité en analysant simultanément l’objet (la ville) et le sujet (citadin), le statique et la dynamique, comment pouvons-nous nous détacher des idées préconçues et mal fondées qui sont légions sur ce thème, comment l’histoire du développement des villes peut nous amener à réfléchir autrement sur les situations actuelles et celles à projeter… Voilà un aperçu du questionnement relatif à la notion de densité qui sera présenté dans cet essai, voilà une partie des éléments de réflexion qui deviendront nécessaires à une bonne compréhension de cette nouvelle grande problématique de société qui se profile.
L’objet de cette partie est de recenser les principales questions de société qui gravitent autour de la densité pour sortir des considérations partisanes propres à l’expert et à l’usager. A chaque fois, nous donnerons une donnée qui invite un questionnement, le cadre de ce travail ne nous permettant pas de développer d’avantage. Dans un souci de clarté, nous effectuerons une distinction de tous les paramètres mais évidemment la grande difficulté de la question est leur combinaison.
Enjeux environnementaux vs démographiques
« De 2003 à 2030, il va se créer une ville d’un million d’habitants toutes les semaines » (ONU-Habitat, 2004). « En parallèle, le taux d’urbanisation ne cesse de croître (29% en 1950, 50% en 2008 et une prévision de 60% en 2030) » (ONU-Habitat, 2004) en privilégiant généralement l’étalement urbain (Downs, 1998 et Schneider, Woodcoc, 2008). Sachant que la majeure partie des villes ont été établies sur des terres arables, il en résulte, par la combinaison de ces facteurs, une diminution significative des surfaces cultivables traditionnelles. La question est alors de savoir comment l’homme va-t-il faire pour nourrir toujours plus de bouches tout en diminuant la superficie de sa terre nourricière. Densifier les villes pour épargner les terres qui nous nourrissent est souvent un argument développé, la discussion est encore ouverte. De même pour la question de l’eau en rapport avec la densité, elle se pose surtout avec le risque inondation (l’approvisionnement étant plus un problème de positionnement géographique). La densité est souvent assimilée avec le bétonnage des terres. La question du ruissellement des eaux de pluie et la gestion du risque inondation devenant un problème majeur pour bon nombre de métropoles. Concilier densification et gestion du risque inondation n’est pas insolvable mais nécessite tout de même des réflexions importantes en amont des projets. Une réflexion est alors nécessaire sur la densité du bâti mais aussi sur la densité végétale des villes.
Enjeux économiques
Il est très difficile d’évaluer la création de valeur et de richesses directement liée à un aménagement. « Quand on parle de valeur, c’est toute la question de l’évaluation des externalités qui est posée, vaste champ de l’analyse économique. [Il faut alors prendre] en compte des externalités environnementales » (PUCA, 2008) et sociales qu’il faut évaluer. « Focalisées sur les cycles de la décision publique, les analyses articulent mal les temps courts (de la décision d’investissement et de l’annualité budgétaire) et les temps longs (de la gestion, du patrimoine, de la ville…) » (PUCA, 2008). Afin de bien estimer les avantages/inconvénients de la densification des territoires, il paraît indispensable que des études économiques de ce type soient réalisées en amont mais aussi en aval des opérations, que le coût global d’une opération soit regardé avec autant d’intérêt sinon plus que le seul coût d’investissement.
L’enjeu de la mobilité. Voir annexe 6 et 7
« Le rythme de croissance annuel [des déplacements] est de près de 4% depuis une vingtaine d’années [en France], nettement plus élevé que la croissance économique » (Orfeuil, 2004, p3). L’enjeu de la mobilité est un enjeu transversal. On est entré dans un monde de mobilité croissante et il alors important de se poser les questions de l’impact de ses déplacements sur l’environnement en général (dépenses énergétiques, impacts environnementaux, …). La ville-automobile telle qu’on la connaît est très énergivore et à des impacts importants sur l’environnement (dégagements de CO2, NOx, particules, …), connaissant le lien direct entre modes de transport et densité (annexe 4), se reposer la question de notre mobilité ne peut se faire qu’en se questionnant aussi sur la densité bâtie et la structure viaire qui lui est associée ; dans certains secteurs de ville, l’automobile y est devenue « une nécessité, et non plus un choix » (Newman & Kenworthy, 1998, p. 28). Concernant la mobilité, il convient d’analyser aussi bien les bienfaits de la densité de bâti (« accessibilité et compétitivité-temps relative des modes de transport (Pouyanne. 2004, p54) que la « congestion » induite (Fouchier, 1997a, p. 164)). L’indice de densité d’activité humaine peut donner un éclairage intéressant à ce niveau, il sera développé par la suite.
