Montréal) Du 12 au 16 septembre, Montréal accueillera quelque 3500 délégués au 21e Congrès mondial de l'énergie. La Presse vous présente les enjeux qui animeront leurs discussions. Ce deuxième cahier, d'une série de quatre, répond à la question suivante: quel serait le système énergétique le plus adéquat pour assurer une stabilité à long terme? La semaine prochaine, on s'interrogera sur les solutions énergétiques pour une planète vivante.
À l'aube de l'humanité, et pendant plusieurs siècles, l'être humain n'a pu compter que sur l'énergie musculaire et le feu de bois comme sources d'énergie. Au tournant du XVIIIe siècle, le couple charbon-vapeur a permis aux transports de se développer et à l'homme de conquérir de nouveaux horizons.
Le roi pétrole s'est ensuite imposé comme la source d'énergie universelle la plus fiable.
Mais avec l'épuisement progressif de l'or noir et l'immense défi des changements climatiques, le monde devra mettre à contribution une panoplie d'autres sources d'énergie pour assurer son développement futur et répondre aux besoins grandissants de la population.
Le bouquet énergétique de l'avenir sera fait d'une combinaison variable d'énergies fossiles, d'énergies renouvelables et de nucléaire, selon les besoins des nations.
«Ce qu'il faut retenir en énergie pour l'avenir, c'est qu'il n'y aura pas de solution miracle, dit Gaëtan Lafrance, professeur à l'INRS et auteur du livre Vivre après le pétrole: Mission impossible?
On ne peut pas miser sur une seule source, et on s'oriente vers une transition où il y aura beaucoup de sources d'énergie utilisées par un même secteur. Dans le passé, une source d'énergie pouvait remplir presque tous les besoins d'un secteur, par exemple le pétrole pour le transport.»
Différentes sources
«À l'avenir, chaque pays va choisir différentes sources pour remplir ses besoins énergétiques, en fonction de la disponibilité de ces ressources et de sa capacité à les exploiter, ajoute-t-il. Pour les transports, il y aura à la fois de l'électricité, de l'éthanol et du biodiesel, et pour le secteur de l'électricité ce sera multisources, alors qu'actuellement c'est principalement à 60% du charbon, à 20% d'autres combustibles, et à 20% de l'énergie renouvelable.»
En effet, on ne peut se permettre d'éliminer complètement une source d'énergie, même quand celle-ci comporte des aspects négatifs, croient tous les observateurs interrogés par La Presse.
«S'il y a une conclusion importante que j'ai tirée de mes années comme président du Conseil mondial de l'énergie, c'est qu'il fallait garder toutes les options énergétiques ouvertes, et ne pas se fermer à l'une d'entre elles en disant: «je n'utiliserai plus jamais ceci», dit André Caillé, administrateur de société, bien connu des Québécois pour avoir dirigé Hydro-Québec et Gaz Métro. Ce n'est pas opportun si l'on veut s'assurer que tout le monde puisse avoir accès à l'énergie.»
Toutefois, il ne faudrait pas commettre l'erreur de laisser les choix énergétiques être dictés par les seuls besoins du marché, soutient Fatih Birol, économiste en chef à l'Agence internationale de l'énergie.
«Le réchauffement climatique est un défi tellement immense qu'il ne faut pas laisser le marché tout régler, dit-il. Il nous faut des politiques publiques fortes, des incitatifs pour développer les technologies, les énergies propres et plus d'efficacité, ainsi que des politiques qui punissent le gaspillage.»
Bons choix
Si les bons choix étaient faits, la crise économique que nous venons de traverser pourrait procurer au monde une fenêtre d'opportunité pour prendre la bonne direction vers un bouquet énergétique plus vert, croit-il.
«Quand on examine le passé, les émissions globales de GES en provenance du secteur de l'énergie ont augmenté de 3% par an, dit l'économiste. Cependant, une conséquence de la crise est que la demande globale d'énergie a diminué en 2009. La consommation d'électricité a même connu un déclin pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela veut dire que les émissions ont aussi diminué. C'est pourquoi, juste avant Copenhague, nous pensions que c'était une occasion de prendre les décisions qui nous aideraient à limiter les augmentations de température en dessous de deux degrés. Espérons qu'à Cancún les pays prendront des engagements plus solides, car, selon nos calculs, chaque année où nous n'avons pas de cible contraignante pour les émissions nous coûtera 500 milliards en coûts additionnels pour atteindre nos objectifs de réduction.»
De plus, la crise a aussi eu un impact négatif sur le secteur des énergies renouvelables en freinant les investissements.
«La plupart des entreprises dans les énergies renouvelables sont de taille moyenne, et elles ont besoin de crédit des banques, dit Fatih Birol. Un accès au crédit plus difficile a eu un impact sur elles, et la croissance que nous avons vue dans les énergies renouvelables avant 2008 a été renversée en 2009. Mais nous pensons qu'avec les prix du pétrole à la hausse, elles retrouveront de la vigueur prochainement.»
D'autre part, les succès ou les échecs des grands sommets de dirigeants mondiaux ne sont pas un prétexte pour rester les bras croisés à plus petite échelle.
«L'énergie est un enjeu planétaire, c'est vrai, dit Normand Mousseau, professeur de physique à l'Université de Montréal. Mais en même temps, c'est aussi un enjeu local. Si on veut transformer notre usage de l'énergie pour qu'il soit plus respectueux de l'environnement, les solutions doivent aussi être locales. Chaque communauté doit trouver des solutions.»