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Histoire - La guerre de Trente Ans et ses conséquences pour l'Allemagne

Conflit dans lequel se trouvèrent engagés de façon continue ou momentanée, entre 1618 et 1648, la plupart des Etats d'Europe, et dont les principaux théâtres d'opérations furent l'Allemagne et l'empire des Habsbourg.

La guerre de Trente Ans ne fut pas seulement la dernière guerre de religion qui mit aux prises catholiques, luthériens et calvinistes dans toute l'Europe centrale et occidentale, et ce n'est que par commodité que l'on divise en général ce conflit en une série de guerres où jouèrent successivement le rôle principal l'Electeur palatin, le Danemark, la Suède, et enfin la France. Phénomène complexe, remarquable par sa durée, la guerre de Trente Ans marqua le passage des derniers Etats de type médiéval - ceux d'Allemagne, dont la structure en 1618 était encore caractéristique du Moyen Age - à ce que l'on appelle les Temps modernes. L'Allemagne, qui constitua le principal champ de bataille que dévastèrent les armées des puissances en conflit, fut également la principale perdante des traités de Westphalie, qui mirent fin à la guerre.

Le Saint Empire à la veille de la guerre
Les principaux théâtres d'opérations de la guerre de Trente Ans furent situés dans le Saint Empire. Les caractères particuliers de cette grande puissance permettent de préciser le contexte du conflit et d'en comprendre les particularités.

Un Empire médiéval
La structure du Saint Empire romain de nation germanique, fort complexe, restait, au début du XVII siècle, marquée par la féodalité : l'Empire regroupait environ trois cent cinquante Etats et princes - laïcs ou ecclésiastiques -, dont certains ne possédaient que d'infimes territoires ; l'Allemagne était ainsi morcelée en fiefs que ne pouvait réunir aucune perspective commune - la conscience d'appartenir à une même «nation germanique» n'existait que lorsqu'un péril extérieur menaçait l'Empire. Les princes, évêques ou abbés cherchaient chacun à s'étendre aux dépens de leurs voisins. Or, tout autour de cette nébuleuse de principautés, les grands Etats européens étaient pour la plupart entrés dans l'ère moderne : la France et l'Angleterre avaient été les premiers Etats centralisés d'Europe, bientôt rejoints par l'Espagne et les pays scandinaves ; à l'est du Saint Empire, la Pologne était une monarchie élective, tandis que la Moscovie apparaissait encore comme fort lointaine.

L'empereur et ses vassaux
A l'intérieur même du Saint Empire, l'on rencontrait une grande variété de positions par rapport au pouvoir de l'empereur : sept princes avaient le pouvoir d'élire l'empereur - les Electeurs -, tandis que l'immense majorité des autres n'étaient représentés qu'au sein de la Diète, dont le pouvoir effectif était faible ; certains princes ne relevaient de l'empereur que pour une partie seulement de leurs possessions, tandis qu'ils étaient souverains en dehors, tel le roi de Danemark, également duc de Holstein et donc vassal de l'empereur ; les villes libres, pour leur part, relevaient directement de l'empereur. Les différences entre les princes étaient donc inscrites dans la structure même de l'Empire, et ne dépendaient pas que de leur puissance politique ou militaire. Enfin, les territoires de la famille impériale des Habsbourg s'imbriquaient dans et au dehors de l'Empire. Ainsi, il ne faut pas confondre le Saint Empire avec l'Allemagne, qu'il englobe et dépasse, ni avec la maison des Habsbourg de Vienne.

Les Habsbourg, remparts du catholicisme
L'empereur, qui est presque toujours un Habsbourg, règne en effet également à l'extérieur de l'Empire - en Hongrie -, et il jouit, de plus, du titre d'Electeur - comme roi de Bohême, il est en effet Electeur de Bohême et participe donc à sa propre élection ; il est ainsi de beaucoup le plus puissant de tous les princes d'Empire. Par la position géographique de ses possessions - notamment Autriche et Hongrie -, il apparaît comme le dernier rempart de l'Europe occidentale face à la puissance turque. Enfin, étant le cousin du roi d'Espagne, les Habsbourg de Vienne comme ceux de Madrid sont les champions du catholicisme face aux protestants et aux musulmans.

