Bien avant le début de la révolution industrielle, les agriculteurs qui « engraissent la terre » de différentes façons, savent les bénéfices d'un apport de nutriments essentiels à la croissance des plantes3. Les travaux de Justus von Liebig permettent, dans les années 1840, d'identifier l'importance de l'apport en azote à cette fin4. Par ailleurs, ce même composé chimique pouvait déjà être transformé en acide nitrique, précurseur de la poudre à canon et de puissants explosifs tel que le TNT et la nitroglycérine5. Cependant, s'il est alors connu que l'azote constitue une part dominante de l'atmosphère terrestre7, la chimie inorganique n'a pas encore établi de procédé pour le fixer.
Ainsi, lorsqu'en 1909 le chimiste allemand Fritz Haber parvient à fixer l'azote atmosphérique en laboratoire8,9, sa découverte présente à la fois un intérêt militaire, économique et agricole. Aussi n'est-il pas surprenant qu'en 1913, à peine cinq ans plus tard, une équipe de recherche de la société BASF dirigée par Carl Bosch mette au point la première application industrielle du procédé Haber : le procédé Haber-Bosch10,11. Ce procédé servira de modèle, à la fois théorique et pratique, à tout un pan de la chimie industrielle moderne, la chimie à haute pression12,13.
La production industrielle d'ammoniac prolonge la Première Guerre mondiale en fournissant à l'Allemagne le précurseur de la poudre à canon et d'explosifs nécessaires à son effort de guerre, alors même qu'elle n'a plus accès aux ressources azotées traditionnelles, principalement exploitées en Amérique du Sud14. Durant l'entre-deux-guerres, la synthèse, à moindre coût15,16, d'ammoniac à partir du réservoir quasiment inépuisable que constitue l'azote atmosphérique17 contribue au développement de l'agriculture intensive et soutient la croissance démographique mondiale. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les efforts d'industrialisation du procédé Haber profitent largement au procédé Bergius, lequel permet à la société IG Farben de réaliser la synthèse de carburant pour le compte de l'Allemagne nazie, réduisant d'autant ses importations pétrolières.
Au début du XXIe siècle, l'efficacité du procédé Haber-Bosch (et ses analogues) s'est améliorée au point qu'il répond à plus de 99 % de la demande mondiale d'ammoniac synthétique, laquelle s'élève alors à plus de 100 millions de tonnes par an. Les engrais azotés synthétiques qui en sont dérivés, tels l'urée et le nitrate d'ammonium, sont l'un des piliers de l'agriculture industrielle et sont devenus essentiels à l'alimentation d'au moins deux milliards de personnes15,18. Les installations industrielles mettant en œuvre ce procédé ont un impact écologique important. De plus les engrais azotés synthétiques sont consommés à grande échelle et la moitié de l'azote ainsi apporté n'est pas assimilé par les plantes. Ils se retrouvent alors dans les cours d'eau ainsi que dans l'atmosphère terrestre sous la forme de composés chimiques instables12,13.
Sommaire |
Eldorados
Empilement de crânes de bisons. Photo prise dans les années 1870 aux États-Unis.
Vue de deux des trois îles Chincha, au Pérou. Image publiée le 21 février 1863 par l’Illustrated London News.
Vue d'une partie du désert d'Atacama. Photographie probablement prise entre 1999 et 2004.
En 1879, la Bolivie, le Chili et le Pérou entrèrent en guerre pour la possession du désert d'Atacama : ce fut la « guerre du nitrate ». Les forces boliviennes furent rapidement vaincues par les Chiliens. En 1881, le Chili avait également vaincu les forces péruviennes et prit le contrôle de l'exploitation des nitrates du désert d'Atacama. La consommation du salpêtre du Chili à des fins agricoles devint de plus en plus élevée. Les Chiliens virent, à leur tour, leur niveau de vie augmenter de façon notable21.
Les développements technologiques en Europe mirent fin à ces eldorados. Au XXIe siècle, les minéraux en provenance de cette région constituent une « portion minime » de l'approvisionnement mondial d'azote22,23.
Un besoin pressant
William Crookes, éminent chimiste et physicien britanniquenote 1, prédisait vers la fin du XIXe siècle que la demande pour les composés azotés dépasserait l'offre dans un avenir rapproché. Photographie prise en 1904.
À la suite des travaux de Claude Louis Berthollet publiés en 1784, les chimistes savent que l'ammoniac est composé d'azote29. Les premières tentatives de synthèse de l'ammoniac furent effectuées en 1795 par Georg Friedrich Hildebrandt. Plusieurs autres seront effectuées au cours du XIXe siècle30.
Dans les années 1870, l'ammoniac était un sous-produit dont l'industrie du gaz ne savait quoi faire. Son importance apparut plus tard, au point que, dans les années 1900, l'industrie modifia ses installations pour le produire à partir du coke. Cependant, cette production ne pouvait suffire à la demande31. Par exemple, en 1910, la production d'azote fixé par les fours à coke atteignit environ 230 000 tonnes, alors que le Chili en exportait environ 370 000 tonnes32.
En 1900, le Chili, grâce à ses dépôts de salpêtres, produisait les deux tiers de tous les engrais consommés sur la planète33. Cependant, ces dépôts viendraient à s'épuiser, leur exploitation était dominée par un oligopole et le coût du salpêtre augmentait sans cesse. Pour assurer la sécurité alimentaire de la population européenne grandissante, il était essentiel de trouver une méthode de production économique et fiable34.
La question de la sécurité alimentaire était particulièrement aiguë pour l'Allemagne35. Son sol était peu fertile et son empire était incapable de lui apporter les richesses dont elle avait besoin. Grande consommatrice des salpêtres du Chili, elle en importa 350 000 tonnes en 1900. Douze ans plus tard, c'était 900 000 tonnes. La même année, les États-Unis en consommèrent moitié moins36 alors que l'Allemagne comptait environ 20 millions d'habitants de plus37,38.
Dans les années 1890 et 1900, la chimie ayant progressé sur plusieurs fronts, des scientifiques tentèrent de fixer l'azote atmosphérique. En 1895 en Allemagne, les chimistes Adolph Frank et Nikodem Caro parvinrent à faire réagir du carbure de calcium avec du diazote pour obtenir du cyanamide calcique, un composé chimique pouvant servir d'engrais. L'exploitation industrielle du procédé Frank-Caro débuta en 1905. En 1918, 35 sites de synthèse fixèrent environ 325 000 tonnes d'azote39. De nos jours, le cyanamide sert surtout comme herbicide40.
Wilhelm Ostwald, considéré comme l'un des meilleurs chimistes allemands au début du XXe siècle, tenta la synthèse de l'ammoniac vers 1900 à partir d'un appareil de son invention. Il intéressa BASF, qui demanda à Carl Bosch, chimiste récemment engagé, de valider l'appareil. Après plusieurs tests, Bosch affirma que l'ammoniac provenait de l'appareil même, et non de l'atmosphère. Ostwald contesta la conclusion de Bosch, mais ce dernier démontra avec certitude son affirmation et Ostwald dut s'incliner41,42.
En 1901, Henry Le Chatelier, se basant sur son principe, parvint à synthétiser de l'ammoniac à partir de l'air. Après avoir obtenu un brevet, il affirma qu'il était possible d'obtenir un meilleur rendement en élevant la pression. Lorsque l'un de ses assistants fut tué suite à l'explosion accidentelle d'un appareil, il mit un terme à ses recherches43.
Aux États-Unis, Bradley et Lovejoy, spécialistes de l'électrochimie, conçurent une méthode basée sur la production d'arcs électriques. La fabrication industrielle d'acide nitrique basée sur leur méthode débuta en 190244. Leur entreprise ferma ses portes en 1904, car la consommation d'électricité rendait les coûts de production trop élevés45.
En 1905, le physicien norvégien Kristian Birkeland, avec le soutien financier de l'ingénieur et industriel Samuel Eyde, mit au point le procédé Birkeland-Eyde qui permet de fixer l'azote atmosphérique sous la forme d'oxydes d'azote46,note 2. Ce procédé doit être exploité aux endroits où le coût de l'électricité est peu élevé : la Norvège comportait plusieurs sites capables de répondre à cette exigence. Norsk Hydro fut fondée le 2 décembre 1905 pour l'exploiter commercialement47. En 1913, l'ensemble de ses installations fixèrent 12 000 tonnes d'azote, soit environ 5 % du volume fixé par les fours à coke industriels en activité à ce moment48.
Plusieurs procédés semblables furent développés à cette époque. Schönherr, à l'emploi de la société BASF, travailla sur un procédé en 190549,42. En 1919, le procédé Badischenote 3 était en usage dans les installations de Norsk Hydro50. La même année, le procédé Pauling était en usage en Allemagne et aux États-Unis50.
Ils furent supplantés par le procédé Haber-Bosch, moins coûteux par tonne d'ammoniac synthétisé.
Une nouvelle approche
En 1905, le chimiste allemand Fritz Haber publia Thermodynamik technischer Gasreaktionen (La Thermodynamique des réactions de gaz techniques), un ouvrage s'intéressant plus à l'application industrielle de la chimie qu'à son étude théorique. Haber y inséra les résultats de ses études de cette équation chimique à l'équilibre :- N2(g) + 3 H2(g) ⇌ 2 NH3(g) + ΔH
Fritz Haber. Photographie prise en 1905.
- fonctionner à haute pression (de l'ordre de 20 MPanote 6) ;
- mettre en œuvre un ou plusieurs catalyseursnote 7 pour accélérer la synthèse de l'ammoniac ;
- fonctionner à une température élevée (entre 500 °C et 600 °C) pour obtenir le meilleur rendement en présence du catalyseur ;
- puisque environ 5 % des molécules de N2(g) et de H2(g) réagissent à chaque passage dans le réacteur chimique :
- séparer l'ammoniac des autres molécules par liquéfaction,
- soutirer en continu l'ammoniac,
- injecter à nouveau dans le réacteur chimique les molécules de N2(g) et de H2(g) qui n'ont pas réagi ;
- recycler la chaleur produite.
