Suivez les abeilles…
En 2005, les ruches des campagnes ont subi 33 % de perte de population contre 6 % seulement en ville. Victime des pesticides, de l'assèchement des zones humides et de la modification des écosystèmes, l'abeille disparaît des campagnes. Depuis 1993-1994, les pertes sont estimées de 20% à 45% selon les régions. Or l’abeille constitue dans les écosystèmes une relation quasi unique entre l’animal et le végétal. Pas d’abeilles = pas de pollinisation = disparition de certaines espèces végétales = disparition de certaines espèces animales … Ce qu'Einstein traduisait de manière polémique par : « si l’abeille venait à disparaître, l’homme n’aurait plus que quelques années à vivre ». Plus de 80% des espèces végétales sont pollinisées par les abeilles.
Les abeilles et autres oiseaux sembleraient donc avoir déjà compris une chose importante. Tout du moins une chose que nous autres humains ne devinons pas clairement comme nous en restons le plus souvent à une vision symbolique et confuse de la “nature”: plus ce que nous voyons est vert et plus c'est propre. Or entre des campagnes de plus en plus polluées et des villes dont les ressources financières permettent de réduire les pollutions, tout en favorisant leurs transferts vers les campagnes, une telle vision devient de plus en plus erronée.
Aujourd'hui, pesticides, métaux, hormones diverses et antibiotiques présents dans nos eaux usées viennent s'accumuler dans les nappes phréatiques de sorte que nous créons le parfait bouillons de culture de nos maladies de demain. Or si les divers groupements en charge de la potabilisation des eaux des principales agglomérations ont sans doute les capacités (techniques, humaines et financières) de réduire les risques sanitaires associés, il n'en n'est pas du tout de même au niveau des petits groupements ruraux. A terme, c'est donc à une véritable fracture territoriale qu'il faut s'attendre : une eau de plus en plus “sécurisée” en ville, une eau de plus en plus “fragilisée” dans les campagnes. Pour les villes, après avoir exploité les ressources naturelles de campagnes de plus en plus distantes (tant du point de vue qualitatif que quantitatif), celles-ci pourraient se voir ”noyées” en retour par un exode rural (pollution humaine de type surpopulation) du fait de l'apparition de zones grises un peu partout sur les territoires.
Les voitures circulent certainement dans les villes, mais les NOx émis par les échappements sont transférés dans les campagnes voisines sous l'effet des vents. Aujourd'hui les pollutions à l'ozone, les dépassement de seuils concernent l'ensemble des territoires indépendamment de leurs usages. Par ailleurs, les industries les plus polluantes ont été petit à petit transférées des centres vers les périphéries éloignées des villes. Des agglomérations où les progrès réalisés dans les modes de chauffage urbain ont réduit bon nombre des pollutions (SO2, CO). Au final la tendance actuelle est assez claire, des villes de plus en plus consommatrices (énergie, matière) mais de moins en moins polluées, des campagnes de plus en plus exploitées et de plus en plus polluées.
En 1950, environ 750 millions de personnes vivaient dans les villes. En 2000, ce chiffre s'était élevé à 2,9 milliards. Les Nations unies prévoient qu'en 2050 plus des deux tiers d'entre nous vivront dans des villes, soit environ 6 milliards d'individus. Une telle concentration n'est pas tenable au regard des transferts à mettre en oeuvre pour l'alimenter… sauf à penser que ces villes hors sol constitueront les inévitables super arches de Noé de demain.
Lire aussi: Le cerveau des abeilles, plus fort qu'un ordinateur