Citation du jour:

N'oubliez pas de faire un don. Nous avons besoin de votre aide en ces temps difficiles.Faire un don.

Le marché de la misère. Par Mazarine Pingeot

Il y a deux semaines sont descendues dans les rues infirmières et puéricultrices. La semaine dernière près de 800 000 personnes ont manifesté, de nombreuses crèches et écoles étaient fermées. Il faut dire que le gouvernement a de bonnes idées : pour résoudre le problème du nombre de places en crèche, il suffit d'accueillir plus d'enfants ! que ne l'a-t-on eu plus tôt cet éclair de génie ? C'était pourtant simple, problème de place ? Ouvrir les portes ! On a juste oublié d'augmenter aussi le nombre de puéricultrices, après tout les enfants, ça dort tout le temps. A l'heure où le chômage bat son plein et il aurait été judicieux, pour régler ce véritable problème de place, de créer des emplois, on oscille entre en supprimer ou les rendre impraticables. Puisqu'on fait des économies, pourquoi ne pas en faire sur la qualité des services ? Il n'y a pas que l'argent dans la vie, faisons aussi l'économie de la dignité, de la qualité, de la faisabilité du travail. L'économie doit s'exporter dans tous les secteurs de la vie, tel est le mot d'ordre sous-jacent, parce qu'en appauvrissant les services, parce qu'en supprimant des postes, parce qu'en négligeant des fonctions et des fonctionnaires, on crée de nouveaux marchés, les marchés de la misère : la misère, ça rapporte : plus elle se répand, plus grande sera l'insécurité, plus juteux le marché des scanners corporels, et autres gadgets sécuritaires. Ceux qui ne s'en sortiront pas seront éliminés, c'est la loi du plus fort, Darwin a de beaux restes. A d'autres époques il y avait les guerres, les famines, le progrès implique qu'on revienne à la concurrence sauvage comme modèle d'élimination rapide. Quant à ceux qui resteront, ils seront heureusement corvéables à merci, bien trop peureux d'être éliminés à leur tour : les gens ne se battront plus, trop occupés à se battre pour survivre, le calcul est imparable. Et porte un autre nom, la destruction du lien social.

Economie sur la santé, voilà un autre moyen de régulation de la surpopulation qui menace l'équilibre économique. Faisons comme pour l'éducation, employons des étudiants pour opérer d'une hernie discale, d'une ablation d'un sein ou pour procéder aux chimiothérapies, les soins seront moins longs, le problème des retraites réglé par la même occasion.

L'Etat est un ingénieux comptable. En faisant des économies, il redonne tout son sens à la loi de la jungle qu'il avait pourtant vocation à contrecarrer. Si c'est pour revenir à l'état de nature, point n'est besoin d'Etat, le président est en train de scier la branche qui le soutient, même si elle lui prodigue encore de juteux fruits - à usage personnel.