Enjeux sociaux et sociétaux (vieillissement, précarité, santé, …)
En France, « à l’horizon 2050, selon l’INSEE, le nombre de personnes de plus de 60 ans pourrait quasiment doubler par rapport à 2000, celui des personnes de 75 ans tripler (pour atteindre 11,6 millions) et enfin le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus, potentiellement concernées par une perte d’autonomie voire de dépendance, pourrait être multiplié par quatre (1,3 million en 2000 et 4,8 millions en 2050). […]L’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes à l’horizon 2040 pourrait atteindre 1,2 million, soit une hausse de 43% » (PUCA, 2006). A la lumière de ces données, on comprend aisément l’ampleur de la tâche à accomplir afin de permettre à ces « nouveaux » usagers un accès adapté à la ville. Pour que la ville ne leur soit pas interdite, il va falloir dès aujourd’hui, prendre en compte leurs spécificités à savoir le manque d’autonomie et donc le besoin d’un accès facilité à un grand nombre de services, … Densité et vieillissement, voilà encore un sujet à approfondir.
Francis Beaucire mentionne « le prix de l'énergie [qui] est [selon lui] à la base de l'ensemble du système réseaux-mobilité-dispersion. Or, on situe autour de 2015 le pic de la consommation d'énergie fossile. C'est dire que la question de la densité va se reposer très vite sur des bases différentes » (Quincerot. 2005), l’ « accès plus équitable aux ressources urbaines » (Pouyanne, 2004, p66), le prix du sol versus les coûts de transport pour des jeunes qui subissent des situations toujours plus précaires par exemple. Des enjeux de société comme celui de la précarité de certaines couches de la population peuvent donc aussi être mise en relation avec la question de la densité.
Enjeux culturels
Certains, comme Pouyanne, pensent qu’ »il y a une impossibilité logique à conformer les densités élevées à l’idéal de la maison individuelle. La compacification reviendrait donc à imposer des choix non désirés aux consommateurs, ce qui est rejeté par certains auteurs comme étant un diktat insupportable » (Pouyanne, 2004, p72). Peut-on, en tant qu’urbaniste, proposer un modèle qui ne réponde pas aux attentes premières des habitants ? Devons-nous répondre aux attentes actuelles ou bien améliorer l’offre existante, car ce choix n’est peut-être que la conséquence d’une offre insatisfaisante d’espaces urbains adaptés ?
Après avoir esquissé l’importance de la notion de densité dans notre approche de la ville de demain, il convient d’amorcer la réflexion majeure de ce travail, à savoir comment aborder la densité pour que professionnel et citoyens puissent enfin se parler avec le même vocabulaire.
