Placer ses espoirs dans la culture, c'est, pour le peuple haïtien, une importante ouverture vers le ciel.
Des tentes rafistolées avec quelques bouts de bâche, des vieux matelas, des vêtements chiffonnés, des ustensiles de cuisine récupérés dans les décombres de leur maison, c'est toujours dans ce luxe que vivent deux millions d'Haïtiens, plus de six mois après le terrible tremblement de terre qui a détruit le pays. C'était le 12 janvier. En quelques minutes, le séisme a tué plus de 250.000 personnes et mis l'Etat le plus pauvre du monde à genoux. A genoux mais pas définitivement à terre. Car si l'histoire d'Haïti est une triste répétition de crises politiques, économiques et de catastrophes naturelles, sa population a toujours fait face à l'adversité avec foi, force et dignité. Pour preuve, cette émission spéciale que Hadja Lahbib avait consacrée en avril dernier aux artistes haïtiens (dont Daniel Marcelin - photo). Pourquoi s'intéresser à des artistes et non à des maçons, électriciens ou menuisiers? Car à défaut d'un Etat fort et efficace, c'est la culture qui a toujours tissé des liens entre les habitants de l'île.
Sur le plateau installé à l'Espace Magh, des Haïtiens de souche ou de cour dévoileront une face méconnue de l'île, une richesse cruellement occultée par l'actualité: Philippe Laurent et Daniel Marcelin, auteurs de la pièce Ayiti, Olivier Blin, son coproducteur et fondateur du Festival Quatre Chemins à Port-au-Prince qui réunit les forces vives du théâtre haïtien. Hamadi, directeur de l'Espace Magh, Olivier Van Hee, animateur-directeur du Centre culturel du Brabant wallon et commissaire belge de Ewa Ayiti ainsi qu'Albert Moléon, comédien haïtien. Avant de les écouter, le documentaire Haïti chérie, tourné sur place trois mois avant le tremblement de terre par Jean-Claude Riga et Agnès Lejeune, sera diffusé. Envoyés à Port-au-Prince pour rencontrer et filmer des artistes sélectionnés pour participer à un échange culturel avec la Communauté française, le réalisateur et la journaliste ont donné la parole à des musiciens, plasticiens, écrivains, conteurs ou sculpteurs. Ils les ont suivis dans leur quartier et dans leur quotidien. A travers leurs voix, leurs gestes et leur travail, ils ont perçu les prémices de la reconstruction d'une nation qui commençait à se relever quand le pire est arrivé. Tous les artistes rencontrés ont survécu. Après avoir enterré leurs morts, ils ont aujourd'hui un objectif commun: profiter de leur visibilité pour participer à la reconstruction de l'âme haïtienne. Un pari auquel souhaite s'associer ce Quai des Belges.
Geneviève de Wergifosse