Les origines du conflit
Multiples, les origines de la guerre de Trente Ans se chevauchent, en se renforçant parfois ou en s'opposant ; on ne saurait comprendre cette suite de désolations qui ruina l'Allemagne sans tâcher d'en saisir les causes essentielles.

La paix d'Augsbourg (1555)
Avant l'abdication de Charles Quint, les princes luthériens avaient obtenu, par la paix d'Augsbourg (1555), l'application du principe selon lequel la religon du prince s'imposait à ses sujets ; en outre, les sécularisations de biens du clergé antérieures à 1552 furent reconnues.

Une situation religieuse conflictuelle
Cependant, malgré le nombre croissant de calvinistes - y compris chez les princes, tel l'Electeur palatin -, seuls les luthériens étaient tolérés ; le légat du pape, qui avait cherché à faire interdire le calvinisme, se heurta aux luthériens, malgré l'antipathie de ceux-ci pour la religion genevoise. D'autre part, les princes luthériens continuaient à s'emparer des propriétés ecclésiastiques, en contradiction avec la clause du réservat qui le leur interdisait. Le protestantisme continua ainsi de réaliser de grands progrès dans les Etats des Habsbourg, surtout en Bohême. De leur côté, les catholiques réagirent, notamment les jésuites, qui fondèrent des écoles et réussirent, par leurs prédications, à gagner la confiance de quelques princes allemands - le père Lamormain, un jésuite qui souhaitait une application stricte des décrets tridentins, fut longtemps le directeur de conscience de l'empereur Ferdinand II, qu'il poussa à refuser les compromis. Les questions religieuses ne jouèrent cependant un rôle essentiel que dans la mesure où chaque Etat devait adhérer de fait à la religion de son prince, et parce que les protestants pouvaient s'emparer des évêchés catholiques.

La montée des tensions
En 1608 à Donauwörth, puis en 1609 à propos de la succession du duché de Clèves et Juliers, protestants et catholiques se défièrent et s'organisèrent. L'Union évangélique rassembla une partie des protestants - luthériens et calvinistes - autour de l'Electeur calviniste du Palatinat, et reçut l'appui de la France, tandis que la Ligue regroupa les catholiques autour du duc de Bavière, avec le soutien de l'empereur et de l'Espagne. Seul l'assassinat d'Henri IV, en 1610, empêcha le déclenchement de la guerre.

Quelques années plus tard, ces tensions prirent en Bohême, royaume électif dévolu aux Habsbourg, une tournure particulière. La Bohême avait été la patrie des hussites, qui avaient quasiment disparu mais avaient donné naissance à l'Unité des frères, qui s'était à son tour rapprochée des luthériens. Or, les états de Bohême obtinrent en 1609, de Rodolphe II, la Lettre de majesté, qui reconnaissait une seule Eglise protestante - ce fut celle de la Confession tchèque, à laquelle adhérèrent luthériens et frères -, et instituait un Conseil de dix «Défenseurs de la foi», qui avait le pouvoir de réunir une assemblée et de négocier avec les catholiques.

Après Rodolphe, l'empereur Mathias souhaita maintenir la paix, mais la désignation de son cousin Ferdinand de Styrie - le futur empereur Habsbourg Ferdinand II -, catholique ardent, pour lui succéder, en 1617, puis, au début de 1618, la destruction d'un temple ordonnée sur ses domaines par l'archevêque de Prague poussèrent les Défenseurs de la foi à convoquer une diète le 5 mai, ainsi que le leur autorisait la Lettre de majesté.

La Défenestration de Prague (23 mai 1618)
Le 21 mai, les Défenseurs de la foi reçurent pourtant une lettre du roi leur interdisant de se réunir. Le 23 mai 1618, au palais du Hrad, à Prague, ils rencontrèrent quatre représentants du roi, qu'ils rendirent responsables de la lettre du 21 mai ; deux des représentants, les comtes Martinic et Slavata, ainsi que leur secrétaire Fabricius, furent jetés par une fenêtre - leur chute fut amortie par un tas d'immondices, et ils purent fuir sans être inquiétés. Ainsi, les rebelles jugeaient-ils que le roi était trompé par ses conseillers, et ils ne se soulevaient que par loyalisme envers lui - le processus est similaire à celui des prises d'armes des grands seigneurs en France lors des guerres de religion.