En mars 1909, Haber démontra à ses collègues de laboratoire qu'il avait enfin trouvé un procédé capable de fixer le diazote atmosphérique en quantité suffisante pour envisager son industrialisation64.
Article principal : Procédé Haber.
Vue d'une partie de l'appareil de laboratoire utilisé en 1909 par Fritz Haber pour démontrer la viabilité de son procédé. Le gaz de synthèse (H2, N2, traces de O2 et de H2O) entrait dans le cylindre horizontal à la droite, lequel servait à éliminer les traces de O2.
Le premier cylindre vertical à sa gauche servait à éliminer les traces
d'humidité. Le deuxième cylindre plus à gauche était le réacteur
chimique où s'effectuait la réaction catalytique, c'est-à-dire N2(g) + 3 H2(g) ⇌ 2 NH3(g).
Le dernier cylindre à la gauche servait à liquéfier l'ammoniac gazeux,
lequel s'écoulait par le tube en dessous. Les tuyaux et les robinets
servaient à faire circuler les gaz65,note 9. La pompe conçue et fabriquée par Robert Le Rossignol, capable de fournir une pression d'environ 20 MPa, n'apparaît pas. Photographie prise en juillet 2009 au Musée juif de Berlin.
Cependant, Carl Engler, chimiste et professeur universitaire, écrivit au président de BASF, Heinrich von Brunck, pour le convaincre de discuter avec Haber. Von Brunck, en compagnie de Bernthsen et de Carl Bosch, se rendit au laboratoire de Haber pour déterminer si BASF devait s'engager dans l'industrialisation du procédé. Lorsque Bernthsen apprit qu'il fallait des appareils capables de supporter au moins 100 atm (environ 10 MPa), il s'exclama : « Cent atmosphères ! Pas plus tard qu'hier, un autoclave à sept atmosphères nous a explosé dans la figure !trad 1,68 ». Avant de se décider, Von Brunck demanda l'avis de Bosch69.
Ce dernier avait déjà travaillé en métallurgie et son père avait installé un atelier mécanique à la maison, où le jeune Carl avait appris à manier différents outils. Il travaillait depuis plusieurs années sur la fixation de l'azote, sans avoir obtenu de résultats significatifs70. Il savait que les procédés qui avaient recours aux fours à arcs électriques, tel que le procédé Birkeland-Eyde, exigeaient d'énormes quantités d'électricité, les rendant économiquement peu viables en dehors de la Norvège. Pour continuer à croître, BASF devait trouver une méthode de fixation plus économique71. Bosch déclara : « Je crois que cela peut fonctionner. Je sais exactement ce que peut faire l'industrie de l'acier. Nous devrions tenter notre chancetrad 2,72,73. »
En juillet 1909, des employés de BASF vinrent sur place pour vérifier à nouveau le succès de Haber : les appareils de laboratoire fixèrent le diazote de l'air, sous forme d'ammoniac liquide, au rythme d'environ 250 millilitres aux deux heures74,42,note 10. La société BASF décida d'industrialiser le procédé, bien qu'elle soit associée à Norsk Hydro pour exploiter le procédé Schönherr75. Carl Bosch, futur responsable de l'industrialisation du procédé, rapporta que le facteur-clé qui incita BASF à s'engager sur cette voie fut l'amélioration du rendement apportée par l'usage de catalyseur76.
Fritz Haber, un chimiste controversé |
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Autant Fritz Haber fut louangé pour ses travaux sur la fixation de l'azote, autant il fut vilipendé pour ses travaux sur les armes chimiques77.
Les conditions très difficiles dans lesquelles Haber devait
travailler (à cette époque, il n'existait pas d'appareils de laboratoire
conçus pour supporter cette haute pression et cette haute température,
tout comme il n'existait pratiquement pas de résultats publiés sur ces
conditions extrêmes) ne sauraient être trop soulignées78. Il reçut en 1920 le prix Nobel de chimie de l'année 1918note 11 pour le développement d'une méthode de « fixation de l'azote atmosphériquetrad 3,80 ». En revanche, pendant la Première Guerre mondiale, il a activement participé à la mise au point de différentes armes chimiques81. Plus tard, pour cette raison, il fut catalogué comme criminel de guerre82,83. |
Un nouveau champ de connaissance
À cette époque, la chimie à haute pression était un nouveau champ de connaissance, son industrialisation en était donc d'autant plus ardue. Toutefois, BASF avait développé un procédé industriel permettant de synthétiser la teinture d'indigo. L'effort avait pris 15 ans, mais se révéla payant : ce procédé fit de BASF un géant industriel84.
Photographie de Carl Bosch publiée par la Fondation Nobel vers 193167. Photographie prise vers la fin des années 192085.
- obtenir le dihydrogène et le diazote gazeux à un prix plus bas que celui couramment pratiqué à l'époque ;
- fabriquer des catalyseurs efficaces et stables ;
- construire les appareils.
Un mélange gazeux satisfaisant
À l'époque où Bosch entama le développement du procédé industriel, en 1909, il était possible d'obtenir un mélange gazeux, suffisamment pur, de dihydrogène et de diazote dans les bonnes proportions. Cependant, il n'y avait pas de source capable d'alimenter un site industriel à un coût suffisamment bas. Il était essentiel de développer une source économique car, selon Bosch, la majeure partie du coût de production de l'ammoniac, en 1908 ou 20 ans plus tard, dépendait du coût de l'hydrogènenote 12. Lui et ses collaborateurs parvinrent à développer un procédé chimique catalytique capable d'alimenter en hydrogène les installations de BASF86, trouvant ainsi un substitut au procédé chlore-alcali87. Au XXIe siècle, le gros du dihydrogène requis est produit à partir du méthane présent dans le gaz naturel, par catalyse hétérogène : cette extraction exige notablement moins d'énergie que d'autres méthodes88.Un catalyseur stable et peu coûteux
À gauche de la pièce de monnaie de 1 euro, exemple d'une structure servant de catalyseur hétérogène.
Bosch affecta Alwin Mittasch à la recherche d'un catalyseur stable et peu coûteux : lui et ses collègues étudièrent pratiquement tous les éléments chimiques du tableau périodique pour trouver un meilleur catalyseur. En septembre 1909, ils découvrirent un composé à base de fer qui présentait des propriétés intéressantes. Les impuretés dans le composé provoquaient un effet catalytique, mais Mittasch ignorait l'arrangement exact. Après deux années d'efforts, il découvrit un catalyseur, toujours à base de fer, nettement moins coûteux et plus stable que l'osmium90. Quand il cessa de rechercher un catalyseur idéal, en 1920, Mittasch estima qu'il avait testé environ 20 000 composés91,42. Ses efforts ouvrirent une nouvelle ère en chimie : les chimistes reconnurent l'importance des promoteurs, c'est-à-dire des impuretés qui décuplent l'effet catalytique92.
Selon Bosch, tous les catalyseurs à base de fer en usage en 1931 servaient à la synthèse de l'ammoniac. Il mentionna également que le molybdène avait d'excellentes propriétés catalytiques86.
De nouveaux appareils
L'équipe de Bosch devait aussi concevoir des appareils industriels capables de fonctionner dans des conditions nouvelles à l'époque : une pression de l'ordre de 20 MPa et une température de l'ordre de 600 °C. Selon Bosch, il n'y avait aucun équivalent dans l'industrie (le procédé de liquéfaction de Linde, de nature physique, était ce qu'il y avait de plus proche). Pour répondre à leurs besoins, ils durent monter un atelier de fabrication de toutes pièces93. Bosch et ses collaborateurs répliquèrent le prototype de Haber pour mener leurs expériences. Cet appareil ne pouvait fonctionner de façon industrielle : ils conçurent de nouveaux appareils et 24 de ceux-ci furent mis en service jour et nuit pendant des années93.
Dessin d'un canon fabriqué par la société Krupp AG dans les années 1880 tel que publié par Scientific American en 188794.
Pendant leurs expériences, ils découvrirent que les alliages réputés solides perdaient leur élasticité dans ces conditions d'opération. Spontanément, Bosch crut qu'une corrosion chimique, provoquée par l'azote, était responsable de ce phénomène. Pour confirmer ses soupçons, il fit appel à une nouveauté à l'époque en milieu industriel : l'analyse métallographique. Elle révéla que l'hydrogène à haute pression et à haute température était le coupable : il pénétrait les parois du réacteur, en acier, et les fragilisait en formant un nouvel alliage96.
Ils tentèrent de résoudre ce problème en diminuant la température du réacteurnote 13, mais le catalyseur ne fonctionnait qu'à des températures supérieures à 400 °C. Ils tentèrent de recouvrir les parois intérieures d'isolants thermiques, mais l'hydrogène diffuse facilement dans ces matériaux et, à haute pression, il est un excellent conducteur thermique. Ils essayèrent également divers aciers commercialement disponibles à l'époque, sans succès97.
Le programme était menacé, car six mois après l'apparition du problème, il n'y avait toujours aucune solution viable et permanente. C'est finalement Bosch qui en trouva une, originale : celle de séparer deux fonctions offertes par l'enveloppe du réacteur. En effet, l'enveloppe sert (1) à maintenir la pression intérieure, très élevée, et (2) à prévenir la diffusion du mélange gazeux en dehors du réacteur. Un réacteur muni de deux parois, emboîtées à la manière de poupées russes, permet justement de séparer ces deux fonctions. L'hydrogène diffuse à travers la paroi intérieure et voit sa pression diminuer fortement de l'autre côté, où il est nettement moins susceptible de corroder la paroi extérieure. Pour faciliter l'écoulement de l'hydrogène, les parois extérieures furent gravées de petites gouttières sur leurs faces intérieures. En revanche, il était possible que de l'hydrogène s'accumule entre les deux parois. Bosch se demanda comment prévenir les risques d'explosions provoquées par de telles poches. La solution lui apparut lorsqu'il se rendit compte que de petites quantités d'hydrogène pouvaient s'échapper à travers la paroi extérieure, sans diminuer notablement la pression du réacteur chimique. Il fit forer de petits trous dans la paroi extérieure98. Bosch affirma que cette solution était toujours en usage en 193199. Il est aussi possible de réduire la corrosion en faisant circuler de l'azote gazeux entre les deux parois100,42.
