Source: France Soir
Le 04/01/11 à 16h08
Nucléaire: la Chine franchit une étape vers l'indépendance énergétique
En parvenant à réutiliser du combustible usé dans un réacteur expérimental, la Chine a franchi une importante étape technologique, déjà réalisée par d'autres pays, pour assurer à long terme son indépendance énergétique, soulignent les experts.
Production d'énergie en Chine |
La télévision nationale CCTV a annoncé lundi en fanfare que le pays allait pouvoir utiliser ses réserves d'uranium pendant 3.000 ans, au lieu de 50 à 70 ans prévus jusqu'ici, grâce à une expérience réussie par la China National Nuclear Corporation (CNNC).
En fait cette "percée technologique" a été réalisée le 21 décembre dans l'usine numéro 404 de CNNC, située dans une partie désertique de la lointaine province du Gansu (nord-ouest), où des ingénieurs chinois sont parvenus à réutiliser dans un réacteur expérimental du combustible irradié.
"Dans un premier temps, le réacteur a été mis en route en utilisant des produits non radioactifs ou très faiblement radioactifs. Là, on est passé à une phase de tests actifs avec de la matière fissile, radioactive", a expliqué à l'AFP un expert occidental basé à Pékin.
La Chine fait désormais partie de la "minorité de pays" maîtrisant le cycle complet du combustible nucléaire, s'est réjoui Sun Qin, le directeur général de CNNC, cité par CCTV.
Le pays possède actuellement 13 réacteurs nucléaires en exploitation et Pékin a donné son feu vert à la réalisation de 34 autres, dont 26 sont déjà en construction, soit plus de 40% des centrales en chantier dans le monde, a rappelé mardi le site internet du Quotidien du Peuple.
L'expérience de la CNNC "est une étape cruciale pour résoudre le problème de matières premières auquel est confronté l'industrie nucléaire, qui a déjà été franchie par les principaux pays nucléaires", a expliqué à l'AFP Lin Boqiang, directeur du centre de recherche sur l'économie de l'énergie à l'Université de Xiamen.
La Chine cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis du charbon, qui couvre 70% de ses besoins en énergie, mais ses réserves d'uranium sont limitées. Elle produit actuellement environ 750 tonnes d'uranium par an mais la demande annuelle pourrait s'élever à 20.000 tonnes d'ici à 2020 avec la montée en puissance du nucléaire, selon la presse.
CNNC exploite déjà une mine d'uranium au Niger, de laquelle cette entreprise d'Etat a annoncé le 31 décembre avoir extrait son premier fût.
Multiplier d'un facteur 50 à 100 l'utilisation des réserves d'uranium requiert la capacité d'utiliser l'isotope 238, non radioactif à l'état naturel, du minerai d'uranium, ce que pourront faire les réacteurs à neutrons rapides dits de quatrième génération, dont la mise en service est prévue par le Commissariat (français) à l'énergie atomique (CEA) à l'horizon 2040.
"La Chine a effectué une percée concrète dans le développement des technologies nucléaires de quatrième génération à neutrons rapides", a précisé au China Business News Ye Qizhen, expert des questions nucléaires à l'Académie chinoise de l'ingénierie, à la suite de l'annonce de Pékin.
Sans attendre 2040, l'utilisation de combustible retraité en Chine pourrait déjà se généraliser avec les réacteurs de troisième génération comme l'EPR du français Areva ou l'AP1000 de l'américain Westinghouse, (filiale de Toshiba) tous deux en construction en Chine, estime M. Lin.
En France, plus du tiers des centrales nucléaires actuellement en service sont capables d'utiliser en partie du combustible recyclé, notamment le Mox qui contient du plutonium très hautement radioactif. Et les EPR pourraient tourner entièrement avec ce carburant, selon le CEA.
Mais en Chine, le recyclage du combustible irradié n'en est encore qu'au stade expérimental. "Pour l'instant nous ne savons pas si de nouveaux problèmes techniques vont surgir pour passer à la production" industrielle, souligne M. Lin.