Source: Haiti en Marche
PORT-AU-PRINCE, 7 Novembre - Récemment l'officiel onusien de plus haut rang en Haïti déplorait dans la presse étrangère que Haïti soit une véritable 'république des ONG', probablement la première de l'Histoire puisque l'intervenant se déclare si étonné: c'est-à-dire un peuple vivant en tout et pour tout de la charité universelle.
Or (en dehors des années récentes) rien dans notre Histoire ne semblait devoir nous mériter un jour pareille épithète.
N'avons-nous pas fait notre indépendance nationale les armes à la main et sans aucune assistance extérieure. Cependant rien n'exprime mieux cette espèce d'orgueil de se suffire à soi-même que les plus populaires de nos proverbes:
'Chak koukou klere pou tou je l'; 'Se mèt kò ki veye kò'; tous ayant le même sens: c'est chacun pour soi!
Cynisme? Non, puisque c'est le même monde, la paysannerie haïtienne, qui a donné aussi naissance à la pratique du 'kòve'. A ne pas confondre avec le mot français 'corvée', les deux n'étant pas synonymes puisque au lieu d'une contrainte, comme la 'corvée' qui fut instituée par l'occupant américain (1915-1934), le 'kòve' est une mise en commun des forces dans la communauté chaque fois que la tâche est au-dessus des moyens individuels. C'est un donner pour un recevoir. Tout comme la tradition de se partager des vivres alimentaires entre familles du même voisinage en période de vaches maigres.
Prisonnier de l'assistance …
L'Haïtien depuis toujours a sa façon de gérer les difficultés économiques. Puisque celles-ci bien entendu ne datent pas d'aujourd'hui.
Pour être devenue une 'république des ONG', il faut qu'il se soit passé dans ce pays quelque chose de vraiment grave. De proprement sismique! C'est le cas de dire.
Nous n'avons pu nous empêcher d'y penser en écoutant vendredi dernier les reportages à la radio au sujet des sinistrés du séisme du 12 janvier vivant dans des camps de fortune et qui, malgré le danger posé par l'ouragan sur le point de frapper le pays, refusaient de se déplacer …
Et, dit la presse étrangère, afin de ne pas perdre la place qu'ils occupent depuis le 12 janvier. Sous-entendu: pour continuer à recevoir les produits de l'assistance étrangère dispensée par les ONG.
Au cours du même reportage depuis les quartiers qui ont été construits à même le rivage en repoussant la mer mais où celle-ci menace à la moindre occasion de reprendre sa place, on entend les gens protester que le gouvernement ne leur ait pas dit où aller. Image choquante d'un peuple qui s'installe dans l'attentisme, prisonnier de l'assistance, qu'elle soit gouvernementale ou étrangère.
Esprit de débrouillardise …
Or un tel comportement est aux antipodes de ce qu'on sait traditionnellement de l'Haïtien.
Oyez encore les proverbes dont on dit qu'ils expriment la sagesse des nations.
'Sak vid pa kanpe'; 'Pye kisa m manje m pa ba ou?' Traduction: c'est le sauve-qui-peut! Ou encore: 'Sa ou pran se pa ou', tant pis pour vous si vous confiez votre salut à autrui!
Autre manifestation de cet extraordinaire esprit de débrouillardise qui a permis à ce peuple de survivre pour commencer à l'une des plus cruelles colonisations de l'Histoire qu'a été Saint Domingue, la 'perle des Antilles' - mais pour la métropole française, puis pendant deux siècles aux conditions économiques les plus déplorables dans le Nouveau Monde.
Assistance ni pure ni simple …
Haïti, république des ONG!
Aucun de nos proverbes n'accrédite en tout cas cette notion de charité sans rien en échange ou assistance pure et simple (mais sans aucun doute: ni tout à fait pure, ni réellement simple!).
Même l'Haïtien naturalisé qui rentrant au pays natal après plusieurs années aime à se rappeler que 'ka vwazinaj se pa kay pa ou', ou en français: on n'est nulle part si bien que chez soi!
Alors est-ce que l'Haïtien fait du cinéma pour obtenir l'aide que lui offre le 'blanc'! N'oublions pas: 'se enbesil ki bay, sòt ki pa pran!'
Ou plutôt est-il vrai qu'à force de cette pratique (qui, n'oublions pas, rapporte encore plus gros aux ONG elles-mêmes ainsi qu'aux pays dont elles reçoivent leur financement), et vu que les conditions économiques locales ont empiré, l'Haïtien même natif-natal y serait totalement aliéné, et qu'il aurait vendu sa fierté proverbiale pour un plat de semoule de blé …
Les 'hearts and minds' …
Il reste un dernier proverbe: 'Sa k atè se pou chen.' Seuls les chiens qui se nourrissent sans se poser de question sur la provenance de leur nourriture.
Autrement dit, accepter une telle condition, c'est se réduire pratiquement au rang de chien.
Et c'est bien connu aussi que les Haïtiens n'aiment pas les chiens.
