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Économie - Les travailleurs des Caraïbes envoient moins d'argent au pays

LE MONDE ECONOMIE
Jusqu'à la fin 2008, Manuel Piè envoyait tous les mois 3 000 pesos (environ 65 euros) à sa mère, restée seule avec ses frères et soeurs dans un village du nord d'Haïti. Le chantier où travaillait ce jeune maçon, sans papiers comme la majorité des migrants haïtiens en République dominicaine, est fini. Depuis plus d'un mois, il cherche sans succès une nouvelle embauche. Longtemps l'un des secteurs les plus dynamiques de l'économie locale, la construction n'échappe pas à la crise.

"Le nombre des transferts (remesas) a baissé d'environ 8 % au premier trimestre, et le montant des sommes a diminué d'au moins 15 %", calcule Edigarbo Garcia, le directeur de Remesas Dominicanas. Cette compagnie distribue environ 20 % des valeurs envoyées par les expatriés dominicains, qui travaillent pour la plupart aux Etats-Unis et en Espagne. "Jusqu'à l'an dernier, le montant moyen des envois était de 270 dollars. Il est tombé à 200 dollars (153 euros)", ajoute-t-il.

Le directeur de l'Association dominicaine des entreprises de transferts de fonds, Freddy Ortiz, confirme le reflux : "La Banque centrale n'a pas encore publié les chiffres du premier trimestre, mais la baisse sera d'au moins 9 % pour l'année, sans doute davantage."

"Le quart des foyers dominicains reçoivent des remesas, qui servent pour l'essentiel à couvrir des besoins de base comme l'alimentation", souligne l'économiste Miguel Ceara Hatton. "La baisse des remesas, s'ajoutant à la chute du tourisme, va encore aggraver les indices de pauvreté", prévoit-il. D'autant que selon un autre économiste, Bernardo Vega, "le gouvernement a commis l'erreur de sous-estimer la gravité de la crise et a beaucoup tardé, à la différence des pays d'Amérique centrale, à demander des prêts aux institutions internationales".

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Après dix ans de forte croissance, les remesas envoyées en Amérique latine et dans les Caraïbes ont commencé à baisser au quatrième trimestre 2008. L'an dernier, elles ont totalisé 69,2 milliards de dollars, à peine plus qu'en 2007. "Il est encore trop tôt pour évaluer de combien elles diminueront en 2009. Ce sera en tout cas une mauvaise nouvelle pour les millions de personnes qui en dépendent pour boucler leurs fins de mois", annonce Luis Alberto Moreno, le président de la Banque interaméricaine de développement (BID). La durée de la crise mondiale, le renforcement des politiques contre les migrants et les variations des taux de change auront un impact sur le montant des transferts.

Dans sept pays de la région (Guyana, Haïti, Honduras, Jamaïque, El Salvador, Nicaragua et Guatemala), les remesas représentent plus de 12 % du produit intérieur brut (PIB), davantage que les exportations, le tourisme ou les investissements étrangers.

En Haïti, le pays le plus pauvre des Amériques, les transferts familiaux ont atteint 1,8 milliard de dollars en 2008, plus du tiers du PIB, et beaucoup plus que l'aide internationale. Réunis à Washington à la mi-avril, les principaux bailleurs de fonds ont promis 324 millions de dollars. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a annoncé que la situation de 30 000 sans-papiers haïtiens menacés d'expulsion serait reconsidérée afin qu'ils puissent continuer à travailler et à envoyer des fonds à leur famille.

Grâce à la fin des restrictions annoncées à la mi-avril par le président des Etats-Unis, Barack Obama, Cuba est le seul pays de la région où les remesas vont augmenter. Selon l'économiste Manuel Orozco, ils ont représenté environ 1 milliard de dollars en 2008, dont 53 % venant des Etats-Unis et 23 % d'Espagne, et devraient atteindre 1,4 milliard en 2009. Le lendemain de la décision de M. Obama, la compagnie Western Union a annoncé l'extension de son réseau de plus de 3 000 agences recevant des fonds à destination de Cuba...
Jean-Michel Caroit