Plusieurs membres de l'équipe de Bosch étaient des vétérans de l'époque où BASF avait mis au point différents procédés de synthèse de teinture, dont celui de la teinture d'indigo. Ils savaient que la mise au point d'un procédé industriel pouvait prendre des années. C'est pourquoi ils n'étaient pas particulièrement déçus lorsqu'un problème apparaissait. Cependant, le programme avançait régulièrement, ce qui maintenait le moral des employés101.
À l'époque, il n'existait pas de pompe industrielle capable de fournir une pression de l'ordre de 20 MPa. Le procédé de liquéfaction de Linde, par exemple, utilisait des pompes à air, mais de taille trop modeste. De plus, des fuites d'air étaient tolérées. Dans le procédé Haber-Bosch, les fuites d'hydrogène étaient intolérables à cause des risques d'explosion. De plus, toute fuite augmentait le coût de production de l'ammoniac. Après plusieurs années de travail, des employés sous les ordres de Bosch parvinrent à mettre en service des pompes étanches d'environ 2 240 kilowatts pouvant fonctionner en continu pendant 6 mois avant de subir un entretien, ce qui n'avait pas encore été réalisé102.
Alors que Bosch et son équipe expérimentaient pour créer de nouveaux appareils, certains explosaient sous l'effet de la pression. Ils procédaient alors à une autopsie des débris pour déterminer ce qui avait provoqué la rupture. Cela leur permit de concevoir des appareils plus solides, plus fiables92.
Pour maintenir l'intégrité physique des appareils de production, il fallait que le système de production soit rapidement arrêté en cas de bris : ils mirent au point un ensemble d'instruments destinés à surveiller l'évolution en continu des réactions chimiques, une autre nouveauté à l'époque103.
Selon Bosch, le site de production devait fonctionner en continu de façon souple : tout arrêt à n'importe quel point du site provoquait son arrêt complet et cela prenait plusieurs heures avant qu'il ne puisse redémarrer, ce qui rendait la production moins payante103.
En 2009, le siège de BASF se situe à Ludwigshafen en Allemagne. Oppau est l'un des districts de Ludwigshafen.
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Un réacteur chimique utilisé pour la synthèse de l'ammoniac selon le procédé Haber-Bosch. Il a été construit en 1921 par la société BASF. Photographie prise le 30 août 2009 à l'entrée de l'Institut de technologie de Karlsruhe en Allemagne.
Le site d'Oppau n'était pas seulement une source de revenus de plus en plus importante pour BASF, car sa production en croissance régulière était complètement écoulée, il servait également de laboratoire. Le site offrait l'occasion de développer la technologie, en devenir, de la chimie à haute pression. Bosch et ses collaborateurs devaient affronter des problèmes jamais vus auparavant, mais pouvaient explorer différentes approches sans se soucier outre mesure des coûts liés à leur développement106.
L'apport essentiel de Carl Bosch |
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L'apport de Carl Bosch à la première industrialisation du procédé Haber ne saurait être surestimé107. En effet, ce fut son opinion qui décida la direction de BASF de s'engager sur cette voie108. De 1909 à 1913, il supervisa plusieurs équipes de chercheurs de BASF, dont celle d'Alwin Mittasch qui découvrit un catalyseur stable et peu coûteux109. C'est Bosch qui a trouvé une solution à un problème qui durait depuis six mois, menaçant le programme110. Carl Bosch a également supervisé la construction des installations d'Oppau, site industriel d'une grande complexité67.
W. J. Landis, directeur de American Cyanamid Companynote 14, a affirmé en 1915 que « trop d'honneurs ne sauraient être signifiés aux courageux chimistes qui ont réussi à faire du procédé [Haber] une réalité commercialetrad 4, 111,112 ». En plus de recevoir différentes distinctions (notamment cinq doctorats honoris causa), Carl Bosch a conjointement reçu le prix Nobel de chimie de 1931 « pour [ses] contributions à l'invention et au développement de méthodes en chimie à haute pressiontrad 5,67 ». |
Première Guerre mondiale
Au début de la Première Guerre mondiale, en 1914, les dépôts de salpêtre du Chili étaient essentiels aux efforts de guerre allemand et allié. L'Allemagne dépêcha sur place quelques navires menés par le contre-amiral Maximilian von Spee. Le 1er novembre 1914, au large des côtes du Chili, son escadre dut affronter des navires britanniques lors de la bataille de Coronel. Plus moderne, l'escadre de Von Spee coula deux navires britanniques et prit le contrôle de cette région. Toutefois, Von Spee savait qu'il ne pouvait maintenir sa position : il décida de retourner en Allemagne, mais son escadre dut affronter des navires britanniques mieux armés et fut détruite le 8 décembre 1914 lors de la bataille des Falklands. À ce moment, les alliés reprirent le contrôle des dépôts de nitrates du Chili113. L'Allemagne, incapable d'importer les nitrates en provenance du Chili, devait trouver d'autres sources d'azote pour la production d'explosifs114.À partir de 1914, des hommes d'affaires allemands, faisant valoir le succès de différents sites de production de cyanamide115, commencèrent à solliciter le gouvernement allemand pour qu'il finance la construction d'autres sites. Aux yeux de l'Allemagne en guerre, le principal défaut du procédé Haber-Bosch, moins coûteux, était qu'il ne pouvait produire de l'acide nitrique, précurseur d'explosifs. En pratique, il est difficile de convertir directement l'ammoniac en acide nitrique, mais Bosch se rendit compte que l'ammoniac pouvait être converti en salpêtre du Chili qui, à son tour, pouvait l'être en acide nitrique116. La deuxième transformation était industriellement maîtrisée en Allemagne, mais pas la première117,118,diff 2.
En septembre 1914, Bosch fit une promesse hardie. Le site d'Oppau fabriquerait 5 000 tonnes de salpêtre par mois à partir de mars 1915, puis augmenterait sa production jusqu'à 7 500 tonnes par mois. Ce salpêtre serait converti en acide nitrique, précurseur d'explosifs. En contrepartie, le gouvernement allemand devait financer la construction des installations au coût de six millions de marks. Lorsque la « Promesse du salpêtre » fut signée, le lobby du cyanamide devint moins influent116. BASF parvint presque à respecter la promesse faite par Bosch. En effet, le 1er mai 1915, ce dernier annonça aux officiels du ministère de la Guerre que le site d'Oppau pouvait fabriquer de l'acide nitrique119.
L'armée allemande consommait toute la production d'Oppau et, pourtant, elle ne parvenait pas à maintenir son stock d'explosifs. De plus, Oppau dut subir des bombardements aériens, une autre nouveauté à l'époque. Le gouvernement allemand ne pouvait risquer de perdre sa seule source importante d'azote fixé : il demanda à BASF de construire un autre site de production120.
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Dès que l'entente fut conclue, Bosch et ses collaborateurs entamèrent le processus de construction du deuxième site. Ils avaient choisi la ville de Leuna près de Mersebourg, située plus à l'intérieur de l'Allemagne, car Oppau, près de la frontière française, était régulièrement bombardé par les forces alliées123. L'énergie nécessaire au fonctionnement des compresseurs proviendrait de machines à vapeur : le site était près d'une rivière, la Saale, dans une région riche en dépôts de lignites, la vallée de la Saxe122.
Comme à Oppau, il fallait tout construire à neuf : des unités de purification de dihydrogène, des nouveaux réacteurs chimiques, des échangeurs de chaleur, des unités de conversion de l'ammoniac en nitrates, des systèmes ferroviaires pour le transport des différentes substances, des bâtiments et des logements pour les employés. Malgré la taille et la complexité des appareils, les travaux furent terminés en 12 mois sous la supervision de Carl Krauch, chimiste et futur industriel. Bosch, adepte de l'efficacité, fut étonné que le site soit construit si rapidement. Des réacteurs chimiques furent démarrés le 27 avril 1917. Le lendemain, des wagons étaient remplis d'ammoniac124.
Vue sur un site industriel de Leuna, ville située en RDA de 1947 à 1989 et intégrée à la RFA à partir de 1989. Photographie prise en août 1991.
Selon Smil128, les deux ententes passées entre le gouvernement allemand et BASF fut à l'origine de la montée en puissance des complexes militaro-industriels modernes. Pour Hager129, BASF, en signant la Promesse du salpêtre, devint partie du complexe militaro-industriel allemand. Selon Jeffreys119, le « programme de synthèse de nitratestrad 6 » et le développement d'un programme d'armes chimiques ont amené les industries chimiques allemandes et le gouvernement allemand à dépendre les uns des autres.
La Première Guerre mondiale cessa officiellement le 11 novembre 1918. Vaincue, l'Allemagne était néanmoins en bien meilleur état que la France, qui exigeait réparations. Plusieurs responsables allemands en vinrent à la conclusion que tout ce qui avait de la valeur en Allemagne serait probablement pillé, y compris les installations de BASF. De plus, un fait n'avait pas échappé aux dirigeants des pays alliés130 : l'Allemagne avait prolongé la guerre d'au moins une année grâce aux sites d'Oppau et de Leuna14,122,diff 4.
