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Leipzig, nouvelle Mecque de l'anthropologie évolutive. Par Hervé Morin

Dans la cafétéria de l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutive, à Leipzig, un écran plat diffuse en direct des images de grands singes filmés dans leur enclos du zoo, à l'autre bout de la ville. "L'inverse n'est pas vrai", plaisante Jean-Jacques Hublin, directeur du département d'évolution humaine de l'institut.

Cette webcam symbolise les liens que chacun ici cherche à explorer, entre Homo sapiens et les autres membres de la grande famille des primates, actuels ou disparus."La question posée est simple : qu'est-ce qui fait que l'homme est différent ?", résume M. Hublin. L'Institut Max- Planck, institution de droit privé fonctionnant en grande partie sur fonds publics, a choisi Leipzig pour y répondre, avec la volonté de redynamiser cette ville d'ex-RDA après la chute du Mur. Pari gagné.

Avec ses cinq départements - primatologie, psychologie comparative, linguistique, génétique évolutive et paléontologie humaine -, l'institut, inauguré en 2003, est déjà considéré comme la référence. Le séquençage du génome de néandertaliens n'est que la dernière percée en date issue de cette nouvelle Mecque de l'anthropologie évolutive.

Il est vrai que les moyens sont au rendez-vous : avec un budget annuel de 12 à 15 millions d'euros, l'institut est à la pointe de l'innovation. Il compte plusieurs scanners, dont l'un, tenant dans un conteneur, peut récupérer des images de fossiles partout où les conservateurs acceptent d'ouvrir leurs collections. Des imprimantes 3D en fournissent des moulages à la demande. Des stations de travail permettent de les manipuler virtuellement. Des spectromètres et des lasers donnent des indications sur l'alimentation et l'environnement des hominidés. Sans compter l'animalerie, les salles blanches pour les généticiens, et l'informatique pour faire parler ces masses de données.

Tous ces moyens ne seraient rien sans la matière grise concentrée dans ces murs très design : 300 chercheurs dont 30 invités. "Nous avons toute latitude pour attirer les meilleurs, indique Jean-Jacques Hublin. C'est un système autocratique : chaque directeur de département est "un petit Dieu" autonome." 95 % du personnel a moins de 35 ans. "Le contrat est clair : vous êtes dans la meilleure institution au monde, vous avez cinq ans pour vous constituer un CV en or", indique le Français, ravi de son expatriation dans ce paradis de l'interdisciplinarité.

Une telle puissance fait des envieux. D'autant que M. Hublin bouscule des collègues jaloux de leurs spécimens, en prônant le partage des données. "Pour résoudre des questions biologiques, il faut comparer les fossiles, adopter une démarche statistique et non se replier sur ses os comme sur des fétiches", plaide-t-il.