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Droit International - Les traités de Westphalie

Traités signés à Münster et Osnabrück par l'empereur Ferdinand III avec la France, la Suède et les principautés d'Empire, le 24 octobre 1648, et qui mirent fin à la guerre de Trente Ans.

Les causes des traités

Lassés par les souffrances d'une guerre qui durait depuis trois décennies et qui laissait l'Allemagne exsangue, les princes et les représentants des villes d'Allemagne, réunis à Francfort en février 1643, avaient obtenu de l'empereur Ferdinand III la réunion d'un congrès, qui s'ouvrit en Westphalie en décembre 1644, à Münster pour les États catholiques, sous la présidence du nonce Chigi, médiateur, et quelques mois plus tard, à Osnabrück, où négocièrent la France, les princes protestants et l'empereur.

Presque cinq années de négociations furent encore nécessaires pour parvenir à un accord, les discussions étant complexes et chacun des protagonistes espérant que le sort des opérations militaires - qui se poursuivirent durant toutes ces années - allait modifier favorablement sa position diplomatique. Les 34 plénipotentiaires, chacun avec leur suite pouvant atteindre 200 personnes, plus la cohorte de domestiques nécessaires à leur train de vie avaient fait presque doubler la population de Münster, à l'époque de l'ordre de 120’000 habitants. Les quatre principales puissances belligérantes - l'Empire, l'Espagne, la Suède et la France - discutaient d'abord les propositions et en référaient ensuite chacune à leurs alliés. À la demande de la France, cent cinquante principautés allemandes, médiates ou immédiates, étaient en effet représentées, afin de placer l'empereur Ferdinand III en minorité.

Si l'on prend en compte le traité de Münster du 30 janvier 1648 par lequel l'Espagne reconnut l'indépendance des Provinces-Unies, les traités de Westphalie concernèrent directement l'ensemble de l'Europe, à l'exception de la Moscovie, de l'Empire ottoman et de l'Angleterre. Signés le 24 octobre 1648 simultanément à Münster et à Osnabrück, les traités de Westphalie consacrèrent le déclin de la puissance des Habsbourg en Allemagne.

Les traités comportaient des clauses territoriales, constitutionnelles et religieuses.

Les conquêtes des vainqueurs

Les clauses territoriales concernaient les vainqueurs. Outre la confirmation de sa souveraineté sur les Trois Évêchés (Metz, Toul et Verdun), la France étendait son territoire en annexant la forteresse de Pignerol (dans les Alpes), Moyenvic (en Lorraine), et en recevant les landgraviats d'Alsace supérieure et inférieure, le Sundgau, Brisach, Philippsburg (sur le Rhin) et les droits de bailli sur dix villes de l'empire en Alsace (toutefois sans Strasbourg ni Mulhouse).

La Suède reçut les îles Usedom, Rügen et Wollin, la Poméranie occidentale, avec Stettin, ce qui lui permettait de contrôler l'embouchure de l'Oder, ainsi que les évêchés de Wismar, Brême et Verden, sur le cours inférieur de la Weser, qui furent acquis sous la forme de fiefs impériaux avec « voix au chapitre » au Reichstag. Le Brandebourg, qui n'obtenait pas la Poméranie occidentale de laquelle il prétendait hériter, annexa la Poméranie orientale et les évêchés de Magdebourg, Kamien, Minden et Halberstadt. Le Mecklenbourg recut en échange de Wismar les évêchés de Schwerin et Ratzebourg ; la Saxe put conserver la Lusace ; la Hesse du Nord (région de Kassel) reçut l'abbaye de Hersfeld et le comté de Schaumburg. La Bavière reçut le Haut-Palatinat et le droit d'élire son roi (Kurwürde), tandis que le Bas-Palatinat (Rhénanie-Palatinat) revint à l'Électeur palatin Charles-Louis, fils de Frédéric V, qui se vit ainsi restituer presque tous ses domaines. Enfin, la Confédération des cantons helvétiques qui jusqu'alors relevait nominalement de l'Empire voyait reconnaître son indépendance.

