Source: La Voix du Nord
Deux gros ouvrages, près de 3 000 pages, quelque quatre-vingts collaborateurs. Sur ces chiffres, l’affaire peut paraître monumentale. L’Histoire générale du christianisme que viennent de publier les Presses universitaires de France réussit l’exploit de donner une version accessible et maniable (!) de deux mille ans d’histoire.
Menée sur le format de la collection Quadrige – texte de référence, format souple –, cette Histoire générale du christianisme aura été un chantier au long cours puisqu’initié en 1991. « L’idée était de mettre en place l’émergence du christianisme et son développement des origines à aujourd’hui », rappelle Yves-Marie Hilaire, professeur émérite à l’Université Charles de Gaulle-Lille III, qui a codirigé avec Jean-Robert Armogathe le deuxième volume (du XVIe siècle à nos jours).
Autre idée directrice : replacer la religion dans une histoire générale des sociétés et de la culture. Raison pour laquelle, les historiens et les théologiens rassemblés dans l’équipe de rédaction proposent autant d’angles et d’approches qui se renvoient les uns les autres : à l’exemple de la première partie abordant la question identitaire « qui est le Christ » avant de prendre la mesure d’une Église héritière de Rome, rapidement confrontée au péril barbare. « Pour ce premier volume (des origines au XVIe siècle), on a pris en compte les découvertes des Jésuites américains, notamment leur nouvelle lecture des Èvangiles et du Nouveau Testament », souligne Yves-Marie Hilaire.
Passés les mille ans d’un Moyen Age dont la seule unité est religieuse, on aborde une période de troubles où les déchirements de la Réforme croisent les secousses de la « première mondialisation » suscitées par les grandes découvertes. Une nouveauté du livre ? « La pré-réforme, engagée au sein même du catholicisme dans les pays latins, notamment l’Espagne ! » souligne Yves-Marie Hilaire. Au Nord, Erasme en est le personnage clé.
À partir du XVIIIe siècle, le christianisme est en concurrence – en conflit permanent – avec la raison dans l’explication du monde.
La Révolution française fait éclater tout un système de valeurs jusqu’au catholicisme social du XIXe siècle, jusqu’à la terrible rupture de 1914. « En 1940, Churchill mais aussi le général de Gaulle expliquent que la guerre contre l’Allemagne d’Hitler est aussi un affrontement de civilisation » souligne Yves-Marie Hilaire.
L’un des intérêts de l’ouvrage est de multiplier les regards sur les Églises d’orient (Byzance), les mondes orthodoxe et protestant : les derniers chapitres abondent en encadrés qui font le point sur les courants évangéliques américains, le renouveau des Églises en Europe de l’Est, en Afrique (on parle désormais des « Pères africains »). Et bien sur, les héritages de Vatican II et les multiples questions de société sur lesquelles Rome demeure perplexe : le sacerdoce et le diaconat des femmes, la libéralisation sexuelle, etc. « Jean Paul II en son temps rappelle Yves-Marie Hilaire avait déjà tenté de rattraper les choses en se risquant à un éloge de l’union des corps ».