Le 20 mars 1619, la mort de Mathias fit de son héritier, le Habsbourg Ferdinand de Styrie, le nouveau roi de Bohême. Mais les nobles bohémiens refusèrent de se soumettre au Habsbourg, prononcèrent sa déchéance le 19 août, et élirent au trône de Bohême le chef de l'Union évangélique, l'Electeur palatin Frédéric V (26 août 1619) - celui-ci fut couronné le 4 novembre suivant à Prague.

Or, le 28 août 1619, Ferdinand fut élu empereur à Francfort, sous le nom de Ferdinand II - la nouvelle de la déchéance de Ferdinand comme roi de Bohême parvint plus tard à Francfort. Aussi, ce qui, au départ, ne fut qu'une révolte limitée dans l'Empire, déborda vite le cadre régional. Ferdinand II chercha aussitôt à mater la révolte ; il obtint le soutien de son cousin Philippe III d'Espagne, du duc Maximilien de Bavière et de l'Electeur de Saxe.

Les phases de la guerre
Par commodité, il faut tâcher de distinguer plusieurs phases dans la guerre de Trente Ans, mais le découpage traditionnel en guerre palatine, danoise, suédoise et française déforme la réalité.

La guerre en Allemagne
La première phase de la guerre semble strictement allemande ; cependant, les Etats européens s'en préoccupent déjà - l'Angleterre - où y interviennent par des moyens diplomatiques - la France -, voire militaire - l'Espagne.

Du traité d'Ulm à la Montagne Blanche (1620)
Le premier objectif de Louis XIII, souverain catholique aux prises, dans son propre royaume, avec les menées des protestants, fut d'aider les Habsbourg : il proposa une médiation entre les forces en présence, qui aboutit au traité d'Ulm (3 juillet 1620). Luthériens et catholiques se promettaient mutuellement de faire la paix dans tous les territoires du Saint Empire. Ferdinand II, qui ne craignait plus les luthériens, neutralisés par le traité d'Ulm, put ainsi retourner ses forces contre le calviniste Frédéric V, qu'il écrasa à la Montagne Blanche, le 5 novembre 1620 ; Frédéric V prit la fuite.

La déchéance de Frédéric V
Frédéric V fut mis au ban de l'Empire, ses territoires saisis, sa couronne revint au Habsbourg, tandis que les responsables de la défenestration de Prague furent jugés et lourdement condamnés - cinquante-six condamnations à mort, dont vingt-neuf par contumace. Les jésuites furent les maîtres d'œuvre de la reconquête religieuse de la Bohême. Frédéric V perdit sa dignité d'Electeur sans même pouvoir se défendre, ce qui était contraire à toutes les lois ; la dignité électorale fut attribuée au duc de Bavière, le 25 février 1623, en remerciement pour son aide militaire. L'empereur, en abusant ainsi de son pouvoir, s'attira l'hostilité de nombre de princes européens, qui virent là, en outre, une occasion d'agir afin d'affaiblir leurs puissants voisins Habsbourg.

L'attitude de l'Espagne
L'Espagne fut le premier pays européen à s'engager dans la guerre, mais elle le fit de façon marginale. En effet, la trève de Douze Ans conclut avec les Provinces-Unies arriva à son terme en 1621, et la guerre reprit aussitôt. Aussi devint-il vital pour Madrid de pouvoir assurer le cheminement de ses troupes entre ses possessions du Milanais et les Pays-Bas. Les Espagnols occupèrent le Palatinat rhénan, sans rencontrer la moindre résistance. Lorsque Philippe IV succéda à son père, Philippe III, en 1621, il portait avec lui au pouvoir le comte-duc Olivarès, son favori, qui entendait mener une politique internationale énergique, fondée en Europe sur la défense de la foi catholique et le rapprochement avec les Habsbourg de Vienne.