Les clauses particulières aux Etats allemands

Une série de clauses politiques et religieuses constituant une véritable Constitution, dite Constitutio Westfalica, concernait spécifiquement les États allemands, dont le destin de se trouva ainsi fixé pour cent cinquante ans. Le Bas-Palatinat retrouvait la dignité électorale et son prince légitime, mais le duc de Bavière restait Électeur - la dignité électorale ne lui était cependant conférée que jusqu'à l'extinction de sa descendance, l'Électorat de Bavière étant supprimé dans cette éventualité. Affranchis de la vieille Constitution impériale, les États allemands de l'Empire, soumis en majorité à des princes protestants, recevaient la «suprématie territoriale» (Landeshoheit) en matière ecclésiastique et temporelle. Ces privilèges s'appliquaient également aux villes impériales, qui entraient à la Diète impériale avec droit de suffrage («voix au chapitre»), aux côtés des princes et des princes-électeurs ; de leur côté, ces derniers obtenaient le droit de conclure des traités et de contracter à leur gré des alliances entre eux et avec des puissances étrangères (à la seule condition que ces alliances ne soient pas dirigées contre l'Empire). Les traités de Westphalie ouvraient ainsi la voie à l'essor politique du Brandebourg, de la Saxe et du Hanovre, qui pouvaient désormais devenir de fait des États souverains, tentés par l'absolutisme et une couronne royale.

L'Empereur, dont la politique extérieure était liée désormais à l'approbation de la Diète - qui prenait ainsi la forme d'une sorte de sénat permanent -, perdait une grande partie de son pouvoir et, dans bien des domaines importants, son autorité n'était plus que nominale : le consentement des États de l'Empire devait en effet désormais être obtenu pour toute loi ou interprétation de loi, toute déclaration de guerre de l'Empire, toute paix ou alliance d'Empire, toute taxe, levée, construction de forts, etc.

En même temps qu'était ainsi reconnue la souveraineté des quelque trois cent cinquante États allemands et que l'institution du principe Cujus regio, ejus religio (« à tel pays, telle confession ») était solennellement confirmée, les princes conservant le droit d'imposer leur religion à leurs sujets, les traités de Westphalie confirmaient non seulement la paix d'Augsbourg (1555) mais étendaient le bénéfice de la liberté religieuse aux calvinistes allemands, qui voyaient reconnaître le libre exercice de leur religion et leur admission dans les emplois publics - en reconnaissant désormais totalement la liberté des cultes catholique, luthérien et calviniste à l'intérieur du Saint Empire, les traités de Westphalie consacraient la défaite de la Contre-Réforme, ce qui entraîna leur condamnation par le pape Innocent X dans sa bulle Zelo Domus Dei (26 novembre 1648). Enfin, le traité signé à Osnabrück fixait comme année de référence pour la répartition des biens ecclésiastiques sécularisés l'année 1624 - et non plus 1552 ainsi que le stipulait la paix d'Augsbourg, ni 1627 comme le prévoyait la paix de Prague signée en 1635. L'année 1624 était plus favorable aux protestants, et constituait pour eux une victoire. Depuis lors, et jusqu'à nos jours, presque rien n'a changé en ce qui concerne la répartition géographique des confessions protestantes et catholique en Allemagne, et les différends religieux y ont été réglés, lors des réunions du Reichstag, par les corps confessionnels (Corpus catholicorum et Corpus evangelicorum) par la voie diplomatique.

Un nouvel ordre européen

Selon les désirs de la France et de la Suède, garantes de la paix allemande, le Saint Empire était donc réduit à une totale impuissance de par la souveraineté renforcée des États qui le composaient. De plus, les puissances garantes allaient par la suite chercher à intervenir dans les affaires allemandes - la reine de Suède avait obtenu le droit de siéger à la Diète d'Empire en vertu de ses nouvelles possessions, et si la France en était écartée, sa souveraineté sur l'Alsace ne lui donnant aucun siège à la Diète, les efforts de sa diplomatie allaient néanmoins lui permettre de jouer un rôle important sur la scène allemande.

Les traités de Westphalie, si l'on y inclut le traité entre l'Espagne et les Provinces-Unies, furent ainsi non seulement les premiers à concerner l'ensemble de l'Europe, mais ils marquaient pour la première fois dans l'histoire de l'Europe l'achèvement de la paix par voie diplomatique. Un nouvel ordre européen était désormais en place : les traités de Westphalie ouvraient en Europe centrale un vide politique favorable à la prépondérance française ; aussi, la lutte se poursuivit-elle entre la maison de Bourbon et les Habsbourg de Madrid, et elle ne prit fin qu'en 1659 avec la paix des Pyrénées.