2.1. Les principaux indicateurs de densité et les outils règlementaires
Coefficient d’Occupation des Sols (COS), Coefficient d’Emprise au Sol (CES), Densité Bâtie (DB), densité de population, densité résidentielle, densité d’emploi, « densité d’activité humaine » (Fouchier, 1997), le plafond réglementaire et la densité végétale sont tous des indicateurs de densité. Il s’agit ici d’identifier les densités mesurables qui permettent la définition d’un langage commun au sein du monde des praticiens de la ville. Seul un langage commun permet la confrontation d’idées et par conséquent l’évolution des connaissances dans le domaine, c’est pourquoi bien que ces indicateurs ne retransmettent que partiellement la notion de densité, ils ont une nécessité certaine dans notre champ de pratique. Avant de décrire tous ces indicateurs, il semble nécessaire de faire un point sur la définition de la densité. En physique par exemple, la densité d’un liquide est le rapport entre la masse d'un certain volume d'un corps et celle d'un volume d'eau dans des conditions de pression et de température préalablement définies. En urbanisme, la densité se détache de la définition précédente dans la mesure où l’on ne fait pas de lien entre deux entités (on ne compare pas une densité d’une ville à une autre ville qui serait toujours la référence), la notion de densité dans notre cas est plus proche de la définition de la masse volumique. En effet, la masse volumique est le rapport entre la masse d’un élément et son volume. Si on généralise cette définition, on peut dire que c’est le rapport entre une donnée mesurable quelle qu’elle soit et une donnée.
elle aussi mesurable mais qui indique soit une distribution spatiale (dans ce cas ce sera une unité de longueur, de surface ou de volume), on parlera alors le plus souvent d’habitants/km², d’emplois/ha ou encore de logements/ha, soit une distribution temporelle (une valeur ou un intervalle de temps).
Pour compléter ces indicateurs, on peut en ajouter un qui s’appelle densité végétale. « La densité végétale est calculée par télédétection à partir d’une image satellitaire qui repère les masses végétales en volume et en qualité. Cet indicateur de l’environnement végétal ne différencie pas la végétation des espaces publics de celle des espaces privés. Il prend en compte l’ensemble des espaces verts qui participent à l’ambiance générale d’un secteur » (Moulinié C. et Naudin-Adam M, 2005, 2. Les indicateurs de densité).
Nous venons de présenter les indicateurs les plus utilisés dans le milieu professionnel urbanistique (voir annexe 1). La liste n’est pas exhaustive car « il existe presque autant d’indicateurs que d’acteurs ou d’usagers de l’espace » (Moulinié C. et Naudin-Adam M, 2005, 2. Les indicateurs de densité). Ces indicateurs permettent d’avoir une certaine idée de la réalité en place mais ce ne sont pas ceux-ci qui sont utilisés par les pouvoirs publics dans ce qu’on appelle l’urbanisme règlementaire (annexe 2), c’est-à-dire la pratique des collectivités publiques qui consiste à règlementer l’usage du sol et à planifier son développement. On remarquera que ces outils balayent d’un revers de main tout ce qu’on vient de voir auparavant et se concentrent uniquement sur le cadre bâti.
L’outil règlementaire par excellence est le COS (Coefficient d’Occupation des Sols). Ce dernier renseigne juste sur la surface de plancher que l’on peut construire sur une parcelle donnée. En aucun cas, la morphologie ne rentre en jeu (voir annexe 8). Ensuite, on définit ce qu’on appelle un CES (Coefficient d’Emprise au Sol). Ici, l’idée est de contrôler la surface qu’a le droit de prendre le bâtiment vis-à-vis de la surface totale de la parcelle. C’est le rapport à la terre. Enfin, on peut parler de la Densité Bâtie qui est un indicateur plus complet parce qu’il prend en compte la distribution du bâtiment sur la surface (avec le CES) mais aussi dans l’espace volumétrique (avec la hauteur moyenne). Cet outil donne renseignement plus proche de la perception d’un quartier, contrairement au COS qui est un indicateur sur ce qui peut être fait, la densité bâtie mesure ce qui existe déjà. En passant en revue tous les outils qui servent aux collectivités locales à encadrer l’occupation du sol et donc le développement physique de la ville, on se rend compte qu’on prend toujours une photographie, qu’on travaille sur des plans, sur des objets statiques alors qu’on sait très bien que ce qui fait la force et la richesse de la ville, c’est son perpétuel mouvement. Il est donc important de prendre en compte la dynamique urbaine, c’est ce dont nous allons parler dans une deuxième partie.
