
Coupe de la cavité nasale d’un embryon humain long de 28 mm. L’organe de Jacobson est identifié à droite. Source : Henry Gray's Anatomy of the Human Body.
Zoologie / anatomie
L'organe de Jacobson se retrouve chez tous les mammifères.Le flehmen est une attitude caractéristique des mammifères lorsqu'ils se servent de leur organe voméro-nasal.
Une souris femelle impubère réagit (puberté avancée2 avec augmentation de poids de l'uterus) à l'odeur de l'urine de mâle, sauf si l'on détruit le nerf voméronal3 4 5. Il semble important si ce n'est essentiel pour la reproduction de nombreux mammifères, qui est inhibée ou perturbée en cas de destruction de cet organe6 7. Chez certains singes (et chez l'Homme), il semble permettre l'identification de signaux phéromonaux libérés par les glandes exocrines des aisselles8.
Il est aussi présent chez les reptiles (lézards, serpents9, etc.) et amphibiens.
Et chez l'être humain ?
La communication phéromonale a pris des chemins différents selon les espèces au cours de l'évolution 10. Elle est reconnue chez la plupart des mammifères qui possèdent souvent un réseau de neurones dédiés à la perception des phéromones, associé à cet organe vomero-nasal11, propre au décodage de ces hormones volatiles aéroportées12.L’être humain possède un organe voméro-nasal bien visible chez l'embryon et sous forme d'un système apparenté chez le fœtus13, mais qui s'atrophie au cours de l'embryogenèse14 15 et qui ne semble pas jouer un rôle aussi prépondérant que pour d’autres espèces. Selon une revue d'études faite en 2004 par CJ. Wysocki & G. Preti G., « il y a suffisamment de preuves pour soutenir l'idée que l'épithélium olfactif peut répondre à des phéromones humaines »16 à la place ou en complément de l'organe voméronasal atrophié chez l'Humain (les phéromones étant émises par les glandes exocrines des aisselles, certaines glandes exocrines associées aux poils de la région pubienne et peut être aussi par les sécrétions vaginales.
Deux écoles d’anatomistes s’affrontent à propos de l'organe voméro-nasal humain : l'une indique que cet organe est malgré tout fonctionnel et l’autre affirme qu’il ne s’agit que d’un reliquat de l’évolution.
- L'école qui soutient que cet organe est fonctionnel (au moins pour la détection d'hormones stéroïdiennes17) attache une importance déterminante à son existence (comme à l'odorat
et à la vision) pour expliquer l'adaptation aux diverses conditions de
vie, en plus de l'instauration d'équilibres psychologiques eux aussi
cruciaux. Divers auteurs estiment que l'importance des hormones dans
l'odorat humain a été très ou trop sous-estimée18. Des études ont montré que les phéromones,
très important dans le comportement animal (de nombreux mammifères y
compris), ont encore un rôle non-négligeable chez l’homme, pouvant
constituer des signaux non-verbaux capables de susciter des émotions ou des interactions sociales, point de vue notamment développé par Kohl & al.19dans une revue générale de neuroendocrinologie, puis par d'autres auteurs. Parmi environ un millier de gènes du système olfactif humain, 70 % sont qualifiés chez l’homme de pseudogènes20 autrefois supposés non fonctionnels, mais ces gènes se sont montrés21 fonctionnellement liés au complexe majeur d'histocompatibilité22.
Le système olfactif pourrait ainsi être impliqué dans plusieurs
problèmes physiopathologiques en partie au moins neuroendocrinien23 dont l'anorexie mentale (dont une forme peut être induite chez l'animal de laboratoire, associée à une puberté retardée causée par la perception de phéromones24). Une dégradation de l'olfaction est un indicateur précoce de la maladie d'Alzheimer2526. Cet organe pourrait être impliqué dans le choix d'un homme par une femme27 et dans les liens qui unissent une mère et son bébé28.
Des sécrétions axillaires s'avèrent capables d'influencer le cycle menstruel féminin29, et le baisser pourrait peut-être être un moyen pour deux individus d'échanger des hormones en rapprochant leurs organes voméronasals30.
- La seconde école se base sur le fait que, chez l'adulte, il n'existe plus de neurones entre cet organe et le cerveau, tout en reconnaissant que des connexions neuronales sont présentes chez le fœtus et nécessaires à son développement cérébral31.
- Un troisième point de vue, intermédiaire estime que la communication phéromonale existe bien chez l'être humain32, mais comme chez d'autres espèces33, certains circuits neuronaux de l'olfaction pourrait chez l'humain compléter ou compenser l'organe voméro-nasal .
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