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L'interdiction du foulard à l'école contestée au Kosovo Par Reuters

Halil Kastrati s'habille à l'occidentale et dit admirer l'Occident. Mais ce Kosovar de 35 ans, titulaire d'un diplôme d'études islamiques obtenu à Damas affirme que les musulmans du Kosovo pourraient recourir à la violence s'ils n'obtiennent pas l'abrogation d'un règlement interdisant le port du foulard à l'école.

Le 18 juin, il a organisé un rassemblement de 5.000 femmes voilées, accompagnées de quelques hommes barbus, pour protester contre l'exclusion de l'école de quelques collégiennes coiffées d'un foulard islamique.

Cette manifestation était très inhabituelle au Kosovo, dont les deux millions d'habitants sont à 90% musulmans mais peu pratiquants.
"On aura recours à tous les moyens pacifiques pour atteindre notre objectif à moins qu'ils ne nous contraignent à agir autrement", promet Kastrati, marié à une chrétienne qui s'est par la suite convertie à l'Islam.

"En l'absence d'une solution, nous pourrions organiser des manifestations violentes ou même bloquer des routes", prévient-il dans un entretien accordé à Reuters dans son bureau décoré de drapeaux américain, britannique et de l'Otan.

Le ministère kosovar de l'Education a interdit à la fin de l'an dernier le foulard islamique dans les écoles élémentaires et secondaires, provoquant un débat animé sur les libertés religieuses dans le pays, ancienne province serbe qui a proclamé son indépendance il y a deux ans.

"Cette décision est conforme à la Constitution du pays", affirme le ministre de l'Education, Enver Hoxhaj, en rappelant que le Kosovo est un "Etat laïque et neutre en matière de croyances religieuses".

"S'il y a des citoyens qui pensent que notre décision n'est pas conforme à la Constitution, ils n'ont qu'à saisir la Cour constitutionnelle et nous nous conformerons à sa décision", ajoute-t-il.

Pour les observateurs, le Kosovo a tenu à interdire explicitement le foulard à l'école pour assurer le respect de sa Constitution et souligner son appartenance à l'Occident et son aspiration à adhérer à terme à l'Union européenne et à l'Otan.
Jahja Drançolli, professeur de religion à l'université de Pristina, estime qu'autoriser le foulard saperait l'identité du Kosovo où 70% des musulmans ne sont pas pratiquants.

"Ils peuvent porter ces uniformes chez eux ou sur des sites religieux, mais pas dans les écoles ou les universités. Ces gens sont manipulés par différents pays et organisations à des fins diverses", dit Drançolli.

"Compte tenu de la tolérance religieuse au Kosovo, je ne vois pas cette société devenir violente", ajoute-t-il.

La plupart des Albanophones du Kosovo sont, comme ailleurs dans les Balkans, devenus musulmans sous l'empire Ottoman qui a encouragé les conversions en imposant de lourdes taxes aux non-musulmans.

Mais beaucoup d'entre eux ont continué de pratiquer le christianisme en secret, ce qui leur a valu le surnom de "catholiques cachés". Aujourd'hui, la plupart des musulmans du Kosovo ne considèrent pas la religion comme un élément vital de leur identité.

Certains d'entre eux, comme Adelina Berisha, 19 ans, étudiante en sociologie à l'université de Pristina, où le foulard est autorisé, souhaitent pouvoir arborer en public ce signe religieux.

"Dans notre classe, nous sommes quatre jeunes filles à porter le foulard et nous n'avons aucun problème avec les autres étudiants. Mais on est mécontentes parce que nos soeurs n'y sont pas autorisées dans les écoles élémentaires et secondaires", dit Berisha, couverte d'une longue robe ne laissant apparaître que son visage et ses mains.

En Albanie, où 70% de la population est musulmane, les foulards sont aussi interdits dans les écoles élémentaires et secondaires mais autorisés à l'université. Celles qui souhaitent porter le foulard doivent fréquenter des écoles privées.

En Bosnie, où les musulmans constituent le groupe ethnique le plus important, le foulard est autorisé tant dans les écoles qu'à l'université. Cela a attiré à Sarajevo de nombreuses jeunes femmes venues de Turquie et d'autres pays pour étudier dans des universités à financement turc.

Avec Benet Koleka à Tirana et Daria Sito-Sucic à Sarajevo, Nicole Dupont pour le service français