Reuters - 17 décembre 2010
La communauté internationale a multiplié les appels vendredi pour contraindre Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir en Côte d'Ivoire et céder la place à son rival Alassane Ouattara, considéré comme vainqueur de l'élection présidentielle.
Ces injonctions sont intervenues au lendemain de violentes heurts entre troupes loyales à Laurent Gbagbo et partisans d'Alassane Ouattara qui ont fait au moins 20 morts, dix manifestants et dix membres des forces de l'ordre.
S'exprimant après un Conseil européen à Bruxelles, Nicolas Sarkozy a estimé que le président sortant ivoirien devait se plier sans délai au verdict des urnes sous peine d'encourir des sanctions européennes et d'avoir affaire au tribunal pénal international.
Si Laurent Gbagbo n'a pas quitté "avant la fin de la semaine" le poste qu'il continue d'occuper "en violation de la volonté du peuple ivoirien", son épouse et lui "seront nommément sur la liste des sanctions" européennes, a ajouté le président français dont l'appel a été repris en écho par les Vingt-sept.
"Le Conseil européen appelle tous les dirigeants ivoiriens, civils et militaires, à se placer, si ce n'est pas encore le cas, sous l'autorité du président démocratiquement élu, Alassane Ouattara", dit un communiqué émis après le sommet de Bruxelles.
L.Gbagbo, président de la Côte d'Ivoire
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L'Union européenne s'est accordée lundi sur des sanctions ciblées contre le président de la Côte d'Ivoire et son entourage. Mais on souligne à Bruxelles, de source diplomatique, que la France presse ses partenaires pour que les sanctions ne soient pas immédiatement appliquées.
RECOURS À LA FORCE ?
L'Onu, qui s'était rangée derrière la Commission électorale indépendante à l'issue du second tour de la présidentielle le 28 novembre, a également demandé le départ du président sortant.
Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a affirmé que Laurent Gbagbo "ne pouvait pas être autorisé à se maintenir" et qu'il devait céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara déclaré vainqueur par la CEI.
Le Premier ministre kényan, Raila Odinga, a demandé aux nations africaines d'expulser Gbagbo, y compris par la force si nécessaire.
Une délégation de l'Union africaine conduite par Jean Ping, président de la Commission africaine, est arrivée à Abidjan où elle doit discuter avec les deux camps.
L'UA a cependant dit ne guère croire à un accord de partage de pouvoir pour sortir la Côte d'Ivoire de la crise. L'objectif des discussions est d'empêcher le pays de sombrer dans une nouvelle guerre civile après celle de 2002-2003.
Le diplomate américain William Fitzgerald, chargé des affaires africaines au département d'Etat, a affirmé qu'au moins un Etat africain avait proposé d'accueillir Gbagbo si ce dernier acceptait de quitter le pays.
Fitzgerald a souligné que les Etats-Unis étaient prêts à imposer dans les jours qui viennent à Laurent Gbagbo, à sa famille et à ses proches, des interdictions de déplacement si la crise politique ivoirienne s'éternise.
"Il est resté longtemps au pouvoir et a récolté les fruits de cette situation (...) Il devrait partir maintenant, avant qu'il n'y ait vraiment des affrontements à grande échelle", a-t-il dit.
"Le président Gbagbo n'ira nulle part. Il a été élu pour cinq ans et quittera le pouvoir seulement en 2015", a déclaré le porte-parole de l'intéressé, Alain Toussaint, à Reuters à Londres.
LE CAMP GBAGBO DÉNONCE L'APPEL DE L'UE
Alain Toussaint a dénoncé l'appel lancé par l'UE à l'armée ivoirienne pour qu'elle soutienne Ouattara. "L'armée de Côte d'Ivoire est républicaine, loyale aux institutions de la République. L'appel de l'Union européenne est totalement irresponsable et scandaleux, il revient à appeler à la guerre civile", a-t-il dit.
"La France, les Etats-Unis, l'Union européenne veulent comploter pour mener un coup d'Etat constitutionnel et nous disons 'non'. Pas question de tolérer une ingérence des gouvernements étrangers dans nos affaires."
Les exportations de cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial, sont quasiment interrompues depuis jeudi. "Hier, nous n'avons pas travaillé et aujourd'hui non plus. Nous attendons lundi pour reprendre", a déclaré une source à la Bourse du café-cacao (BCC).
Le pays a connu jeudi les heurts les plus graves depuis son basculement dans une situation de blocage politique, les deux candidats du second tour de l'élection présidentielle revendiquant la victoire.
Le gouvernement mis en place par Alassane Ouattara a indiqué que les forces soutenant Gbagbo avaient tué 14 manifestants qui marchaient sur le siège de la Radio-télévision ivoirienne (RTI).
Les partisans de l'ancien Premier ministre avaient annoncé leur intention de poursuivre le mouvement vendredi pour forcer le président sortant à céder le pouvoir.
"Il est évident que si Laurent Gbagbo met fin aux tueries dans les quartiers d'Abidjan (...), il y aura encore une possibilité de réconciliation nationale', a dit sur la chaîne française LCI Guillaume Soro, Premier ministre d'Alassane Ouattara. "Mais s'il continue de tuer des civils (...), évidemment ce sera (...) à lui de rendre des comptes au Tribunal pénal international."
En milieu de journée, les rues de la ville étaient calmes, seuls quelques coups de feu sporadiques étant entendus en provenance du quartier de Cocody, théâtre des affrontements les plus violents jeudi.
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L'armée a pris position aux principaux carrefours et bloque l'accès à l'hôtel du Golf où est installé Alassane Ouattara et son gouvernement.
L'échec des partisans d'Alassane Ouattara semble montrer que Laurent Gbagbo contrôle fermement l'appareil militaire, notamment la garde présidentielle, qui, d'après des témoins, a joué un rôle majeur dans ces affrontements.
Bertrand Boucey, Pierre Sérisier et Guy Kerivel pour le service français, avec Emmanuel Jarry et Julien Toyer à Bruxelles