"La religion joue également un rôle important dans la formation de l’identité. Il est impossible de ne pas considérer le christianisme comme principe fondamental de la civilisation occidentale."
Environ un an après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, le British Home Office a publié une étude sur les "principes fondamentaux de la citoyenneté britannique. "Ces principes sont, selon cette étude : "le respect des droits de l’Homme et de ses libertés, l’observation des lois et remplir nos devoirs et obligations".
Un autre rapport qui lui, s’intéresse aux "éléments communs à la nation" a proposé les principes suivants : "un soutien plus visible des mesures anti-discrimination, un soutien des droits de la femme, une acceptation universelle de la langue anglaise … et le respect des différences religieuses comme des opinions laïques. Une tentative similaire a été faite en Allemagne où le terme "germanité" est défini dans le même sens que les valeurs démocratiques libérales.
Lorsque vous vous penchez sur la liste de ces valeurs civiques, vous vous rendez compte que la langue nationale est la principale différence entre les Britanniques et les Allemands. Il serait naïf de donner ce sens à l’identité nationale au 21e siècle en Europe. Ce qui différencie un Allemand d’un Français ou d’un Turc est plus que la langue. Il y a l’histoire commune, la mémoire, les joies et les peines, les liens du sang, les ancêtres communs, la patrie etc. Mais quel sens a alors cette liste ? Si nous lui donnons une orientation trop historique ou ethnique, nous finissons par aboutir à une version du nationalisme ethnique, un nationalisme exclusif et discriminatoire. Et que devient la religion dans tout ça ? La religion joue également un rôle important dans la formation de l’identité. Il est impossible de ne pas considérer le christianisme comme principe fondamental de la civilisation occidentale. Même si de nombreux Européens laïques ne s'identifient pas à une foi particulière ou à une confession religieuse, l'identité historique de l'Europe a été façonnée par la tradition gréco-romaine, d'une part, et par le christianisme d’une autre part. La question du judaïsme est à soulever également.
Fait-elle partie de l’identité occidentale ? Pendant des siècles les Juifs n’ont pas été considérés comme faisant partie de l’Europe. Ils sont depuis toujours présents dans l’histoire de l’Europe, mais ils n’ont jamais vraiment été accueillis dans la famille religieuse et ethnique de l’Europe. Mais que se passe t-il dans le cas où nous poussons le fondement religieux de l’identité trop loin à une époque laïque, époque à laquelle l’identité nationale d’un individu est définie non pas par sa religion ou son ethnie, mais par le respect des principes fondamentaux des droits de l’Homme, l’égalité citoyenne et la démocratie constitutionnelle ? La plupart des démocraties modernes définissent leur code de citoyenneté nationale en ne tenant compte d’aucune communauté religieuse et/ou ethnique. Les droits de l’Homme universels et les libertés publiques ne définissent pas les individus ou les communautés sur la base de leur identité religieuse ou ethnique. De quelle manière ces principes s’appliquent-ils aux minorités religieuses et aux communautés musulmanes en Europe ? Une importante conférence dans la ville allemande de Wuppertal, près de Düsseldorf, a eu lieu le week-end dernier pour tenter d’apporter des éléments de réponse à cette question. La conférence était organisée par la CIMG (Communauté Islamique Milli Görüş), association pan-européenne turco-islamique basée en Allema- gne. L’histoire de cette communauté remonte aux années 1970, lorsque les communautés immigrées turques ont commencé à créer des associations et des réseaux intra-turcs en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe.
Comme celle d’une douzaine d’autres communautés en Europe, l’histoire de la CIJM est elle aussi l’histoire de travailleurs immigrés turcs organisés en communautés établies. Après trente années de lutte pour survivre en tant que communauté, les musulmans turcs d’Allemagne ont changé la définition historique de l’intégration. La plupart des Turcs partagent l’espace public allemand comme tout autre groupe minoritaire. Mais la troisième génération et la maintenant la quatrième génération de Turcs ne se voient pas comme des étrangers, des immigrés et certainement pas comme des "travailleurs immigrés". Ils sont aussi allemands comme toute génération d’immigrants peut l’être. Ils parlent l’allemand mieux que le turc. Ils connaissent l’histoire et la culture allemandes mieux que celles de leurs parents. Et en plus, ils vivent maintenant dans les valeurs européennes comme n’importe quel Européen. Le problème est que même ce degré d’intégration n’est pas suffisant pour certains puristes culturels en Europe. Certains se plaignent en disant que les Turcs ne se sont pas intégrés, mais c’est l’inverse qui est vrai. En effet, en ce qui concerne les compétences linguistiques et culturelles, la troisième et quatrième génération de Turcs sont de plus en plus à même de perdre leur langue maternelle et d’avoir plus confiance en la langue et la culture allemandes. La raison pour laquelle leurs parents soutiennent les centres religieux et culturels turcs est qu’ils veulent s’assurer que leurs enfants grandiront comme des citoyens européens bilingues et multiculturels. Les groupes tels que le CIJM reflètent cette réalité.
Et n’est-ce pas cela justement que le multiculturalisme promet ?
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