Citation du jour:

N'oubliez pas de faire un don. Nous avons besoin de votre aide en ces temps difficiles.Faire un don.

Religion et éthique - À propos du célibat des prêtres

Par Frère Denis Foucher, Saint-Denis

Les 24 et 25 février, les journaux de l’île nous ont proposé un courrier des lecteurs intitulé "Moralité et abstinence". Qu’il me soit permis comme prêtre et religieux célébrant cette année ma 30e année de sacerdoce de répondre à l’auteur de cet article ("un parent"). Je m’associe pleinement, comme prêtre, à la tristesse et à la révolte de parents qui apprennent les actes de pédophilie commis ici par des prêtres comme en beaucoup de pays où le catholicisme est depuis longtemps bien implanté. Les faits peuvent paraître à juste titre terrifiants. Au mal jugé "irréparable" (Benoît XVI va plus loin en parlant de "crime abominable") vis-à-vis de ces enfants s’ajoute le fait d’avoir été trompé par "ceux-là mêmes en qui les parents mettaient leur confiance". Personne ne peut rester indifférent en apprenant cela. Le premier souhait que l’on puisse formuler est que tous ceux qui ont été ainsi blessés trouvent des espaces de parole où leur souffrance pourrait être écoutée et où l’on se poserait avec eux les vraies questions : comment expliquer de tels actes et que faire pour y remédier ? La première erreur serait en effet de n’avoir qu’une vision partielle de la réalité et de se laisser aller à la recherche d’un "bouc émissaire" sur lequel faire retomber toute la responsabilité. L’article mentionné en propose un : l’Eglise catholique qui oblige au célibat des prêtres. La vérité des faits et la recherche des causes ne confirment pas cette hypothèse. Les faits manifestent en effet que les actes de pédophilie ne concernent pas seulement les prêtres mais plus largement toutes les professions en contact avec les enfants et les adolescents : enseignants, éducateurs, personnels de santé sans oublier ce qui se passe dans le secret des familles. Or toutes ces professions et ces situations ne concernent pas d’abord des prêtres mais des hommes et des femmes, mariés pour la plupart et qui ne sont donc pas du tout engagés par des vœux de célibat. Par ailleurs, la psychanalyse invite de plus en plus à considérer les auteurs d’actes de pédophilie comme des malades qu’il faut soigner. Toute la question est en effet de comprendre comment un être humain peut atteindre à la maîtrise de sa sexualité. Or il peut arriver que des événements subis pendant l’enfance et le manque de formation ultérieure dans ce domaine fassent que des adultes en arrivent à poser des actes tout à fait incompréhensibles et véritablement inhumains. La vraie question liée à la pédophilie n’est pas le célibat des prêtres mais la manière dont notre société va permettre à chacun de parvenir à une véritable maîtrise de sa sexualité. Cette question reste aussi la vraie question concernant le célibat des prêtres catholiques (les prêtres orientaux et orthodoxes sont tous mariés sauf les moines). La psychanalyse a raison d’avertir sur les dangers du refus de toute sexualité. "Qui fait l’ange fait la bête", dit un vieux proverbe. Si l’Eglise catholique a cependant proposé dès le IIIe siècle le célibat des prêtres et n’y a jamais renoncé depuis, ce n’est pas pour pousser à l’angélisme mais pour être fidèle au mystère contenu dans cette phrase de Jésus : "Il y a ceux qui ont choisi de ne pas se marier à cause du Royaume des cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne." Mt 19,12. A ceux qui sont appelés au sacerdoce, Dieu donne cette grâce particulière qui leur permet de trouver leur épanouissement non pas dans un amour humain vécu d’abord dans une famille mais dans un don total d’eux-mêmes pour tous et vécu en union avec le Christ Ressuscité. Par son célibat, disait Jean-Paul II, le prêtre devient l’homme pour les autres et le signe de ce que nous vivrons dans le Royaume eschatologique. L’accueil de la grâce de Dieu rend possible ce beau projet. Reste évidemment à savoir comment discerner ceux qui ont vraiment cette vocation et à quelles conditions elle pourra s’épanouir avec ce poids d’humanité qui fait de chacune de nos vies ce mélange mystérieux de pesanteur et de grâce.