Des secrets industriels convoités
La guerre terminée, les alliés s'emparèrent des secrets industriels de l'industrie chimique allemande : leur industrie avait en effet un important retard technologique sur les sociétés allemandes. Cette mainmise passait par la confiscation des brevets et par la dissection des installations, qui recèlent maints détails techniques indispensables mais qui ne sont pas dans les brevets. Si les appareils servant à la synthèse de l'ammoniac étaient disséqués, le savoir-faire de BASF deviendrait public131, alors que les forces françaises occuperaient Ludwigshafen et Oppau à partir du 6 décembre 1918.À cette époque, les experts militaires de tous les pays savaient que le procédé Haber-Bosch avait permis à l'Allemagne de prolonger son effort de guerrediff 4. Pendant la Première Guerre mondiale, le Congrès des États-Unis avait voté un budget de plusieurs millions de dollars américains pour construire un site de synthèse d'ammoniac sur le territoire américain, mais le projet avait échoué. Les Britanniques avaient également tenté de faire de même, sans succès. La maîtrise du procédé passait nécessairement par le démontage et l'étude des installations d'Oppau130.
Logo de BASF tel que publié en 2006. L'expression « The Chemical Company »
peut se traduire littéralement par « La compagnie de chimie » ou « La
société chimique ». Une traduction selon le sens pourrait être « La
spécialiste en chimie ».
Les Britanniques dépêchèrent également des équipes d'« inspection » sur le site d'Oppau. Pour eux, c'était une usine à munitions. Bosch affirmait que le site avait une vocation civile puisqu'il produisait des engrais. Les Français et les Britanniques souhaitaient démonter les installations puisque le site avait servi à l'effort de guerre, mais Bosch s'y opposait en affirmant le droit à la propriété en temps de paix133.
Pour affirmer leur supériorité, les Français installèrent une force d'occupation à Oppau. Ils exigèrent des comptes sur les stocks de marchandises. Les employés du site furent photographiés comme s'ils étaient des prisonniers de guerre. Parmi les militaires présents sur place, des chimistes et des ingénieurs étaient rémunérés par des sociétés françaises : ils mesurèrent les différents appareils à Oppau et à Ludwigshafen, et notèrent leurs observations133.
Lorsque des « inspecteurs » français approchaient, les employés cessaient toute activité et arrêtaient les appareils (la fabrication des teintures synthétiques était maintenue). Des échelles furent escamotées et les cadrans de jauges importantes furent obscurcis. Si les Français ne pouvaient voir les appareils en marche, ils ne pourraient déterminer comment ils fonctionnaient134.
Bosch et ses collaborateurs savaient que la technologie était trop complexe à comprendre en quelques mois, encore moins en quelques semaines. Bosch utilisait tous les moyens légaux à sa disposition pour freiner le travail des « inspecteurs » français. Lorsqu'ils se plaignaient de l'attitude des employés de BASF, celle-ci répliquait que les soldats français abusaient des filles du village, fumaient dans les installations, créant un risque d'explosion, ou jouaient au football sur les terrains des fermes expérimentalesnote 15. Bosch menait une partie difficile : d'un côté, il voulait limiter les chances que les Français maîtrisent la technologie de synthèse de l'ammoniac, mais d'un autre côté, les installations de BASF ne rapportaient rien et la société perdait des millions de marks à maintenir en poste des employés désœuvrés. Bosch voulait aussi limiter l'influence des chantres du bolchevisme auprès des employés. Il lança un grand chantier de rénovations, de réparations et de constructions. Quand les Français partiraient, dans un an au mieux, dans une décennie au pire, les installations d'Oppau seraient prêtes à fonctionner à pleine capacité134.
Au printemps 1919, décidée à maîtriser le procédé, la société britannique Brunner Mond dépêcha à Oppau des « inspecteurs ». Comme pour les Français, les employés de BASF s'opposèrent aux demandes des Britanniques : il n'était pas question de démarrer le site de synthèse d'ammoniac, ni de démonter des appareils. Quand les Britanniques demandèrent la coopération des forces françaises, la société BASF menaça de complètement arrêter le site, mettant à la porte des milliers d'employés. Les Français auraient à s'occuper des conséquences130.
Le traité de Versailles fut vécu ou présenté comme un diktat par certains Allemands, le plus connu étant Adolf Hitler135.
Article détaillé : Kriegsschuldfrage.
Affiche publiée vers 1920 pour le dénoncer auprès de la population
allemande (sur l'image originale, les yeux et l'aigle sont en jaune
lumineux, tandis que le mur et les barreaux ont une teinte rouge et le
fond est noir).Les Français voulaient également détruire l'industrie allemande de l'armement, y compris les sites d'Oppau et de Leuna. Bosch plaida que les alliés avaient besoin d'une industrie allemande en forme. En effet, si la population allemande était privée de travail, de nourriture et d'autres biens, elle sèmerait le désordre. Par ailleurs, une population allemande occupée serait moins attirée par le bolchevisme. Finalement, si ces usines étaient fermées, comment l'Allemagne pourrait-elle payer les montants dus ? Tous ces arguments furent poliment ignorés136.
Une nuit, Bosch se faufila discrètement hors de l'hôtel, passant à travers des barbelés. Il se rendit à un rendez-vous secret avec un haut responsable de l'industrie chimique françaisenote 17. Le gouvernement français exigeait une licence commerciale exclusive sur le procédé Haber-Bosch pour tout le territoire français. Il exigeait un site capable de synthétiser 100 tonnes d'ammoniac par jourdiff 5. Toutes les améliorations apportées au procédé par la société BASF seraient mises à la disposition des sites français pendant les quinze prochaines années. En échange, Bosch demanda que les installations d'Oppau et de Leuna soient épargnées. De plus, BASF recevrait 5 millions de francs et une redevance sur chaque tonne d'ammoniac produite. Les contrats furent signés le jour anniversaire de l'Armistice. Quelques semaines plus tard, les forces françaises se retirèrent d'Oppau. Bosch avait sauvé les sites d'Oppau et de Leuna139,diff 6.
En reconnaissance de ses efforts à Versailles, Bosch fut nommé directeur de BASF. Il aspirait à ce poste, car il ne vivait que pour BASF, mais répugnait à l'occuper, car il détestait les rencontres, lesquelles seraient nombreuses140.
Les teintures synthétiques, qui avaient fait la fortune des sociétés chimiques allemandes, étaient maintenant fabriquées en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Pour survivre et croître, BASF devait développer de nouveaux marchés. Bosch fit augmenter la production d'ammoniac et se mit à la recherche d'un produit plus important141.
En 1919, BASF, Bayerische Stickstoffwerke AG et d'autres sociétés allemandes formèrent un « syndicat de l'azotetrad 8 ». Contrôlant 98 % du marché allemand, il établissait le prix de vente de l'azote, tout comme les quotas à l'exportation. Dans ses premières années d'existence, le syndicat fut soutenu par le gouvernement allemand au nom de l'« intérêt national ». À l'exception de BASF, tous ses membres pouvaient produire autant qu'ils le désiraientnote 18. Malgré sa composition hétéroclite, il put durer jusqu'en 1945142.
En 1920, Bosch et Wilhelm Meiser mirent au point le procédé Bosch-Meiser qui permet de synthétiser l'urée à partir de l'ammoniac143,note 19. Comparée à d'autres engrais azotés, l'urée (1) présente une concentration plus élevée d'azote145, (2) vient sous forme cristallisée (par exemple, des granules), la rendant plus facile à transporter145, (3) est soluble dans l'eau146, (4) lorsque épandue, se décompose en ammoniac et en dioxyde de carbone146, (5) est sans odeur146,note 20, (6) ne s'enflamme pas146, (7) est non détonante148,note 21 et (8) s'évapore de façon « négligeable » à une température de 20 °C148. Étant sous forme solide, elle ne réclame pas d'installation pressurisée pour son transport et pour sa conservation. En revanche, sa fabrication à partir de l'ammoniac demande un surplus d'énergie (environ 35 % de celle de l'ammoniac)150. À cause de ces avantages, l'urée est l'engrais azoté le plus utilisé de par le monde au début du XXIe siècle146. Depuis 1997, la plupart des sites de synthèse d'ammoniac viennent avec une unité intégrée de fabrication d'urée151.
Au printemps de 1921, des employés de BASF, influencés entre autres par le discours communiste, prirent le contrôle du site de Leuna. La société fit intervenir la police pour mettre un terme à leurs agissements : plusieurs grévistes furent tués. Les policiers firent des perquisitions dans les logements et arrêtèrent des centaines de travailleurs. Tous les employés, sans exception, furent renvoyés. BASF embaucha à nouveau les anciens employés en excluant ceux à risque. En ces moments de grands troubles économiques, les gens cherchaient désespérément du travail. La production du site revint à sa pleine capacité152.
Peu après, BASF mura le site et fit appel à une force de sécurité : chacun des 30 000 employés qui entrait ou sortait du site devait présenter une carte d'identité. À tous les jours, des employés choisis au hasard étaient fouillés. Pour en savoir plus, un journaliste allemand décida de se rendre à l'intérieur du site en se déguisant en employé. Selon lui, Leuna était un enfer. C'était un labyrinthe de métal lui rappelant un « énorme ver de fertrad 9 ». Les employés étaient payés à la tâche, plusieurs prenant des congés de maladie de temps à autre pour se reposer. Carl Bosch voyait Leuna différemment : c'était un summum de perfection technique. Les employés travaillaient dur, mais ils démontraient de quoi étaient capables les humains153.
Vue du site d'Oppau, en 1921, après l'explosion d'un silo contenant du sulfate d'ammonium nitraté. Photographie du magazine Popular Mechanics, édition de 1921.
Article principal : Explosion d'Oppau.
Carl Bosch, abattu, se retira dans sa villa d'Heidelberg pendant plusieurs mois, laissant ses lieutenants s'occuper des affaires courantes de BASF. Au coût d'environ 500 millions de Papiermarks, le site d'Oppau fut remis en fonction en trois mois sous la supervision de Carl Krauch156.
En 1924, les deux tiers des revenus de BASF provenaient de la production d'ammoniac aux sites d'Oppau et de Leuna. La société investissait en recherche et développement pour améliorer la production, rendant les sites plus productifs, plus stables et plus profitables157. Ces améliorations permirent à BASF de concurrencer les sites de synthèse français, mais d'autres compétiteurs commençaient à se pointer158.