L'entrée des princes protestants dans la guerre
La confusion de la situation et le rôle trouble de l'empereur conduisit certains princes protestants à prendre les armes, notamment le duc de Brunswick et le comte de Mansfeld. Face à eux, les troupes impériales étaient dirigées par Tilly. La guerre qu'ils menaient fut éprouvante pour les régions qu'ils traversaient ; leurs soldats, peu sûrs, se débandaient dès qu'il n'y avait plus d'argent pour les payer, s'adonnant alors au pillage, qui les occupait plus que les opérations militaires. Cependant, Tilly vainquit Brunswick à Stadtlohn (1623)

Un prince d'une autre envergure décida alors d'entrer dans le combat : le roi de Danemark, Christian IV, qui était également duc de Holstein, donc vassal de l'empereur ; le roi de Danemark cherchait à conquérir des évêchés pour les donner à ses deux fils - ceux-ci étaient luthériens, et souhaitaient devenir administrateurs des évêchés de Brême et d'Osnabrück, ce qui leur aurait permis d'en retirer les bénéfices.

L'extension du conflit à l'Europe
L'entrée en guerre du Danemark fit sortir ouvertement le conflit de son cadre allemand. Dans la seconde moitié des années 1620, le conflit politique fut pourtant déterminant : face à un empereur aux velléités absolutistes, qui entreprenait de se donner les moyens de ses ambitions, notamment en créant une armée impériale, les princes protestants et ceux des catholiques inquiets de la politique espagnole tentèrent de faire échec aux tentatives centralisatrices de Vienne et cherchèrent à conserver leur indépendance.

La politique de la France
Au moment où le conflit s'étendait, le roi de France était aux prises avec les protestants - le siège de La Rochelle occupa Richelieu jusqu'à la fin de 1628. Par la suite, la politique extérieure française se fit plus active ; elle visait à contrecarrer les intérêts de l'Espagne en Europe, notamment par des alliances défensives qui lui fermeraient la route entre le Milanais et les Provinces-Unies. De même, la soumission de la Lorraine en faisait un glacis défensif protégeant Paris d'une intervention espagnole.

La politique de Richelieu fut durant toutes ces années marquée par des préoccupations défensives, et non par la recherche des «frontières naturelles de la France» qui l'aurait poussé à s'emparer de la Lorraine, de l'Alsace et du Roussillon. A aucun moment n'apparaît dans les directives de Richelieu une telle volonté expansionniste, et il retarda au contraire l'entrée de la France dans la guerre ouverte.

L'indépendance des princes allemands constituant le meilleur rempart contre la montée en puissance des Habsbourg de Vienne, la France chercha à convaincre les princes catholiques qu'ils avaient les mêmes intérêts que les princes protestants, et qu'ils devaient considérer leur volonté d'indépendance avant leur fidélité à l'empereur. Quant aux princes protestants étrangers (Danois, Suédois) qui intervenaient pour défendre leur foi, il s'agissait de les engager à respecter la religion romaine afin de ne pas s'aliéner les princes catholiques. Au moyen de cette politique complexe, Richelieu escomptait que tous finiraient par secouer la tutelle des Habsbourg.

L'intervention de Christian IV de Danemark (1625-1629)
Christian IV pénétra en 1625 en Allemagne à la tête d'une armée de moins de vingt mille hommes. Plus belliqueux que capable, il se heurta à l'armée de Wallenstein.

Wallenstein
L'empereur, jusqu'au début des années 1620, ne disposait que de l'armée de la Ligue catholique, sous les ordres du condottiere Tilly, ce qui limitait sa marge de manœuvre. En 1625, Wallenstein obtint de l'empereur, qui était son débiteur, de lever vingt mille hommes, contrat confirmé les années suivantes, pour des levées de troupes toujours plus importantes. S'il agissait pour le compte du Habsbourg, Wallenstein sut tirer profit de son armée : en remerciement de ses services, il obtint le duché de Friedland puis, en 1628, celui de Mecklembourg. La nouvelle armée impériale ne respecta pas plus que les autres les habitants des régions qu'elle dévastait ; elle ne fut pas non plus très efficace ; son importance tint surtout au nouveau rôle politique qu'elle permettait à l'empereur de jouer sur la scène européenne.