2.2. De la densité statique à la densité dynamique
Dans un deuxième point, nous tenterons d’analyser le glissement d’une mesure de la densité statique à une mesure de la densité dynamique. Afin d’affiner un peu plus la notion de densité, il convient de prendre en compte l’existence d’une mobilité des acteurs du théâtre urbain. L’idée ici étant de sortir du cadre bâti et de se rapprocher de la réalité en étudiant les flux intrinsèques à la vie de la cité (migrations pendulaires, activité touristique, marchande, commerciale,…). Nous sommes entrés dans une société de mobilité et à ce titre « les liens intangibles entre les lieux de vie se sont alors progressivement disloqués au profit d’une perception temporelle des espaces. Il en résulte des fluctuations quotidiennes sensibles des fluctuations quotidiennes sensibles des densités au sein des espaces urbains.
Tout à l’heure, nous avons évoqué un indicateur d’activité humaine. Ce dernier est un premier pas dans la construction d’outils de mesure de la densité dynamique car il prend en compte le lieu de résidence et le lieu de travail, deux cadres spatiaux de la vie du citoyen qui nécessitent le plus souvent un déplacement. Cet indicateur renseigne sur la pratique de l’espace dans le temps (par exemple on sait que les quartiers d’affaire vivent mal les soirs et week-end, avec cet indicateur, on est capable de savoir combien il y a de personnes résidantes, combien il y a de travailleurs et donc on est déjà mieux renseigné sur la densité de mouvement et d’activité présente sur cet espace). Certaines agences d’architecture-urbanisme tentent de saisir cet aspect de la densité, ainsi l’atelier Combarel-Marrec tente d’évaluer l’impact de ses projets sur l’intensité urbaine et ce, à plusieurs moments de la journée (Annexe 3).
L’étude de la densité dynamique permet de mieux cerner la problématique de densité mais nous invite à continuer la réflexion en s’appuyant cette fois-ci non plus sur des données physiques (et donc facilement mesurables) mais sur des donnés beaucoup plus difficiles à récolter et à maîtriser à savoir le ressenti d’une population car il ne faut pas oublier que l’urbaniste fait la ville non pas pour lui mais pour les citadins et donc s’il parle de densité dans ses projets, il doit avoir en tête ce que veut dire ce mot dans la tête des personnes directement affectées par ses choix. Parallèlement, on sait d’après les travaux de Fischler que la prise en compte de la qualité de vie est devenue un aspect important dans l’élaboration des projets tout comme la participation citoyenne selon Bacqué. Le traitement de la question doit donc dépasser le cercle des experts et se rapprocher de l’usager pour prendre en compte après la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, ce que Jean-Marie Henin appelle la maîtrise d’usage.
3. Analyse de la densité du point de vue subjectif
3.1. Notion de densité perçue ou vécue
Pourquoi et comment prendre en considération le ressenti d’une population vis-à-vis de la densité? Il s’agit ici d’étudier le lien entre densité et citoyen et non plus entre densité et cadre physique de la ville. L’idée est de se rapprocher de l’individu pour analyser sa perception de l’espace urbain, sa perception de son cadre de vie. L’urbanisme participe à la construction du cadre de vie, il a pour mission d’améliorer les conditions de vie, le confort mais « l’appréciation subjective d’un confort […] dépend de la pratique du lieu autant que du lieu, sinon de la personne » (Wiel, 2006). Finalement, c’est autant le mode de vie que la qualité urbaine du lieu et le rapport affectif de chacun envers ce lieu qui rendra la densité en place stimulante ou bien oppressante. Les facteurs psychosociologiques ou la « densité psychosociale liée à la perception et au vécu des espaces » (Lacaze, 1995) sont à prendre en compte. En effet, chaque personne à un parcours résidentiel propre et a vécu des expériences plus ou moins heureuses dans chacun des lieux où elle est passée. La relation entre expérience vécue et sensation envers un lieu semble être un point sur lequel on peut insister. Certains se rappellent de l’endroit où ils ont donné leur premier baiser ou bien où ils ont rencontré leur partenaire, ce lieu n’est peut-être pas extraordinaire pour le commun des mortels mais pour la personne en question, il est chargé d’émotion et joui d’une perception souvent très positive. Il en va de même avec la perception de la densité. Pour ce qui est du rapport à la densité, l’expérience est importante mais la philosophie de vie et le mode de vie que l’on décide de suivre jouent un rôle aussi prépondérant. Les facteurs individuels comme l’âge, le sexe et le bagage socioculturel entrent aussi en jeu. Plus l’âge de la personne est avancé, plus ses expériences sont nombreuses et plus ses attentes sont généralement précises en terme de cadre de vie, contrairement à un enfant ou à un adolescent qui de toute manière est un peu contraint de vivre dans l’endroit où ses parents ont décidé de le faire grandir. Le sexe de l’individu est aussi un facteur déterminant dans la mesure où la pratique de l’espace est différente.
