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LA PLACE DES FEMMES

Par Guy Durand, La Voix de l'Est

Le 8 mars, consacré Journée internationale des droits de la femme par l'ONU en 1977, a donné lieu à la publication de nombreux articles dans les médias. Mais quelle place fait-on vraiment à cette moitié de l'humanité dans la vie réelle? Restons en Occident.

La dignité de la femme et son égalité avec l'homme sont affirmées solennellement. On s'en réjouit. Dans les faits, deux types de questions se posent.

Le premier concerne la «nature féminine». La femme a-t-elle une «nature propre» ? Entre deux positions extrêmes, il me semble que son lien à la maternité la marque de façon indélébile, même si on ne peut voir l'influence de cet enracinement biologique identique chez toutes, et encore moins y associer des caractéristiques propres à chaque sexe. Tous les traits humains peuvent et doivent être cultivés par chacun, même si on perçoit parfois des traits dominants dans un groupe ou l'autre, souvent liés à l'éducation et la culture. Et, dans tous les secteurs de la vie, un groupe mixte réagit de manière plus riche qu'un groupe unisexe. Certaines professions et certains métiers peuvent être choisis de préférence par un sexe, mais la société et le sentiment populaire doit permettre l'exercice d'un choix réel.

La seconde concerne les conditions de vie. Sur ce plan, hélas, l'égalité et la dignité sont loin d'être acquises. L'accès aux professions et métiers est loin d'être identique. Combien de femmes d'affaires, combien de femmes dans la haute direction des banques, des compagnies ou des gouvernements? Pire, les différences de salaires dans les professions à majorité de femmes et celles occupées par des hommes sont encore souvent scandaleuses. Qu'est-ce qui nous retient de donner un véritable coup de barre?

Les religions reflètent la plupart du temps la culture et la civilisation dans lesquelles elles sont insérées. Hélas, souvent avec un retard considérable. Je ne parle pas des religions où les femmes sont souvent séparées pour la prière et certaines activités, où les femmes ne peuvent être gourou, imam, rabbin ou chaman, pour me limiter au christianisme. Dans la religion catholique, les femmes tiennent une importance particulière, par l'éducation des enfants, pour la conservation et la transmission des valeurs et de la foi; elles occupent fréquemment des postes en pastorale, mais pratiquement pas de poste d'autorité (autorité administrative, liturgique ou théologique). On présente des arguments théologiques contre l'accession des femmes au sacerdoce, puis à l'épiscopat, mais quelle en est la pertinence? À propos du mariage des prêtres, il s'agit d'une simple règle disciplinaire au dire même des autorités du Vatican. Qu'est-ce donc qui empêche de laisser le choix? Jusqu'au XIIe siècle, les prêtres catholiques pouvaient être mariés. Dans l'Église protestante et l'Église orthodoxe, ils peuvent l'être encore. Le pape accepte même dans le rite catholique des pasteurs protestants mariés qui veulent joindre ses rangs. Certes, perdurent ici et là une dévalorisation de la sexualité et une perception de la femme comme tentatrice, mais cela contredit explicitement la foi en une Création belle et bonne («Et Dieu vit que cela était bon», dit la Bible après le récit de la création de la femme). Cette perception contredit, de plus, toute la doctrine chrétienne de la Rédemption. Dans les Évangiles, rompant avec la tradition juive de son temps, Jésus est particulièrement accueillant des femmes. St-Paul, malgré la réputation de misogyne qu'on lui a accolée, fait constamment et étroitement appel à la collaboration des femmes pour son ministère. Certes, au début de l'ère chrétienne, on pouvait vouloir se distinguer du culte des déesses pratiqué dans certaines religions orientales, mais le contexte n'est plus le même.

Bref, qu'est-ce qu'on attend, dans la société et les Églises, pour reconnaître à leur juste place celles qui constituent «la moitié du ciel», selon une expression empruntée à Mao Tsé-Toung?

L'auteur, résidant de Dunham, théologien et juriste, est professeur retraité de l'Université de Montréal