Qu'allons-nous enseigner aux enfant de la France pluriculturelle et pluricommunautaire d'aujourd'hui ? Les laïcs imaginent que Ferdinand Buisson a toujours raison et que c'est la laïcité telle qu'elle a été théorisée et pratiquée entre 1901 (lois sur les associations - qui devait servir à réformer l'Eglise catholique en France) et 1923 (accord entre Aristide Briand et le Saint Siège par laquelle, contrairement à l'article 2 de la Loi de 1905 [l'Etat ne reconnaît, ne salarie ou ne subventionne aucun culte]l'Etat désormais reconnaît la structure épiscopale de l'Eglise de France), que c'est donc cette laïcité Troisième République qui résoudra le problème de l'intégration... La laïcité Troisième République est née d'un dialogue - parfois musclé : voir les fameux "inventaires" - entre l'Eglise et l'Etat. Aujourd'hui l'Eglise, qui garde une place symbolique forte, est devenue quantité négligeable. En outre, cette laïcité se fonde sur une société dont les structures restent des structures chrétiennes. Cela n'est plus le cas aujourd'hui. Enfin cette laïcité se fondait sur un accord philosophique autour de ce que l'on pourrait nommer "les postulats de la philosophie de l'esprit". Cette philosophie de l'esprit est morte avec la Modernité. la post-modernité raisonne autrement, cherchant un ordre non pas dans le pouvoir structurant de l'esprit humain mais... dans ce qui reste après le déluge. Les philosophies d'aujourd'hui, de Michel Onfray à Jean-Luc Marion, sont des philosophies qui tentent un inventaire des produits de la raison ("Comment penser après Auschwitz ?"). Mais personne ne croit plus au pouvoir ordonnateur de l'esprit humain, fondement non-dit de la laïcité comme on le voit clairement dans les textes de Buisson et dans ce kantisme pour instituteurs qui a régné sur les esprits jusqu'aux années Soixante dix. Personne ne croit plus aux idéologies officielles. Personne ne place aucune forme d'espérance dans la raison politique...
La laïcité systématique est une vieille chose antichrétienne qui n'avait de valeur que face au christianisme (comme le protestantisme n'a de valeur que face au catholicisme). Elle est impensable aujourd'hui. restent des interdits, des négations, des blocages, qui ne tiendront pas longtemps, et qui, déjà, face à l'islam s'effritent. Quand une collectivité locale construit une Mosquée, cela signifie que la loi de 1905, "colonne du Temple" comme l'appelait Jacques Chirac, est une colonne brisée.
Que reste-t-il aux élèves qui sont toujours "entre les murs" des lycées casernes hérités de la Réforme de l'Instruction publique, devenue monstrueusement "Education nationale" ?
Il leur reste la culture occidentale, cet humanisme qui remonte à la Renaissance ou à l'Age baroque, que les jésuites ont partagé avec les grandes institutions protestantes d'Europe. Le luthérien Leibniz me semble un produit assez caractéristique de cette culture européenne, antérieure à la guerre civile issue des Lumières. Alors que les profs voient leurs préventions idéologiques tomber les unes après les autres, alors que l'on peut à nouveau parler à l'école de religion, le schéma laïc périmé, devrait laisser la place à un nouvel humanisme, à un véritable inventaire, où l'on redécouvrirait le pouvoir civilisateur du christianisme, où l'on retrouverait cet accord foncier entre la foi et la raison que Benoît XVI a évoqué à Ratisbonne en 2006.
C'est une manière absolument moderne d'être baroque que je propose. Je crois que tout naturellement c'est vers cet état d'équilibre et de paix, c'est à cette culture partagée que l'on revient. Le problème en France n'est pas de renforcer la laïcité (voir en ce moment les gesticulations absurdes autour de la manière dont les femmes doivent s'habiller, gesticulations qui nous font régresser au début du XXème siècle, lorsque les religieux se voyaient interdire le port de leur habit distinctif). La laïcité ne parviendra qu'à voiler le problème en balisant notre vivre ensemble de nouvelles interdictions. Le problème est de retrouver cette culture partagée pour laquelle milite Benoît XVI, le problème est de retrouver un humanisme, qui ne soit pas le matérialisme minimaliste et finalement terroriste cultivé au XVIIIème siècle, mais ce que j'appellerais volontiers la Tradition du Logos du Moyen âge à nos jours, cette Tradition critique mais non criticiste qui constitue l'identité européenne culminant à l'Age baroque et rayonnant jusqu'à nos jours dans les grandes oeuvres intemporelles que l'on retrouve quand on est lassé des va et vient de la mode "intellectuelle".
La postmodernité est le temps de l'inventaire. C'est cet inventaire de l'humanisme, dans lequel, à travers la Renaissance on retrouve le XIIIème siècle, mettant entre parenthèse les horreurs du XIVème et du XVème (la peste, le schisme, la guerre et le nihilisme volontariste), qu'il s'agirait de redécouvrir comme socle d'un véritable vivre ensemble. Comme abrégé de ce que l'on enseigne à l'Ecole à tous les élèves. LIRE L'ARTICLE ORIGINAL>>>