Sans poupée de chiffon ni aiguille, Belle déesse junior pratique le vaudou dans son sous-sol de Pierrefonds et reçoit de nombreux adeptes.
De nombreux Montréalais d’origine haïtienne pratiquent le vaudou. Désensorcellement, purification de l’esprit et vénération des saints sont parties intégrantes de ce «mode de vie» qui combine christianisme et spiritualité africaine.
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24 Heures a rencontré Rolanda Delerme, dit Belle déesse junior, une prêtresse vaudou qui a démêlé pour nous les grandes lignes de ce culte qui est bien éloigné des stéréotypes des «poupées de chiffon et des aiguilles».
Dans un paisible quartier résidentiel de Pierrefonds, au sous-sol d’un modeste cottage, Rolanda Delerme reçoit depuis plusieurs années une vingtaine de personnes par jour pour des consultations individuelles. Reproductions grandeur nature de saints catholiques, poupées, fleurs et cierges sont regroupés sur différents autels disséminés aux quatre coins de la maison. Chaque jour, la jeune femme dans la trentaine désensorcelle et purifie l’âme de plusieurs adeptes québécois et haïtiens du vaudou qui pourtant, en public, n’osent jamais s’afficher comme vaudouisants.
«Il n’existe pas de statistiques officielles, mais on estime qu’environ 75 % des Haïtiens à Montréal pratiquent le vaudou. Pour ma part, je crois que cette estimation est modeste. Presque tous les Haïtiens sont vaudouisants, mais ils se cachent par peur d’être jugés. Pourtant, à Montréal, musulmans, juifs, chrétiens, tous s’affichent ouvertement. J’aimerais qu’il en soit autant pour le vaudou, mais il y a encore une culture du secret», estime-t-elle.
La peur des «poupées de chiffon et des aiguilles»
Ainsi, selon Mme Delerme, même si elle est extrêmement populaire au sein de la communauté haïtienne, la pratique vaudou est condamnée à rester dans l’ombre à cause des «nombreux préjugés» qui existent à son égard.
«Comme je suis prêtresse vaudou, je me fais souvent demander si je tue des gens avec une poupée de chiffon et des aiguilles! (rires) Tout ça, c’est un truc d’attrape touriste, du pur Hollywood. Le vaudou est incompatible avec toute forme de mal. Il sert à enlever les mauvais sorts et à purifier l’esprit par des sacrifices et des offrandes», soutient-elle.
Ainsi, même si elle a parfois recours à des exorcismes, la jeune femme se limite la plupart du temps à aider les vaudouisants en laissant les «esprits parler» par des jeux de cartes et de coquillages. Les sacrifices, eux, sont pratiqués à l’extérieur de Montréal, au grand dam de la prêtresse qui tente actuellement d’obtenir un permis de la Ville afin de pouvoir les pratiquer chez soi.
«Nous avons une entente avec un abattoir situé à l’Épiphanie. Nous pouvons y faire nos prières et repartir ensuite avec la viande de l’animal sacrifié. Je trouve dommage que nous ne puissions pas le faire à Montréal», affirme-t-elle.
Prêtresse à 15 ans
Rolanda Delerme est une sommité dans le domaine du vaudou à Montréal. Digne représentante de la quatrième génération de prêtresse vaudou dans sa famille, elle admet toutefois qu’il s’agit là d’une responsabilité parfois lourde à porter.
«Il est important de savoir que l’on est souvent prêtre ou prêtresse de mère en fille ou de père en fils. Les esprits nous choisissent à la naissance. J’ai commencé à pratiquer à temps plein à l’âge de 15 ans, mais je me doutais que j’étais prêtresse depuis que j’étais toute petite. J’ai attendu, car je voulais vivre une enfance normale. Ma mère, elle, est devenue prêtresse à 7 ans», se remémore-t-elle.
Aujourd’hui, sa petite nièce de 15 ans a été désignée comme son successeur. Rolanda Delerme espère vivement que l’avenir réservera de meilleurs jours à la pratique vaudou.
«Au Québec, on fait comme si le vaudou n’existait pas. Pourtant, le vaudou est extraordinaire en ce sens où il ne fait pas de distinction entre les hommes et les femmes. Il n’y a aucune discrimination non plus envers les homosexuels. C’est ouvert à tous. Je rêve du jour où il existera un temple vaudou à Montréal. Les préjugés tomberont alors et le vaudou pourra enfin sortir de l’ombre».