La société britannique Brunner Mond, qui avait tenté de négocier une licence pour le procédé Haber-Bosch, préféra acquérir illégalement la technologie. Deux ingénieurs alsaciens livrèrent les plans des deux sites pour la somme de 12 500 000 francs. À Noël 1923, Brunner Mond exploitait deux sites de synthèse d'ammoniac, et n'avait rien versé à BASF. La société américaine DuPont décida de débaucher des techniciens seniors de BASF. Quelques mois plus tard, elle aussi synthétisait de l'ammoniac sans avoir versé un seul sou à BASF158.
De façon générale entre 1913 et 1943, la quantité d'azote fixé a
régulièrement augmenté en Allemagne. À deux occasions, elle a
notablement chuté : pendant les années postérieures au krach de 1929 et pendant la Seconde Guerre mondiale alors que l'Allemagne nazie subissait différents bombardements. Graphique créé à partir des données de Smil, 2001159.
En 1939, sur les 110 sites de synthèse en fonction, environ 90 % utilisaient ces procédés concurrents, mais la moitié de la production d'ammoniac synthétique provenait du procédé Haber-Bosch. Après la Seconde Guerre mondiale, le procédé Haber-Bosch et ses analogues prirent de plus en plus d'importance au point d'éclipser les autres procédés168.
Naissance d'un géant
En 1924, des employés de BASF mirent au point le procédé Mittasch-Pier-Winkler qui permet de synthétiser le méthanol à partir d'un gaz de synthèse170,171,172. Le site de Leuna fut modifié pour en produire, BASF ajoutant ainsi une source de revenus supplémentaires. Comme pour le procédé Haber-Bosch, il exige une haute pression173. Dans les années 1920, sur l'initiative de Bosch, des chercheurs de BASF parvinrent à développer un procédé industriel qui permet de convertir le méthane (CH4) en dihydrogène (H2) : c'est le vaporeformage, lequel permit d'abaisser notablement le coût de production de l'ammoniac. Il est toujours utilisé au XXIe siècle174.
Portrait d'une réunion fictive du « Conseil des Dieuxtrad 10 », c'est-à-dire des dirigeants d'IG Farben. Carl Bosch se trouve à l'avant à la gauche et Carl Duisberg lui fait face à la droite. Peinture d'Hermann Groeber, vers 1935.
Article principal : IG Farben.
En 1926, IG Farben avait une capitalisation boursière de 1,4 milliard de Reichsmarks et employait environ 100 000 personnes178. 65 % de ses « énormes profits » provenaient de la synthèse de l'ammoniac, mais les coûts de recherche et développement de BASF furent « énormes ». Heinz Beike, en 1960, estima que le développement des sites de synthèse avaient coûté environ 820 millions de Papiermarks de janvier 1919note 24, la moitié empruntée au gouvernement allemand180.Carl Bosch, nommé directeur d'IG Farben à sa fondation, put entreprendre un projet aussi important, sinon plus, que l'industrialisation du procédé Haber : la synthèse de l'essence. Il avait en effet accès à d'énormes capitaux de recherche, pouvait profiter de toutes les technologies mises au point par les différentes sociétés chimiques d'IG Farben, dont la maîtrise industrielle des procédés Haber-Bosch et Mittasch-Pier-Winkler181, et avait accès à des laboratoires de recherche imposants. Après avoir acquis les brevets de Friedrich Bergius sur l'hydrogénation, IG Farben mit en branle un vaste programme de recherche sur ce procédé182.
Façade du bâtiment de l'IG Farben construit de 1928 à 1930 à Francfort-sur-le-Main. Photographie prise le 4 août 2009.
La crise économique de 1929 vint bouleverser l'ensemble des activités d'IG Farben. La demande pour tous ses produits diminua. Celle pour l'ammoniac synthétique diminua d'un tiers en 1930. Trois ans plus tard, en 1933, les revenus d'IG Farben étaient divisés par deux184.
Heinrich Brüning fut chancelier de l'Allemagne de mars 1930 à avril 1932. Lui et Carl Bosch s'entendaient bien, ce qui permit à ce dernier d'obtenir des avantages pour IG Farben. Photographie prise en année inconnue.
Malgré la compétition à l'étranger, IG Farben écoulait toute sa production d'ammoniac synthétique. De plus, elle installa quelques sites de synthèse aux États-Unis, en France et en Norvège. Son expertise en chimie à haute pression lui permit d'envisager la production de différents produits, tels le caoutchouc synthétique (Buna) et des plastiques186. Jusqu'en 1930, IG Farben était le plus grand producteur mondial d'ammoniac synthétique. En 1927, elle en fabriqua environ 500 000 tonnes. De 1929 à 1932, ce fut environ un million de tonnes par année187.
Paul von Hindenburg, président du Reich de la République de Weimar, obtint la démission de Heinrich Brüning en mai 1932. Après plusieurs bouleversements politiques, Adolf Hitler devint chancelier le 30 janvier 1933188. Selon Bosch, l'Allemagne avait besoin de tous ses scientifiques, même juifs. Lors d'une rencontre en tête-à-tête, Hitler rejeta avec violence le point de vue de Bosch et ce dernier ne fut plus le bienvenu dans l'entourage du Führer, ni parmi les dignitaires allemands189.
Le directoire d'IG Farben, désireux d'augmenter les ventes de la société, entreprit d'améliorer ses relations avec le régime nazi. En 1935, Bosch fut relégué à un poste honorifique190. Ensuite, IG Farben se mit entièrement au service du régime, lui fournissant essence, caoutchouc et nitrate, tous synthétiques191,192,193. Comme BASF lors de la Première Guerre mondiale, IG Farben devint partie du complexe militaro-industriel allemand194,195.
En 1936, Hermann Göring fit publiquement part du Plan de quatre ans : le Troisième Reich devait mettre en place une industrie capable de soutenir l'effort de guerre à venir. Et, selon les lignes du plan, les sociétés chimiques étaient celles qui avaient le plus besoin des fonds du gouvernement allemand. En effet, elles seules pouvaient produire les substituts synthétiques aux matériaux importés, tels qu'essence, caoutchouc et produits azotés précurseurs d'explosifs. Pendant les six premiers mois du programme, IG Farben reçut environ 70 % du milliard de Reichsmarks dépensés196. Durant la période 1936-1939, 40 % de l'augmentation des ventes d'IG Farben provenait directement des subventions versées par le gouvernement allemand dans le cadre du plan197.
Entre 1936 et 1939, des chercheurs d'IG Farben développèrent une nouvelle méthode d'oxydation partielle. Elle permet de transformer n'importe quel hydrocarbure (ou presque) en source d'hydrogène suffisamment pur pour les besoins du procédé Haber-Bosch. Leur ratio H:C étant plus faible que celui du gaz naturel, le traitement de ces hydrocarbures réclame des installations plus importantes. Dans la pratique industrielle, les fiouls lourds sont préférés à cause de leur coût plus bas198.
Seconde Guerre mondiale
Les États-Unis entrèrent officiellement en guerre après l'attaque de Pearl Harbor du 7 décembre 1941199. Cependant, le gouvernement fédéral américain, conscient des besoins militaires à venir alors que la guerre faisait rage en Europe, avait déjà mis en branle un important programme de construction de sites de synthèse. Le premier fut complété en 1941. Dix autres furent construits, ajoutant 880 kilotonnes d'ammoniac à la production annuelle des États-Unis200.En 1944, la taille du site de Leuna était d'environ 7,77 km2 et le site employait environ 35 000 personnes, dont le quart était des prisonniers ou des esclaves202,201. À ce moment, c'était probablement l'endroit le plus important d'Europe du point de vue stratégique. Fortement protégé, il était entouré de murs anti-souffle et de batteries de canons antiaériens. Ailleurs en Allemagne, les batteries antiaériennes étaient constituées de 6 à 12 canons. À Leuna, chaque batterie était constituée de 32 canons dirigés par un radar, une Grossbatterie. Des leurres de fumée masquaient partiellement le site et il était entouré d'avions de combat prêts à s'envoler pour le défendre. Les cadres d'IG Farben formèrent 5 000 personnes comme pompiers volontaires et 20 000 autres furent entraînées à manœuvrer les canons antiaériens201.
Le site fut bombardé pour la première fois le 12 mai 1944203 : c'était le début de la bataille de Leuna qui dura presque un an204 et qui s'inscrivait dans le cadre d'une campagne militaire destinée à réduire les réserves de produits pétroliers allemands205,206. Après l'attaque du 12 mai, le site fut remis en fonction en trois jours et des mesures furent prises pour renforcer sa protection. Plus tard au mois de mai, des généraux allemands affectèrent 350 000 travailleurs, dont 7 000 ingénieurs de l'armée, à la maintenance et à la réparation du site. Les bris causés par les bombardiers étaient rapidement réparés. Les forces américaines maintinrent leurs attaques aériennes malgré les pertes encourues. En effet, beaucoup de bombardiers furent détruits ou endommagés pendant ces attaques208. Cependant, en octobre 1944, ils rencontrèrent peu de résistance pendant trois semaines de suite. Quelques jours plus tard, les avions allemands détruisirent plusieurs bombardiers américains lors d'une « attaque massive ». Mais c'était insuffisant pour arrêter les attaques : vers la fin de la guerre, le site de Leuna ne produisait plus qu'à 15 % de sa capacité nominale209. Pendant la bataille de Leuna, les forces américaines avaient lancé 22 « attaques aériennes massives », envoyés plus de 6 000 bombardiers, lesquels avaient largué 18 000 tonnes de bombes. Après la guerre, l'Allemand Albert Speer, Ministre des Armements de la production de guerre, déclara que si les forces alliées avaient détruit tous les sites de production d'essence synthétique, la guerre se serait terminée en huit semaines210.
La diffusion des différentes technologies de synthèse de l'ammoniac fut freinée par la guerre, mais la capacité des sites déjà construits fut augmentée211,212.
