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Benoît XVI, "pape fictif"? Par Christophe Barbier

Faut-il changer l'organisation du clergé de l'Eglise? L'éditorial de Christophe Barbier.

Comme il y eut un Benoît XIV, baptisé "antipape imaginaire", à la fin du grand schisme d'Occident, Benoît XVI sera-t-il estampillé dans l'Histoire "pape fictif", tant les événements lui échappent depuis les débuts de son pontificat?

Qu'il s'agisse des vastes mouvements géopolitiques ou des grandes querelles théologiques, le Saint-Père semble subir la réalité et poursuivre une fuite sans fin, fébrile et défensive, devant la force des faits. Il en est ainsi de l'attitude de l'Eglise et de son chef face aux révélations récurrentes sur les actes pédophiles commis par des prêtres. Parce que le bouclier de l'omerta, enfin, est tombé, sous la pression des opinions et par décision du pape, les scandales vont se succéder. Le secret de la confession était intenable en face de tels crimes, mais, sans lui, le clergé risque de se déliter, telle une armée abandonnée. Si le Vatican croit que patience et pénitence suffiront, il se trompe, et les révélations incessantes finiront par abattre l'Eglise. Ce n'est pas seulement le clergé qui chutera, c'est la foi elle-même, et le christianisme pourrait bien en mourir à petit feu.

Qu'une religion fondée sur l'amour puisse en interdire à ses ministres la forme la plus élémentaire est intenable

En vérité, l'Eglise doit, pour renaître, changer toute l'organisation de son clergé. Elle doit, d'abord, en finir avec le célibat des prêtres. Tout ordre fondé sur l'interdit sexuel et sur la torture d'abstinence forcée mène aux déviances ou à la révolte: en prônant la sainteté d'existence, le catholicisme n'a provoqué qu'un enfer mental dont on mesure aujourd'hui le coût. Qu'une religion fondée sur l'amour puisse en interdire à ses ministres la forme la plus élémentaire est intenable. Benoît XVI voit en cette chasteté obligatoire une indispensable imitation du Christ: mais demande-t-il à chaque prêtre de mourir crucifié à 33 ans? De même, Rome doit autoriser l'ordination des femmes, qui sauront mieux que les hommes porter la parole du Christ au coeur des angoisses actuelles, et porter leur foi dans nombre de ténèbres où tâtonnent les prêtres.

"Le Christ aime son Eglise, qui est son corps, même si ce corps est blessé par nos péchés", a affirmé le pape à Malte. Non: ce sont les victimes des pédophiles qui sont atteintes dans leur chair. L'Eglise, elle, est trahie dans son âme par les prêtres criminels, et peut en périr. Le Grand Schisme déclenché en 1378 est un lointain miroir: soudain, dans le Moyen Age en mutation, l'Eglise se trouva en décalage avec les sociétés. Les nations s'affirmaient, la bourgeoisie marchande prospérait, les techniques progressaient, mais Rome ne comprit pas que l'on changeait d'époque. Lentement, les pouvoirs politique et financier s'affranchirent de l'Eglise, en l'accusant de corruption et de cupidité, et la dichotomie de la papauté leur permit d'accélérer cette manoeuvre. En la mutation d'aujourd'hui, c'est au nom des moeurs que la modernité veut évincer cette puissance spirituelle, discréditée par les exactions de son bien bas clergé. Si Rome ne réagit pas, sur quelle peau de chagrin Benoît XVI achèvera-t-il son pontificat?