Les défaites du roi de Danemark
Christian IV fut battu à Dessau en avril 1626 par Wallenstein, puis à Lutter, en Basse-Saxe, le 27 août 1626, par Tilly. L'année suivante, Wallenstein envahit le Jutland, et le roi de Danemark fut contraint de signer la paix à Lübeck le 7 juin 1629. Il promit solennellement de ne plus intervenir dans les affaires du Saint Empire.

L'édit de Restitution (6 mars 1629)
Ferdinand II profita de ses victoires pour imposer l'édit de Restitution, par lequel il reprit aux protestants les biens ecclésiastiques dont ils s'étaient emparés depuis 1552 en contradiction avec la clause du «réservat» de la paix d'Augsbourg, réservat que n'avaient cependant pas signé les luthériens. Ferdinand II estimait inutile de réunir une nouvelle Diète, et se comporta désormais en souverain absolu. En 1630, cependant, sa position s'affaiblit : lors du congrès de Ratisbonne, il n'obtint pas l'élection de son fils comme roi des Romains - ce qui correspondait de fait à une intronisation comme successeur de l'empereur - et dut licencier l'armée de Wallenstein, qui inquiétait les princes catholiques. En revanche, les envoyés de Richelieu avaient échoué à détacher les princes catholiques de l'empereur.

L'épopée de Gustave II Adolphe de Suède (1630-1632)
Le roi de Suède cherchait à étendre son influence sur les rives de la Baltique ; pour cela, il devait briser la puissance impériale retrouvée. Venant d'achever victorieusement une guerre contre la Pologne, Gustave-Adolphe décida d'intervenir en Allemagne. Il reçut le soutien financier de la France : le 23 janvier 1631, par le traité de Bärwald, Louis XIII lui promit des versements annuels de 400'000 écus en échange de son intervention en Allemagne ; Gustave-Adolphe s'engagea à respecter l'exercice du culte catholique et l'indépendance de la Bavière, alliée du roi de France. Le traité fut conclu pour cinq ans.
Génie militaire, chef d'une armée bien équipée et entraînée à des formations tactiques nouvelles - la ligne -, Gustave-Adolphe écrasa Tilly à Breitenfeld le 17 septembre 1631, sillonna en la dévastant l'Allemagne jusqu'en Alsace, et vainquit de nouveau Tilly à Rain en 1632 - le condottiere y trouva la mort. Wallenstein, que l'empereur s'était résigné à rappeler en décembre 1631, fut lui aussi vaincu à Lützen le 16 novembre 1632, mais Gustave-Adolphe fut tué au début de la bataille. L'équilibre militaire s'en trouva bouleversé, même si les successeurs de Gustave-Adolphe, les Suédois Horn et Banér, et Bernard de Saxe-Weimar, démontrèrent de réelles qualités de stratèges.

L'intervention des armées françaises
Les succès de Gustave-Adolphe inquiétèrent Louis XIII et Richelieu : la France ne souhaitait pas voir les Suédois contrôler l'Alsace ; quant aux princes allemands alliés de la France, ils craignaient que le roi de Suède ne cherchât à s'imposer à la tête de l'Empire. Sa mort renversa la situation ; elle laissait à la tête du parti protestant deux princes de moindre envergure : l'Electeur de Saxe - qui négociait secrètement avec Wallenstein - et celui de Brandebourg.

