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Éthique - Mourir dans la dignité par Guy Durand

Projet de loi fédérale C-384 sur la légalisation de l'euthanasie, sondage de la Fédération des médecins spécialistes, Commission parlementaire à Québec: le débat est relancé. Pour se situer, il importe de distinguer trois volets: le vocabulaire, l'aspect éthique et le point de vue législatif. Chacun peut donner aux mots le sens qu'il désire, mais si on veut un dialogue fécond entre citoyens, il faut s'entendre sur le sens des mots.

Étymologiquement, le mot euthanasie désigne une bonne mort, une mort douce, sans souffrance. Le terme est général et englobant. Au fil des ans, compte tenu de l'évolution de la médecine, on lui a donné un sens plus précis qui le distingue des soins de fin de vie. Il désigne «la mort donnée à autrui pour hâter la fin des souffrances» ou encore «une méthode ou un acte, destiné à mettre fin à la souffrance en provoquant une mort sans douleur». L'acte peut être fait à la demande du malade ou à son insu.

L'abstention et l'arrêt de traitement désignent le fait de ne pas entreprendre ou d'arrêter certains traitements curatifs (y compris la réanimation). Généralement, ce geste provient de motifs humanitaires: les traitements curatifs sont devenus inutiles, ils ne font que prolonger l'agonie et les souffrances du malade. Bref, on laisse mourir parce que l'effort curatif est devenu disproportionné aux résultats escomptés.

Dans la même perspective, les soins palliatifs désignent tous les soins d'ordre infirmier, affectif, psychologique, médical que l'on procure, non pas pour guérir le malade, mais pour diminuer ses souffrances, améliorer son confort et sa qualité de vie. Quand le curatif est devenu inutile, il reste tout le champ du palliatif à mettre en oeuvre. On ne vise plus à guérir (cure), mais on continue à prendre soin (care).

Sur le plan moral ou éthique, on accepte généralement l'abstention et l'arrêt de traitement, ainsi que le fait de se limiter aux soins palliatifs.

Sur la moralité de l'euthanasie, par contre, l'unanimité est loin d'exister. L'appréciation morale relève de la philosophie ou de la religion de chacun. Mais on peut très bien juger que l'euthanasie est immorale sans vouloir qu'elle soit criminalisée; comme on peut penser que l'euthanasie est morale, mais qu'elle ne doit pas être légalisée. Le plan moral ne s'identifie pas au plan légal, même si le premier ne peut être complètement évacué.

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Sur le plan légal, diverses considérations doivent intervenir: la dimension éthique bien sûr (respect de la vie, liberté de la personne), mais aussi les conséquences sociales. Il faut éviter de ne référer qu'à la Charte des droits, voire à une conception de la Charte attentive aux seuls droits individuels. Ainsi, l'éthique doit être prise en compte, moins pour privilégier une conception particulière que pour tenir compte de l'effet éducatif des lois. On a trop tendance à considérer le légal comme le moral et à éviter ainsi la réflexion spécifiquement morale. Par ailleurs, existent trois autres risques à la légalisation de l'euthanasie: la détérioration de la relation médecin-patient (certaines personnes âgées craignent déjà d'aller à l'hôpital par crainte d'être «abandonnées»), l'influence sur les personnes handicapées (qui pourraient interpréter cette légalisation comme si la société jugeait que leur vie ne valait pas d'être vécue), les dangers d'abus (même si la loi fixait des conditions restrictives, l'expérience des pays où l'euthanasie a été légalisée illustre que ces restrictions ne sont pas toujours respectées).

Pour tenir compte des situations qui suscitent la compassion, plutôt que de légaliser l'euthanasie, il serait plus adéquat, à mon avis, 1) de modifier le code criminel pour permettre au juge d'invoquer éventuellement les circonstances atténuantes; 2) et, par ailleurs, de développer largement l'accès aux «soins palliatifs».

L'auteur, résidant de Dunham, théologien et juriste, est professeur retraité de l'Université de Montréal