Vatican - Benoît XVI et le déclin de l'Occident Par Jérôme Anciberro

Source: temoignagechretien.fr
Au-delà de la question du préservatif, le livre du pape se singularise par un échange dense avec son interlocuteur, le journaliste allemand Peter Seewald. Benoît XVI y livre une vision extrêmement grave de l'état intellectuel et spirituel de l'Occident.

Bien sûr, il y a cette histoire de préservatif. À quelques exceptions près, la « grande » presse, nationale et internationale, n’aura retenu que ce passage dans le dernier livre du pape. Deux pages sur deux cent soixante-seize.

Dans une conférence de presse qui s’est tenue à Rome le 23 novembre, Peter Seewald, le journaliste qui a conduit l’entretien avec Benoît XVI, n’a pas caché son dépit et son inquiétude quant à la capacité de ses confrères à traiter l’information religieuse et tout ce qui se rapporte au Vatican et au pape.

Le fait est que Lumière du monde aborde un large éventail de sujets qui vont bien au-delà de la question de savoir dans quelles circonstances il conviendrait d’utiliser ou pas un préservatif.

PEDOPHILIE

Le premier intérêt de ce livre est justement de fournir au lecteur qui n’a pas forcément le temps de suivre la production papale au jour le jour une sorte de synthèse très accessible de sa pensée sur le monde et l’Église tels qu’ils vont aujourd’hui.

Toutes les questions « chaudes » sont abordées : positions de l’Église en matière de mœurs, contraception, scandale de la pédophilie parmi les prêtres, ordination d’hommes mariés ou de femmes, divorcés remariés, affaire Pie XII, état du dialogue œcuménique et interreligieux, traditionalisme, liturgie…



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On ne trouvera dans les réponses du pape à ces questions aucun scoop ou révélation révolutionnaire mais des résumés ou des mises au point succincts de positions déjà connues et souvent largement développées à d’autres occasions, en particulier dans les textes officiels du pontificat ou dans certains discours et homélies.

De quoi discuter et critiquer – ce que certaines organisations n’ont pas manqué de faire, notamment sur Pie XII ou l’homosexualité – mais certainement pas de quoi s’étonner, que ce soit positivement ou négativement.

Dans cette perspective critique, on pourra par exemple noter une tendance du pape à invoquer le « mystère », de Dieu ou de l’Église, ce qui lui permet d’évacuer rapidement certains problèmes sur lesquels il s’est pourtant montré récemment particulièrement actif. C’est le cas pour le scandale de la pédophilie. Le père Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, dont la vie intime s’est avérée particulièrement déréglée, est ainsi tout bonnement qualifié de « personnage mystérieux »…

Lumière du monde est cependant un peu plus qu’un simple entretien journalistique sur des sujets « chauds » ou même sur certains grands concepts religieux rarement abordés dans la presse, par exemple, dans le dernier chapitre du livre, les fins dernières de l’humanité et du monde.

RELATIVISME

Le lecteur ne peut en effet qu’être frappé par le ton extrêmement grave des passages consacrés à l’état intellectuel et spirituel de l’Occident. Sur ce point, Peter Seewald est encore plus inquiet que son interlocuteur et le pape semble parfois être en train de lui remonter le moral, par exemple en lui rappelant que le christianisme est florissant en dehors du Vieux continent.

Mais sa grille de lecture demeure claire : l’Occident vit actuel­lement une crise spirituelle profonde dont les conséquences sont très concrètes (accaparement des richesses par une minorité, destruction de la planète, perte des repères éthi­ques…), et dont la cau­se est elle aussi très sim­ple : l’oubli de l’idée de Dieu, alors même que triompherait une nouvelle religion, celle du relativisme.

Le pape revient sur cette idée à plusieurs reprises : « Il est urgent que la question de Dieu reprenne une place centrale. » D’où la nécessité selon lui de travailler à une nouvelle évangélisation. Car si le climat culturel occidental est encore chrétien, cette donnée ne doit plus être considérée comme acquise.

De donnée culturelle a priori, le christianisme est donc en passe de devenir un « christianisme de choix » qui appelle certes l’espérance mais surtout l’action. Nous voilà prévenus.