Le danger d'isolement de la France et de la Suède
Le chancelier suédois, Oxenstierna, qui assumait le pouvoir au nom de la fille de Gustave-Adolphe, Christine de Suède, chercha avant tout à maintenir la cohésion des adversaires de l'empereur ; il imposa son autorité auprès de ses alliés allemands lors de la conférence de Heilbronn (1633). Cependant, Richelieu jugeait cette alliance des princes allemands peu sûre, et il ne pouvait envisager un retournement d'alliance, qui aurait laissé la France et la Suède seules face à l'Espagne et au Saint Empir

Nordlingen (6 septembre 1634)
En 1633, Wallenstein, déçu d'avoir été un temps disgracié, se rapprocha des princes protestants, et son comportement devint de plus en plus imprévisible. L'empereur, qui le soupçonnait de trahir, le fit assassiner le 24 février 1634. Gallas et Piccolomini prirent alors la tête de l'armée impériale ; ils infligèrent à Bernard de Saxe-Weimar et à Horn une première défaite à Ratisbonne le 26 juillet suivant, puis, les Impériaux ayant reçu l'aide des Espagnols, ils écrasèrent Saxe-Weimar et les Suédois à Nördlingen (6 septembre 1634).

La déclaration de guerre de la France à l'Espagne (19 mai 1635)
La bataille de Nördlingen avait montré le déséquilibre des forces. Mais Richelieu ne se résolut pas pour autant à céder aux injonctions des Suédois et à entrer immédiatement en guerre. L'état intérieur du royaume ne le permettait pas : les finances étaient calamiteuses ; les troupes étaient mal entraînées et dirigées par de piètres généraux, même si l'armée comptait, en théorie, environ cent cinquante mille hommes, chiffre considérable. Le cardinal s'attacha donc à intensifier l'effort de préparation à la guerre. Il négocia à Paris, le 1 er novembre 1634, une alliance avec les Suédois et les princes de l'Union évangélique - Oxenstierna refusa de ratifier le traité, sans que cela en annulât les effets : occupation de l'Alsace par la France et guerre ouverte avec l'empereur. Un traité d'alliance fut également signé entre la France et les Provinces-Unies le 8 février 1635.

L'empereur menait de son côté une intense action diplomatique visant à s'assurer le soutien de certains princes protestants ; il parvint ainsi à détacher l'Electeur de Saxe de l'alliance française en promettant de suspendre l'édit de Restitution (Préliminaires de Pirna, 24 novembre 1634), puis en signant avec lui la paix de Prague (30 mai 1635).

L'événement qui déclencha l'entrée en guerre de la France fut l'enlèvement, le 26 mars 1635, par les Espagnols, de l'Electeur de Trèves, Philippe de Sötern, prince allié de Louis XIII. La déclaration de guerre ne fut adressée qu'à l'Espagne (19 mai 1635) ; Louis XIII indiquait ainsi que son premier objectif n'était pas le règlement de la question allemande, mais celui de la vieille rivalité entre Habsbourg et Bourbon, même si le champ de bataille se situa pour l'essentiel en Allemagne. L'Espagne entraîna l'empereur, qui déclara à son tour la guerre à la France en décembre 1636.

De Corbie (1636) à Rocroi (1643)
Bernard de Saxe-Weimar passa alors au service du roi de France ; ses forces étant très inférieures en nombre, il dut battre en retraire jusqu'en Lorraine, où pénétrèrent les Impériaux (1635). L'année 1636 fut marquée par la prise de Corbie par les Espagnols et l'attaque des Impériaux en Franche-Comté. Le 15 février 1637, la mort de Ferdinand II amenait sur le trône son fils, Ferdinand III, qui abandonna définitivement l'édit de Restitution et rétablit ainsi une part de son autorité sur l'Empire. Cependant, la France et la Suède conclurent une alliance offensive (traité de Hambourg, 15 mars 1638), et remportèrent dès lors une série de succès : Bernard de Saxe-Weimar fut victorieux sur le Rhin (prise de Brisach, qui coupait une route de ravitaillement essentielle pour les Habsbourg, 17 décembre 1638) ; la flotte espagnole fut décimée par les Hollandais de Tromp (Douvres, 1639) ; les Français prirent Arras (1640) et Perpignan (1642), ce qui leur permit de s'installer définitivement en Roussillon ; Guébriant vainquit les Impériaux à Kempen, en Rhénanie (1642) ; le Suédois Torstenson fut vainqueur à Leipzig (2 novembre 1642) ; enfin, à Rocroi, le jeune duc d'Enghien défit les tercios espagnols, invaincus depuis de nombreuses années (19 mai 1643).

