Quand des États se comportent comme des terroristes
Par Normand Lester | La chronique de Normand Lester – ven. 13 janv. 2012
Avez-vous remarqué? Dans les quatre cas récents où des scientifiques iraniens ont été assassinés, le mot terrorisme n'est presque jamais utilisé dans les dépêches des agences et les articles des grands médias. Pour CNN, le New York Times, le Guardian, AFP, Reuters, Le Figaro, et je ne mentionne que ceux-là, ce qui s'est passé à Téhéran est un assassinat probablement commis par des agents israéliens pour nuire au programme de recherche nucléaire iranien. Rien d'autre.
Terrorisme: acte de violence perpétré pour forcer un État à adopter une ligne de conduite. « Cessez vos recherches nucléaires! » Le terme est péjoratif. Donc réservé à l'adversaire, à l'ennemi, à la « mauvaise cause ».
Le mot est tabou lorsque le crime est commis par Israël, les États-Unis ou un pays de l'OTAN. La Grande-Bretagne et la France ne peuvent pas commettre d'actes de terrorisme. Pourtant, il arrive que les services secrets de ces pays assassinent des ennemis de l'État, commettent des attentats ou posent des bombes. Ce fut le cas, dans un passé récent, pour l'Angleterre dans sa lutte contre l'IRA et pour la France contre divers adversaires au Liban, en Afrique ou ailleurs. Le Rainbow Warrior, ça vous rappelle quelque chose?
Il n'y a de doute pour personne qu'Israël est à l'origine des attentats actuels contre l'Iran, dans certains cas, avec la complicité des États-Unis. Comme pour le développement du virus informatique Stuxnet qui a détruit une partie des centrifugeuses iraniennes. Il s'agissait là de la première attaque de cyberterrorisme de l'Histoire. Israël et les États-Unis ont ainsi créé un instrument technologique de pointe que des organisations terroristes islamistes vont pouvoir adapter pour s'attaquer aux systèmes industriels des pays technologiquement avancés. Brillante innovation!
Ça fait 60 ans qu'Israël a recours à l'assassinat pour entraver le développement technologique des pays arabo-musulmans afin de conserver sa supériorité militaire au Moyen-Orient.
En 1990, des assassins du Mossad ont tué un scientifique canadien à Bruxelles alors qu'il travaillait à développer pour l'Irak des canons géants capables de mettre des satellites en orbite. J'ai raconté son histoire dans mon livre Gerald Bull. Les canons de l'Apocalypse.
Au début des années 60, le Mossad a assassiné plusieurs personnes dans le cadre de l'opération Damoclès qui visait des scientifiques allemands travaillant pour le programme de recherche égyptien sur les missiles. À la fin des années 1970, le Mossad a lancé une opération semblable contre les projets scientifiques à applications militaires irakiens. Le 14 juin 1980, Yahia el-Meshed, un des responsables du programme nucléaire irakien, a été tué dans une chambre d'hôtel de Paris. el-Meshed a été torturé avant d'avoir le crâne défoncé. La prostituée qui a servi d'appât a elle-même été assassinée par la suite.
Le Mossad a également assassiné à l'étranger, au cours des années, des dizaines de membres d'organisations palestiniennes considérées comme terroristes. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la CIA s'en est inspiré pour procéder à des dizaines d'enlèvements et d'assassinats un peu partout dans le monde. Le président Obama a de plus autorisé l'utilisation des drones avec les importants dommages collatéraux qu'ils occasionnent. On assassine par seulement le suspect, mais tous ceux qui se trouvent à proximité. Régulièrement, il y a aussi erreur sur la personne et un innocent est assassiné.
D'autres pays qui avaient abandonné ces méthodes de gangsters, comme la Russie, y reviennent. Que les grands pays démocratiques d'Occident comme les États-Unis s'y adonnent est particulièrement affligeant.
La situation est telle que les Nations-Unies ont créé le poste de rapporteur de l'ONU pour les exécutions extrajudiciaires.
Dans notre monde la raison d'État a de plus en plus raison de l'État de droit.