Pour leur participation active à la Shoah, plusieurs hauts dirigeants d'IG Farben furent jugés en 1947 lors du procès IG Farben. La société fut démantelée à partir d'août 1950 et BASF redevint une société à part entière. Au début du XXIe siècle, BASF était la plus grande société chimique au monde par le chiffre d'affaires217.
Productions décuplées
Une période difficile
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les infrastructures de l'Europe et du Japon étaient en ruines. En Asie, plusieurs pays avaient subi d'importantes destructions. Les États-Unis, épargnés par les destructions, étaient économiquement mieux218.Le président des États-Unis Harry S. Truman, craintif des menées soviétiques un peu partout sur la planète, officialisa le 12 mars 1947 ce qui sera appelé la doctrine Truman219. Ce fut l'un des facteurs qui menèrent à la guerre froide220.
Le 3 avril 1948, environ trois ans après la fin de la guerre, le plan Marshall fut officiellement lancé pour aider à la reconstruction en Europe. Il a facilité le miracle économique français et le miracle économique allemand. À cette époque, la population américaine, se souvenant de l'attaque contre Pearl Harbor, éprouvait peu de sympathie pour le Japon, qui ne pouvait donc espérer d'aide économique des États-Unis. Cependant, pendant la guerre de Corée, les industries japonaises devinrent un important fournisseur militaire, ce qui permit au pays de se relever économiquement221. C'était le début du miracle économique japonais.
Une technologie qui se mondialise
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, la production mondiale d'ammoniac synthétique était au niveau atteint à la fin des années 1920222. C'est à partir des années 1950 qu'elle recommença à augmenter de façon notable. Plusieurs raisons majeures expliquent ce changement : (1) fin du rationnement alimentaire en Europe, (2) augmentation moyenne du pouvoir d'achat en Occident, (3) augmentation de la consommation de produits carnés en Occident et (4) diffusion aux États-Unis d'une variété de maïs hybride forte consommatrice d'engrais azotésnote 27,222.C'est également à partir des années 1950 que la construction de sites de synthèse d'ammoniac devint l'affaire de quelques sociétés de génie qui détenaient à la fois l'expertise et les brevets. Elles offraient leurs services de conception, de construction et de démarrage des sites partout sur la planète. Les tendances qui se dessinèrent sur le territoire américain devinrent par la suite caractéristiques des nouveaux sites : (1) le gaz naturel est leur source primaire d'hydrogène, (2) ils sont construits à la fois près d'un puits ou d'un pipeline de gaz naturel et d'un cours d'eau navigable et (3), en plus de l'ammoniac, ils fabriquent différents engrais liquides et solides222.
Dans les années 1960, les procédés de synthèse de l'ammoniac, et des produits dérivés, commencèrent à « migrer » en dehors des pays dits développésnote 28. Ceux-ci furent implantés dans les régions riches en gaz naturel, les Caraïbes et le Moyen-Orient, tout comme dans des pays populeux dits sous-développés, la Chine, l'Inde, le Pakistan et l'Indonésie223.
Mao Zedong lança son Grand Bond en avant en 1958. À cette époque, la population chinoise augmentait à un rythme élevé. Ce programme politique obligea les Chinois à former des communes agricoles, punissant ceux qui voulaient entretenir un jardin familial. Il provoqua la famine en Chine, tuant au moins 15 millions de Chinois de 1958 à 1962224. Les autorités chinoises permirent à nouveau la culture selon des méthodes traditionnelles225.
Article principal : Grand Bond en avant.
En 1963, les autorités chinoises lancèrent un important programme de
construction de sites de synthèse d'ammoniac. L'hydrogène provenait de
l'oxydation partielle du charbonnote 29. Leur rendement énergétique était de 120 GJ par tonne d'ammoniac226,
alors que dans les années 1950, les sites au charbon les plus efficaces
consommaient 85 GJ par tonne et, dans les années 1960, les sites au gaz
naturel consommaient environ 45 GJ par tonne227. Malgré ce faible rendement, les sites chinois au charbon furent maintenus en service (en 1997 par exemple, ils synthétisèrent 18,75 Mt d'ammoniac)226.Malgré ces améliorations, chaque Chinois était rationné au début des années 1970. Trente-cinq ans plus tard, soit en 2008, la Chine s'est attaquée à un fléau moderne : l'obésité225.
Après la visite de Richard Nixon du 21 au 28 février 1972228, les relations se détendirent avec l'Occident. Les autorités chinoises passèrent commande de 13 complexes de synthèse d'ammoniacnote 30. Elles voulaient la technologie la plus efficace et les plus grands complexes disponibles. En quelques années, la quantité d'engrais azotés doubla en Chine. Les autorités chinoises commandèrent d'autres complexes230. En 2008, la Chine était à la fois le plus grand producteur et le plus grand consommateur d'ammoniac synthétique. La population y était plus nombreuse qu'au temps de Mao et, pourtant, les Chinois avaient accès à plus de nourriture que la génération précédente230.
Au début des années 1960, l'Inde était « au bord de la catastrophe » : la population ne cessait de croître et les paysans, qui cultivaient comme au Moyen Âge, étaient incapables de répondre à la demande. Une famine récurrente s'installa dans le pays. Le Premier ministre de l'époque, Jawaharlal Nehru, lança alors un vaste programme de modernisation agraire. Monkombu Swaminathan, généticien et agronome, fut chargé de coordonner le projet. Sur les conseils de l'agronome américain Norman Borlaug, « père » de la révolution verte231, le pays importa massivement des engrais et des semences à haut rendement, et les agriculteurs indiens appliquèrent les techniques de culture intensive utilisées en Europe et en Amérique du Nord. En quelques mois, la production de céréales doubla : c'était le début de la « révolution verte indienne ». Contre toute attente, les Indiens purent recommencer à manger à leur faim dès 1968. Quarante ans plus tard, soit en 2004, l'Inde était le premier producteur mondial de lait et de thé et était deuxième pour le riz et le blé. C'était le troisième exportateur de coton232.
Article principal : Révolution verte en Inde.
Dans les années 1960, la production mondiale d'ammoniac synthétique fut multipliée par 2,3, atteignant environ 42 Mt/an. Dans les années 1970, elle augmenta presque d'autant. Cette demande était alimentée par des pays d'Asie et d'Amérique du Sud qui cultivaient massivement de nouveaux cultivars de riz, de blé et de maïs. Elle fut facilitée par la découverte, et l'exploitation, d'importants gisements de gaz naturel en Asie centrale et en Sibérie222.Pendant les années 1980 et 1990, la croissance fut moins importante, mais continua. Signe de cette croissance soutenue, la capacité mondiale de production d'ammoniac en 1990 était de 120 Mt, alors qu'en 1999, elle était de 160 Mt233.
Graphique créé à partir des données de DiFrancesco, Kramer et Apodaca, 2008234.
Des gains d'énergie remarquables
Texaco, en 1954, et Shell, en 1956, commercialisèrent de nouveaux procédés permettant d'extraire l'hydrogène d'hydrocarbures liquides. Cette technologie est intéressante dans les régions où le gaz naturel n'est pas abondant236.
La mise au point des moteurs à réaction, indépendamment par le Britannique Frank Whittle et par l'Allemand Hans von Ohain dans les années 1930 et 1940237,238, amena elle aussi son lot d'innovations, comme la création de la turbine à gaz et du compresseur centrifuge. Les premiers procédés industriels de synthèse d'ammoniac, obtenus sous licence d'IG Farben ou développés après la Première Guerre mondiale, appliquaient les principes exposés par Haber. En conséquence, la technologie des compresseurs alternatifs, initialement créée par des collaborateurs de Carl Bosch, était la seule utilisée dans les sites de synthèse jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La mise au point de compresseurs centrifuges multi-étages permit des gains importants en termes d'énergie consommée. En effet, un seul compresseur de ce type peut remplacer plusieurs compresseurs alternatifs236. Les compresseurs alternatifs sont capables d'atteindre une pression de l'ordre de 100 MPa et ont un taux de rendement élevé (jusqu'à 87 %), mais sont à la fois coûteux à installer et à exploiter. Les compresseurs centrifuges sont capables de traiter de plus grands volumes d'air, mais doivent fonctionner à 70 % ou plus de leur capacité pour alimenter efficacement un site de synthèse239.
Dans le jargon de l'industrie, une unité servant à produire de l'ammoniac est appelée un « train » : il est composé (1) de l'unité de préparation du gaz de synthèse, (2) du réacteur chimique où se déroule la synthèse, (3) de l'unité de stockage et (4) de la « plomberie » servant à faire circuler les divers fluides (gaz et liquides caloporteurs, entre autres). Par exemple, le site de Leuna au moment de sa fermeture en 1990 comportait 18 trains. Il y avait donc 18 compresseurs alternatifs en fonction240.
Au début des années 1960, la capacité maximale d'un train était de 300 tonnes d'ammoniac par jour. Avant l'introduction des compresseurs centrifuges, les sites de synthèse arrêtaient autant de trains que nécessaire pour répondre à une baisse de la demande, car il existait peu de moyens économiques d'entreposer l'ammoniac liquide. La commercialisation de réfrigérateurs industriels pour liquides, ainsi que la mise en place de pipelines et de navires frigorifiés, permirent d'envisager une amélioration du procédé239.
Dans les années 1960, s'appuyant sur différentes innovations, les ingénieurs de la MWK décidèrent de recourir à la vapeur pour transporter l'énergie vers les différents appareils d'un site « d'une conception radicalement nouvelletrad 14 ». Ils mettaient ainsi à profit l'énergie dégagée lors de la synthèse de l'ammoniac. Tous les besoins de compression du site sont fournis par un seul compresseur centrifuge, lequel est entraîné par une turbine à vapeur. Ils minimisèrent également les pertes de chaleur dans différents appareils. Tous ces efforts permirent de créer un site capable de s'auto-suffire en énergie. Également, la surface active des catalyseurs fut améliorée229 et l'introduction du méthanateur amena la création d'un gaz de synthèse plus pur241.