« V. Fouchier distingue la « densité perçue sociale », faisant référence à la présence d’un grand nombre de personnes dans un espace, et la « densité perçue non sociale » renvoyant à la perception du cadre de vie sans tenir compte de la présence humaine (la perception de la densité bâtie pouvant, par exemple, paraître forte si les bâtiments sont très rapprochés) » (Sangouard, 2008, p11), les deux approches semblant très étroitement liés même s’il serait intéressant d’avoir une étude plus approfondie à ce sujet. On peut par exemple se sentir agressé par des formes urbaines (bâtiments trop hauts ou rues trop étroites) mais aussi par une présence sociale (grande foule ou au contraire peu de monde, une population très marquée ethniquement peut aussi rendre mal à l’aise certaines personnes non habituées à ce type de confrontation). La sous-partie qui suit montre à travers un sondage à quel point réalité et perception peuvent être différentes. Bien que le sondage ne soit pas un instrument des plus scientifiques, en prenant toutes les précautions nécessaires, ce dernier permet de nous donner un premier éclairage sur ce décalage.
3.2. Quelques exemples de perceptions
Cette partie a pour objectif d’élargir notre champ de vision traditionnel centré sur les données physiques pour intégrer aussi le point de vue de l’acteur principal, le citoyen. Pour affiner le jugement, nous faisons en fait ce qu’on appelle en littérature un changement de point de vue, on passerait d’un point de vue externe (où l’urbaniste fonde son action uniquement sur ce qu’il est capable de voir et d’entendre) à un point de vue interne (où on irait chercher dans une personne ou un groupe social une « expertise » citoyenne du quotidien qui nous permettrait d’appréhender d’autres éléments propres aux ressentis des populations et donc par la même occasion de remettre en question notre jugement et notre pratique). A propos du sondage, il faut savoir qu’il a été commandé par l’observatoire français de la ville au mois de janvier 2007 et réalisé par la société TNS-Sofres. Le titre de ce sondage « les français et leur habitat : perceptions de la densité et des formes d’habitat » montre qu’il rentre parfaitement dans le cadre de notre étude. La méthodologie et ses faiblesses surtout sont plus explicités en annexe 5. Dans ce sondage, on remarque que certaines données nous renseignent directement sur cette distorsion entre densité réelle et vécue. Les grands ensembles sont vus comme des espaces très denses et une densité bâtie proche de 0.75 alors que l’habitat haussmannien se situe plus vers 4,5
une densité bâtie proche de 0.75 alors que l’habitat haussmannien se situe plus une densité bâtie proche de 0.75 alors que l’habitat haussmannien se situe plus vers 4,5 (Moulinié C. et Naudin-Adam M, 2005, 1. Les repères historiques). L’habitat haussmannien est six fois plus dense en terme de bâti que le modèle « grand ensemble » alors qu’il est perçu dans l’étude comme le modèle le moins dense de l’habitat collectif. On peut aussi noter le lien entre densité perçue et insécurité, peut-être spécifique à la situation française. En effet, les grands ensembles sont historiquement habités par des personnes aux revenus relativement modestes et souvent pointés du doigt dans les médias pour des problèmes d’insécurité. L’assimilation densité-insécurité est alors vite injustement établie et la promiscuité difficile à vivre dans les esprits relève peut-être plus d’une « promiscuité sociale » (Duhayon, Pages, Prochasson, 2002) que d’une promiscuité physique.