La volonté de paix de Mazarin
La mort de Richelieu en décembre 1642, celle de Louis XIII en mai 1643, puis la disgrâce d'Olivares la même année ne firent pas cesser les opérations militaires. La politique de Mazarin poussa cependant à une négociation générale, même si sa diplomatie fut parfois plus hasardeuse que celle de son prédécesseur : il s'aliéna ainsi le soutien des Provinces-Unies en prétendant les échanger contre la Catalogne, qui s'était soulevée en faveur de la France ; les Hollandais, inquiets de ces manœuvres, engagèrent des négociations de paix séparées avec l'Espagne.

Quant à l'empereur, il était assailli à l'ouest par les Français - occupation des villes de la vallée du Rhin durant l'été 1644 par Condé, victoires de Turenne à Fribourg en 1644, puis, avec Condé, à Nördlingen, le 3 août 1645, ce qui effaçait la défaite de Marienthal en mai précédent, face à Mercy - et au nord par les Suédois - opérations conduites par Banér, Torstensson et Wrangel. Après avoir signé la paix de Brömsebro avec le Danemark, la Suède reprit ses opérations vers le cœur de l'Empire au côté des Français, ce qui permit la victoire décisive de Turenne à Zusmarhausen en mai 1648 contre les Bavarois.

Les traités de Westphalie
Dès 1641, la France et la Suède avaient proposé d'entamer des pourpalers de paix - sans diminuer l'intensité des opérations militaires. Après un premier congrès, réuni à Francfort en février 1643, Ferdinand III consentit à la réunion d'un nouveau congrès regroupant les belligérants et, à la demande de la France, toutes les principautés allemandes. Le congrès s'ouvrit à Münster, en Wesphalie le 4 décembre 1644, pour les délégations catholiques, et à Osnabrück en 1645 pour les délégations protestantes. La France désigna comme plénipotentiaires le comte d'Avaux et Abel Servien.

L'empereur ne pressa pas les négociations car il espérait un retournement de la situation militaire, lequel faillit se produire au début de 1648 : l'armée espagnole, après la paix séparée avec les Provinces-Unies (30 janvier 1648), put se porter contre la France, où Mazarin était aux prises avec les débuts de la Fronde parlementaire. Cependant, la bataille de Zusmarhausen mit fin aux espoirs de l'empereur, tandis que Condé battait une nouvelle fois les Espagnols à Lens (20 août 1648).

Le 24 octobre 1648, les deux traités, connus sous le nom de traités de Westphalie, furent signés à Münster entre les représentants de la France et ceux de l'empereur, et à Osnabrück entre l'empereur, la Suède et les princes protestants allemands.

Esquisse d'un bilan
L'Europe bénéficia du nouvel équilibre entre les puissances, favorable à l'hégémonie française, tandis que l'Allemagne, politiquement morcelée en une myriade de petits Etats désormais quasi indépendants, pâtit tant des mesures de la guerre que de celles de la paix. Parcourue pendant trente ans par des armées cosmopolites, peu disciplinées, mal payées, souvent conduites par des condottieres avides, elle sortait du conflit considérablement appauvrie.

Aux destructions matérielles s'ajoutait un bilan humain effroyable. Les pertes, terribles, ne constituaient qu'un aspect du problème ; la guerre avait entraîné des déplacements de populations et des migrations qui s'étaient accompagnés d'épidémies et de disettes : Mecklembourg et Poméranie, marche du Brandebourg et archevêché de Magdeburg (mis à sac en 1631), Thuringe, Hesse, Bavière, Wurtemberg, Palatinat, électorat de Trèves avaient par endroits perdu jusqu'aux deux tiers de leurs habitants. Les paysans avaient été les plus touchés ; ils furent souvent réduits à la misère, ayant été bien malgré eux les principaux pourvoyeurs des armées en vivres et en fourrage, et cela durant presque toute la durée du conflit. Moins affectés, les autres pays se relevèrent assez rapidement, tandis que l'Allemagne porta les traces matérielles de la guerre pendant un demi-siècle, et ses traces morales plus longtemps encore.