Tous ces changements permirent de concevoir des sites de synthèse exigeant une pression moins élevée. Avant 1963, elle était habituellement de l'ordre de 30 à 35 MPa. Par la suite, elle fut diminuée à 15 MPa ou moins. Cette diminution agit défavorablement sur la réaction directe de N2(g) + 3 H2(g) ⇌ 2 NH3(g), mais demande des installations moins coûteuses. En conséquence, le coût de production de l'ammoniac synthétique en est d'autant plus bas242.
La nouvelle technologie mise au point par les ingénieurs de la MWK fut nommée « single-train ammonia plant », que l'on peut traduire par « site de synthèse d'ammoniac à un seul train ». La société installa un premier site à Texas City en décembre 1963. Quelques mois plus tard, elle en installa un deuxième à Luling, Louisiane, puis un troisième à Yazoo City, Mississippi. Ce fut le premier site capable de produire 1 000 tonnes courtes (environ 900 tonnes) d'ammoniac par jour. À la fin des années 1960, MWK avait installé 28 sites de ce type aux États-Unis, lesquels contribuaient pour moitié à la production américaine. Ce fut cette technologie qui fut implantée dans les 13 complexes commandés par la Chine en 1973242.
D'autres firmes d'ingénieurs firent aussi d'importants efforts de recherche et développement dans ce domaine, dont la Britannique Imperial Chemical Industries, la Danoise Haldor Topsoe, l'Allemande Kruppe Uhde, la Japonaise Chiyoda Corporation et l'Indienne Kinetics Technology India. Pourtant, KBR, fusion de quelques sociétés américaines dont MWK, demeure au début du XXIe siècle la firme la plus importante dans ce domaine. En 1999, plus de 150 sites « MWK » étaient exploités dans 30 pays et contribuèrent pour plus de la moitié à l'augmentation de la capacité mondiale depuis le milieu des années 1960243. Par exemple, Esso Chemie, filiale d'Exxon, exploita de 1969 à 1973 (et probablement pendant les années subséquentes) un site de synthèse à Europoort aux Pays-Bas. Sur une seule chaîne de production, le site pouvait produire jusqu'à 1 350 tonnes par jour d'ammoniac liquide. L'hydrogène provenait des champs pétrolifères de la mer du Nord. Le site, hautement automatisé, pouvait fournir de l'acide nitrique, de l'urée et du nitrate d'ammonium244.
L'adoption de la technologie MWK permit d'augmenter de façon notable la capacité des sites de synthèse. Par exemple, la taille modale des nouveaux sites mis en fonction passa de 200-400 tonnes d'azote par jour au début des années 1960 à 800-1 000 tonnes par jour au début des années 1970 et à 1 200-1 400 tonnes par jour dans les années 1980. En 2001, il existait plusieurs sites capables de fixer plus d'un million de tonnes d'azote par année245 :
- un complexe à Togliatti, Russie, pouvait fixer 2,46 Mt ;
- un autre à Veracruz, Mexique, 1,7 Mt ;
- un troisième à Donaldsonville, Louisiane, 1,55 Mt ;
- un autre à Point Lisas, Trinité-et-Tobago, 1,4 Mt.
Toutes les innovations apportées au procédé Haber-Bosch original ont permis de réduire l'énergie nécessaire à la synthèse de l'ammoniac. En 2000, elle était au mieux de 26 GJ par tonne, alors qu'elle est théoriquement de 20,9 GJ. En 1962, elle était au mieux de 45 GJ par tonne et, pendant les premières années du site d'Oppau, elle était d'environ 100 GJ par tonne250.
Même avec ces importants gains d'énergie, la synthèse des engrais azotés est plus coûteuse en énergie que la production des engrais phosphatés et des engrais potassiques. Par exemple, au milieu des années 1990, la synthèse de tous les engrais azotés a exigé environ 9 fois plus d'énergie que les deux autres ensemble. Malgré cette différence, elle n'est pas à risque, car la planète contient, par exemple, suffisamment de charbon pour répondre à la demande énergétique mondiale pendant plusieurs décennies, sinon plusieurs siècles (le coût de ces engrais serait plus élevé). Également, de meilleures techniques d'épandage et le remplacement des sites plus gourmands en énergie diminueraient ce coût énergétique251.
Coût énergétique du plus efficace procédé de synthèse industrielle de
l'ammoniac en fonction de l'année (de 1920 à 2000). Théoriquement, le
coût le plus bas, pour la réaction chimique N2(g) + 3 H2(g) ⇌ 2 NH3(g), est de 20,9 GJ par tonne d'ammoniac252. Graphique créé à partir des données de Smil, 2001252.
Au XXIe siècle, toujours d'actualité
Pendant la guerre froide, le site de synthèse de Leuna fut remis en fonction par des Allemands de l'Est. Même s'il fut éteint en 1990235, la ville de Leuna reste un important site chimique industriel au XXIe siècle217,253.
Colonnes de distillation double effet utilisées dans l'industrie pétrolière. Ce type d'appareil sert également à la liquéfaction de l'ammoniac. Photographie prise le 16 novembre 2005.
En 1938, il fallait en moyenne 1 600 travailleurs pour fabriquer 1 000 tonnes d'ammoniac par jour. En 2001, il en fallait 55. La quantité d'énergie nécessaire pour produire une tonne d'engrais azoté a été divisée par quatre254.
Pendant les années 1990, la synthèse de l'ammoniac était la deuxième plus importante par la masse, dépassée par celle de l'acide sulfurique. En 1998, 129 Mt de chaque composé furent synthétisés255. La quantité d'ammoniac synthétique a continué d'augmenter depuis. Par exemple, elle fut de 133,5 Mt en 2003 et de 159 Mt en 2007234.
En 2005, conséquence des attentats du 11 septembre 2001, les normes de sécurité touchant le nitrate d'ammonium furent resserrées aux États-Unis, car il peut servir à fabriquer des explosifs (l'ANFO, notamment). Ce changement incita plusieurs sociétés à délaisser cette production149.
Gerhard Ertl reçut le prix Nobel de chimie de 2007 pour ses travaux sur la chimie des surfaces. Grâce à l'utilisation du microscope électronique, il parvint à « expliciter le mécanisme de synthèse de l'ammoniac à la surface d'un catalyseur à base de fer »256.
Cette même année 2007, la production mondiale d'ammoniac synthétique atteignit 131 millions de tonnes (les années précédentes, la production était moins élevée)234. Comparativement à l'atmosphère terrestre, cette masse est négligeablenote 31.
En 2009, selon le PDG de BASF, sans les engrais azotés dérivés de l'ammoniac produit par le procédé Haber-Bosch, la moitié de la population mondiale mourrait de faim. Pourtant, en janvier 2009, la société BASF arrêta certains sites de synthèse d'ammoniac suite à la crise économique mondiale des années 2008 et suivantes257.
Différents moyens de transport de l'ammoniac liquide | ||||
Wagon au Japon. Photographie prise le 18 juin 2007. | Navire servant au transport à basse température de liquides : gaz de pétrole liquéfié, ammoniac ou chlorure de vinyle. Photographie prise le 19 juin 2009. | Pipeline reliant Togliatti, en Russie, à Odessa, en Ukraine. Photographie prise le 31 mai 2006. |
Au début du XXIe siècle, la quantité d'azote fixée de façon synthétique est équivalente à celle fixée par les bactéries nitrifiantes et les éclairs, ce qui a bouleversé le cycle de l'azote. La moitié de l'azote fixé synthétiquement n'est pas absorbé par les plantes, il se retrouve principalement dans l'eau sous forme de nitrates. Par exemple, la concentration de nitrates a quadruplé entre 1900 et 2000 dans le fleuve Mississippi aux États-Unis et a doublé dans le Rhin en Allemagne. Les impacts de cette concentration élevée sont étudiés, mais il y a peu de certitudes260.
Concentration du nitrate à la surface des eaux en mmol N m-3. Image publiée par le World Ocean Atlas de 2005.
Dans les zones océaniques qui reçoivent les eaux provenant de différents fleuves charriant ces nitrates, le niveau d'oxygène est si bas que leur fond est tapissé de bactéries consommatrices d'oxygène, mortes. C'est le cas par exemple de la mer Baltique, de la mer Méditerranée, de la mer Noire et de la grande barrière de corail. Au large de la Louisiane en 2008, une telle zone morte s'étendait sur une superficie équivalente à celle du New Jersey, soit environ 22 000 km2. Le rôle exact des nitrates est inconnu, mais est important262.
Le rôle de l'azote dispersé dans l'air est également peu connu en 2008. Il se répand sous forme de NO, de NO2 et autres NOx, lesquels participent à la pollution atmosphérique. Une partie de ces NOx proviennent de la combustion de combustible fossile, mais entre 15 et 50 % proviendrait des produits dérivés de l'ammoniac synthétique263. En août 2009, une étude publiée par le National Oceanic and Atmospheric Administration affirme que le protoxyde d'azote, qui se dégage entre autres des engrais azotés, est la première source de diminution de la couche d'ozone en 2009264.
Selon un rapport publié par l'ONU en octobre 2009, la population mondiale sera de 9,1 milliards de personnes en 2050265. Pour nourrir la population supplémentaire, il faudra par exemple augmenter la production céréalière mondiale d'environ 1 milliard de tonnes par an (en 2009, elle était d'environ 2,1 milliards de tonnes)266. En septembre 2012, un chercheur américain, s'appuyant sur une recherche publiée en 1972 (The Limits to Growth), avance que la productivité totale des plantes terrestres a atteint un plateau depuis quelques années, peu importe les efforts de l'Homme pour augmenter celle-ci267,268.
À moins d'un changement radical dans les conditions de productionnote 32 ou d'une percée majeure en chimie industriellenote 34,note 35, il est fort probable que le procédé Haber-Bosch (et ses analogues) continuera à jouer un rôle de premier plan dans la sécurité alimentaire de la population humaine269.