Dans le cas contraire, une 'république des ONG' n'est qu'une autre colonie de Saint Domingue mais pour emprisonner non pas le corps mais les 'hearts and minds', c'est-à-dire votre esprit et votre imaginaire.
PORT-AU-PRINCE, 7 Novembre - Récemment l'officiel onusien de plus haut rang en Haïti déplorait dans la presse étrangère que Haïti soit une véritable 'république des ONG', probablement la première de l'Histoire puisque l'intervenant se déclare si étonné: c'est-à-dire un peuple vivant en tout et pour tout de la charité universelle.
Or (en dehors des années récentes) rien dans notre Histoire ne semblait devoir nous mériter un jour pareille épithète.
N'avons-nous pas fait notre indépendance nationale les armes à la main et sans aucune assistance extérieure. Cependant rien n'exprime mieux cette espèce d'orgueil de se suffire à soi-même que les plus populaires de nos proverbes:
'Chak koukou klere pou tou je l'; 'Se mèt kò ki veye kò'; tous ayant le même sens: c'est chacun pour soi!
Cynisme? Non, puisque c'est le même monde, la paysannerie haïtienne, qui a donné aussi naissance à la pratique du 'kòve'. A ne pas confondre avec le mot français 'corvée', les deux n'étant pas synonymes puisque au lieu d'une contrainte, comme la 'corvée' qui fut instituée par l'occupant américain (1915-1934), le 'kòve' est une mise en commun des forces dans la communauté chaque fois que la tâche est au-dessus des moyens individuels. C'est un donner pour un recevoir. Tout comme la tradition de se partager des vivres alimentaires entre familles du même voisinage en période de vaches maigres.
Prisonnier de l'assistance …
L'Haïtien depuis toujours a sa façon de gérer les difficultés économiques. Puisque celles-ci bien entendu ne datent pas d'aujourd'hui.
Pour être devenue une 'république des ONG', il faut qu'il se soit passé dans ce pays quelque chose de vraiment grave. De proprement sismique! C'est le cas de dire.
Nous n'avons pu nous empêcher d'y penser en écoutant vendredi dernier les reportages à la radio au sujet des sinistrés du séisme du 12 janvier vivant dans des camps de fortune et qui, malgré le danger posé par l'ouragan sur le point de frapper le pays, refusaient de se déplacer …
Et, dit la presse étrangère, afin de ne pas perdre la place qu'ils occupent depuis le 12 janvier. Sous-entendu: pour continuer à recevoir les produits de l'assistance étrangère dispensée par les ONG.
Esprit de débrouillardise …
Or un tel comportement est aux antipodes de ce qu'on sait traditionnellement de l'Haïtien.
Oyez encore les proverbes dont on dit qu'ils expriment la sagesse des nations.
'Sak vid pa kanpe'; 'Pye kisa m manje m pa ba ou?' Traduction: c'est le sauve-qui-peut! Ou encore: 'Sa ou pran se pa ou', tant pis pour vous si vous confiez votre salut à autrui!
Autre manifestation de cet extraordinaire esprit de débrouillardise qui a permis à ce peuple de survivre pour commencer à l'une des plus cruelles colonisations de l'Histoire qu'a été Saint Domingue, la 'perle des Antilles' - mais pour la métropole française, puis pendant deux siècles aux conditions économiques les plus déplorables dans le Nouveau Monde.
Assistance ni pure ni simple …
Haïti, république des ONG!
Aucun de nos proverbes n'accrédite en tout cas cette notion de charité sans rien en échange ou assistance pure et simple (mais sans aucun doute: ni tout à fait pure, ni réellement simple!).
Même l'Haïtien naturalisé qui rentrant au pays natal après plusieurs années aime à se rappeler que 'ka vwazinaj se pa kay pa ou', ou en français: on n'est nulle part si bien que chez soi!
Alors est-ce que l'Haïtien fait du cinéma pour obtenir l'aide que lui offre le 'blanc'! N'oublions pas: 'se enbesil ki bay, sòt ki pa pran!'
Ou plutôt est-il vrai qu'à force de cette pratique (qui, n'oublions pas, rapporte encore plus gros aux ONG elles-mêmes ainsi qu'aux pays dont elles reçoivent leur financement), et vu que les conditions économiques locales ont empiré, l'Haïtien même natif-natal y serait totalement aliéné, et qu'il aurait vendu sa fierté proverbiale pour un plat de semoule de blé …
Les 'hearts and minds' …
Il reste un dernier proverbe: 'Sa k atè se pou chen.' Seuls les chiens qui se nourrissent sans se poser de question sur la provenance de leur nourriture.
Et c'est bien connu aussi que les Haïtiens n'aiment pas les chiens.
Dans le cas contraire, une 'république des ONG' n'est qu'une autre colonie de Saint Domingue mais pour emprisonner non pas le corps mais les 'hearts and minds', c'est-à-dire votre esprit et votre imaginaire.