Conclusion
A travers ce petit essai, nous avons essayé de définir précisément la densité en voyant finalement qu’on ne pouvait pas parlé d’une densité mais de plusieurs densités. Nous avons abordé ses définitions physiques, objectives mais aussi celles plus subjectives, liées à la perception des individus, au vécu des espaces. Nous avons inscrit notre analyse sur l’axe des temps et donné les principales clés de lecture pour comprendre les liens très étroits qui existent entre notre sujet d’étude - la densité en urbanisme - et les grands enjeux de société. La question de la densité, plus qu’une question de formes semble être une question de modes de vie. L’enjeu majeur pour la société d’aujourd’hui et de demain est de se prononcer sur un mode de vie souhaité, la question de la densité sera alors au cœur du débat. Les avis diffèrent, les idéologies associées aussi, la bataille promet d’être rude. La question qu’on peut se poser maintenant, c’est la question des règles qui vont encadrées ce débat. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé (discours analytique des modernistes), on a vu que de nouvelles pratiques voyaient le jour comme la maîtrise d’usage (Hennin) ou plus généralement la démocratie participative. Comment, élus, professionnels de la ville (architectes, urbanistes, …) et société civile vont-ils réussirent à dialoguer, comment vont évoluer les processus de prise de décision afin d’atteindre un niveau de satisfaction élevé pour tous les acteurs du débat ? C’est une réponse que la société devra trouver, l’acceptabilité sociale de la ville du futur est en jeu.
Bibliographie
Bacqué, M.H., Rey H. et Sintomer Y. (dir.). 2005. Gestion de proximité et démocratie participative. Une
perspective comparative. Paris : La Découverte, 314 pages.
Bevort, A. 2002. Pour une démocratie participative. Paris : Presses de Science po, Coll. La bibliothèque du
citoyen, 130 pages.
Downs A. 1998. The costs of sprawl and alternatives forms of growth, CTS Transportation Research
Conference,Mi nneapo li s .
Duany, A., Plater-Zyberk, E. et Speck, J. 2000. Suburban Nation : The Rise and Decline of the American
Dream. New York : North Point Press.
Duhayon Jean Jacques, Pages Adeline, Prochasson François. 2002. La densité : Concept, exemples et mesures.
CERTU, 88 pages.
Économie de l’aménagement. 2008. Dossier Premier Plan du journal d’information du PUCA, n°16,
janvier-juin.
Fischler, Raphael. 2000. Planning for social betterment : from standard of living to quality of life», tiré de R. Freestone, Urban planning in a changing world : the twenthieth century experience, E&FN Spon, pp 139- 157.
Fouchier, Vincent. 1997a. Des fortes densités urbaines. Les villes nouvelles dans l’espace métropolitain. Thèse
d’État en urbanisme réalisée sous la direction du Pr. Pierre Merlin, Université de Paris VIII.
Fouchier, Vincent. 1997b. Les densités urbaines et le développement durable. Le cas de l’Ile-de- France et des
villes nouvelles. Paris : Éditions du SGVN.
Quincerot, Richard. 2005. Densifier la ville : incantation, volontarisme ou tendance lourde ?Revue
Urbanisme / hors série n° 24 - mars-avril.
Hennin, Jean Marie.http://ww w.mai tri s edus age.eu
Lacaze J.P. 1995. Introduction à la planification urbaine. Paris : Presses de l'ENPC
Mangin, David et Panerai, Philippe. 2002. Projet Urbain. Marseille : Éditions Parenthèses, 186 pages.
Mille, Matthieu. 2000. Des densités habitantes aux densités mouvantes : l’exemple de la métropole lilloise.
Cybergeo, Espace, Société, Territoire [en ligne]., article 121. [Consulté le 13/10/08.....Lire la suite sur scribd.com »»»