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Le syncrétisme dans la mythologie basque. Par Clémence LABROUCHE

Si la mythologie basque est un sujet récurrent dans la littérature basque, elle a rarement été étudiée sous l'angle stimulant qu'est celui du syncrétisme. Partant du constat que la distinction entre croyances chrétiennes et croyances païennes n'était pas toujours évidente, Anuntxi Arana a étudié l'entrelacement existant et l'influence réciproque de la mythologie basque sur le christianisme. De l'avis même de l'anthropologue, ce syncrétisme construit au fil des siècles «confère à la mythologie une de ses principales caractéristiques : sa capacité à survivre».

Anuntxi Arana est formelle : «les mythes païens basques et la religion chrétienne ont cohabité des siècles durant et ils ont échangé entre eux nombre d'éléments». Tout au long de son enquête, les témoignages de certains croyants montrant qu'ils «n'ont pas différencié les croyances selon leur origine et qu'ils n'ont pas eu de problème à ce que gentils et chrétiens soient réunis dans leur esprit» se multiplient. Ce syncrétisme occupe une place importante dans la mythologie populaire qui nous est parvenue jusqu'à ce jour, et c'est précisément l'objet d'analyse de cet ouvrage paru pour la première fois en euskara en 2008.

L'étude présente les entrelacements qui se sont opérés entre un christianisme populaire et un paganisme ouvert. Concrètement, la mythologie basque s'est parfois inspirée de la religion catholique. D'autres fois, c'est au contraire la religion catholique qui a intégré des croyances païennes.

A l'origine des rites syncrétiques

La Légende dorée, livre du XIIe siècle rapporte ainsi à propos des rogations que les cloches étaient sonnées pour chasser le tonnerre, afin de faire fuir de peur les démons qui se déplacent dans les airs en provoquant des tempêtes.

D'après les recherches d'Anuntxi Arana, cette existence de rites syncrétiques a perduré encore pendant des siècles. Pourtant, dans les schèmes cognitifs, l'Eglise catholique est souvent perçue comme l'investigatrice de la délégitimation, voire de «la chasse» des êtres issus de la mythologie basque (comme les lamina pour ne citer qu'eux).

Des récits racontent ainsi que le curé a réussi à éloigner le Basajaun de Larrau en chantant tous les samedis le Salve regina ; et à Baigorry, un séminariste le maudit à jamais. «Tout cela aurait, paraît-il, entraîné la disparition des lamina» raconte l'anthropologue.

D'un côté accusé de négation de la mythologie basque, le christianisme a d'un autre côté aussi dû reconnaître des saints apocryphes, issus de croyances païennes qui n'ont pas pu être diabolisés. La plupart d'entre eux répondent en fait aux besoins pragmatiques des gens. «Il en va ainsi de la Sainte (Saindia) de la chapelle Saint-Sauveur qui fait partie de ces saints très proches de la mythologie populaire» raconte Anuntxi Arana. A Mendive, devant la chapelle se trouve un petit édicule dédié à la Sainte dont l'histoire a été transmise de génération en génération.

A la base de leurs différences

Après avoir étudié ce syncrétisme, l'auteure qui étudie depuis très longtemps la mythologie basque estime que : «la plus grande différence entre ces deux croyances réside dans le fait que dans le christianisme l'homme est soit bon, soit mauvais alors que dans la mythologie basque l'homme peut avoir ces deux facettes en lui».

Finalement, Anuntxi Arana conclut : «en empruntant et en adaptant les éléments qui ne lui sont pas propres, la mythologie met en évidence à la fois sa souplesse ainsi que l'une de ses caractéristiques les plus importantes, à savoir sa capacité à survivre».

De la mythologie basque. Gentils et Chrétiens d'Anuntxi Arana. Admirablement traduit par les soins d'Edurne Alegria. Aux éditions Elkar, 13 euros.