Notes et références
Notes
- Par exemple, il reçut la médaille Davy en 188824 et la médaille Copley en 190425.
- Pour ses travaux sur la production d'azote fixé, Kristian Birkeland fut mis en nomination pour un prix Nobel de chimie à trois reprises, mais ne le reçut jamais : voir (en) Anonymes, « Three Remarkable Men » [archive], Yara, [au plus tard en mars 2009]. Consulté le 4 mars 2009.
- Il s'agit probablement du nom officiel du procédé Schönherr.
- En 2000, 0,7 % de la production mondiale n'était pas issue du procédé Haber-Bosch et de ses analogues51.
- Dans les manuels modernes de chimie, les auteurs expliquent les choix de Haber en s'appuyant sur le principe de Le Chatelier. Cependant, au début du XXe siècle, Haber ignorait ce principe (voir par exemple Haber 1920, p. 339).
- Avec l'équipement à sa disposition, Haber pouvait obtenir au maximum 20 MPa42.
- Dans le discours prononcé par Fritz Haber lors de la remise de son prix Nobel de chimie, le texte mentionne « catalysts », même s'il est plus probable que la synthèse s'effectuait à l'aide d'un seul catalyseur à la fois (voir Haber 1920, p. 337 pour plus de détails)
- Dans la littérature sur les procédés chimiques à haute température, le terme « fourneau » (furnace en anglais) peut remplacer le terme « réacteur chimique ».
- Haber et Le Rossignol ont mis au point d'autres appareils. Une photographie apparait dans (en) Pecarry, « Haber » [archive], Electrochemistry Pages, 18 juillet 2004. Consulté le 14 janvier 2012. Une photographie en couleur apparaît dans (es) JMG, « Haber » [archive], Triplenlace, 12 décembre 2011. Consulté le 14 janvier 2012
- Certains auteurs inscrivent la masse d'ammoniac. Il suffit d'effectuer la conversion nécessaire. Par exemple, dans Smil 2001, p. 81, l'auteur mentionne 80 g de NH3 à l'heure, ce qui donne 160 g aux deux heures. À 0 °C et 101,3 kPa, l'ammoniac liquide a une densité de 0,6386 g/cm3.
- Ce retard fut causé par les bouleversements provoqués par la Première Guerre mondiale, ainsi que par un décès dans la famille royale de Suède79.
- En
2001, le coût de production de l'ammoniac était toujours directement
lié au prix du gaz naturel, principale source de dihydrogène du
procédé : voir par exemple
- (en) John E. Sawyer, « Natural gas prices affect nitrogen fertilizer costs », Integrated Crop Management, 29 janvier 2001 [texte intégral [archive] (page consultée le 16 mars 2009)] et
- (en) Tim Treadgold, « Smelling Salts », Forbes, 19 février 2006 [texte intégral [archive] (page consultée le 17 septembre 2009)]
- Les employés de BASF qui travaillaient à développer ces appareils les appelaient « fours » (« oven » en anglais, « Ofen » en allemand) (voir Hager 2008, p. 111).
- À l'époque, American Cyanamid Company synthétisait un produit concurrent de l'ammoniac, le cyanamide calcique.
- En 1915, BASF avait établi une station expérimentale agricole, ainsi qu'un laboratoire pour étudier les processus biologiques, notamment ceux liés à l'azote42.
- Les autorités françaises étaient, peut-être, en partie animées par du revanchisme à l'égard de l'Allemagne de Guillaume II, roi de Prusse. Par exemple, dans les années 1870, la France avait versé cinq milliards de francs-or à la Prusse après avoir perdu la guerre franco-allemande de 1870.
- Il s'agit de Joseph Frossard138.
- La limitation imposée à BASF découlait probablement de l'aide financière consentie par le gouvernement allemand lors de la construction des sites d'Oppau et de Leuna.
- Le procédé fut breveté en 1922 aux États-Unis144.
- À titre de comparaison, l'ammoniac anhydre, celui directement synthétisé par le procédé Haber-Bosch, est un gaz « d'odeur acre » à la température de la pièce147.
- Depuis 2005, cette propriété de non-détonation a rendu l'urée plus attrayante auprès des producteurs d'engrais azotés. En effet, les attentats du 11 septembre 2001 incitèrent le gouvernement fédéral américain à resserrer les normes de manipulation des engrais azotés présentant des propriétés détonantes, dont le nitrate d'ammonium, composé chimique servant notamment à fabriquer de l'ANFO149.
- Son procédé fit l'objet d'un article paru dans Nature en 1921164. En 1924, Georges Claude obtint un brevet américain intitulé Synthesis of Ammonia165. En 1926, il obtint un brevet canadien intitulé Procédé de synthèse directe de l'ammoniaque166.
- Ce désir de fusion trouvait probablement son origine dans l'existence de deux associations réalisées auparavant par des sociétés chimiques allemandes. En octobre 1904, BASF, Bayer et Agfa avait formé la « Triple-Alliancetrad 11 »175. Également, en août 1916, BASF, Bayer, Agfa, Hoechst et d'autres sociétés unirent une partie de leurs activités dans la « Groupement d'intérêt de l'industrie allemande des teinturestrad 12 »119.
- Selon Smil 2001, p. 107, Beike a écrit 100 millions de dollars américains de 1919. Le taux de change retenu est de 1 USD pour 8,2 Papiermarks179.
- Aux États-Unis, l'unité de mesure de l'essence est le gallon.
- Il s'agit probablement du troisième site de synthèse de caoutchouc que construisit IG Farben en 1944 (voir Smil 2001, p. 225), lequel était situé à Monowitz-Buna.
- Cette variété de maïs était le premier cultivar à haut rendement qui dépendait d'une appliction plus intensive d'engrais azotés222.
- Il s'agit de pays situés en Amérique du Nord et en Europe, ainsi que le Japon.
- Ce procédé était connu depuis le début du XXe siècle (voir par exemple (en) INIST, « Syngas production from South African coal sources using Sasol-Lurgi gasifiers » [archive], CAT.INIST, 2009. Consulté le 28 septembre 2009).
- Dans les années 1960, la M. W. Kellogg Company mit au point une technologie plus performante de synthèse. Ce fut cette technologie que retinrent les autorités chinoises229. À quantité égale d'ammoniac synthétisé, ces appareils prennent notablement moins de place que ceux, par exemple, installés à Leuna. Il est donc possible d'installer plusieurs sites au même endroit, d'où le terme « complexe ».
- Dans une molécule d'ammoniac, l'azote représente environ 83 % de la masse totale. Donc, en 2007, la masse d'azote fixé valait 83 % de 131 millions de tonnes, soit 108,7 millions de tonnes, ou encore 108,7 × 109 kg. Par rapport à l'atmosphère, cette masse d'azote fixé représente : (108,7 × 109) ÷ (4 × 1018) ≈ 27 × 10-9, soit 27 ppb.
- Par exemple, il pourrait s'agir d'un resserrement au niveau des normes environnementales.
- MMBTU(LHV)/ST signifie (en) million BTU of low heating value fuel per short ton, que l'on peut traduire par « million de BTU de combustible à pouvoir calorifique inférieur par tonne courte ».
- Selon Considine et Kulik 2002, p. 142-143,
le but ultime de la production d'ammoniac sera la conversion du diazote
atmosphérique et de l'eau selon l'équation chimique :
- 6 H2O + 2 N2 ⇌ 4 NH3 + 3 O2
- N2(g) + 3 H2(g) ⇌ 2 NH3(g)
- Lawrence 2006 spécule que les avancées en biotechnologie pourraient un jour mener à un nouveau procédé de fixation de l'azote.
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- L'atmosphère terrestre pèse
kg et l'azote constitue 78,08 % de celle-ci par la masse6. Cette masse est donc de
kg, soit environ
kg.
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- Smil 2001, p. 79, diagramme 4.7
- BASF avait déposé une demande de brevet en Allemagne en 1908 : voir Brevet DE 235 421 [archive] Verfahren zur synthetischen Darstellung von Ammoniak aus den Elementen, demandé le 13 octobre 1908, délivré le 8 juin 1911
- (en) Fondation Nobel, « Carl Bosch - Biography » [archive], Fondation Nobel, 1931. Consulté le 3 mars 2009
- Hager 2008, p. 93)
- Hager 2008, p. 92-93
- Bosch avait effectué des expériences avec des cyanures métalliques et des nitrures métalliques. En 1907, il avait lancé un site expérimental de production de cyanure de baryum67.
- Hager 2008, p. 93-97
- (Hager 2008, p. 97)
- Hager 2008, p. 97
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- Voir par exemple Arkan Simaan, « Le Paradoxe de la science : Fritz Haber » [archive], Arkan Simaan, mai 2009. Consulté le 22 septembre 2009
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Différences
- Selon Jeffreys 2008, p. 51, c'est plutôt 20 millions de tonnes.
- Selon Hager 2008, p. 138-139, les deux transformations étaient maîtrisées en Allemagne.
- Selon Smil 2001, p. 105, le montant du prêt était de 12 millions de marks, ce qui semble trop peu. En effet, le gouvernement allemand avait prêté six millions de marks à BASF pour qu'elle augmente la capacité de production du site d'Oppau, déjà fonctionnel. Par ailleurs, le futur site devait être rapidement construit, ce qui augmente fortement les coûts de construction. Finalement, dès sa mise en marche, il devait produire deux fois plus que celui d'Oppau.
- Selon Travis 1993, l'apport du procédé Haber-Bosch à l'effort de guerre allemand n'explique pas de façon certaine la prolongation de la guerre.
- Selon Smil 2001, p. 111, c'est plutôt 100 000 tonnes d'ammoniac par année, soit environ 270 tonnes par jour.
- Selon Jeffreys 2008, p. 101-102, Bosch négocia une fois avec Joseph Frossard et une autre fois avec des responsables français.
Annexes
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