Source: Pampapress
On s’aime, mais on ne vit pas ensemble
De plus en plus de couples déclarent préférer vivre séparément. Comment comprendre cette nouvelle vision du couple ?
Par Anne Bouillon
Depuis les années 60, les mutations sociales, notamment la révolution sexuelle et l’accès des femmes au salariat, créent de nouveaux modèles amoureux, en rupture avec les anciens.
On pourrait croire que le double salaire facilite la vie quotidienne des couples. Force est de constater que pour des raisons conjecturelles, tels le coût de la vie et de l’immobilier, ce n’est pas le cas. Financièrement parlant, il reste plus stratégique de se marier et habiter sous le même toit. Pourtant, de nombreux couples y renoncent pour prôner une autre représentation de la vie à deux, fondée sur le désir et la liberté : « l’union extraconjugale ».
L’idée de s’aimer sans vivre ensemble ne satisfait pas seulement les célibataires endurcis. Vivre ensemble correspond aujourd’hui dans l’imaginaire de beaucoup de personnes, hommes comme femmes, à une aliénation : « La promiscuité tue le désir. Un matin, on se réveille à côté de son amoureuse, devenue en fait sa colocataire. Se voir doit être le fruit d’un désir commun, non pas d’une fatalité. L’éloignement crée un manque, qui joue un rôle-moteur dans la relation. Vivre à deux tue l’individu : penser à deux, recevoir à deux, faire tout à deux. C’est la disparition de l’altérité », résume l’écrivain Stéphane Rose (Pourvu qu’elle soit rousse, L’Archipel, 2010, Défense du Poil, Musardine 2010).
« L’union extra-conjugale » préserve les défenses identitaires face à autrui et un idéal de pureté de la relation amoureuse. Elle repose sur l’absence de cohabitation et d’attente sociale et le choix de ne pas avoir d’enfant. Sa finalité est le plaisir en général : la passion et le sentiment en sont les moteurs, et la fidélité optionnelle. (Cf Christine Guionnet et Erik Neveu, Féminins/Masculins, « Sociologie du genre », Armand Colin 2005, p. 95).
Ce nouveau modèle, en rupture avec l’antique mariage, provient directement de la révolution sexuelle des années 60. Il s’agit donc de revendiquer un individualisme romantique, idéalisant tant le désir que la liberté, plutôt que la stratégie financière : son pilier est donc l’« érotisation économique ».
Cependant, ce nouvel archétype repose sur des possibilités financières (les dépenses sont presque doublées) et sur le choix de ne pas fonder de famille. C’est sur ce point qu’on entrevoit une scission hommes/femmes, ce modèle étant difficilement compatible avec le désir d’enfant, plus souvent féminin (à quelques exceptions près).
En théorie, ce choix de vie ancrerait fortement la nouvelle indépendance des femmes ; en pratique, il semble que ce soit surtout les hommes qui revendiquent ce modèle – pour réinvestir une forme de pouvoir que le salariat des femmes leur aurait ôtée ?
Vivre à deux n’est pas toujours le fruit d’une fatalité économique, ni une perte de l’identité personnelle. Aujourd’hui, les modèles classiques et les nouveaux schémas amoureux cohabitent, ce qui donne à chacun la possibilité de s’épanouir comme il le souhaite. Mais cela ne réglera jamais la peine et la souffrance liées aux sentiments !
Anne Bouillon – © Pampa Presse
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